Chapitre 36 : Disparue
Lanaya
— L'Illumarque a disparu, murmure Cameron.
Caleb nous a enfoncé dans les bois devant la maison. Il a gardé les mains levées et Cameron un flingue braqué sur son dos. Devant nous, là où se dresse en temps normal l'immensité de la forêt, apparaissent quelques bâtiments de manière floue. Leurs silhouettes dansent sous nos yeux, véritables serpents endiablés. On pourrait presque croire à un mirage. La légende dit que lorsque que quelque chose passe cette barrière, le Comité le sait. Si c'est un simple promeneur, rien de particulier ne se produira et il continuera sa balade comme si de rien n'était sans se douter de quoi que soit. Si c'est un Alementa, il laisse une empreinte énergétique et le Conseil n'aura aucun mal à le repérer.
J'avance d'un pas prudent pour mieux voir. Les bois sont les seuls à encore produire des sons. Partout le silence étreint la vie, la serrant amoureusement pour l'étouffer sournoisement. Les oiseaux sont les uniques témoins de cette journée marquant la fin de quelque chose. Même si personne ne sait encore de quoi.
Soudain, Cameron tend le bras vers moi. Je me fige, en alerte.
— On ne peut pas entrer. L'Illumarque est désactivée mais pas la barrière interdisant l'entrée.
Caleb fait volte face doucement. Cameron le défie du regard de faire quoi que ce soit de stupide.
— C'est pour ça que le Comité s'en est pris à Lyanna ? Car il pense que c'est elle qui a fait tomber votre barrière d'illusion ?
Le brun grimace.
— Non, car ils pensaient qu'elle avait tué Clara. C'est quand ils l'ont interrogé que l'illusion est tombée. Exactement de la même manière qu'il y a un an et demi quand elle a reçu ses dons.
Quoi ? Je jette un coup d'œil discret à Cameron et je devine qu'il ignorait cette information à son regard scrutateur. Le silence s'étire quelques secondes avant que le Double ne prenne la parole.
— Tu nous fais entrer, tu vas libérer Alex et nous Lyanna. Elle a eu où et quand votre exécution à la con ?
— Sur la grande place et elle ne devrait pas tarder... Si vous croisez ma sœur, ne la tuez pas. Elle est avec nous. Brune avec les yeux violacés. On se retrouve devant le bâtiment le plus à droite du Refuge dès qu'on les a libérés tous les deux, lance Caleb.
— Je déteste quand on crée des plans à ma place, marmonne Cameron. Pire qu'on me donne des ordres.
— Préparez-vous à vous faire tirez-dessus une fois la barrière passée. Le Refuge est mieux gardé que jamais avec la chute de l'Illumarque...
Génial. Sur ces bonnes paroles, Caleb se tourne vers la dite barrière, fait une dizaine de pas vers l'avant, quittant le couvert des bois et nous fait signe de passer. Je dégaine mes dagues, prête à bondir. La sensation est très particulière au moment où je passe prêt de Caleb. Je me raidis en sentant l'énergie vibrer autour de nous.
Je distingue à présent parfaitement les bâtiments. Contrairement à ce dont je m'attendais, je ne vois personne. Pas de guet-apens, pas de piège. Pas encore du moins.
Quand je les entends des hurlements. Mon sang se glace dans mes veines. Les cris résonnent dans mes oreilles. Il y a de la peur bien sûr, de la panique même, mais surtout de la haine et de la colère. Caleb nous lance un regard grave avant de filer en courant.
Un coup de feu me fait alors sursauter et une balle m'effleure le cou. Merde... Instinctivement, je cours et me protège derrière un pan de mur effondré. Quelques échanges de coup de feu plus tard et le silence revient. Je jette un coup d'œil par-dessus mon abri mais ne voit pas le sniper en embuscade sur le toit. En revanche, celui qui descend de la maison juste devant moi ne semble pas m'avoir repéré. J'arme un de mes poignards et vise sa nuque. Je le lance, mais le barreau de l'échelle casse sous le poids du bonhomme et mon couteau rebondit contre le mur en loupant sa cible.
