Chapitre 10, Part 7 : Amber et la sorcière clairvoyante (Improvisation)
Amber et Farid étaient d'accord sur un point : l'heure était grave, il fallait sauver la sorcière.
Farid s'expliqua : « Je connais le village comme ma poche, je sais exactement où ils l'emprisonnent, c'est dans la résidence privilégiée du chef. Peu de personnes peuvent y entrer. Le problème, c'est que des caméras et des gardes surveillent l'entrée, ce sera vraiment difficile. »
Amber répondit instinctivement : « Je pense qu'ils ne nous verront pas arriver, on restera invisible tout le long. Par contre, je ne sais pas comment la faire sortir de sa prison. Je n'ai pas de pouvoir me permettant de matérialiser une clef ou d'ouvrir une porte... »
Farid réfléchit un instant et s'exclama : « La réponse, c'est l'improvisation ! On improvisera sur place quand on y sera ! »
Amber était sceptique. Pour elle, ce plan était vraiment tordu et mal ficelé, c'était risqué. Mais elle devrait prendre le risque pour aider cette sorcière... Avant de partir, elle demanda à Farid : « Que fait-on si on est repéré ? Ou pire, si l'un d'entre nous se fait capturer ? Tu ne vas pas me dire que l'on improvisera aussi ? Imagine que mon mode invisibilité cesse ! Je ne peux pas garantir de tenir longtemps sans faiblir car c'est la première fois que je l'utilise pour deux personnes. As-tu des pouvoirs qui pourraient nous aider dans cette lutte actuelle ? »
Farid s'éclaircit la voix et avoua : « En fait, à part l'improvisation, je n'ai pas d'autre plan. Je ne possède pas de pouvoirs mais mon cerveau fonctionne très bien et peut nous être très utile. Je pourrais peut-être crocheter la serrure tant qu'on est invisible, c'est pas mal comme idée, non ? Et au pire, si on nous aperçoit ou que ton pouvoir faiblit, on pourra toujours prendre la poudre d'escampette ! On a un mois entier pour réussir cette mission ! »
Une petite voix dans la tête d'Amber lui disait de fuir maintenant avant que les choses n'empirent, mais elle refusait de se laisser convaincre par cette minuscule voix. Une grande question brûlait les lèvres d'Amber : « Tu sais vraiment crocheter les serrures ? Es-tu un voleur ? »
Farid rigola de bon cœur et affirma : « Non, je ne suis pas un voleur, ni un orphelin. Et oui, je sais crocheter les serrures car mes parents m'enfermaient souvent dans ma chambre quand je les agaçais ou quand je voulais sortir. Alors c'était mon passe-temps favori : m'amuser à trouver comment ouvrir une porte fermée à clef... Tu sais, ici, la vie n'est pas toute rose pour les enfants. On est souvent laissé à nous même ou alors on nous fait travailler comme des forcenés... Ici c'est un peu le camp militaire ! C'est pour ça que je me suis opposé à cette masse agglutinée, à mon peuple... Je ne supporte plus cette autorité suprême, cette injustice. Je pensais que d'autres adolescents allaient me rejoindre dans cette désobéissance car ils se sentaient aussi oppressés que moi. Mais je fus le seul à oser sortir du rang. La peur ne pourra jamais rien générer de bon... Je voudrais que les gens puissent vivre comme bon leur semble, mais cela passera forcément par une révolte ! J'espère me tromper ! »
Amber regarda ce nouvel ami qui avait osé aller contre l'avis général. Il voulait créer sa révolution à lui tout seul. Elle admirait son cran. Aurait-il ce cran aussi pour libérer la sorcière ou face aux ennemis ? Elle lui signala sa reconnaissance : « Je suis contente que tu aies eu ce cran de te rebeller contre ton peuple. Je ne sais pas comment j'aurais réagi à ta place. J'aurais sûrement fait l'inverse. En tout cas, je ferais tout pour que les futurs enfants et adolescents de ton village ne connaissent plus cette injustice et qu'ils puissent être insouciants ! Ils devraient pouvoir s'amuser et aller à l'école comme n'importe quel enfant de leur âge. Votre dirigeant est vraiment égoïste ! D'ailleurs, il n'y a jamais eu d'école ici? »
Farid s'attendait à cette question, forcément, Amber était curieuse. Il lui confirma ce qu'elle pensait : « Oui, comme tu dis, les enfants devraient pouvoir apprendre à lire et écrire comme n'importe quel enfant. Même moi je n'y connais rien. Je n'ai jamais pu aller à l'école. L'école a existé mais c'était seulement pour certains enfants. C'était très sélectif. Elle était payante à l'époque. Les parents qui ne pouvaient pas payer, ne pouvaient pas mettre leurs enfants à l'école. Puis le dirigeant a décidé de fermer cette école. Elle n'était pas d'utilité publique... Elle ne lui rapportait rien et en plus elle lui coûtait cher. Il a donc informé les parents qu'il fallait qu'ils donnent des cours à domicile à leurs enfants. La majorité a accepté cette nouveauté c'était la référence à suivre, c'était très in (terme signifiant à la mode du moment). Mais finalement très peu de parents ont réussi à donner des cours à leurs enfants, car ils avaient tous pour obligation de faire des heures supplémentaires à leur travail. C'était encore une nouvelle demande du dirigeant et c'était très in aussi. »
Amber s'emporta , complètement indignée: « En gros si votre dirigeant vous dit demain jetez-vous à l'eau ou jetez-vous d'un pont, c'est très in, c'est très à la mode, les habitants le feront ?! Mais dans quel monde il vit cet illuminé ?! C'est inacceptable que votre dirigeant soit aussi méprisable et inhumain et surtout que les gens le suivent sans discuter ! J'en reviens pas aussi de sa négligence ! Parce qu'il est supérieur, il a tous les droits en gros ! C'est inadmissible ! Il faut changer cela avant qu'il y ait une catastrophe qu'on ne pourra pas éviter ! On se met en route pour libérer Esméralda ?»
