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Chapitre 28

Greyson c'est Jason Momoa s'il faisait du 38, les cheveux en moins.

Nate

3 semaines plus tard

Une femme me caresse doucement le bras tandis que je me laisse faire sans rien dire. Plus le temps passe, plus je me lasse de ces jeux qui n'ont plus rien d'intéressants pour moi. Depuis que je suis rentré de New-York, j'ai l'impression que mon travail est un calvaire que je me traine de jour en jour.

J'avais déjà parlé à Violet — à l'époque où elle nous adressait encore la parole — de ma vie et de ce que j'avais l'impression de devenir. C'est-à-dire : rien. Plus le temps passe et plus je réfléchis. Après toutes ces révélations, ces problèmes et ces émotions fortes, je n'arrête pas de me dire : et après ?

J'ai trente ans, je n'ai pas d'enfant, pas de copine depuis des années, j'ai un petit appartement qui ressemble plus à un logement étudiant qu'autre chose et mon travail est de faire du plaisir aux autres. Je ne dis pas que je déteste ce que je fais, j'ai adoré ça pendant longtemps, mais maintenant, je me demande si ce n'est pas puéril de ma part de rester ici, dans le confort. Quand je vois Jason qui est barman, je me dis que certes il est plutôt vieux, mais il a une femme et une petite fille. Quand je vois Greyson, c'est un peu la même chose. Même ma mère et Harper ont fini par arrêter pour trouver un job plus « stable », alors qu'est-ce que je fais encore là ?

En fait, j'ai l'impression d'être encore un adolescent mal dans sa peau qui cherche la validation de son entourage. Mais ça fait bien longtemps que mes proches s'en foutent de ce que je fais. Parce que je suis un adulte qui assume ses choix.

Rahh super, je n'ai plus du tout envie de quoi que se soit maintenant.

— On peut ... ? me demande la femme en donnant un coup de tête vers les chambres.

Comme si je n'avais pas compris leurs intentions depuis le début.

— Excuse-moi, lui dis-je avec un ton plutôt charmeur que j'ai mis des années à maîtriser. Je termine tôt aujourd'hui, mais je peux te trouver quelqu'un d'autre pour t'amuser ?

La femme change de tête pour afficher une moue boudeuse, exprès. On dirait une petite fille a qui on refuse un caprice. Si elle espère me faire bander avec ça...

— Je ne veux pas des autres, affirme-t-elle avec un léger sanglot fictif. En plus, ils ne sont pas comme toi...

Ce qui veut dire : ils n'ont pas autant de tatouages, ils n'ont pas de cheveux sombres qui font penser à un bad-boy et ils n'ont pas autant d'expérience. Eh oui, mon passif à New-York me rattrape on dirait.

— Nate ?

Je tourne la tête en me redressant, forçant la femme qui me caressait le bras à aller voir autre part. Merci Greyson, tu es mon sauveur. Mon oncle arrive vers moi, ordinateur sur le bras et son costard bien lisse sur lui. Je ne sais pas comment il fait pour ne pas avoir chaud, même torse nu je sue dans cette pièce.

— Oui ? je lui réponds quand il s'assoit sur une chaise en face de moi, la table nous séparant.

— Comment tu vas ? Désolé, je ne suis jamais là quand tu passes à la maison voir les monstres. Punaise, cette année c'est la folie ! J'ai l'impression de passer ma vie au boulot.

— C'est ça d'être multi-millionnaire.

— Ne me flatte pas trop, tu sais que l'argent n'est pas un problème mais que je n'en profite pas totalement.

