Chapitre XI
Chapitre XI
Personne n'avait daigné esquisser un geste pour nettoyer le tapis. Depuis plusieurs minutes, Alice ne pensait plus qu'à cela. Nettoyer le tapis. S'il avait eu la possibilité de bouger, il l'aurait volontiers fait lui-même. Un silence assourdissant engloutissait la salle du Trône, et pour s'occuper, Alice s'imaginait en train de nettoyer ce foutu tapis rempli de sang. Frotter, frotter, astiquer, encore, encore, et encore. Il ne savait pas vraiment ce que la Reine attendait pour ordonner son exécution, son enfermement ou il ne savait quoi d'autre, mais il aurait vraiment apprécié qu'elle se dépêche. Donnez-moi une brosse, pitié. Ses genoux commençaient à le faire souffrir à force de rester dans cette position, et si il continuait à sentir cette odeur de tripes et de boyaux qui régnait autour de lui, il allait finir par vomir et nettoyer le tapis serait encore plus difficile.
– J'ai trouvé ! s'écria t-elle tout à coup.
Un doux sourire se dessina sur son visage et elle se tourna vers l'homme en toge pour lui demander :
– Mon cher ami, depuis quand mon Jabberwocky n'a-t-il pas mangé ?
Alice déglutit.
– Depuis presque trois jours Votre Majesté, nous allions justement nous en occuper aujourd'hui.
La Reine se leva, légère et semblant tout à coup de très bonne humeur. Elle balança ses longs cheveux bruns aux reflets rougeâtres par dessus son épaule et s'exclama :
– Et bien ne vous donnez pas cette peine, nous venons de trouver son repas !
Alice plissa les yeux. À cet instant, devant cette saute d'humeur étrange, il aurait aisément pu deviner tout seul le lien de sang que partageaient les deux sœurs. Leur visages étaient vraiment très similaires, et à part leur couleurs de cheveux ou de yeux, elles se ressemblaient comme deux gouttes d'eau.
Il regarda en soupirant l'immense fenêtre qui se trouvait sur le grand mur à sa droite. Dehors, il faisait sombre et les nuages noirs obscurcissaient encore le ciel.
– Bien, emmenez le dans le troisième jardin, ordonna t-elle.
Alice ne fit pas un geste pour se défendre lorsqu'il sentit des mains empoigner ses cheveux pour le mettre debout.
Soudain, quelque chose cogna contre son pied et pendant un instant, il eut peur que ce soit l'œil du Loir qu'il avait aperçu au milieu des boyaux précédemment. Il baissa le regard, et vit une petite bille rose. Il crut que c'était la sienne qui venait de tomber de sa poche, puis se souvint que la sienne était bleue.
Un bruit d'explosion et la pièce fut en un instant remplie d'une épaisse fumée opaque. Alice eut du mal à respirer, mais il remarqua également qu'il pouvait enfin bouger. Presque aussitôt, il envoya son coude dans le nez du garde le plus proche et son genou dans les parties intimes de celui qui lui tenait les cheveux. Il se baissa, passa entre les jambes des gardes qui tentaient de l'attraper à travers le brouillard et fonça vers la fenêtre.
Il sentit un souffle sur son oreille, un bras qui passait autour de son torse, puis ses pieds se détachèrent du sol et la voix du Chapelier :
– Alors petit homme, on ne peut plus te laisser seul deux minutes ?
Alice crut sentir son cœur lâcher de soulagement pendant quelques secondes, puis ils foncèrent dans la vitre et passèrent au travers.
La chute au milieu des morceaux de verre fut plus longue que ce à quoi il s'était attendu et cela rappela automatiquement à Alice son arrivée au Pays des Merveilles.
Sauf que cette fois, il n'y avait pas d'eau pour amortir leur chute. Il n'eut même pas le temps de crier que déjà ils posaient leur pied sur le sol, tout doucement, flottant légèrement. Alice regarda le Chapelier avec incompréhension alors que celui-ci lui faisait un grand sourire ainsi qu'un clin d'œil.
Le blond souffla, regarda sa main qui tremblait toujours, leva la tête vers le Chapelier, et se jeta dans ses bras. Pendant un instant, il crut qu'il allait se mettre à pleurer, mais il réussi à se contenir. Le rouquin lui rendit son étreinte en lui caressant le dos, puis souffla :
– Je suis content de te voir en vie petit homme, mais nous ne sommes pas tiré d'affaire.
Alice se reprit, inspira et expira deux fois, puis regarda le Chapelier dans les yeux.
– La Reine a trouvé l'entrée vers l'endroit où se trouve l'épée Vorparline, lui souffla le rouquin. Hâtons-nous.
Il lui prit la main et ils se mirent à courir en direction des jardins.
– Oh Alice, je suis désolée, s'exclama la Reine Blanche lorsqu'ils s'approchèrent.
À bout de souffle, Alice secoua la tête.
– Ce n'est pas votre faute...
Il regarda tour à tour le Chat, le Chapelier, la Reine et le Lièvre. Ce dernier semblait dévasté.
– Vous étiez au courant pour... le Loir ? demanda t-il avec incertitude.
La Reine secoua la tête et baissa les yeux. Très bien, ils en parleraient plus tard.
Le blond regarda derrière eux, et un frisson le traversa. D'immenses rosiers pleins d'épines et de ronces montaient à plusieurs mètres. Les roses étaient rouges, et au centre, un trou dans les buissons formait un gigantesque passage. Une entrée. Alice n'eut pas besoin d'entrer pour deviner ce qu'était cette structure.
Un labyrinthe fait de roses et de ronces.
– Je sens son énergie, souffla Mirana. À l'intérieur.
Alice lança un regard maussade vers le mur de végétation. La Reine Rouge n'aurait pas pu cacher cette maudite épée à un endroit facile d'accès ? Dans les toilettes par exemple ?
Il soupira.
Le Chapelier s'éclaircit la gorge.
– Loin de moi l'idée de vous presser Majesté, mais... Comment dire ? Je crois qu'ils nous ont retrouvé.
Comme un seul homme, ils se retournèrent en direction du château. La Reine Rouge se tenait là, droite sur ses hauts talons, entourée de plusieurs centaines de gardes.
Alice déglutit. Il jeta un nouveau regard en direction du labyrinthe, puis souffla :
– Avoir cette épée est notre seule chance, n'est-ce pas ?
Mirana hocha la tête.
– J'en ai bien peur.
Le blond se tourna, inspira fortement, puis prit son courage à deux mains.
Il s'élança à travers les roses.
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