Farid hocha la tête et ils se mirent en route vers la prison des damnées en mode « invisible ». Ils avaient trouvé un nouveau surnom à cette prison qui leur faisait penser à l'enfer. Amber se disait que le village entier avait l'allure d'une prison même s'il n'y avait pas de barreaux.
Amber suivait de près Farid, dans les rues du village, sans lui lâcher la main pour ne pas que l'invisibilité ne se stoppe brusquement. Amber avait trop peur d'être découverte par des habitants ou pire par ce dirigeant. Très vite, ils arrivèrent devant un petit bâtiment en briques noires. Un écriteau « PRISON » était accroché au mur au dessus de la porte d'entrée. Deux caméras étaient accrochées au dessus de la porte. Il y en avait sans doute tout autour du bâtiment, mais nos deux amis ne voulaient pas prendre le risque de faire le tour de celui-ci.
Amber fit un signe de tête à Farid en désignant la serrure. Elle ne voulait pas parler pour éviter d'être entendue. Farid prit une épingle à cheveux qu'il gardait toujours dans sa poche en cas de besoin. Il l'avait emprunté lorsqu'il était encore enfant à sa mère sans qu'elle le sache et il l'avait gardé en souvenir dans sa poche. Il aimait l'utiliser pour réaliser de nouvelles expériences. Là c'était un cas de force majeur. Il l'introduisit très habilement dans la serrure et tourna l'épingle dans plusieurs sens comme on tourne une clef. Un petit déclic retentit et il poussa la porte. À l'intérieur, il faisait noir. Ils entrèrent et ne voyaient rien. Ils s'attendaient à ce qu'une alarme retentisse mais rien ne se produisit. Ils cheminèrent à petit pas le long d'un mur et appelèrent tout bas Esméralda. Mais personne ne répondit. C'était étrange, elle devrait être là... Pourquoi ne répondait-elle pas ?
Tout à coup, un bruit se fit entendre. La porte se ferma sur eux. Ils étaient coincés à l'intérieur. Amber était effrayée et avait l'impression de suffoquer dans cette cellule toute petite. Elle avait l'impression que les murs se rapprochaient dangereusement. Elle ne voulait pas mourir enfermée là. Elle tomba à terre, et Farid la prit dans ses bras. Il lui chuchota « Ne t'en fais pas, je vais trouver une sortie. Respire calmement. Reprends de l'air. Imagine-toi sur une plage en train de te baigner. Allonge-toi si tu as besoin, je reste avec toi... »
Une voix retentit derrière eux : « AH AH AH ! Vous êtes tombés dans mon piège ! Vous êtes vraiment des crétins ! Et toi, jeune homme tu croyais vraiment que j'aurais mis la sorcière dans une petite prison comme celle-ci, prison dont tu connais l'emplacement ? On voit que vous êtes des débutants. La sorcière est dans un cachot bien pire que votre prison. Elle dépérit de jour en jour ! Et vous subirez le même sort qu'elle ! Et ne tentez pas de crocheter cette serrure, j'y ai inséré à l'intérieur de celle-ci un poison mortel. Vous n'aurez aucune chance de sortir. Et ton pouvoir jeune fille n'y changera rien ! Après tout tu ne peux pas passer à travers les murs, n'est-ce pas ?! Un bûcher vous attendra dans moins d'un mois. Et si vous avez faim d'ici là, il y a des rats, faites en des rations surtout ! ». Sur ce monologue, il partit au pas de course dans sa demeure.
Amber s'était allongée et suffoquait encore plus. Elle ferma les yeux. Farid assistait aveugle et totalement impuissant à la détresse d'Amber. Il ne savait pas ce qu'il pouvait faire. Il se sentait fautif de les avoir menés tout droit dans la bouche béante du loup. C'était à lui de réparer sa bêtise. En plus, il savait où était cachée la sorcière : dans une cave en dessous de la demeure du dictateur.
Amber entendit une voix lointaine lui murmurer : « Je vais nous sortir de là. Je n'ai qu'une seule solution. Il faut que je me sacrifie pour le peuple. Je vais crocheter la serrure, je n'ai pas le choix. J'essayerais ensuite de te suivre jusqu'à chez ma mère. Voir son fils en si mauvais état la fera réagir ! Nous n'avons pas le choix, je sais que tu m'entends. Et au cas-où, je ne parviens pas jusqu'à la bas, dis lui que je l'aime même si elle m'a tourné le dos... Ah et une dernière chose avant que je tente l'impossible : la prison de la sorcière est dans une cave sous la demeure du chef... Prends garde à toi... »
Sur ces paroles, Farid crocheta encore une fois la serrure. Quand il reprit l'épingle, il sentit un liquide gluant s'accrocher à ses mains. Le poison commençait son chemin. Il porta Amber jusqu'à la lumière du jour et elle reprit doucement son souffle. D'un coup,elle se rendit compte du sacrifice que Farid avait fait pour elle et elle cria « NON ! Pourquoi tu as fait ça ? Tu n'aurais pas dû, tu étais l'espoir de ce village ! ». Elle pleura à chaudes larmes. Elle ne pouvait pas accepter qu'il arrive quelque chose à ce jeune garçon.
Farid s'époumona avec difficultés : « Suis moi jusqu'à chez ma mère. Elle nous aidera ! Dépêchons-nous, le temps nous est compté ! »
Ils marchèrent rapidement jusqu'à la petite maison des parents de Farid. Amber voyait une ligne noire monter de sa main vers son bras. La ligne allait aller jusqu'à son cœur avant qu'il ne faiblisse.Elle avait déjà atteint les trois quarts de son bras. Amber voulait plus que tout sauver son ami.
Farid toqua prestement à la porte. Une porte s'ouvrit rapidement. C'était la mère de Farid qui avait ouvert. Elle était méfiante. Son fils était devant elle. Elle n'en revenait pas ! Des mots venimeux sortirent de sa bouche sans qu'elle ne parvienne à les retenir : « Que fais-tu ici ? Tu nous as déshonorés, toi et ta nouvelle meilleure amie ! Tu as choisi ton camps, alors pourquoi revenir nous narguer ? As-tu fait marche arrière ? Désires-tu te faire pardonner à grand coup de ceinture ? »
Farid la regarda avec son regard de chien battu. Pour toute réponse, Farid s'évanouit sous les yeux apeurés de sa mère et d'Amber. Sa mère regrettait déjà ses propres paroles trop cruelles. Elle s'en voulait et elle ne comprenait pas quel mal rongeait son fils. Elle n'avait jamais souhaité sa mort, c'était sa chair, c'était son fils.
Elle le porta à l'intérieur et demanda à Amber ce qui lui arrivait. Amber expliqua que le dirigeant l'avait empoisonné pour avoir voulu aider son peuple. C'était une des punitions qu'il réservait à ceux qui désobéissaient.
Sa mère était indignée. Elle avait très peu d'argent, mais appela en renfort un de ses amis médecin, le Dr Edgar Maurice. Il ausculta le jeune homme et questionna la mère qui lui expliqua dans les grandes lignes ce qu'Amber lui avait raconté. Peu de temps après la consultation, le verdict tomba, il y avait peu de chances pour que Farid ne s'en sorte, à moins de trouver l'antidote à temps.
Sa mère était effondrée. Le docteur Edgar Maurice lui indiqua qu'ils ne pouvaient plus rester sans réagir, ils devaient faire venir l'ensemble des habitants du village pour leur faire comprendre les châtiments réservés à ceux qui allaient à l'encontre de la loi imposée par ce chef. Il était temps qu'il soit destitué de ses fonctions !
La mère de Farid accepta, et le médecin appela ses plus proches amis. Il avait beaucoup de contacts. Et dans leurs malheurs, il était content que le téléphone n'avait pas encore été interdit. Il invita chaque personne à répandre la nouvelle autour de lui et à se rassembler devant la maison de Farid pour témoigner de leur soutien envers ce jeune homme. Finalement, Amber se disait que Farid était un pion dans cette histoire, et que le médecin était le messager, celui qui ferait réagir l'ensemble de la population !
La nouvelle se répandit très rapidement dans le petit village. En moins de dix minutes, tout le monde s'était rassemblé devant l'entrée de la maison. Chacun criait « À BAS LE DICTATEUR ! À BAS LE DICTATEUR ! ASSASSIN ! MEURTRIER ! ». Une nouvelle révolte était en marche, c'était la révolution des petits paysans ! Amber se disait qu'il était temps que les gens réagissent et qu'ils se bougent ! Ils avaient enfin décidés d'être solidaires les uns envers les autres ! Ils avaient attendu qu'un sordide événement ait lieu pour réagir ! Elle espérait qu'elle parviendrait à sauver son ami, il était trop jeune pour mourir surtout dans des circonstances aussi horribles.
Dans sa tête, Amber se disait que l'être humain pouvait vraiment être très cruel et méchant envers les autres. Et là, en l'occurrence, ce dirigeant n'avait plus aucune limite, il décidait par lui-même ce qui était bien ou mal. Il aimait déchaîner sa volonté de puissance suprême quitte à faire souffrir ceux qui l'entourait.
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