✾ Chapitre 2 ✾
Les premiers rayons du soleil commençaient à percer à travers les denses arbres de la forêt, éclairant peu à peu les environs. Changbin grommela en se retournant sous sa fourrure ; le réveil avait toujours été un moment difficile pour lui, surtout lorsque les nuits étaient fraîches. Dans ces cas-là, son sommeil en était bien moins récupérateur, surtout comparé à quand il se payait le luxe de dormir dans une auberge. Rien ne valait le confort d'un bon lit.
Il se redressa en sentant quelque chose bouger contre lui et posa machinalement la main sur son poignard. La jeune femme qu'il avait secourue la veille se trouvait là, à côté de lui, allongée sur la même peau de bête. Changbin l'observa silencieusement. Certes, il savait qu'il avait la faculté d'attirer les femmes plutôt facilement, mais de là à ce que la princesse ne vienne le rejoindre à son insu pendant la nuit... Il devait avouer que ça le surprenait beaucoup, et en même temps, il en était ravi.
Il soupira longuement en regardant la belle dormir paisiblement. Il aurait tellement pu en profiter pour jeter un rapide coup d'oeil sous ses vêtements, mais la jeune femme se mit à remuer un peu et il se déroba.
Vingt jours qu'elle avait été kidnappée, elle avait dû avoir tellement peur ! Être enlevée par quatre ravisseurs pour ensuite chevaucher pendant des jours vers une contrée inconnue alors qu'elle n'avait probablement jamais mis les pieds ne serait-ce qu'en dehors de son château... Et voilà qu'elle se retrouvait à demander l'aide d'un mercenaire, un peu obsédé sur les bords, pour espérer pouvoir un jour rentrer chez elle.
Même si Changbin était bien loin de toutes ces histoires de royaumes, de noms et d'héritiers, il avait souvent entendu parler du sort réservé aux princes et princesses kidnappés par des souverains voisins. Emprisonnement, torture, dispartition mystérieuse… Tout se terminait souvent par la même chose : la mort.
Rares étaient les rois qui laissaient la vie sauve à leurs "prisonniers de guerre". Lorsque c'était le cas, ils forçaient les parents de leurs captifs à céder le trône et à ce qu'ils renoncent à leur nom. Mais ça n'arrivait que rarement. De toute façon, sans nom ou sans descendant, le résultat était le même, le royaume prenait fin. Alors si Félix n'avait pas eu la chance de tomber sur lui, Changbin n'aurait pas donné cher de sa peau. La princesse devait penser la même chose, elle devait se douter qu'elle avait chevauché vingt jours vers une mort certaine.
Félix ouvrit doucement les yeux et se redressa. Elle paniqua soudain en regardant autour d'elle, avant de poser les yeux sur Changbin. Ce dernier pencha la tête et haussa un sourcil interrogateur.
— Je peux savoir ce que tu fais sur ma peau de bête ? fit-il faussement agacé. Je pensais que tu étais censée dormir de l'autre côté du feu.
— Je suis désolée, s'excusa la princesse, j'ai eu froid pendant la nuit... Alors...
— Alors t'as cherché un peu de chaleur humaine ? pouffa le noiraud en se levant.
— Où est-ce que vous allez ? demanda Félix, inquiète de le voir s'éloigner.
— Je vais pisser Princesse, et à moins que vous n'ayez envie d'y assister, je vais aller faire ça plus loin.
Le visage de Félix vira au rouge vif et elle détourna le regard. Changbin s'en amusa beaucoup.
— Il y a de la nourriture dans la sacoche là-bas, dit-il en indiquant son paquetage avant de s'éloigner.
La jeune femme hocha la tête et alla grignoter quelques baies que Changbin avait ramassées la veille. Il revint quelques instants plus tard et l'imita. Félix alla à son tour assouvir ses besoins dans les fourrées, à l'abri des regards intéressés de son sauveur, et, quand elle revint, il était en train de seller son cheval. Le gros hongre noir portait toutes les affaires du jeune homme qu'il avait préalablement rangées de façon méthodique, afin que tout puisse tenir sur sa croupe.
