Chapitre 23 : La vie veut m'achever
Média : via pinterest → Kilyan qui s'ennuie (Harry Lloyd)
Musique de fond : Another Love, Tom Odell
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J'entrai dans la salle avec une appréhension qui me coupait le souffle. J'étais vraiment beaucoup trop sensible. J'allais juste voir Sam !
Je m'assis à ma place habituelle malgré tout, à côté de la fenêtre, du radiateur, et de lui. Il n'était pas encore arrivé, ce qui me permit de reprendre une respiration normale.
Je regardai dehors. Des filles étaient en train de discuter avec animation, assises sur un banc en bois, et l'une d'entre elle se leva soudainement pour rejoindre un garçon sur le terrain de foot.
Elle s'approcha de lui avec une démarche furieuse et le gifla avec tant de violence que son visage partit sur le côté avec le choc et que quand il releva la tête, une marque rouge marbrait toute sa joue droite.
Je le vis gesticuler d'un air énervé. Un ricanement rompit mon observation silencieuse, et je m'aperçus que Sam regardait par dessus mon épaule la même scène que moi.
Sans pouvoir m'en empêcher, un sourire se dessina sur mon visage. Son rire était trop communicatif pour ne pas réagir.
Il s'assit lourdement, et je surpris son regard sur moi, étonnée qu'il me regarde encore après le mot que je lui avais fait passer la veille. Il devait me prendre pour une folle.
Mais apparemment, Sam lisait dans les pensées, puisqu'il piocha un bout de papier dans sa trousse (décidément, il en faisait une collection complète) sur lequel il écrivit au ralenti en me jetant des coups d'œil réguliers.
Un stress intense me prit brusquement, et je sentis un nœud se former dans mon estomac. La peur fit remonter un frisson tout le long de ma colonne vertébrale et une pellicule de sueur froide recouvrit ma nuque.
Allait-il enfin me dire que j'étais stupide, qu'évidemment il ne pourrait jamais m'aimer, que je n'aurais même dû croire que dans mes rêves les plus fous ce serait le cas, parce que jamais, jamais, jamais ça n'aurait pu être possible, allait-il enfin faire taire l'espoir qui persistait malgré tout, allait-il enfin abréger mes souffrances et me dire que ce baiser n'avait été qu'un moyen de jouer avec moi comme avec un pantin, allait-il enfin faire taire cet amour qui enflait dans ma poitrine en réduisant à néant cette putain d'espérance ?
Je fis mine de me concentrer sur le cours qui m'ennuyait on ne peut plus pour détourner mes pensées de lui. Je me fis vite distraire par l'activité extrêmement enrichissante qui consistait à regarder les autres élèves de la classe, ce qui était de toute façon mille fois plus attrayant que le blabla incessant et malheureusement inintéressant du quinquagénaire à lunettes qui nous enseignait l'histoire.
Je jetai un regard circulaire à la salle.
Jamal et Lina faisaient un bras de fer, Ahmed était penché sur son livre, Anna, Romain et Imen étaient pendus aux lèvres du professeur, Miguel jouait sur son téléphone, Léo avait nonchalamment étendu ses grandes jambes sur la chaise de devant lui, Julie nettoyait les verres de ses lunettes, Jean-Waleed prenait des notes (comme toujours), et Kilyan arborait un air de profond ennui, qui n'égalait cependant pas celui de Robin-Mattis, qui était totalement avachi sur sa table et qui semblait sur le point de s'endormir.
Les autres semblaient tout autant dans un état de décomposition avancé.
Ce fut le mouvement vif que fit Sam en me passant son papier qui ramena mon regard sur la table. Il avait plié la feuille quadrillée, que j'ouvris avec des doigts fébriles, tentant de cacher mon angoisse.
«Et si, moi aussi, je t'aimais ?»
Cette fois, pas de majuscules. Ses lettres étaient formées avec soin et je savais que c'était volontaire. Pas d'erreur de compréhension possible. J'osais à peine comprendre le sens des mots qui se trouvaient sous mes yeux. Et si il s'était trompé ? Il avait dû oublier un mot.
J'empoignai mon stylo, et rajoutai :
«Haha. Comme si c'était possible.»
Il leva les yeux au ciel en voyant ma réponse, et il marqua :
«Faut-il que je vous réembrasse pour que vous y croyiez, chère amie ?»
Mes poumons s'embrasèrent, et soudainement, j'oubliai ce que signifiait le fait de respirer.
Je levai mes yeux de la feuille vers les siens et je m'y perdis. Il avait son petit sourire en coin qui creusait la fossette de sa joue droite.
Je lâchai :
« T'es sérieux ? »
Il me regarda le plus sérieusement du monde et dit :
« Bah, oui.
— Toi ? Toi, tu prétends m'aimer ? Mais va t'acheter des lunettes, sérieux !
— Alice ... j'm'en fous du physique. Et toi qui te targue de détester tant que ça la société dans laquelle on vit, comment tu peux être aussi attachée aux apparences ? Et pis d'ailleurs, t'es belle à mes yeux. T'es pas forcément un canon, mais j't'aime. Me demande pas pourquoi. C'est comme ça. »
Je soufflai un grand coup.
« Toi ? Genre, toi ? Toi, tu pourrais m'aimer ? Je pense pas, non.
— Putain, t'es chiante quand tu t'y mets, toi ! Tu ne vas pas me dire que je vais devoir te convaincre que je t'aime ?
— Sam ! Regarde toi, purée ! T'es fait pour des filles comme Laura. Pas pour des filles de mon genre !
— Putain, mais on s'en fout de toutes ces catégories, Alice ! T'en es pas une ! T'es un individu, et en l'occurrence celui que j'aime, alors tais-toi avant que je t'embrasse pour fermer ta bouche », chuchota-t-il furieusement.
Je devins encore plus rouge si cela était possible.
Et il me sourit. Je crois que mon cœur s'arrêta. Comment voulez-vous arriver à respirer quand on vous oppose un tel spectacle ? Oh mon dieu, ses lèvres. Oh. Mon. Dieu. Et ses dents. Elles étaient plus blanches que celles dans les pubs de dentifrice. Comment voulez-vous que je sois attentive à quoi que ce soit d'autre avec Sam à côté de moi ? Non, Monsieur, ce n'était définitivement pas une bonne idée de le mettre à côté de moi pour qu'il prenne exemple sur mon travail et qu'il arrête de discuter.
Je savais que vous aviez fait une très grosse erreur. Je savais que mes notes allaient s'en ressentir, et mon attention aussi. J'étais déjà sûre que j'allais avoir des crampes aux joues à force de sourire à ses blagues. Stupides. Comme on l'est tous à dix-sept ans. Mais drôles quand même.
Et puis, comme le combo moustique + chaleur, celui Sam + lui-même était égal à mon décès immédiat.
Décidément, la vie voulait m'achever.
***
NdA :
Est-ce que la nouvelle couverture vous plaît ou vous préfériez celle d'avant ? ✩
J'ai aussi décidé que désormais, je ferai des dédicaces aux personnes merveilleuses que vous êtes qui me soutenez ♡
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