8. Regrets
Un frisson me traverse de part en part quand les pas de ma mère s'éloignent pour s'approcher de la porte d'entrée. J'ai beau savoir qu'il ne s'agit sûrement que du voisin, le regard bleu d'Ayden ne me quitte pas des yeux. Et pourtant, j'essaie désespérément de l'oublier.
- Bonsoir, Marie, prononce une voix grave que je ne connais pas. Je suis désolé, j'ai fermé l'épicerie plus tard que prévu. Tiens.
J'entends ma mère embrasser l'homme à la voix grave sur les deux joues et répondre gentiment :
- Ca ne fait rien, Max, je ne dormais pas de toute façon. Merci beaucoup, je n'aurai pas eu le temps d'en acheter demain matin.
- Il n'y a pas de quoi. Quand on peut rendre service, entre voisins, c'est normal. Bonne nuit.
- Bonne nuit, Max, et merci encore ! Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas !
Est-ce que ma mère est en train de draguer ce type ou est-elle simplement gentille avec lui ?
La porte se referme sur la nuit, et je ne me suis jamais sentie aussi honteuse et triste de toute ma vie. Comment est-ce que j'ai pu croire une seconde qu'il pouvait être là ? Et de toute manière, qu'est-ce que ça aurait changé ? Il m'a laissée bien trop de fois pour que je le laisse revenir. J'avais foi en lui, mais je n'avais pas réalisé à quel point c'était une erreur. Alors qu'il soit ou non devant cette porte ne change rien, quoi que mon épiderme puisse en dire. Ce n'est pas parce que mon corps a besoin de lui que je dois l'écouter.
Ma mère réapparaît sur le seuil du salon. Un sourire las s'est emparé de ses lèvres.
- C'était Max.
Trop occupée à gérer mes propres démons, je réalise que je ne sais même pas comment va ma mère.
- Est-ce que tu vas bien, maman ?
- Bien sûr que oui, je vais bien ! Pourquoi une telle question ?
- Comme ça. Pour savoir. Est-ce que tu es heureuse ?
- Quand mes enfants sont heureux, oui.
- Mais toi ?
- Je vais bien. C'est tout ce que tu dois savoir pour le moment, sourit-elle à nouveau. Je vais me coucher, tu viens ?
- Je vais rester là un moment. J'ai besoin de réfléchir.
- Comme tu veux. Mais ne te fais pas trop de mal inutilement.
- Maman...
- J'ai vu ta réaction quand Max a frappé. Tu dois cesser d'attendre un miracle. Ne reste pas à la merci de tes sentiments.
- Je l'aime, maman. Je sais qu'il n'est pas bon pour moi, mais je l'aime.
- Sois plus forte que ça. Tu y arriveras, tu verras. Bonne nuit, ma chérie.
Un soupir agacé s'échappe de ma gorge quand j'entends ses pas s'éloigner dans l'escalier. Ma mère ne semble pas voir l'étendue des dégats dans mon cerveau, ni même la violence de mes sentiments pour Ayden. Le poids sur mes épaules pèse de plus en plus lourd. Et même Londres pourrait bien ne pas suffire à me faire oublier le bleu profond qui hante chacun de mes gestes. Prise d'un accès de détresse, je sors mon téléphone pour faire part à Erin de ma décision.
Ravie, elle se lance dans un tas de recommandations qui me sont maintenant familières.
- Ne t'en fais pas pour le logement. Live a des petits studios qui sont prêtés aux employés. Je t'enverrai l'adresse par message.
Un appartement pour moi toute seule... Même si c'est juste un studio, c'est le genre d'information qui fait plaisir à entendre.
- Génial. Pas de soucis.
- Ca ne va pas ?
- Si, si, tout va bien, Erin. J'essaie juste de...
- Inutile d'aller plus loin. Allez, Londres regorge de princes prêts à tout pour séduire une petite frenchie.
Et je n'en ai tellement rien à faire.
Je m'esclaffe doucement pour donner le change. Erin non plus ne sait pas à quel point la douleur lancinante qui me rend la vie impossible depuis le matin où il est parti est difficile à encaisser.
- On verra bien. En attendant, on va bosser. C'est ça ?
- Oh que oui. L'agence de Londres est extrêmement active.
- Tu n'as pas peur d'une telle responsabilité ?
- J'ai bossé avec Chuck pendant plus de six ans. Je connais le boulot. Et puis tu sais... Je ferai de mon mieux, c'est le plus important.
