Chapitre 14 : Confidences
Lanaya
La surprise passée, je reconnais la chevelure argentée de Lyanna, ressortant sous les néons timides de la cuisine. Je m'abstiens de lui faire remarquer que nous sommes en pleine guerre, alors qu'elle pourrait s'annoncer au lieu d'apparaitre ainsi là où on ne l'attend pas. Je suis trop fatiguée pour gaspiller de l'énergie pour des paroles futiles.
— Un thé ? lui proposé-je à la place.
Elle acquiesce et je lui prépare un bol que je lui tends avec un paquet de barquettes au chocolat. Ce n'est un grand festin, mais ça permettra de tenir jusqu'à demain matin. Elle s'installe en silence sur un grand tabouret près du pseudo bar. La chaleur de la tasse sur mes mains me fait frissonner et mes yeux se ferment de délice. J'adore cette sensation de bien-être, de quiétude. Pour une fois, le silence m'apaise.
— Comment vas-tu ? l'interrogé-je, enfin, après avoir avalé quelques gorgées de thé.
Et dans cette question, je n'englobe pas que les évènements de l'après-midi. Car en étant honnête, je ne lui ai absolument pas demandé comment elle allait depuis sa séance de torture dans le camp Septentrional. D'ailleurs à part la conversation que nous avons eu avec Cameron, je crois que nous avons échangé à tout casser dix mots depuis ce jour. Chacune occupée par ses propres démons. Elle, à se rétablir et à aider les autres, moi, à gérer mon chagrin, mon désespoir et les révélations. Je n'ai été là pour personne durant ces trois jours au campement. Un fantôme, un cadavre. Trop palpitant pour le monde des morts, mais en même temps, trop défraichie, trop proche de celui-ci pour faire partie intégral des vivants. Je refusais de prendre part à l'un comme à l'autre. Je sais que j'ai flirté avec la falaise, avec le point de non-retour. Et c'est lorsque je m'en suis pleinement rendu compte que je suis allée trouver Cameron. Je me sentais si vide. Je refoulais avec tant de perfection mes émotions que je finissais inconsciemment par m'inquiéter de leur absence. Un passé si chargé pour une âme si vide. Un blindage qui sonne creux. J'espérais que l'Alementa de l'ombre accepterait de m'ancrer à nouveau dans la réalité par un combat, par la douleur. Il a refusé. Par les mots, il est venu gratter juste ce qu'il fallait pour permettre la fuite des litres et des litres d'émotions que je tenais cadenassées. Je craignais un épanchement d'émotions brutal. J'avais raison. L'aperçu que j'ai eu m'a suffi à me dire que je préfère garder ce flot de chagrin sous clé. Si je le garde en moi, mon corps finira bien par l'assimiler et en faire une denrée vitale. Je refuse que tous les souvenirs de Dante se teintent de rouge, de douleur comme ça l'a été lorsque j'ai creusé sa tombe.
— Je ne courrais pas un marathon, mais je vais mieux, répond Lyanna dans un souffle.
Elle avale une nouvelle gorgée de thé brûlant. Je ne renchéris pas. De toute manière, il n'y a rien à ajouter. Nous finissons nos tasses et nos biscuits dans un silence léger.
— Les autres sont montés au premier, ils nous ont laissé le deuxième étage, m'annonce-t-elle alors que nous lavons rapidement nos contenants dans l'évier. Ca te va si on dors ensemble ?
J'acquiesce sans un mot et nous nous dirigeons vers les escaliers après avoir éteint la lumière de la cuisine. Je la soutiens pour l'aider à monter les marches. Bien que sa démarche soit plus assurée, elle ne refuse pas mon aide et s'appuie à mon bras en plus de la rampe. Quelques minutes plus tard, nous arrivons sur le pallier du deuxième étage. Je jette un rapide coup d'œil à l'escalier qui continue de monter. Cette maison est vraiment immense... Trois portes se présentent à nous. J'ouvre la première, tombe sur une salle de bain, entrebâille celle du milieu qui donne bien sur une chambre avec un lit deux places. Je fais à peine attention à l'agencement de la pièce, ôte mes chaussures et me laisse tomber sur le lit. Lyanna prend le temps d'allumer le chauffage avant de faire de même. Nous nous calons sous la couette épaisse. Un soupire d'aise lui échappe. Pour ma part, je me blottis contre le matelas et savoure la douceur de l'oreiller bien plus confortable que ma veste roulée en boule.