Il n'a pas tort. Depuis qu'il a coupé les ponts avec son père, un grand homme d'affaire peu recommandable, Greyson a refait presque entièrement sa fortune au point de rembourser chaque centimes à son père sans perdre ne serait-ce qu'un peu d'argent. Avec l'aide de ses amis et de sa merveilleuse femme, il a fait des choix judicieux pour placer son argent et résultat : il est encore plus riche qu'avant. Si cette histoire a fait beaucoup de bruit dans son monde, ça a aussi fait du bruit dans les médias. « Greyson Myers refuse d'être la descendance de son père ! » « Greyson Myers se marie avec une ancienne strip-teaseuse ! » « Greyson Myers devient officiellement le plus gros d'honneur de l'année en versant 10 millions de dollars à une association ! »

Mais il a beau être riche à souhait, je pense qu'Harper est la chose qui lui permet de garder les pieds sur terre. Si avant il donnait déjà beaucoup, depuis qu'elle est à ses côtés, plus rien d'autre ne compte au point qu'il finance énormément de choses pour ses proches. Dernier exemple en date : l'Opéra de Paris. Greyson a largement aidé les Davis financièrement pour offrir le meilleur à Violet avant même qu'elle ne réussisse les sélections.

— Enfin bref, je ne suis pas venu te parler du beau temps ou de mon nouveau PC gamer.

Ah, oui, il s'est pris d'une soudaine passion pour les jeux vidéo, conséquence directe de l'influence de son fils sur lui. Je ne sais même pas quand il aura le temps de jouer mais il fait ce qu'il veut de son argent après tout. Une chose est sûre, c'est un moyen rapide pour se rapprocher de Gareth qui est en plein dans sa phase d'adolescent rebelle.

— Je t'écoute.

— Ah, mais c'est rien de super important, hein ! Après je te laisse bosser même si...

Il regarde rapidement sa montre.

— Ah bah non, t'as déjà fini depuis deux minutes. Donc je disais rien de super important, je voulais juste savoir si tu viens demain.

Demain ? Qu'est-ce qu'il y a demain ? Je regarde Greyson qui me scrute de ses yeux bleus, devinant sûrement que je ne vois pas du tout de quoi il parle.

— Demain on est le 28 octobre... essaye-t-il de m'aider.

Punaise, je dois vraiment être à l'ouest pour ne pas me souvenir. Qu'est-ce qu'il se passe le 28 octobre déjà ? C'est pas Halloween... C'est....

— L'anniversaire d'Eden !

— Bravo, tu n'es pas si perdu que ça en fait !

— T'as bouffé un clown au petit déj' on dirait...

— Rooh, ça va on peut même plus rire parce que monsieur est grognon.

— Ce n'est pas le cas, je suis juste fatigué.

Et c'est la vérité. Depuis que Violet est rentrée, je ne sais pas pourquoi mais mes nuits sont devenues un vrai calvaire. Dès que je pose ma tête sur l'oreiller, je repasse en boucle la petite fête que lui ont préparés ses parents. Je me rappelle la profonde gêne que j'ai senti, la tension de Violet. Je vois chaque moment, chaque pas qu'elle a fait, sa jambe et son moignon qu'elle n'a pas cherché à cacher malgré ses joues rougies par la honte. Elle n'était pas laide, bien au contraire, mais devant nous tous, elle s'est assumée et a fermé le clapet à tous le monde.

— Violet sera là, dit Greyson comme s'il pouvait lire dans mes pensées.

— Pardon ?

— Violet Davis, la fille de Miranda et Michael. Elle sera à l'anniversaire d'Eden.

Elle va donc sortir de sa tanière... Ça fait trois semaines que je la vois en coup de vent quand elle traine au café d'Eden mais elle est tellement prise avec la rééducation et la radiothérapie que c'est à peine si elle a du temps pour elle. Roméo me donne des nouvelles quand on se voit, mais elle n'a même pas l'air de se confier à lui.

— Tu l'as vu ou elle t'a appelé ? demandé-je l'air de rien.

— C'est Layla qui me l'a dit. Elle traine de nouveau avec Violet, ce qui est bon signe. Eden est la meilleure amie de Violet, peu importe ce qu'on en dit. Elle ne louperait pas un évènement si important et puis, quelque chose me dit que ça risque d'être intéressant cette année.