- Quand est-ce que tu quittes New-York ?
- Dans trois jours. Il faut que je réserve ton billet, mais on commence dans une semaine. Ce serait bien que tu sois là un peu avant aussi.
Trois jours ? Il ne me reste que trois jours ?
- Heu... d'accord.
Erin ne supporte pas les obstacles. Je la connais. Autant digérer l'énormité de cette information dans mon coin.
- Bien. Je t'enverrai ton billet par mail, et l'adresse du studio. Rendez-vous en ANglettre, ajoute-t-elle gaiement.
A ce moment, il me semble entendre un bruit étouffé à l'extérieur, mais je n'y prête pas attention, jusqu'à ce qu'il se reproduise quand je raccroche le téléphone. L'oreille aux aguets, je sursaute quand trois coups discrets se font entendre sur la porte d'entrée. Encore Max ? Est-ce qu'il a l'intention de passer la nuit chez nous ?
Un peu agacée, j'ouvre la porte avec précaution, les sourcils froncés. Le regard qui me transperce alors manque de me renverser. Mes jambes tremblent de manière incontrôlable, et mon cœur semble subitement vouloir sortir de ma poitrine. Ce n'est pas possible. Il n'est pas devant moi, je suis en train de rêver, et dans trois secondes, je vais me réveiller dans mon lit. Il n'a pas pu faire ça. Incapable de prononcer le moindre son, je regarde ces yeux d'un bleu intense se vriller aux miens.
L'expression impassible sur son visage magnifique ne m'aide pas. Ni lui ni moi ne prononçons le moindre mot. Complètement inerte, je laisse ma main glisser de la poignée de la porte. Je ne sens plus le froid glacial qu'il fait dehors. Je ne sens plus mon corps. Des larmes jaillissent de mon visage de manière incontrôlée, et dans un réflexe de protection, j'esquisse le geste de refermer la porte sur l'amour de ma vie.
Cette pensée me donne envie de rentrer sous terre. Ayden n'est pas l'amour de ma vie, je vais partir à Londres et je vais guérir. Loin de lui et de la tempête incontrôlable qu'il provoque à l'intérieur de moi, la nuit comme le jour, de près ou de loin.
Sa main se pose sur le bois rassurant de la porte de ma maison. Il est ici, dans mon univers, dans ma vie, et il force le passage. Ce seul geste me permet de revenir de façon foudroyante à la réalité, et une immense colère jusque là contenue par la tristesse de l'avoir perdu s'empare de moi. Sans plus me préoccuper de ma famille qui dort à l'étage au dessus, je lui lance d'une voix dure :
- Qu'est-ce que tu veux ?
Ma question semble le surprendre, et il garde le silence quelques secondes. Je ne lâche pas des yeux son regard clair, essayant de lui transmettre un peu de la rage intense qui m'anime.
- Je suis venu pour te voir.
- Et bien tu m'as vue. Tu es content ? Tu peux rentrer à New-York.
- Mel, ne fais pas celle qui ne comprend pas.
Mes poings se crispent. Je serre les dents devant tant de présomption. Ce connard a le culot de m'abandonner en plein milieu de New-York, et il ose se pointer ici pour me donner des leçons ? Non mais je rêve !
- Qui ne comprend pas quoi ? Que je suis rentrée chez moi à cause de toi ? Parce que tu t'es barré comme un putain de lâche ?
Inconsciemment, je me rapproche de lui, et mon poing s'abat sur son torse. A bout de souffle et enragée, je réalise que je suis en train de crier, et je baisse d'un ton pour continuer de me défouler.
- Tu ne penses quand même pas qu'il suffit de te pointer ici pour tout arranger ? Hein ? T'es pas con à ce point, quand même, dis moi ?
Ayden attrape mon poignet. Une décharge électrique bien trop violente me traverse a son contact, et je le retire comme s'il m'avait brûlée.
- Non, je suis pas assez con pour ça. Je pensais juste que tu aurais bien aimé une putain d'explication. Mais apparemment, ce n'est pas le cas.
- Non, ce n'est pas le cas. Et ça ne le sera jamais. Dégage, Ayden. Sors de ma vie. Tu m'as assez détruite comme ça. Ca ne te suffit pas ? Tu voulais avoir le plaisir de me voir pleurer une dernière fois ? Et bien c'est fait.