— Je crois que je te dois des explications, lance l'Alementa du vent dans le noir.
Je fronce les sourcils et tourne la tête vers elle qui regarde fixement le plafond comme si elle pouvait admirer les étoiles à travers. Mais si elle admire quelque chose, il s'agit de souvenirs, car ses yeux se perdent dans le vague.
— Tu ne me dois rien, Lyanna.
Je suis d'ailleurs la première surprise lorsque je me surprends à penser ces mots. J'ai eu du mal à lui faire confiance car je ne parvenais à mesurer la profondeur de ses blessures. Je préférais de loin croire en la promesse de vengeance qui luisait dans les yeux de Cameron et en sa cruauté, plutôt qu'en l'apparente gentillesse de Lyanna. L'Alementa de l'Ombre serait vidé de toutes ses trippes, il continuerait de cracher son arrogance au visage des Anciens. Il tuera quiconque se dressera en travers de son chemin. Alors certes, pour les valeurs humaines, on repassera, mais en même temps ce n'est pas un hasard si vengeance rime avec souffrance et non avec miséricorde.
Maintenant, pour l'avoir vu passer dans les bras de la mort à cause du Conseil, je suis convaincue que Lyanna se poignardera elle-même avant de faire ne serait-ce qu'un geste pour lui. Et ce, peu importe la situation dans laquelle on arrivera. J'ai finalement compris que pour elle, sa vengeance ne réside pas dans le meurtre et le sang mais dans l'aide aux personnes que le Conseil a malmené, de le contrer en faisant le bien là ou il aimerait répandre le mal. Cela fait d'elle une personne bien plus forte que nous tous qui nous accrochons à notre haine pour avancer.
— Je vois bien que tu ne me fais pas aussi confiance qu'à Cameron et...
— Tu n'as pas besoin de ma confiance, Lyanna, la coupé-je. Puisque tu en parles, je ne vais pas te mentir, oui, je me méfiais. Je me méfiais de ta gentillesse qui me paraissait bien trop belle pour notre monde. Je me suis d'autant plus méfiée lorsque j'ai demandé à tuer les Anciens, que tu as cédé en deux secondes alors que Cameron a failli nous égorger pour avoir ne serait-ce qu'énoncé l'idée. Mais j'ai bien compris que ta gentillesse ne t'empêche pas d'être aussi abimée que nous. Et de toute manière, la confiance ne devrait pas se mesurer aux fissures de la personne.
— Je veux quand même t'expliquer. Caleb, Maya, Alex et Cameron sont au courant, je ne vois pas pourquoi tu serais la seule dans l'ignorance.
Ses yeux se ferment un instant et la couette se soulève une fois bien haut comme si elle inspirait profondément. Elle ne se tourne pas vers moi. Son regard se perd dans la contemplation d'un passé qui ne sera pas tout rose et pourtant elle semble détendu. Peut-être est-elle là, la différence entre elle et nous ? Notre passé peut être les ailes qui nous emportent vers le haut ou les boulets accrochés à nos pieds qui nous enfoncent dans le sol. C'est à nous de choisir ce qu'il représente, a balancé Maya à Cameron dans le bâtiment des Doubles. Ce dernier lui avait d'ailleurs répondu. Le passé est le passé. On ne peut rien y changer alors autant le laisser derrière nous. Dans tous les cas et on a beau dire, notre passé marque notre présent, laisse ses traces et l'influence même. On ne fait pas table-rase du passé. Peut-être que la force de Lyanna est d'être en paix avec.
— Ma mère était l'Alementa du Vent et mon père le petit cousin d'un Alementa dont je ne connais même pas le nom. Je suis née dans le camp Septentrional, dans cette guerre incessante. C'était mon quotidien, on finit par s'habituer, même au pire, surtout lorsqu'on ne connait rien d'autre. J'ai eu une enfance de rêve honnêtement si on écarte les bombardements. Jusqu'à ce que mon père succombe sous cette pluie de fer et feu.
