J'ouvris la porte, tremblant de tous de tous mes membres.

-Tu m'avais manqué, Alice.

Machinalement et faiblement, je pris Peter Pan dans mes bras en pleurant comme une gosse puérile. Il fut surpris mais me serra encore plus fort en me glissant à l'oreille :

-Si tu pars encore comme ça, je crois que je te tuerai sans aucune hésitation, t'es débile, quand tu veux. 

Je me séparai rapidement de lui au moment où je me rendis compte que j'étais dans les bras d'un être que j'ai juré de haïr pour l'éternité. Il me fit une remarque en me regardant avec un air ultra-inquiet :

-Tu est d'une pâleur et d'une maigreur maladives ! Que t'est-il arrivé ?

-Quelqu'un à qui je tenais beaucoup est mort. J'étais tant troublée et triste que j'en oubliais de manger, parfois. Toujours.

Je marque une pause avant de continuer :

-Quelqu'un me manquait, aussi.

Il eut un petit sourire étouffé. Revenir au Pays des Merveilles a été une grande erreur. Tant de malheurs ne se seraient jamais passé si j'étais restée avec cet abominable Pan. Dans la vie, il est essentiel de ne retenir que ces bons épisodes, chose que je ne fais pas vraiment.

-Comment as-tu fait pour venir ici, Peter ?

-Disons que j'ai rendu visite à une vieille amie.

-Clochette ? Mais elle te déteste !

-Tu me connais, j'arrive toujours à mes fins : je lui ai refait don de ses ailes en échanges d'un peu de poussière de fée. Ce que je lui ai fait m'a condamné à jamais à m'en vouloir pour ça et je pense qu'elle l'a compris.

-Elle m'a pourtant dit qu'elle n'en aurait plus après m'en avoir fait utiliser ! Elle m'a menti ? Quelle gourde, celle-la.

Il se mit à rire (à se moquer de moi, plutôt...) avant d'ajouter :

-Elle joue des tours à tout le monde, elle en a une infinité sur elle. Elle la produit.

Quelle naïveté, Alice. Tu crois vraiment le baratin qu'il te raconte ? Il est juste venue pour te tuer par la suite, c'est évident. Cette gentillesse, c'est louche.

-Tais-toi  ! hurlai-je soudain.

-Qu'est-ce qu'il te prend ? 

-Je...je ne te parlais pas.

-Toi aussi, alors.

-Quoi, "toi aussi" ?

-Elles sont aussi dans ta tête, les voix. Je les entend depuis que tu es partie.

Et ça aussi, tu vas le croire ? Attends, tu te vois, là ? Tu fais vraiment de la peine.

-La ferme !

Je mis mes mains sur les oreilles et me mis à pleurer. Il faut que tu te taises ! Tu crois que te boucher les oreilles va arranger quelque chose ? Je suis à l'intérieur, je te ferais dire.

-Alice ! Regarde-moi !

Regarde-moi ça, tu te fais encore avoir, stupide fillette.

-Ce n'est pas réel, Alice !

Je me mis à crier de toutes mes forces pour te faire sortir de ma tête. Je n'en pouvais plus.

-J'aurais espéré que tu sois là au moment où j'avais le plus besoin de toi, ne me laisse pas tomber !

-Je suis là, je le serai toujours.

Il me prit dans ses bras. Dans ma tête, c'était le chaos : des voix venaient de tous les côtés, je ne savais plus déchiffrer les mots qu'elles me soufflaient. 

-Alice, regarde-moi !

Je parvins tout juste à lever la tête et à le regarder difficilement à cause des larmes qui brouillaient ma vue. Il m'embrassa, ce qui fit que les voix se turent d'un coup. Je mis ma main sur sa joue et nos lèvres se décollèrent doucement.

-Pourquoi avoir fait ça ? lui demandais-je.

-Pour calmer les crises d'angoisse, il faut que le souffle s'arrête et c'était le seul moyen que j'aie pu trouver.

-J'espère que tu seras toujours là quand j'aurais le plus besoin de toi.

-Je te le promets. Je suis là.

Il m'invita à me lever du sol en tendant sa main sur laquelle je m'appuya. 

-Est-ce que je suis devenue complètement folle ?

Il mis une main sur mon front avant d'ajouter avec le sourire aux lèvres :

-J'en ai bien peur, oui mais je vais te dire un secret : la plupart des gens bien le sont.

Je le pris dans mes bras, en pleurant.

-J'ai besoin de ton aide, Peter Pan.

-Lorsque tu dis mon nom en entier, ça veut dire que ma mission a beaucoup d'importance pour toi. Quelle est-elle ?

-Je dois te demander tes services pour assassiner quelqu'un... entre autres.

Il se mit à rire avant d'ajouter :

-Tu plaisantes ? Pour que tu veuilles tuer quelqu'un, il faut que tu le détestes vraiment. Que t'a-t-il fait ?

-Il nous oppresse ! Il nous tue ou nous expulse pour aucune raison valable ! Il a tué... il tue des gens ! Je crois que c'est une raison assez valable pour vouloir assassiner quelqu'un !

-Calme-toi, aucune raison n'est valable pour tuer une quelconque personne, crois-moi.

-Mais je veux le tuer ! Il mérite de mourir pour payer le prix d'avoir tué encore d'autres personnes ! Il ne s'arrêtera pas là, c'est moi qui te le dit !

-Alice, tu ne sais pas ce que tu dis. Tu es fatiguée, il faut que tu dormes.

Il me dirigea avec ses mains vers mon lit et m'ordonna de m'allonger. Je ne broncha pas puis me mis sous les draps.

-Je dormirai sur le canapé. Bonne nuit.

C'était étonnant de le voir comme ça. Je ne pensais pas qu'il pouvait être un brin sympathique.

-Merci, Peter.

Il me fit un sourire avant de s'allonger sur le sofa. Les voix s'étaient enfin tues et je commençais à sombrer dans le sommeil et une chose qui ne m'était pas arrivée depuis longtemps arriva : je m'endormis avec un petit sourire sur le visage.