— Tu vas monter derrière moi Princesse, lui dit-il en mettant le pied à l'étrier.
La selle de Kobalt s'apparentait plutôt à un large tapis très épais, sur lequel ils pouvaient largement tenir à deux. L'ensemble du paquetage tenait sur la croupe de l'animal ainsi que sur de larges sacoches de cuir de chaque côté.
Changbin s'installa sur son dos avant de tendre une main à Félix pour l'aider à monter à son tour. Elle prit appui sur l'étrier que le noiraud lui avait laissé libre, puis se hissa derrière le jeune homme. Contrairement à ce qu'elle avait pu penser, le tapis était très confortable et le dos du cheval si large qu'ils tenaient sans problème à deux dessus sans le gêner.
— On va faire un petit détour par la rivière et ensuite on rejoindra le village le plus proche, expliqua Changbin en pressant les mollets.
Kobalt se mit en marche et son cavalier tira sur une rêne pour le diriger vers la rivière qui ne se trouvait qu'à quelques kilomètres de leur campement.
— Est-ce qu'on n'est pas un peu trop lourds à deux sur Kobalt ? s'inquiéta Félix en jetant un œil au gros chargement derrière elle.
Changbin pouffa de rire.
— Attends un peu, tu as vu son gabarit ? C'est pas avec un poids plume comme toi en plus qu'il va sentir la différence, mais si ça t'embête, tu peux nous suivre à pieds... la taquina-t-il en haussant les épaules
Félix secoua la tête et le cavalier se mit à rire. C'était tellement facile de la faire tourner en bourrique.
Ils arrivèrent rapidement au cours d'eau, Changbin descendit avec souplesse en passant la jambe par-dessus l'encolure de son cheval. Il aida Félix à faire de même en lui prenant la main, profitant de la manœuvre pour placer furtivement une main sur sa fine taille. Il en aurait bien profité pour jeter un œil sous sa robe mais la princesse portait, malheureusement pour lui, une paire d'épais collants noirs.
Ils se désaltèrèrent tous les trois et Changbin en profita pour remplir les gourdes avant de s'occuper de la peau de lapin qu'il avait chassé la veille et qu'il devait nettoyer. Félix en saisit l'occasion pour faire un brin de toilette, autant que sa tenue le lui permettait. Elle se débarbouilla le visage, l'éclaboussant doucement avec l'eau claire du ruisseau.
Changbin l'observa quelques instants. Il n'y avait pas à dire, Félix était vraiment une femme d'une rare beauté. Il remarqua que ses cheveux étaient blonds, il n'avait pas su distinguer leur couleur dans l'obscurité de la forêt. Ses yeux se posèrent ensuite sur les profondes marques de son cou. Il termina de nettoyer sa peau de lapin, se rinça les mains et se lava le visage avant d'aller tremper un linge dans l'eau pour se diriger ensuite vers Félix. Cette dernière sembla surprise de le voir si près.
— Il faut nettoyer ça, dit-il en indiquant son cou meurtri.
La princesse tendit la main pour se saisir du morceau de tissu, mais Changbin fut plus rapide. Il caressa doucement les marques rougeâtres et essaya d'en retirer les impuretés du mieux possible sans lui faire mal.
— C'est pas très beau à voir... souffla-t-il en lui faisant tourner la tête pour atteindre des zones moins accessibles.
Félix grimaçait de temps à autre lorsque sa peau était plus sensible, et le jeune homme essaya d'y aller un peu plus délicatement.
— Je dois avoir un onguent pour les blessures, dit-il une fois terminé. Attends.
Il alla farfouiller dans son paquetage et finit par en sortir un petit pot de terre cuite contenant une sorte de crème verdâtre. Il en prit une certaine quantité avec ses doigts et l'appliqua le plus doucement possible sur la peau à vif de Félix.