Sa voix ne tremble pas. Elle se contente de raconter, les yeux toujours rivés sur la poutre du plafond.
— On l'a enterré et repris le cours de notre vie, malgré tout notre chagrin, notre désespoir. Notre quotidien à trois s'est adapté naturellement à nous deux. Nous avons tenu 8 ans. Jusqu'à ce que ma mère s'éteigne d'une maladie inconnue de tous. Ce jour a marqué mon expulsion du jardin d'Eden et le début de ma descente aux enfers.
Je détaille son expression à la recherche des réminiscences de ses blessures passés. Mais rien ne vient troubler le calme qu'elle inspire.
— J'ai hérité de l'Alementa de ma mère bien sûr, mais également d'autre chose. Quelque chose qui s'est invité en moi à mon insu et dont personne ne connaissait l'origine. Ma mère était une Simple avérée, mon père un simple humain avéré. Cette altération était contre toutes les lois surnaturelles connues, contre nature même ils allaient jusqu'à dire. Même chez nous si extraordinaires, l'inconnu, la différence effraie. C'est ainsi qu'à treize ans, je suis devenu non seulement orpheline, mais aussi l'enfant maudite. Maudite par l'Enchanteuse.
Elle tourne un instant la tête vers moi comme pour déchiffrer ma réaction. Je la laisse poursuivre, tout jugement absent de mon visage et de mes pensées.
— J'ai été considérée comme une Double. Mes yeux avaient beau ne pas se parer de couleurs extravagantes, je possédais deux dons. Pour eux, le constat était son appel, j'étais une Double.
— Comment l'ont-ils découverts si tes yeux ne portent pas notre marque ?
Lyanna esquisse un sourire comme si sa réponse l'amusait.
— Lorsque ma mère s'est envolée et que ses dons se sont creusés une place de force dans ma poitrine, j'ai littéralement explosé.
L'image d'Angel brûlé au bras, du jardin de ma mère s'inclinant en crépitant face aux flammes, la table d'Enzo marqué à jamais et ma peau incandescente, me reviennent en mémoire. Je vois on ne peut plus de quoi elle veut parler.
- C'est fréquent les jeunes Alementas. J'imagine qu'on m'aurait pardonné les dégâts matériels, si je n'avais pas fait perdre également le contrôle de leurs dons à tous les Alementas du camp et désactiver l'Illumarque.
Je retiens un rire. Effectivement, ça n'a pas dû leur plaire... Et je comprends enfin pourquoi, lorsque l'Illumarque du Camp est tombé, ils s'en sont toute de suite pris à elle. Ils pensaient qu'elle en était responsable. Est-ce vrai ? Je n'ai pas le temps de lui poser la question qu'elle poursuit.
— Suite à cet incident, on m'a placé sans plus de cérémonie sous azalée. Je garde peu de souvenirs de cette période car la plante injectée en continue m'a plongée dans une léthargie proche du coma et je pense que si ça n'avait tenu qu'aux Anciens, j'y serais encore. Tout ce dont je me rappelle est d'avoir subi une batterie de test, tous plus fous et douloureux. Puis forcés de réaliser que je n'étais pas une Double, ils m'ont relâchée. Ou plutôt ils m'ont posé un ultimatum. Soit je m'exilais aux abords du Camp et obéissais au Conseil aux doigts et à l'œil sans jamais reposer un pied dans l'enceinte de l'Illumarque sous peine de mort, soit je restais ici et vivais sous cachet d'azalée jusqu'à la fin de mes jours.
Sympa. Je m'étonne déjà qu'on lui ai laissé le choix. Les Anciens étaient-ils dans un bon jour ?
— J'ai essayé de vivre, de reprendre ma vie où je l'avais laissé tant bien que mal. Ce que j'ignorais, c'est que ma perte de contrôle avait causé des morts, lâche-t-elle, un voile obscur tombant sur son visage. Et que ce que je pensais être quelques jours sous azalée, était en réalité deux longues années.
Mon sang se glace alors que je la dévisage, horrifiée. Deux ans sous azalée ?
