Dans la tête d'Azazel
Qui aurait cru que ce serait si dur de se faire passer pour un humain ? Non, mais ce n'est pas une vie de travailler autant ! Je viens à peine de finir de répondre à tous mes mails professionnels quand j'entends quelqu'un frapper à la porte de mon bureau.
- Vous pouvez entrer, c'est ouvert !
Je lève la tête et aperçois mon Prince qui hésite sur le pas de la porte. Ah tiens ! Il a progressé dans l'art de camoufler son aura. Je ne l'ai pas senti arriver... Oui, il ressemble de plus en plus à un humain. Il porte un jean foncé et un tee-shirt dont la blancheur lumineuse contraste avec sa chevelure sombre. Il ne sourit pas, visiblement agacé de devoir venir me parler.
Oui, il pourrait passer pour un homme ordinaire...
Mais ses yeux sont trop noirs et il est l'être le plus beau qui m'ait été donné de voir.
Sa beauté n'est pas humaine.
- Entre, Maël, je t'en prie. Je ne vais pas te mordre, lui dis-je en souriant le plus largement possible.
Maël avance de quelques pas dans la pièce et tout en contenant sa colère me demande :
- As-tu mon contrat de travail ? Chiara m'a dit qu'il fallait que j'aille le signer dans ton bureau.
Je le connais depuis des millénaires. Je sais bien qu'il se maîtrise avec peine et qu'il suffirait d'une petite provocation de ma part pour qu'il explose. Mais je préfère désamorcer la situation.
Le temps du conflit viendra de manière inévitable.
Mais pas aujourd'hui...
- Assieds-toi, je vais te donner les documents que tu dois signer.
Il se laisse tomber avec humeur sur l'un des deux fauteuils qui font face à mon bureau et attrape le stylo et les papiers que je lui tends. Tandis qu'il signe les premières pages, je ne peux m'empêcher de lui dire :
- Lis bien attentivement ! Ce n'est pas prudent de signer un pacte avec le Diable sans avoir lu les petits caractères en bas de page.
Il relève les yeux sur moi, surpris, et rit bien malgré lui à ma plaisanterie. L'espèce d'un instant, j'ai l'impression d'avoir face à moi l'ancien Maël.
Mon ami... Mon Prince.
Mais l'illusion est vite balayée. Maël se racle la gorge, embarrassé d'avoir baissé sa garde et se remet à lire son contrat.
Alors qu'un long silence alourdit l'atmosphère, une tornade débarque soudain dans la pièce.
- Salut ! C'est bien le bureau d'Az' le directeur de com' de l'asso ?
J'ai à peine le temps de hocher la tête qu'elle enchaine sans respirer :
- Ah désolé du retard ! Je vous amène les flyers pour la soirée qui va vous servir à lever des fonds pour votre prochaine expédition ! Ils avaient perdu les cartons et il a fallu qu'on retourne toute leur réserve pour les retrouver... enfin, je pense plutôt que c'était un plan drague de la part de Carl. Carl, c'est l'espèce de vieux pervers alcoolique qui gère l'imprimerie et qui n'arrête pas de me proposer de sortir avec lui. Yeurk ! Désolé ! Je dis « Carl » et j'ai du vomi au fond de la gorge...
J'observe le petit bout de femme qui s'est avancée vers nous. Elle cache sa chevelure sous un bonnet rouge assez moche et ses yeux ne cessent d'aller de Maël à moi tandis qu'elle poursuit sa tirade avec le débit d'une mitraillette.
Un œil marron. Un œil bleu.
Des yeux vairons, ce n'est pas commun ! Mais elle n'a pas l'air banale, cette demoiselle ! Elle porte un sac rempli de nos flyers en bandoulière et serre contre sa poitrine une cage.
Une cage avec un hamster !
Un hamster ?
- Et puis, il a fallu que je passe chez le vétérinaire, poursuit-elle, car Paf a encore plongé dans le bocal de Téquila ! Ralala ! Je ne sais pas si ce hamster est suicidaire ou juste con ! Peut-être qu'il se prend pour un poisson rouge ? Vous croyez que ça existe les psy pour hamsters ?
Elle me regarde d'un air interrogatif. Sérieusement ? Elle attend une réponse de ma part là ?
Maël ricane et feint de tousser pour cacher son hilarité, qui est sûrement due au fait qu'avec ma bouche ouverte, je dois ressembler à un poisson rouge hors de l'eau. La jeune fille pose le sac de flyers sur mon bureau et fourre la cage de son hamster dans les bras de Maël qui cesse aussitôt de rire.
Le karma !
Elle me sourit et me tend la main en disant :
- J'en oublie presque de me présenter. Je suis Héty de l'agence Party Babes ! J'ai eu votre collègue Chiara au téléphone mais elle m'a dit que c'est vous qui vous occupiez de la com' !
- En effet, vous voulez vous asseoir quelques instants ? Vous avez l'air essoufflée...
