Chapitre 13, part 6 : Amber et la prophétie de la louve blanche (la paix)
Chacune des filles se tenait à califourchon sur un des grands loups et ils filaient à grande vitesse en direction du village avec les louveteaux qui suivaient derrière. Alors qu'un humain mettait quasiment une journée complète à parcourir cette vaste étendue, les loups n'avaient mis qu'un quart d'heure pour arriver devant la petite bourgade.
Les sœurs espéraient que leur père patienterait bien tranquillement à la maison. Mais en arrivant devant l'entrée du village, il les attendait de pied ferme. Il tenait dans sa main une fourche. Il était rouge pivoine, signe qu'il était en colère que ses filles lui aient désobéit. D'autres villageois restaient derrière lui, prêt à défendre leur petite ville.
Il réprimanda les trois enfants : « De quel droit me désobéissez-vous jeunes filles ? Et Lizzie, qu'as-tu fait à tes yeux ? Ils sont tout blancs ! J'espère que ces bêtes ne t'ont pas transmis une de leur maladie ! Éloignez-vous de ces loups maintenant ! Vous n'avez rien à faire avec ces animaux sauvages ! Rentrez tout de suite à la maison ! J'AI DIT TOUT DE SUITE ! ON SE DÉPÊCHE ! Et que je ne vous revois plus avec eux ! Vous aurez une belle punition toutes les trois en rentrant ! Laissez-nous chasser ces bêtes avant qu'elles tuent tout le monde ! »
Lizzie s'écria : « Mais papa ! Les loups ne sont pas méchants ! C'est l'homme qui est mauvais ! Demande-toi combien de loups ont été tués sauvagement par les villageois ? Des meutes entières ! Vous nous racontiez que vous étiez des héros, que les loups étaient des mangeurs d'hommes ! Mais ce n'est pas vrai ! Ils sont aussi doux que les chiens ou les chats ! Il faut juste les écouter et arrêter de vouloir les tuer à coup de fusil ! Je ne partirais pas d'ici avant d'avoir réglé le problème ! Je suis l'élue ! J'ai en moi une âme de louve. C'est pour cela que j'ai les yeux blancs ! Je dois unifier vos deux clans ! Et si je dois mourir pour vous faire entendre raison alors je suis prête ! »
Amber se rangea derrière Lizzie puis Margaret suivit le mouvement et proclama : « On pense comme elle ! On ne nous a raconté que des mensonges toute notre vie ! Il est tant que les choses changent ! Le temps est venu de faire cesser cette guerre absurde ! »
Leur père Greg rouspéta : « Je ne sais pas qui vous a raconté que ces bêtes étaient gentilles, mais vous avez tort. Elles causent le mal partout où elles passent. Ce sont des démons venus détruire notre monde. Poussez-vous qu'on les extermine une fois pour toutes ! »
Amber regarda cet homme qui avait été si gentil avec elle. Son comportement avait changé. Son regard noir laissait entrevoir une fureur incontrôlable. Il poussa les trois jeunes filles avec une telle force qu'elles tombèrent à terre comme des quilles. C'était bien la première fois que les deux sœurs percevaient autant de violence dans le regard et dans les gestes de leur père.
Sans un regard pour ses filles, il se dirigea vers les loups restés en arrière et pointa sa fourche comme s'il voulait la lancer sur eux. Des villageois pointaient des fusils en direction des loups.
Lizzie se releva en vitesse et fit barrage de son petit corps pour dissuader les citadins d'avancer. Elle savait qu'elle ne ferait jamais le poids face à autant d'hommes. Mais elle était prête à prendre le risque.
La petite louve blanche apparut aux côtés de Lizzie pour l'aider dans ce combat qui était aussi le sien. Puis elle articula en langage humain : « On ne vous veut aucun mal ! Cessez ce combat ! Lizzie est mon amie, elle est née avec une double âme à la fois humaine et à la fois louve. Tout comme moi ! On désire la paix entre nos peuples ! Qui a décrété que nous devions nous battre jusqu'à la mort ? Des ancêtres qui sont déjà morts ? Pourquoi encore les écouter ? »
Greg marqua un temps d'arrêt en entendant cette louve parler leur langue. Il s'adressa ensuite à la louve : « C'est impossible qu'un loup parle notre langue ! Tu dois être une louve sorcière ! Il faut la brûler celle-là ! »
Tous les villageois crièrent à l'unisson : « Brûlons-là ! C'est une sorcière ! »
Lizzie s'exprima dans le langage des loups : « AOOOUUUH ! AOOOOUUUUUUH » qu'elle traduisit : « Si vous la brûlez, vous devrez me brûler aussi, car je parle leur langue ! Je suis une humaine à moitié louve ! Et si tu la tues, j'en mourrais aussi ! Car nos vies sont reliées l'une à l'autre, les loups l'ont bien compris ! Es-tu prêt à me sacrifier papa ? Es-tu sûr de ton choix ? »
Son père ne parvenait pas à saisir ce que sa fille tentait de lui expliquer. Car deux âmes reliées, c'était tout bonnement impossible pour lui !