— La haine avait eu le temps de macérer et ma réputation de se faire. Je n'avais plus personne, à part une vieille amie à ma mère, appartenant au Comité, et sans qui d'ailleurs je ne serais jamais sortie. J'ai vraiment essayé de vivre comme si de rien n'était. Je pensais naïvement être capable de faire abstraction des regards, des insultes et également de me soustraire aux cachets d'azalées journaliers.
Un nouveau rire plus amer cette fois s'échappe de ses lèvres.
— J'avais faux sur les deux points. Au bout de deux pilules jetées au lieu d'ingérées, j'ai senti un monstre s'emparer de mon corps. La douleur a été inimaginable. Je sentais toute la rage, la faim de ce don enchaîné, réduit au silence durant par les deux ans où il a été biberonné l'azalée. Si Esther et sa seringue d'azalée n'avaient pas à nouveau été là, cela aurait été un désastre. J'ai pris conscience à cet instant de toute la perversité du Conseil. Jamais on ne pourra libérer totalement les Doubles qu'il maintient sous son joug. Il les a transformés en grenades. Et l'azalée en ai la goupille.
Je la revois lors du défi organisé par Cameron. Je revois cette lueur dans ses yeux grésiller, je ressens à nouveau son énergie faire des pics plus ou moins pointus. J'avais deviné qu'elle se battait contre son don, mais je ne me suis pas plus interrogée et la suite des évènements a fait que je n'ai pas eu le temps d'y resonger. Le même phénomène a eu lieu lorsque Cameron lui a demandé d'arrêter l'avion. Il savait ce qui allait se produire. Il savait que c'était dangereux.
— Alors j'ai accepté la proposition des Anciens. J'ai pris demeure dans cette maisonnette aux abords du camp. J'ai d'autant plus compris pourquoi mon petit coup de sang avait tant dérangé les Anciens. La guerre n'était présente qu'entre les mailles illusoires de l'Illumarque. Malgré ça, je n'ai pas fait de vagues, allant même jusqu'à aider le Comité du camp en les prévenant des raids du FSG. Ce petit jeu a duré deux ans également. Je n'ai jamais revu Esther, cette femme qui m'a sauvée. Et pour cause, lorsque j'ai posé la question à Caleb lors d'une visite de contrôle menstruelle, j'ai appris qu'elle était morte peu de temps après mon départ. C'est là que j'ai décidé qu'il était temps d'être la vague qui s'écrase avec force contre les rochers, feintant la normalité, au lieu d'être celle qui s'évanouit dans le sable de la plage. C'est aussi à ce moment que je suis entrée en contact avec Alex, puis Dante.
— Comment les as-tu rencontrés ?
J'avoue que ma question est plus poussée par l'envie d'en savoir plus sur cette part de Dante dont j'ignorais tout plutôt que par intérêt pour la vie de Lyanna, mais aujourd'hui les deux vont de pair.
- Ce sont eux qui ont fait le premier pas. Dante m'a contactée parce qu'il avait eu vent de mon histoire et me proposait d'aider justement des Alementas, isolés des camps plus ou moins volontairement. Quant à Alex, c'est également lui qui est venu me trouver. Il me faisait parvenir des informations, je lui filais des coups de mains quand je pouvais et on a commencé à vraiment travailler ensemble lorsque les meurtres et disparitions sont devenus monnaie courante.
Dante ne vient donc pas d'un camp...
— Et Cameron ?
— Je l'ai connu au travers de Dante. Je me suis toujours demandé comment ces deux-là ont pu s'entendre. Pourtant, ils étaient toujours au même diapason, unis par une mélodie qu'eux seuls entendaient. Cameron en était les silences, tendus, angoissants, et Dante les notes, harmonieuses, agréables.
Très percutant comme image, songé-je en fixant le plafond à mon tour.
— Mais tu ne prends de cachet d'azalée, je me trompe ? Sinon je ne pourrais pas sentir ton énergie.
— Avec le temps, j'ai réussi à les arrêter, notamment grâce à Cameron et Dante qui m'ont fait évacuer un trop plein. Mais je n'utilise mon Alementa qu'en cas d'urgence absolue. Car il est bien plus souvent le venin que l'antidote. Tu l'as bien vu, dangereux aussi bien pour les autres que pour moi. Il lui arrive de tenter de reprendre le dessus, mais c'est de plus en plus rare et à présent, je parviens à le garder enchaîner.