— Merci Changbin... murmura-t-elle en croisant son regard, les joues rougissantes.
Le noiraud se retint de lui voler un baiser, et s'en alla remettre ses affaires en place.
— C'est rien... répondit-il en se remettant en selle. Tu viens ?
La blonde s'approcha et il l'aida à grimper.
— Bien installée ? lui demanda-t-il une fois qu'elle fut assise derrière lui.
— Oui...
Une petite bise fraîche la fit frissonner et elle se recroquevilla contre le dos du jeune homme.
— Attends... dit-il en riant.
Il se tourna du mieux qu'il pu et attrapa une des fourrure attachée sur le dessus des bagages.
— Mets ça.
Félix le remercia et plaça la fourrure sur ses épaules.
— Accroche-toi, lui dit ensuite Changbin, on en a pour un moment jusqu'au village le plus proche.
Il mit Kobalt au pas et ils traversèrent le ruisseau là où il était le moins profond. L'hongre enjamba une série de grosses racines une fois de l'autre côté, et Félix passa les bras autour de la taille du jeune homme pour éviter de perdre l'équilibre. Elle resta ainsi. Le noiraud ne s'en plaignit pas, loin de là. Il appréciait de sentir la chaleur émanant du corps de la jeune femme contre son dos. Il regrettait simplement de porter son veston en cuir car, la blonde n'ayant pas une poitrine très développée, il ne la sentait pas du tout contre lui. Il en était presque triste et soupira.
— Je suis désolée de vous causer du souci... s'excusa la princesse.
— Je suis mercenaire, lui répondit-il. J'ai juste trouvé un travail inhabituel grâce à toi, c'est tout...
C'était vrai qu'elle n'était qu'une sorte de marchandise pour lui, mais il avait beau jouer les durs, elle avait bien remarqué qu'il pouvait se montrer attentionné.
Une partie du trajet se passa en silence et ils ne croisèrent personne. Ça n'était pas si surprenant car il y avait toujours peu de voyageurs. A quoi bon se rendre dans un autre village ou dans un autre royaume si ce n'était pour travailler pour un autre roi... Seuls les marchands et les bandits avaient l'utilité de se déplacer.
Félix trouva le temps long et décida d'engager la conversation.
— Pourquoi ne pas avoir campé près de la rivière ?
Changbin jeta un œil par-dessus son épaule.
— Quoi ? Hum eh bien... Tout simplement parce qu'il y a plus de passage le long des cours d'eau, et je n'ai pas vraiment envie de tomber sur qui que ce soit en pleine nuit...
— Oh...
— Enfin, sauf quand il s'agit de jolies princesses qu'Érésis a décidé de placer sur mon chemin. Là c'est différent, dit-il en riant, même si je dois avouer que je me serais bien passé des trois hommes à tes trousses...
— Je suis désolée...
— C'est pas si grave, ils avaient pas mal de choses de valeur sur eux. Je vais pouvoir les revendre dans le prochain village et en tirer une belle petite somme !
— Et qu'est-ce que vous ferez de cet argent ? demanda Félix, curieuse de savoir ce qui faisait envie à son sauveur.
— Oh, eh bien... Pleins de choses. Pour commencer ça paiera quelques nuits à l'auberge, des repas chauds et de la nourriture pour le voyage. Et aussi du matériel en cas de besoin, expliqua Changbin en énumérant les différentes possibilités à l'aide de ses doigts.
Il se garda bien d'évoquer une potentielle séance de corps à corps avec une fille de joie, même si ça entrait volontiers dans ses projets. Quoiqu'il avait désormais la princesse à ses côtés et peut-être finirait-elle par lui ouvrir son coeur... Et ses cuisses.
— Vous n'avez jamais songé à... faire autre chose ?
Changbin fut tiré de ses pensées.