Ayden baisse la tête et passe une main nerveuse dans ses cheveux emmêlés. J'ai toujours adoré ce geste, si naturel et sexy chez lui, mais là, il me donne envie de vomir. Sa voix, rendue grave par la nervosité, me parvient comme étouffée.
- Rentre à New-York.
Pardon ?
Incapable de me retenir plus longtemps, j'éclate d'un rire sans joie qui refuse de s'arrêter. Ayden me regarde comme si j'étais devenue folle. Ce qui semble effectivement sur le point d'arriver.
Entre deux crises de rire, je hoquette :
- Tu n'es pas sérieux. Dis moi que tu n'es pas sérieux.
- Mélanie, je viens de traverser un putain de continent. Qu'est-ce que tu crois ? Que je suis juste passé dire bonjour ? Rentre à New-York. S'il te plaît. J'ai besoin de toi.
- Va te faire foutre, Ayden.
J'observe ses poing se serrer et sa respiration s'accélérer. Je rêve... il est en colère ? Il ose encore être en colère ? Est-ce que c'est une putain de blague ?
- Mel, putain... fais pas ça.
- Arrête. Arrête de jouer à ça. Ca ne marche plus. Pourquoi t'es là ? Pourquoi ? Tu m'as brisée, Ayden. Brisée ! Tu sais ce que c'est ? Tu sais ce que c'est que de ne pas savoir à quoi se raccrocher le matin parce qu'il ne reste rien ? Je t'ai tout donné. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour que tu comprennes. Ma seule putain d'erreur, c'est de ne pas t'avoir dit que Chuck était ton frère. Parce que ce n'était pas à moi de le faire. Et tu sais quoi ? Si c'était à refaire, je referais exactement la même chose. N'importe qui aurait compris ça. Et toi, parce que tu ne supportes pas la moindre faille chez moi, tu t'es barré. Tu te rends compte du mal que ça fait ? Et tu crois qu'en plus, je vais revenir ?
- Est-ce que ça te viens à l'esprit deux putains de secondes que j'aie pu paniquer ? Deux putains de secondes, c'est trop te demander ? Tu crois que moi, je ne t'ai pas tout donné ? J'ai fait un putain d'album pour toi, Mel. C'est peut-être rien pour toi, mais j'aurai jamais fait ça dans ma foutue vie si c'était pas pour toi. Tu sais tout de moi. Tu es la seule à tout savoir. Et dans la même minute, j'apprends que non seulement j'ai un putain de frère, mais qu'en plus tu le savais. Qu'est-ce que tu croyais ? Que j'allais prendre la nouvelle dans la joie et la bonne humeur ? Tu es la seule en qui j'ai confiance. Je voulais simplement que tu me le dises, putain. Que tu me fasses confiance. Mais tu l'as pas fait.
- Et j'avais pas tort. La preuve.
- J'aurais jamais fait ça si tu me l'avais dit. Tu le sais.
- Ne remets pas ça sur mon dos, putain ! Tu m'as laissée. Tu m'as laissée, Ayden ! Comme d'habitude, tu ne t'es préoccupé que de toi. Ta douleur, ta vie, tes blessures. Et les miennes ? Est-ce que tu en as jamais eu quelque chose à foutre ?
Son silence sans équivoque redouble ma colère.
- Non. Jamais. Est-ce que tu as la moindre idée de ce que ça fait ? De la brûlure ? Du vide ? De l'horreur ?
- Oui. Ouais, je crois bien que je suis abonné à ce genre de trucs.
Je soupire. Je n'ai pas envie de le laisser entrer de nouveau dans mon esprit. Pas envie de lui trouver la moindre excuse. Je dois me protéger, coûte que coûte, même si ses bras m'attirent comme des aimants. Même si je crève d'envie de me blottir contre lui et de ne plus jamais en bouger. J'essuie mes larmes en observant la douleur dans ses yeux, et avant qu'elle ne me rende aussi faible qu'une poupée de chiffons, je murmure :
- Je pars à Londres, Ayden. Je ne reviendrai pas à New-York. Toi et moi, c'est terminé.
Bonjouuuuuuuur mes amours ! Juste un petit mot pour vous annoncer que je suis en vacances et que je risque de poster pas mal durant les deux prochaines semaines. Et ça fait beaucoup de joie dans mon ptit coeur.
Sinon, comment ça va chez vous ? Il fait pas trop froid ? Vous êtes en vacances ?
Je vous envoie plein d'amour.
<3.
insta : hazelcartergrace
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