Chapitre 18 : Barbie et Ken
Média : via tumblr → l'œil de Sam
Musique de fond : Jungle, Emma Louise
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« Qu'est-ce qu'il y a, Sam ? »
Je le regardai fixement, inquiète.
« Rien, rien. »
Il cligna plusieurs fois des paupières, et je crus apercevoir de l'humidité apparaître sur ses prunelles.
« Sam...
— Quoi ? demanda-t-il sèchement.
—Tu veux que j'arrête de te mentir. Très bien. Je vais mal. »
Je poussai un soupir, puis je repris :
« Maintenant, tu peux appliquer cette demande à ton cas et me dire ce qui ne va pas ? Et ne prétends pas le contraire, parce que je sais que c'est vrai. »
Sam, le regard dans le vide, prit une inspiration et dit :
« Ça fait plusieurs semaines que ça va moins bien, avec Laura. Je crois qu'j'ai été un peu trop virulent ce weekend quand j'ai demandé à l'un de ses potes d'arrêter de la fréquenter d'aussi près. Elle s'est interposée en disant que c'était ses affaires, et que si je n'étais pas capable de l'aimer sans vouloir l'enfermer, elle préférait faire un break. »
Je devinai que Laura était sa petite copine, enfin, sa peut-être ex-copine, du coup.
« C'est elle, qui vient de passer ?
— Avec ce connard qui l'enlaçait. »
Les mains de Sam se serrèrent à tel point que le crayon qu'il triturait depuis qu'il avait commencé à me répondre se brisa. Il continuait de regarder ailleurs, sans doute pour éviter mon regard.
« L'amour, c'est de belles conneries, hein ? »
Je vis la veine qui traversait son front battre alors qu'il pinçait les lèvres.
« Ça fait bien longtemps que j'ai perdu mes illusions généreuses de petite fille qui rêvait au prince charmant.
— Ah, parce que tu as rêvé au prince charmant ? »
L'ombre d'un sourire se dessina sur son visage et je ne pus m'empêcher de sauter sur l'occasion pour lui changer les idées.
« Arrête de te moquer, je suis sûre que t'étais à fond sur Barbie.
— Et toi, sur Ken. Putain, maintenant que j'y pense, son nom est super chelou. 'Fin, sans vouloir être vulgaire, mais en verlan, on est d'accord que c'est bizarre ?
— T'es la seule personne sur cette planète assez perverse pour penser à ça, je dis en réprimant un fou rire. Imagine, si t'as des enfants un jour, comment tu pourras leur offrir Ken pour Noël sans te sentir gêné ?
— Je l'appelerais Jean-Waleed pour que mes enfants exècrent le racisme dès le plus jeune âge », sourit-il en jetant un coup d'œil vers l'intéressé, qui était absorbé par sa prise de notes.
Son sourire s'effaça lorsque son regard retomba sur le crayon qu'il venait de massacrer, le rappelant à la douloureuse réalité. En voyant ses yeux s'embuer, je m'empressai d'ajouter :
« Mais tu sais, je pense qu'il y aura un jour où on les trouvera, nos Barbie et Ken. Même si aujourd'hui ça nous paraît lointain, voire impossible, peut-être qu'on trouvera l'amour et que pour une fois il nous comblera. »
Sam ricana.
« Ah, et moi qui croyais que tu avais perdu tes "illusions généreuses de petite fille" !
— J'ai beau être la fille la plus pessimiste au monde, je suis bien trop romantique pour ne pas croire à l'Amour avec un grand A.
— Haha, mais vraiment ? Alice ! Moi j'y crois plus. Trouve moi la personne qui pourra me convaincre du contraire et je l'épouse, mais en attendant je vais me consoler avec une bonne bouteille. »
Un sourire compatissant étira mes lèvres. Je souffrais encore de mon abus sur le whisky. Mais je comprenais qu'il veuille se shooter. J'en profitai pour m'excuser.
« Désolée pour hier. J'étais pas très présentable. D'ailleurs, si tu veux éviter de me ressembler et d'avoir l'impression pendant deux jours de suite qu'on te donne de grands coups de matraque aussi régulièrement que bat ton cœur, évite l'alcool. Et c'est sans parler de l'envie de vomir.
— On dirait que tu crois que je me suis jamais bourré la gueule. »
Il me lança un regard mi-agacé, mi-amusé.
« C'est vrai que t'as totalement l'air de quelqu'un qui passe sa vie en soirée, je commentai sérieusement.
— Tu rigoles ? Je préfère prendre des cuites tout seul, je vois pas l'intérêt de me ridiculiser devant la moitié du Lycée. Quand j'le fais, c'est pour oublier. Remarque, c'est pas forcément plus intelligent que de le faire dans de stupides jeux d'ados, mais je préfère. Pis, les soirées, j'y vais que quand c'est mes potes les plus proches qui les organisent et qu'il y a pas la moitié de la ville dedans. »
Je fus surprise, parce qu'il avait totalement l'air populaire. En même temps, vu sa tête, c'était logique. Et c'est bien connu que les populaires font en général beaucoup de soirées. Je soupirai intérieurement en me disant que putain, tout n'était qu'une question d'emballage aujourd'hui, et qu'on pouvait être le pire des connards et être apprécié parce qu'on était beau.
« Pareil, je vais seulement aux soirées de mes amis proches. En fait, hier, c'était seulement ma troisième vraie cuite. La première c'était avec ... Noah, en troisième, et la deuxième, chez toi. Mais là, j'avais vraiment besoin d'oublier. Sauf que j'ai l'alcool triste, et j'ai un peu négligé ce petit détail en buvant. Donc c'était presque pire qu'en étant sobre.
— Ça me fait la même chose. La prochaine fois, tu viendras à la maison au lieu de te bourrer. J'te propose un pacte : on s'empêche l'un et l'autre de faire des conneries. »
Je mis une seconde à me décider. L'alcool, non, vraiment, merci beaucoup, mais ce n'était définitivement pas pour moi.
« Ça fait vraiment gamin de faire des pactes, mais.. tu me joueras du piano, quand je déprimerai ?
— Si tu me conseilles de bonnes lectures en échange. »
Je faillis m'étouffer.
« Pardon ? Mais tu lis ?! »
Il arqua un sourcil.
« Oui. Ça te semble si choquant que ça ?
— C'est pas ça, mais, tu sais, y'a plus grand monde de notre génération qui lit... et puis, je sais pas, j'aurais pas pensé que t'étais le genre à lire.
— Ça fait plaisir de voir que je passe pour un inculte », s'écria-t-il avec une moue vexée.
Je réalisai tout à coup quelque chose qui aurait dû m'interpeller avant.
« Hé, Sam, comment tu sais que je lis ?
— J'apprécie vraiment ta considération, Alice. En plus d'être un inculte à tes yeux, je serais tellement égocentré que je ne pourrais pas remarquer des détails à propos des gens que je vois tous les jours au Lycée ? Merci beaucoup. »
Il appuya avec tellement de force sur ce dernier mot que je ne pus me retenir de rire.
« Alors, comment ? » lançai-je avec un sourire intrigué.
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