— Comme quoi ? Me tuer à la tâche pour un roi qui a simplement eu la chance de naître avec un nom de famille ? Non merci très peu pour moi !
La princesse se renfrogna mais le mercenaire continua :
— Je préfère vivre libre et puis... peut-être qu'un jour je pourrais me payer un royaume... rêva-t-il à voix haute.
— Vous méprisez les rois mais vous souhaitez en devenir un ? s'étonna Félix, c'est surprenant...
— Je n'ai pas dit que je voulais devenir roi, rétorqua aussitôt le noiraud. Mais imagine, un royaume sans souverain, où tous ceux qui le souhaitent pourraient... Enfin bref, ça n'a pas d'importance parce que j'en suis encore loin...
Il lança Kobalt au trot pour couper court à la conversation et la jeune femme laissa échapper un petit cri de surprise avant de se cramponner à la taille de Changbin. Ce dernier sourit et finit par ralentir sa monture au bout de quelques mètres, ne souhaitant tout de même pas la fatiguer juste pour ennuyer la princesse.
— Est-ce que tu as une idée de ce qu'ils t'auraient fait si tu n'avais pas eu la chance de croiser ma route ? demanda le jeune homme après un moment.
— Mes ravisseurs ?
— Oui.
— Je ne sais pas... Visiblement ils avaient pour ordre de me conduire dans un royaume lointain, mais ils n'ont jamais dit lequel...
— Mais... tu connais le sort qu'on réserve aux héritiers capturés ?
— Je... n'ai pas forcément envie de le savoir... marmonna Félix en posant son front contre le dos de son sauveur.
Changbin se raidit ; il n'avait pas vraiment l'habitude d'agir en bienfaiteur, alors faire le bien pour une fois lui procurait un sentiment de satisfaction assez étrange.
— On va s'arrêter un peu, annonça-t-il en stoppant son cheval devant un pont de pierre traversant une rivière. Kobalt doit se reposer et il nous reste encore quelques heures avant d'atteindre le village.
— Comment le savez-vous ? demanda Félix en laissant Changbin l'aider à mettre pied à terre.
— Parce que c'est à peu près le temps qu'il m'a fallu pour arriver à mon campement de la nuit dernière.
La jeune femme pencha la tête et le mercenaire soupira.
— On est en train de faire le chemin inverse pour toi Princesse... souffla-t-il en ôtant le paquetage du dos de sa monture. Je suis passé par là hier, mais il faut qu'on y retourne si on veut obtenir des informations sur notre destination. Il doit bien y avoir quelqu'un là-bas qui a déjà eu vent du royaume des Lee...
Félix se contenta de hocher la tête et suivit Changbin qui alla s'installer au bord de l'eau. Kobalt s'ébroua, désormais débarrassé de sa lourde charge, et il alla se désaltérer avant de se mettre à paître tranquillement aux alentours.
Le soleil était haut dans le ciel, indiquant le milieu de la journée. Les jours étaient plus chauds que les nuits et Félix se débarrassa de son épaisse fourrure. Leur déjeuner consista en un reste de pain et de viande froide.
— On pourra s'offrir un repas chaud dans une auberge ce soir, dit Changbin en tendant un morceau de lapin à la jeune femme, et une nuit dans un vrai lit...
— Je dois avouer que ça ne serait pas de refus... murmura-t-elle en mâchant sa nourriture. Je n'ai pas dormi sur autre chose que le sol depuis longtemps...
— On s'y fait, fit le noiraud en haussant les épaules.
— Quand on n'a pas d'autre choix...
— Tu devrais en profiter, si tu as passé le plus clair de ta vie enfermée dans un château, profite un peu de ta liberté.
— J'aurais préféré que ça soit dans d'autres circonstances...
Changbin pouffa de rire.
— C'est certain !
Une fois rassasié, le noiraud alla fouiller dans ses affaires, passant en revue ce qu'il avait pu récupérer sur les dépouilles des ses victimes la veille.