Il affirma : « C'est impossible ! La magie et la réincarnation ça n'existe pas ! Tu n'as rien d'une louve ma chérie ! Arrête de te monter la tête avec ces balivernes ! Tu es humaine rien de plus ! Et ces loups sont dangereux, éloigne-toi d'eux s'il te plaît ! »
Lizzie aboya à l'assemblée des loups : « AOOOOOUUUUUH ! » qu'elle traduisit dans sa langue : « Vous me faites confiance ? »
L'assemblée hurla un « AOOOOUUUUH » collectif en signe d'approbation.
Sans plus attendre, elle prit un canif qu'elle gardait dans sa poche et s'entailla tout l'avant-bras droit. Aussitôt, le sang coula. La petite louve poussa une petite plainte aiguë car la même blessure apparaissait sur sa patte avant-droite, et du sang dégoulinait déjà.
Lizzie cria : « Vous voyez ! Je ne vous ai pas menti ! Nous sommes reliées ! Si vous la blessez, j'aurai la même blessure ! Êtes-vous prêt à me tuer pour garantir la sécurité absurde de votre village ? »
Son père se précipita sur elle pour lui faire un garrot et dit à ses compatriotes : « Cette louve a dû se blesser par elle-même ! Je n'y crois pas ! Tirez-lui dessus ! »
Un des citoyens visa la petite louve. Une balle fusa dans l'air, vers sa tête. Elle se protégea comme elle put avec ses pattes avant. Elle savait que la chance de survie face à ces engins de fous était quasi nulle. Elle aurait au moins tenté de rétablir cette paix improbable.
Après le bruit intense provoqué par la détonation, deux cris retentirent au même moment. Lizzie, et Lilith la louve, pleuraient de douleur. Elles étaient blessées aux mêmes endroits et elles tombèrent à terre dans un grand fracas, inconscientes.
Greg se précipita vers sa fille et la prit dans ses bras. Il pleurait sa peur de la perdre. Il s'époumona : « STOP ! ARRÊTEZ TOUT ! NE TIREZ PLUS ! LIZZIE MA PUCE ! RÉVEILLE-TOI ! Si vous tirez encore, vous allez les tuez toutes les deux ! J'ai eu tort ! Elle avait raison, ces deux-là sont reliées ! Il faut les soigner en même temps ! Je ne veux pas que ma fille meure ! C'est mon enfant ! Je te demande pardon ma chérie ! Je vais vous guérir toutes les deux, et je te promets que la guerre va cesser et que tu pourras côtoyer ton amie si tu le souhaites ! »
Il fit signe à un autre homme de prendre la louve et de la ramener au cabinet médical de la ville. Les loups comme les humains suivirent les deux hommes vers le village. Chacun des camps avait peur de perdre l'un des leurs. Pour la première fois, ils s'unissaient dans leur chagrin. Les uns pleuraient, les autres hurlaient.
La fillette et la louve occupaient un lit côte à côte, et médecins et vétérinaires tentaient de soigner leurs blessures.
Une heure après cette entrée fracassante, ils avaient fini de recoudre les blessures. L'un d'eux expliqua au public loups-humains : « Nous avons terminé ! Elles sont toutes les deux saines et sauves ! Vous avez eu de la chance, ce n'est pas passé loin de la tête, encore un peu et on les perdait toutes les deux. Heureusement que cette louve a eu ce réflexe de défense qui les a protégées toutes les deux ! Toi Greg, tu dois une fière chandelle à cette Lilith ! Elle a sauvé ta fille ! Elles sont reliées et on doit l'accepter ! Par la suite, elles devront vivre non loin l'une de l'autre. Elles sont comme des jumelles ou des sœurs siamoises et si l'une est malade, l'autre aussi. On va devoir surveiller leur bon rétablissement. Donc les loups sont les bienvenus ! Maintenant, il faut qu'elles se reposent ! Pas de visites tout de suite ! Elles doivent récupérer ! »
Le lendemain matin, les médecins avaient autorisé des courtes visites pour les membres de la famille et avaient spécifié que le rétablissement prendrait un peu de temps, mais qu'aucune des deux n'auraient de séquelles corporelles. Il leur faudrait par contre plus de temps pour oublier la violence des paroles et des actes commis.
En entrant dans la chambre, Greg vit que sa fille et la louve occupaient dorénavant un seul et même grand lit. La louve avait posé sa tête sur le torse de la fillette pour la réconforter. En les regardant attentivement, il vit ce qu'il n'avait pas voulu voir la veille : l'amour entre les deux était inconditionnel. Cet amour naissant ressemblait à un amour fraternel. Elles avaient l'air de se connaître depuis toujours alors qu'elles s'étaient rencontrées depuis peu.
