FLASHBACK
Violet — 16 ans
Je rafistole rapidement ma robe verte légèrement trouée à cause de ma maladresse puis coupe le bout de fil quand je pense que tout est réparé.
Un bal, voilà où mes parents veulent me traîner. Ou plutôt, voilà la condition pour que je puisse passer le concours d'entrée à l'Opéra de Paris en septembre. Oui, oui, Paris en France. Avec un peu de chance, j'aurais assez de niveau pour y entrer et quitter cette ville qui commence à m'ennuyer. Papa et maman ont vite compris mon objectif : devenir danseuse — étoile si la chance me sourit — mais ils n'ont pas l'air si emballés. Maman est inquiète tandis que papa essaye de la raisonner sans grande réussite. Au fur et à mesure des mois, un fossé s'est crée au point que je ne les vois plus le soir, trop occupée à travailler comme une acharnée avec le dragon Elizabeth. D'ailleurs, celle-là n'a pas trop aimé apprendre que je manquais notre cours de ce soir pour aller à un bal de promo. Parfois, j'ai l'impression qu'elle projette sa vie sur moi pour faire de mon existence une meilleure version de sa propre réussite. Comme si chaque regret qu'elle a pu avoir plus jeune ne devait absolument pas m'arriver. Comme si je devais consacrer ma vie entière à ma carrière sans me soucier du reste.
Honnêtement, je ne sais pas encore quoi en penser, mais si ça m'évitait d'assister à cette soirée de merde, c'est ok.
Mes parents ont piqué un scandale quand elle leur a grogné dessus, puis ils ont finalement trouvé un accord. Je rattraperai cette séance plus tard... au détriment d'un rendez-vous familial du dimanche. Zut alors...
— Violet ? Tu es prête ? me dit maman en criant de la cuisine. Tu n'y échapperas pas, tu vas t'amuser tu verras. Les bals de fin d'année c'est toujours super chouette. Et puis, tu te feras peut-être des amis, qui sait ? Faire des choses de ton âge ne te feras pas de mal, je te promets.
Ah mais je n'en doute pas. C'est chouette quand on a des amis, qu'on est cheerleader ou joueur de football, qu'on a des chances d'être élu roi ou reine de la promo et qu'on fait rentrer de l'alcool en douce dans son soutif. Moi, je n'ai rien de tout ça. Je ne fais pas le bon sport, je n'ai pas d'amis et je ne touche pas d'alcool. Ma vie peut paraître ennuyante comme ça, mais elle me convient. Je ne peux pas me retirer de l'esprit qu'Elizabeth ne va pas me louper demain, sachant que j'ai le double d'heures à cause de mes parents qui me font du chantage de merde. Toute ma vie, c'est moi qui l'ai choisi.
Je peste seule en plantant la dernière barrette quand maman entre. Les mèches grises dans ses cheveux bruns sont de plus en plus présentes mais je trouve que ça lui va particulièrement bien.
— Ah non ! lâche-t-elle en se précipitant sur moi.
Elle retire l'épingle que je viens de planter puis toutes les autres, jusqu'à ce que mon magnifique chignon disparaisse pour faire apparaître mes cheveux qui tombent en cascade sur mes épaules. Mes mèches blondes prennent place naturellement, m'arrivant sous la poitrine.
— Je n'en peux plus de voir cette coupe, Violet ! C'est ton bal de fin d'année, pas un gala de danse. Vis un peu ! Tu as seize ans enfin, je ne faisais pas tout ça à ton âge. Ça fera du bien à tes cheveux de les libérer un peu.
Et c'est parti pour le discours classique de maman. « Mais tu sais, à ton époque je sortais en boite en douce avec mes copines ! », « Mais pourquoi tu rentres à cette heure-ci ? Tu n'as de répétition, profite-en pour sortir avec tes amies ma chérie ! » ... J'espère qu'un jour, elle comprendra mon point de vue. Parce que je n'en ai rien à foutre de tout ça.
— Je ne suis plus habituée, je marmonne tandis qu'elle démêle les petits noeuds puis place une barrette pour faire tenir mes mèches de devant.
— Je m'en fiche, Violet. Tu es très jolie comme ça, tu vas faire tourner des têtes j'en suis sûre.
Je soupire puis profite d'un moment d'hésitation de sa part pour me lever de ma chaise. Vivement qu'on en finisse. Elle ne comprend pas que les garçons ou les filles ne m'intéressent pas non plus. Je n'ai pas le temps pour les amourettes, ça viendra un jour, mais pas maintenant.
J'attrape mes chaussures — des Converses blanches — puis me précipite dans l'escalier suivie de près par ma mère qui ronchonne parce que ma robe est trop courte. Faut savoir à la fin !
— Waouw, tu es magnifique ma chérie, me dit papa en me découvrant.
Il est assis dans le canapé mais s'est redressé en entendant mes pas lourds et énervés sur le bois de l'escalier. Il me regarde de haut en bas, admirant avec une certaine fierté dans le regard ce qu'il a crée.
— Bon, je dois y aller, je marmonne encore en prenant un petit sac qui me servira de sac à main.
— Je te dépose, dit Roméo en émergeant des toilettes, clés de voiture en main.
Mon frère s'arrête un instant, lui qui se dirigeait vers la porte d'entrée sans un regard pour moi, puis il se retourne lentement pour m'observer de haut en bas, un peu comme papa l'a fait juste avant. Je ne peux pas m'empêcher de sentir mes joues s'échauffer. Il relève les boucles miel qui lui tombent sur les yeux pour mieux me détailler puis hoche la tête.
— Michael a raison, tu es vraiment jolie ce soir. Ça fait drôle de ne pas te voir avec un tutu ou en tenue de sport. Tu devrais te mettre plus souvent comme ça.
Et je suis d'accord avec lui. Je passe tellement de temps en tunique et pointes voire survêtement quand j'ai le temps que j'en oublie les vêtements traditionnels. Je reconnais que me faire coquette le temps d'une soirée me fait un peu de bien.
— Bon, on file beauté, ça serait dommage de faire attendre ces messieurs.
— Je n'ai pas de cavalier, Rom', bougonné-je en faisant une grimace. Les mecs c'est dégueulasse.
— Ton langage Violet...
Roméo ricane en ouvrant la porte quand maman me reprend. Je me joins à lui pour quitter la maison mais il me chuchote assez bas en riant pour que les parents n'entendent pas.
— Si c'était Nate le cavalier, tu n'aurais pas la même réaction.
Je me redresse d'un coup, les yeux écarquillés, choquée de ce qu'il insinue. Oui, Nate est plutôt attirant, depuis toujours en fait. C'est le seul d'ailleurs. Mais c'est un vieux. Ok, le fait qu'il aie les cheveux noirs et des tatouages ça fait un peu mauvais garçon et ça attire les filles. Mais c'est son meilleur ami ! Je ne suis qu'une gamine pour lui, rien de plus.
— Ça va, change de tête, je te taquine !
Mon frère me bouscule un peu avec un petit rire puis pénètre dans la voiture qu'il s'est acheté. Je mets quelques secondes avant de reprendre mes esprits et de me résigner à rentrer dans ce tas de ferraille qui va m'envoyer tout droit vers la mort.
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