— Il y en a pour un beau petit paquet d'or, dit-il en observant méticuleusement la garde d'une des épées. La personne qui les a envoyés n'est pas n'importe qui... C'était pas de simples bandits et ça tu peux me croire, je dirais plutôt des soldats, ou même des gardes royaux. Ton ravisseur a vraiment mis tous les moyens en œuvre pour te ramener à tout prix.
— Je ne sais pas si je dois m'en inquiéter ou m'en sentir flattée, rit tristement Félix en fixant le sol.
— Je veux dire par là qu'on devrait garder ton identité secrète jusqu'à ce que tu sois arrivée à bon port, expliqua Changbin en rangeant ses gages de victoires. On ne sait jamais sur qui on peut tomber alors, mieux vaut rester discrets.
La jeune femme acquiesça silencieusement.
Ils reprirent la route une heure plus tard, toujours en direction du village que Changbin pensait avoir quitté la veille. Ils chevauchèrent durant tout l'après-midi à travers d'immenses plaines, jusqu'à finalement apercevoir une trace de civilisation en fin de journée. Il s'agissait plus d'une ville que d'un village, et la rue principale était pleine de marchands.
— C'est pas le village que j'ai traversé hier, réalisa Changbin en observant les alentours.
Ça ne rassura pas du tout Félix qui agrippa le veston du cavalier.
— Excusez-moi, où puis-je trouver une auberge ? demanda-t-il à un vendeur de légumes qui servait une femme âgée.
— Il y en a une sur la place par là-bas et une autre près de la chapelle, dit l'homme en pointant la direction du doigt.
Changbin le remercia et suivit la route. Il prit soin d'observer tous les étals, repérant rapidement dans lesquels il pourrait facilement revendre ce dont il n'avait pas besoin.
— Reste-là, ordonna-t-il à Félix en descendant de cheval devant la première auberge.
Il disparut à l'intérieur de la grosse bâtisse en bois et ressortit quelques minutes plus tard, un léger sourire aux lèvres.
— C'est bon, on peut passer la nuit ici, dit-il en tendant les bras vers Félix pour l'aider à descendre de l'imposant animal.
Il garda les mains quelques instants sur les hanches de la jeune femme et plongea son regard dans le sien.
— J'ai longuement hésité et puis finalement, je nous ai pris deux chambres, dit-il sur un ton malicieux. Il ne devrait pas faire trop froid et puis, au pire, si tu as besoin d'une bouillote, je serai dans la chambre d'à côté...
Félix rougit furieusement ; elle détourna le regard et posa les mains sur les poignets du jeune homme pour qu'il la libère. Il se mit à rire, lâcha prise, et alla conduire Kobalt dans l'écurie. Il le débarrassa de son lourd paquetage pour le porter jusqu'à sa chambre. Félix l'y suivit, un peu perdue. Changbin déballa tout ce qu'il avait à vendre et fixa sa bourse en cuir à sa ceinture. Il avait tout étalé sur le plancher et observait avec attention.
— Qu'y a-t-il ? lui demanda la blonde en s'asseyant sur le lit.
— Hum, je me demandais juste s'il ne vaudrait pas mieux que tu gardes une épée, au cas où... Tu en as déjà utilisé une ?
— J'ai eu un peu d'entrainement quand j'étais plus jeune, mais je ne pense pas être très douée pour ça... murmura Félix en jouant avec ses manches.
— Ça c'est pas grave, je peux t'apprendre quelques trucs, mais c'est plutôt que... je pense que ces épées-là vont être trop difficiles à manier pour toi, réfléchit Changbin à voix haute. Tu as toujours le poignard que je t'ai donné hier ?
La princesse acquiesça et tapota sa ceinture à laquelle était fixée l'arme.
— Ça fera l'affaire le temps de trouver mieux, fit-il en haussant les épaules. Allez.
Il prit tout ce dont il avait besoin et s'apprêta à quitter la pièce quand il entendit Félix se lever.
— Tu peux m'attendre ici si tu veux.
La jeune femme secoua la tête.
— Je n'ai pas envie de rester seule... avoua-t-elle à voix basse.
— Comme tu préfères.
Ils sortirent et se dirigèrent vers le marché. Changbin réussit à échanger les quelques bijoux des malfrats contre des pièces d'or, et il tira un bon prix des trois épées qu'il leur avait prises. Leur pommeau et leur lame étaient de bonne facture et d'un genre plutôt difficile à se procurer. Il chercha une épée plus appropriée pour Félix, mais aucune de celles que l'armurier avait à lui proposer ne lui convenait. Il laissa tomber, il trouverait peut-être mieux ailleurs.
— Tiens, fit Changbin en déposant cinq pièces d'or dans la main de la princesse.
Cette dernière l'interrogea du regard.
— On va dire que c'est ta part, expliqua le noiraud, si tu n'avais pas été là, je n'aurais pas rencontré ces bandits et donc, je n'aurais pas gagné cet argent, alors j'estime qu'une partie te revient.
— Hum... merci... marmonna Félix en observant les pièces dans le creux de sa main.
— Achète-toi ce qui te fait plaisir avec, j'ai déjà payé pour les chambres et le repas.
Elle regarda les alentours à la recherche de quelque chose de bien précis, et Changbin l'observa de loin. La princesse s'arrêta devant l'étalage d'une vieille dame qui vendait des vêtements en tout genre. Le noiraud haussa un sourcil et s'approcha de sa protégée.
— Tu as trouvé quelque chose ? lui demanda-t-il perplexe.
Ça n'était pas vraiment le moment de refaire sa garde-robe selon lui, mais lorsque Félix enfila une épaisse cape en laine bouillie munie d'une capuche, il écarquilla les yeux.
— Je pense que ça pourrait s'avérer utile, se justifia-t-elle en tendant quelques pièces à la marchande qui la remercia chaleureusement.
Changbin ne put se retenir de sourire et aida la blonde à porter sa nouvelle acquisition. Elle n'en avait pas besoin pour le moment, l'air ambiant n'était pas encore trop frais.
— Je trouve ça dommage quand même... marmonna-t-il en chemin.
— Quoi donc ?
— Moi qui pensais encore te retrouver dans mes bras pendant la nuit à cause du froid, avec ça c'est raté...
Félix pouffa de rire et cacha son visage derrière ses longues manches pour masquer son embarras. Elle s'arrêta lorsque le noiraud prit la direction opposée à celle de l'auberge.
— Où est-ce que vous allez ?
— Je veux aller à la chapelle, il doit bien y avoir un pèlerin là-bas qui pourra nous aider à trouver notre chemin.
— Oh, oui bonne idée.
Ils se dirigèrent vers le lieu saint dédié au dieu Érésis ; l'endroit était vide à cette heure et seul un religieux s'y trouvait. Il accueillit les visiteurs avec bienveillance et s'enquit de leur requête.
— Le royaume des Lee ? demanda le vieil homme en se frottant la barbe. Voilà bien longtemps qu'on ne m'avait pas posé une question à laquelle je n'ai pas la réponse...
— On nous a parlé d'une bonne vingtaine de jours de cheval pour s'y rendre, expliqua Changbin sans vouloir trop entrer dans les détails de leur histoire.
— Je suis désolé, mais je ne peux pas vous aider... Cependant, vous devriez vous rendre à la capitale, elle se trouve à deux jours de cheval d'ici, leur dit l'homme en allumant quelques cierges. Prenez la route vers l'Est en suivant le courant de l'eau, vous y trouverez une Église digne de ce nom, un des prêtres qui s'y trouve est cartographe et il vous sera de bien meilleur conseil, même si ses connaissances se limiteront certainement aux environs...
— Merci mon Père... le remercia Félix en s'inclinant.
***
— Si le cartographe dont il a parlé est aussi vieux que lui, je ne donne pas cher de ses connaissances... marmonna Changbin pendant qu'il savourait leur dîner une fois de retour à l'auberge.
— S'il possède des cartes, même si elles ne sont plus d'actualité, elles pourront toujours nous aider à nous orienter, dit Félix en fixant sa nourriture.
— Si tu pouvais au moins te souvenir de quelle direction tu viens, ça pourrait nous rendre un grand service.
La princesse fronça les sourcils et avala une cuillère de son ragoût.
— Ton père ne t'a jamais parlé des autres royaumes qui entourent le tien ?
— Non... On ne m'a jamais vraiment parlé de ce qui se passait hors de l'enceinte du château. Je pourrais me trouver dans le royaume voisin que je ne serais pas capable de m'en rendre compte... soupira Félix.
— C'est tout à fait rassurant... ricana Changbin en prenant un morceau de pain afin de saucer son plat. Tu veux une bière ?
Félix secoua la tête ; de l'eau lui suffisait amplement. Le noiraud haussa les épaules et se dirigea vers le bar, il glissa une pièce d'argent au tavernier et ce dernier lui servit une pinte.
— Bonsoir mon beau... chuchota une jeune femme d'une voix suave en s'appuyant contre le comptoir juste à côté du mercenaire. C'est rare de voir des garçons dans ton genre dans le coin...
Elle lui caressa le bras avec insistance tout en lui adressant un clin d'œil. Changbin l'observa des pieds à la tête, il ne faisait aucun doute quant à la profession de cette belle inconnue, et le jeune homme sentit une douce chaleur se répandre dans son corps. Il avait l'habitude de se faire aborder par les filles de joie chaque fois qu'il mettait les pieds dans une auberge. Il était jeune, plutôt bel homme, musclé, tout à fait le genre de personne qui rendait leur travail agréable au moins le temps d'une soirée.
— Si tu te sens seul... je peux passer te voir plus tard... susurra-t-elle sans le quitter des yeux.
Changbin inspira profondément, rien ne l'empêchait de se payer un peu de bon temps, au contraire, il l'avait bien mérité. Il avait sauvé la vie d'une princesse et débarrassé le monde de trois bandits. Il tourna lentement la tête vers Félix. Elle était oujours assise à leur table et lui jetait des petits coups d'œil, visiblement gênée, tout en continuant à manger son repas. Elle était dix fois plus jolie que la jeune femme qui venait de l'aborder, et certainement cent fois plus inaccessible. Cependant, Changbin aimait les défis, et celui que Félix représentait était de taille. Il prit sa pinte et se libéra gentiment de l'emprise de la catin tout en lui adressant son sourire le plus charmeur.
— Désolée ma jolie mais... je suis accompagné.
Il retourna à table et avala la moitié de sa pinte avant de reprendre son repas.
— Vous avez eu de la compagnie ? demanda innocemment la blonde sans croiser son regard.
— J'ai toujours de la compagnie quand j'en recherche.
— Je vois...
Ils terminèrent leur souper en silence avant de rejoindre leur chambre à l'étage. Sans réellement s'adresser la parole. Félix n'avait qu'une hâte : pouvoir prendre un bain et nettoyer un tant soit peu ses vêtements. Elle allait retirer sa tenue lorsqu'on frappa à sa porte.
— Changbin ? fit-elle surprise en découvrant le jeune homme derrière la porte.
— Tu devrais mettre ça avant d'aller dormir, dit-il en lui tendant le petit pot d'onguent qu'il lui avait appliqué le matin même. Bonne nuit...
— Merci... bonne nuit...
Changbin lui adressa un sourire et s'éloigna pour rentrer dans sa propre chambre, juste à côté. Il était vraiment illisible, sans cœur et un tantinet pervers au premier abord, et pourtant, il pouvait se montrer attentionné. Et Félix avait la sensation qu'elle pouvait lui faire confiance.
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