Sa fille le regarda droit dans les yeux. Il ressentait sa colère qui était en soit tout à fait normal après ce qu'il lui avait fait vivre. Mais, pour la première fois, il aperçut des loups valser dans les yeux de sa protégée. Il se demanda pourquoi il ne les avait pas vu avant. Elle avait des yeux uniques et il aurait dû s'en rendre compte bien avant. Peut-être que tout ceci aurait pu être évité s'il avait vu ces yeux-là.
Il s'approcha du lit et s'excusa : « Je suis désolé pour tout ce que je vous ai fait vivre à toutes les deux ! Je sais que je n'ai aucune excuse pour la violence dont j'ai fait preuve. Les ancêtres nous ont appris la haine entre les deux peuples et j'ai répété le même schéma. Cette haine m'a aveuglé et je n'ai alors voulu qu'une seule chose, faire disparaître tous ces loups. Au fond, je ne sais même pas pourquoi nos peuples se querellaient ! Mes ancêtres avaient une soif de vengeance que j'ai acquise et que j'ai voulu transmettre à mes filles. Je sais que c'est impardonnable. Lilith, je te demande pardon à toi aussi de t'avoir fait autant de mal. Certes, tu es une louve, mais tu ne méritais pas que je m'acharne sur toi comme je l'ai fait. Je ne comprenais pas ce lien qui vous unissait toutes les deux. C'est seulement aujourd'hui que je m'en rends compte à quel point ce lien est important pour votre bien-être et votre survie. Je peux enfin discerner les loups dans les yeux de ma fille. Je ne sais pas pourquoi j'ai mis autant de temps à entrevoir ce regard et ces loups majestueux ! »
Lizzie élucida rapidement ce mystère : « Papa, je pense que tu ne pouvais pas voir les loups car tu les haïssais. J'ai toujours pensé que seules les personnes qui étaient proches de moi pouvaient les voir. Mais, toi, tu m'as élevée, tu me connaissais mieux que personne et pourtant, tu n'as rien vu. Il fallait donc éprouver un réel amour aussi bien envers moi qu'envers cette louve. Lorsque je suis tombée, tu as cessé cette guerre et tu t'es ouvert à nos amis les loups. Tu leur as fait confiance et tu as accepté la différence. Et surtout, je crois que tu as compris que Lilith et moi avions un lien unique. Tu as tout fait pour guérir cette louve comme si c'était ton enfant ! »
Greg n'en revenait pas. Sa fille avait l'air d'être bien plus mature que lui. Il avait l'impression d'entendre le discours d'une adulte alors qu'elle était encore une enfant. Elle avait grandi sans qu'il ne s'en rende compte.
Il hocha la tête et affirma : « Oui, tu as raison ma chérie. J'aurais dû t'écouter dès le début au lieu de risquer ta vie et celle de cette louve. Tu es bien plus mature que moi alors que c'est moi l'adulte ici. Les querelles, c'est fini, lorsque vous serez rétablies, nous ferons une fête de la paix entre loups et humains. Vous êtes partantes ? »
Lilith et Lizzie se réjouirent en même temps : « Oh oui ! Une grande fête ! »
Une semaine plus tard, les deux amies allaient déjà mieux. Lizzie lui faisait visiter son petit village, et sa maison. Greg s'affairait dans les rues pour accrocher des guirlandes de bienvenue pour les loups. Il préparait la fête pour le soir même.
Les loups avaient dormi toute une semaine dans une vieille grange. Le village avait accepté qu'ils restent durant tout l'hiver ici, car le froid n'allait pas tarder à arriver et ils devaient protéger leurs petits des tempêtes de froid polaire. Les humains du village avaient compris que les loups n'étaient pas méchants. Ce pouvait devenir très affectueux si on arrêtait de jouer à cette guerre avec eux. Comme les humains, ils avaient des sentiments, et ils aimaient plus que tout leurs progénitures.
Amber avait assisté à ce pacte de paix, elle avait eu peur pour ses deux amies. Elle avait même pensé au pire. Elle réalisa que la vie pouvait basculer en un rien de temps et qu'il fallait passer du temps avec ses proches.
Elle resta toute la nuit à la fête, puis elle réunit la louve et ses deux amies en leur expliquant : « Je vais devoir m'éclipser. Je suis désolée, je vais devoir moi aussi retrouver ma famille. Vous m'avez fait comprendre une chose, il faut prendre soin de ses amis et ses proches ! Je vous adore toutes et vous allez former une belle et grande famille. Continuez, et restez soudées comme aujourd'hui, c'est important ! Et Lilith, tu deviendras plus tard une grande louve au grand cœur... Je reviendrais vous voir quand je le pourrais... »
Lilith murmura : « Merci pour ton aide Amber, fille des mots...Continue ton chemin, et ne perds pas espoir pour ta quête d'identité. Je sens que tu cherches encore à savoir qui tu es ! Mais mon instinct de louve me dit que tu trouveras bientôt. Et je sens aussi qu'on se reverra très prochainement... Nous allons continuer notre combat et rallier les autres meutes à notre paix. Bientôt, ce sera une paix planétaire entre loups et humains... »
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