J'acquiesce. Je n'ose imaginer ce que ça doit être de renier à ce point une part de soi. J'ai beau détesté mon Alementa, il ne me viendrait pas à l'esprit de l'enfermer à double tour, cela me rendrait malade.
— Au début, je ne comprenais pas pourquoi ma mère qui haïssait tant ce monde de violence s'évertuait à utiliser ses dons, cette malédiction. Je lui disais sans cesse que lorsque mon tour viendrait, ils auront beau toqué à ma porte, jamais je ne leur ouvrirais, comme maman faisait avec les gens qui venaient nous vendre je-ne-sais-quel nouveau lave-linge. Cela l'amusait. Puis elle s'agenouillait face à moi et me demandait : que crois-tu qu'il se passerait si on enchaînait le facteur chaque jour au pied de notre porte en lui interdisant de partir tant qu'il ne nous aurait pas remis son colis ? Et je répondais qu'il dormirait sur le paillasson, qu'on lui passerait sous la porte de quoi casser la chaîne et qu'il n'avait pas à faire tout ce qu'on lui disait de faire.
— Tu avais déjà tout compris à la vie, sourit-elle.
— J'étais à la bonne école, on va dire ! Cela faisait également rire ma mère qui ne se laissait pas démonter par ma répartie d'enfant de huit ans. Elle me disait alors de remplacer le facteur par un chien. Il ne peut défaire seul sa laisse et obéit à son maître. Il finirait soit par défoncer la porte à coup de griffe, soit nous finirions par lui ouvrir car on ne peut rester enfermer chez soi pour l'éternité, et alors quelle serait sa réaction ? Après des nuits et des nuits à dormir dans le froid, avec la faim au ventre ? Il attaquerait. Nos dons sont des chiens affamés enfermés dans notre corps. Si tu ne penses pas à les nourrir et à les sortir, ils ne se laisseront pas mourir en toi. Ils te dévoreront.
— Une très belle métaphore, murmure Lyanna. Très vraie qui plus est...
— Ton autre don n'a pas été touché par l'azalée ? l'interrogé-je, passant, je l'avoue du coq à l'âne.
— Si, non, enfin je l'ignore en fait. Je ne sais pas ce qu'il était censé faire et je l'utilise aussi très peu. Du moment, qu'il ne cherche pas à me tuer ou à assassiner les gens autour, ça me va, je t'avoue...
C'est vrai que c'est déjà une bonne base... Maintenant que je connais toute son histoire, ou du moins ce qu'elle a accepté de me partager, je ne peux m'empêcher de l'admirer. Lyanna a tout perdu, elle a été torturée, violée dans son âme, marginalisée puis torturée à nouveau. Et pourtant, elle reste ouverte au monde, elle garde la main tendue même vers ceux qui ont participé indirectement à sa déchéance. Elle parle de son passé, sans trembler, sans larmes ni colère. Comme si elle était réellement en paix avec. Sa gentillesse n'est pas qu'une apparence, elle est inscrite dans sa chaire. La douleur n'a pas submergé sa grandeur d'âme. Celle-ci au lieu d'être une pierre au fond de cette eau noire est le tapis de feuilles de milles couleur qui la recouvre, flottant sur cette étendue vaseuse. Elle dit être descendue en enfer. Si c'est le cas, elle est la fleur poussant au bord du Styx.
— Je suis désolée, Lyanna.
Encore une fois, je ne cherche en rien à m'excuser. Simplement à lui témoigner ma présence, ma compassion.
— Moi aussi, Lana, moi aussi.
Nous échangeons un sourire, le premier vrai teinté de sincérité. Nous fermons les yeux pour nous endormir à l'abri d'une quelconque lumière. Si le paradis est le ciel, nous sommes des étoiles tombées dans l'enfer de la terre. Prises de haut par les autres, nous sommes seules. Mais nous sommes également libres. Libres de nous soustraire à la souveraineté cuisante du soleil, à l'emprise glaçante de la Lune. Nous n'avons pas besoin de l'obscurité pour briller de milles feux ni des rayons du soleil pour ne pas disparaître. Et si les étoiles filantes exaucent les vœux, nous allons réaliser le nôtre avant tout.
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