— Comment ça ?

— Je ne sais pas, mon instinct Nate, mon instinct.

Il se lève puis s'étire.

— Moi aussi je suis un peu fatigué en fait, continue-t-il avec un petit sourire provocateur.

— C'est ça ouais... En même temps, c'est de plus en plus dur quand on a 54 ans...

Indigné, il recule avec une main sur le cœur, la bouche ouverte. Puis, comme pour prouver sa bonne forme, il enlève sa chemise blanche de son pantalon pour dévoiler une rangée d'abdominaux.

— Je suis sûr que tu n'as pas les mêmes, Nate. Et j'ai vingt ans de plus que toi.

En riant, je me lève pour lui montre mon corps, contractant au maximum mes muscles pour qu'ils ressortent.

— Tu disais ?

— Frimeur, si j'avais des tatouages je serais exactement pareil.

— C'est ça, ouais... Bon, faut que je rentre.

Greyson hoche la tête puis je lui emboîte le pas comme son bureau n'est pas loin du vestiaire. Il me salue au cas où nous ne nous croisions pas de nouveau et je me dépêche d'enfiler des vêtements convenables pour sortir d'ici. Je regrette à chaque fois que le club ne possède pas de sortie des artistes mais tant pis. Je traverse la salle en préparant ma cigarette puis l'allume dès que je suis dehors. L'avantage avec l'ancien appartement d'Eden c'est qu'il est vraiment à cinq minutes de mon lieu de travail. Les seules fois où je prenais ma voiture à l'époque, c'était pour faire un crochet au studio de danse pour Violet.

La pauvre, je ne veux pas être de ces gens qui ont pitié, mais sa vie c'était la danse. Ou la danse c'était sa vie. Peu importe, elle vivait pour être sur scène et avoir mal aux pieds. J'ai beau être vexé qu'elle nous mette autant à l'écart depuis son amputation, je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'elle en a le droit. Elle a le droit de vouloir broyer du noir tout en riant de temps à autre. Elle a le droit d'en vouloir au monde entier.

Parfois, j'aimerais avoir quelque chose que j'aime plus que tout au monde comme elle, juste pour essayer d'imaginer ce que ça ferait de me l'arracher. Pour la comprendre un peu.

Quand j'arrive devant chez moi, je me prends encore une de ces foutues feuilles dans la tête. Quelle idée d'avoir une façade pleine de verdure ? Je ne vous dis pas le nombre d'insectes qui rentrent quand je laisse trop longtemps la fenêtre ouverte...

J'entre et me dépêche de monter les deux étages puis l'odeur de monoï m'accueille dans l'entrée. Harper m'a offert un de ces trucs avec des bâtons pour que ça sente bon dans la maison et j'avoue que j'apprécie. J'enlève rapidement mes chaussures puis me déshabille en marchant, direction la salle de bain. Je ne bosse pas demain, mais il y a l'anniversaire d'Eden donc le Milady sera carrément fermé pour l'occasion. Je sais qu'elle a bataillé pour faire la fête chez elle, mais personne n'a voulu. Greyson est catégorique quand il s'agit de l'anniversaire d'Eden : c'est dans son club, comme la première fois qu'ils l'ont fêté avec un numéro de strip-tease des hommes. Chaque année c'est la même et pourtant ils arrivent tout le temps à se renouveler. Comment vous dire que j'ai déjà fait parti du show une ou deux fois...

J'allume la douche et me plonge dedans, peu importe que l'eau soit toujours glaciale. La fatigue tiraille tout mon corps, mais quelque chose me dit que je ne vais pas bien dormir pour autant.

Violet sera là demain. C'est tout ce qui remplit mon esprit. Violet sera là et j'ai promis d'être là pour elle si elle le veut. Je compte bien tenir ma promesse si elle a besoin de moi.

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