Je passe par-dessus le muret derrière lequel j'étais dissimulée pour aller à l'affrontement. L'homme s'est redressé et me fusille du regard. Je décroche ma lame incurvée que je fais tourner autour de mon doigt. Son énergie me parvient sans que je ne la cherche. J'esquive son tacle et dévie son coup de poing de mon avant-bras droit pour créer une ouverture au gauche. Mais il parvient à éviter mon attaque et de la crosse de son pistolet vise mon ventre. J'accuse le coup et lui plante ma dague dans les instincts. Puis d'un coup sec, je la remonte dans son abdomen avant de la sortir dans un bruit de suçon parfaitement dégueulasse. Des pas résonnent derrière moi et je balance mon couteau sur le nouveau venu.
— C'est bon, l'autre sniper est mort, m'assure Cameron qui a saisi mon arme avant qu'elle ne le touche.
Il me la renvoie, garde en avant et se détourne. Un grand boum et de nouvelles détonations n'augurent rien de bon. J'ignore ce qui se passe ici, mais ce n'est certainement pas la fête foraine du village.
— Il faut qu'on trouve Lyanna, rappelle Cameron. Tu penses pouvoir la sentir ?
Je hausse les épaules et m'efforce à me concentrer. Oui, peut-être... Ma vision change. Et ce que je distingue me coupe le souffle. Un gigantesque dôme violet pâle nous entoure, nous oppresse. Des filaments d'énergie en tombent comme des toiles d'araignée. Je frissonne peu à l'aise. J'appelle mon don pour essayer de trouver son fil mais je suis aussitôt submergée. Trop... Trop d'énergie, trop de fils. Je revient au monde réel. Résignée, je retente l'expérience pour le même résultat. Je n'arrive pas à me concentrer sur d'autres énergies que celle qui entoure le Refuge.
— Il y a trop d'énergies, murmuré-je, haletante. En suivre une est impossible.
Je déplie la carte de Lyanna et analyse rapidement, bénissant ma mère pour ses nombreuses courses d'orientation.
— Par là, dis-je en rangeant le papier.
Longeant la rue, je me dirige vers le centre du village d'où semblent provenir les cris qui ont repris. Ils font très anciens. Toutes de pierre, les maisons sont couvertes de poussière, presque décrépies. Certaines tombent même en ruines comme si des bombes s'étaient abattues ici. Je comprends mieux pourquoi Cameron a précisé que la majeure partie du Refuge était souterrain. Personne ne peut vivre dans une telle insalubrité.
La végétation a cessé de pousser dans un accord silencieux avec le soleil qui nous prive de ses rayons. Je frissonne. L'ambiance est pesante. J'ai l'impression d'avoir une chape de plomb dans l'estomac qui m'attire vers le sol, me suppliant de disparaître sous terre. L'atmosphère est malsaine.
Je me plaque à l'angle d'un bâtiment et Cameron fait de même en face. Nous sommes certainement dans la zone habitée. Les rues de ce qui semble être un village fantôme sont désertes. Ce camp est censé abriter près deux cents personnes, ce n'est pas normal que ça soit si calme. Je n'entends même plus les hurlements de tout à l'heure. Je lève les yeux vers Cameron qui montre une ruelle adjacente. Je hoche la tête et vérifie que personne n'est dans les alentours pour traverser et le rejoindre. Nous progressons encore quelques minutes comme ça quand arrivée à une intersection, je me fige. Les voix me semblent proches désormais si bien que je distingue leurs paroles.
—... nous devons faire quelque chose. Quelqu'un nous a trahi. Quelqu'un nous a vendu à l'occupant !
Des huées soutiennent la colère de l'orateur. La haine qui s'émane de la foule me cloue sur place. J'ai rarement ressenti une colère si pure. Une sueur froide glisse le long de mon dos.
— Voilà des années que nous subsistons uniquement grâce à l'Illumarque qui nous protège du feu dévastateur de la Luftwaffe. Nous avons survécu aux résidus des bombes perdues que nous essuyons. Nous avons survécu aux tentatives de l'ennemi pour nous infiltrer. Nous avons survécu à tout cela ! La flamme de notre résistance ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas !
La foule galvanisée acclame l'homme qui poursuit son discours. C'est quoi ce délire ? La Luftwaffe ? Une citation de De Gaulle ? Je jette un coup d'œil depuis l'angle du mur et distingue une horde de gens de dos. Des mères tiennent leurs enfants par la main et des adolescents brandissent des poignards.
Cameron me fait signe de traverser discrètement la rue pour mieux voir. Et alors que nous changeons d'angle de vue, une tâche rouge attire mon attention au centre de la place. Je tourne la tête et blêmis instantanément. Plus besoin de chercher... Je crois que nous venons de trouver Lyanna...
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