- Non, merci, je ne peux pas j'ai un rendez-vous...
- Tenez ! Prenez un peu d'eau.
J'attrape un mug propre et lui verse un peu d'eau pour éviter qu'elle fasse un malaise sur mon parquet. Manquerait plus qu'on ait à sauver une humaine ! L'angoisse !
Elle me remercie et agrippe le verre qu'elle regarde fixement quelques instants... Alors que je commence à penser que c'est une folle échappée de l'asile le plus proche, une odeur de rhum envahit la pièce. Héty avale son verre cul sec et le repose sur mon bureau.
- Merci ! J'en avais bien besoin !
Elle se tourne ensuite vers Maël et lui demande :
- Je peux vous confier Paf une heure ou deux ? Je n'ai pas le temps de retourner à l'agence avant mon rendez-vous. Ma coiffeuse a accepté de me prendre en urgence pour réparer les dégâts causés par Sören...
Pour nous faire comprendre de quoi elle parle, elle enlève son bonnet et libère une masse de cheveux verdâtres.
- Oui, cet abruti n'a rien trouvé de mieux que de mélanger de la teinture verte à mon shampooing ! Ma coiffeuse veut bien arranger ça en me prenant en urgence mais elle a une politique stricte en ce qui concerne les animaux dans son salon. Je crois qu'elle a toujours pas digéré que Paf ait grignoté les fils de son lisseur... Bref ! De toute façon, je dois revenir ici pour finaliser notre événement, ça ne vous embête pas de le garder ? Merci ! Vous êtes un ange !
Et elle se sauve avant que Maël n'ait eu l'opportunité d'en placer une, et surtout de refuser ce fardeau. Alors qu'il s'apprête à lui courir après, sans doute pour lui rendre sa bestiole, Chiara rentre à son tour dans la pièce.
Mon bureau est un vrai hall de gare aujourd'hui !
Aussitôt, Maël perd toute contenance. Il rougirait presque, ma parole ! C'est trop mignon... Et par « mignon » notez bien que je veux dire que j'ai envie d'arracher les entrailles de cette fille pour en faire un collier !
- Oh Maël ! Tu as un hamster ? lui demande-t-elle en riant devant cette situation incongrue.
- Non, j'interviens. Il a accepté de garder celui d'Héty ! Tu la connais, non ? Elle organise notre prochain événement...
- Ah, oui ! Je vois ! C'est vraiment super sympa de ta part, Maël.
Elle lui sourit et je suis à deux doigts de leur sortir une remarque désobligeante et sarcastique quand je m'aperçois qu'elle n'est pas toute seule. Elle est accompagnée d'une jeune femme que je n'ai jamais vue auparavant.
Et quelle femme !
Elle se tient droite, un peu en retrait, et balaie la pièce de ses yeux dorés.
Un regard de fauve.
Sa chevelure noire semble opulente mais elle est sagement relevée en un chignon négligée. Son visage ressemble à celui des statues antiques. Cela fait longtemps que mon chemin n'a pas croisé une telle beauté... Un parfum sauvage se dégage de toute sa personne et quand elle s'approche pour me serrer la main, j'ai envie de la retenir et de humer les fragrances de sa peau, juste là, au creux de son cou.
Mais je ne le fais pas. Je sais me tenir... la plupart du temps.
- Az', Maël, je vous présente Séléné. Elle appartient à l'association FERUS. Je l'ai appelée pour voir si on pouvait créer des liens entre deux asso ! Après tout, on veut tous sauver la biodiversité !
- Je m'intéresse essentiellement à la sauvegarde des loups, affirme-t-elle d'une voix à la fois douce et grave. Mais tu as raison, il est important de sauver toutes les espèces pour maintenir l'équilibre naturel.
- Séléné arrive directement des Alpes, poursuit Chiara. Je pensais que tu pourrais lui montrer la ville ce soir. Je lui aurais bien servi de guide mais j'ai promis à Samiah de l'accompagner au mariage de sa cousine.
- Ce ne sera pas nécessaire, la coupe Séléné.
- Mais ce serait avec grand plaisir ! interviens-je. La ville est très intéressante la nuit...
- Non, vraiment, insiste-t-elle. Ce soir, ce n'est pas possible... J'ai déjà prévu de retrouver des cousins éloignés qui vivent dans l'arrière-pays...
Pourquoi est-elle gênée ? Que cache-t-elle donc ?
Tandis que je me creuse la tête pour percer ce mystère, je perçois la mimique de Maël dans son dos. Il est en train de mimer un loup. Un loup qui hurle...
Suis-je bête ! Bien sûr !
Tandis que mon Prince me lance un de ces sourires narquois dont il a le secret, je réalise que Séléné est une louve.
C'est pour ça qu'elle dégage cette aura entêtante de bête sauvage.
C'est une louve et ce soir c'est la pleine lune.
Intéressant... Je sens que je vais aller me balader dans les forêts de l'arrière-pays cette nuit.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro