Semaine 17
24 avril, home sweet home.
Je hais le lycée, mais n'est-ce pas en quelque sorte mon environnement naturel ? Faya soupire en me voyant soupirer.
— Mathis, tu as préparé des arguments pour le débat ? Non ? Bah, à voir ta tête...
Elle sort de sa pochette une copie double remplie d'arguments et d'exemples les illustrant.
— J'ai prévu le coup, dit-elle.
— Merci Faya.
— De rien. T'as pas la tête au travail, cette rentrée.
Elle me tapote dans le dos.
— Plus que deux mois, Mat'. Plus que deux mois.
Je ne veux pas. Une vague d'angoisse m'envahit. Deux mois de plus. Deux mois, c'est toujours deux mois de plus à vivre. Soixante jours.
— Monsieur Paillon, réveillez-vous, lance la professeure d'Histoire. Vous êtes parmi nous ?
Elle ajoute, d'une voix inquiète :
— ... Mathis, ça va ?
J'enlève mes lunettes, et sèche mes yeux du revers de la main. Le silence s'est fait dans la classe. L'enthousiasme provoqué par les précédents débats s'est évaporé. L'air ambiant écrase mes épaules. Je croise les yeux de Rita, ceux de Faya, ceux de Gabriel, ceux d'Enzo. Je sens dans mon dos les regards de Louna, Blandine, Léo, Emmy.
— Tu veux aller à l'infirmerie ?
Madame Khayan, vous êtes trop gentille. Je n'en ai pas besoin.
— Quelqu'un pour accompagner Mathis à l'infirmerie ?
Rita se propose, mais la Wesh se lève plus vite.
Pourquoi elle ? Nous ne nous entendons même pas.
Nous sortons ensemble de la classe, puis du bâtiment étant donné que l'infirmerie se trouve ailleurs.
— Pourquoi ?
— Parce que j'voulais m'casser. T'étais mon ticket d'sortie, mec, dit-elle en allumant une clope. Tu vas pas t'perdre.
Je suis entré dans l'infirmerie, et me laisse tomber sur un des bancs, lunettes à la main. Je suis une merde. Une grosse merde.
25 avril, je suis retourné en cours.
— Pardon, Faya. Je suis désolé, lui lancé-je dès que les roues de son fauteuil apparaissent dans ma vision périphérique.
— Bof, y'a pas de mal, dit-elle. J'ai assuré notre position, et j'ai géré mon père.
Elle accentue ses phrases de gestes. Elle est amusante, Faya.
— Combien as-tu eu ?
— 19,5. Toi par contre, t'es pas noté.
— C'est grave, ouh là là, ironisé-je.
26 avril, Rita s'inquiète un peu, mais j'ai réussi à endormir ses soupçons.
— Est-ce nouveau, ce bracelet ?
— Oui, t'as vu ? C'est très feng shui, répond-t-elle en souriant.
— Es-tu consciente que le feng shui n'a rien avoir là-dedans ?
— Je sais. Feng shui.
— Feng shui.
— Feng shui, conclut-elle.
27 avril, il y a un grand débat sur le sport. Oui, le sport. En pleine permanence avec Éric. Ce pion se laisse vraiment marcher sur les pieds.
Louna est maître de cérémonie. Perchée sur sa table, elle donne la parole aux uns et aux autres. Léo affronte Emmy, chacun défend son sport préféré.
— Tu fais du judo, je présume, lance Emmy ses feuilles sous le nez.
— Bravo, merci les clichés, raciste, plaisante-t-il. Je fais du hand, meuf.
— Toi aussi ?
— Bon. Suivant, braille Louna en tapant dans ses mains, visiblement déçue.
Gabriel ne faisant pas plus de sport que moi, nous nous retrouvons à regarder les « orateurs » d'un œil torve. Je regarde Faya qui s'enflamme pour du tir à l'arc, Blandine pour de l'équitation, Enzo pour du rugby.
— Sinon, tu aimes quoi dans la vie ?
— Mon dieu Gabriel, tu parles à quelqu'un sans y être forcé, dis-je.
— C'est bizarre ?
— Venant de toi ? Oui.
Il sourit.
— Mais quelle image as-tu de moi ?
— Gabriel, tu es l'élève le plus taciturne du lycée. Mais j'aime bien ta façon de parler, souris-je. Manges-tu avec quelqu'un ce midi ? Si non, je t'oblige à rester avec moi.
— Tu es beaucoup plus sympa que ce que tu as l'air, Mathis. Ça me va.
Nous nous serrons la main pour sceller notre accord.
— Mais comment me vois-tu, Gabriel ?
— Tu as l'air d'un corbeau, Mathis. Tu as l'air d'un corbeau.
Sympathique.
28 avril, Faya roule une pelle à Charles. Mais si, le catholique coincé vaguement fasciste de la 2nde je-ne-sais-combien.
Voici une transcription à peu près fidèle de leurs rapports :
— J'aime pas les handicapés, dit-il en souriant.
— C'est pour ça qu'on sort ensemble, répond-t-elle sans se démonter.
— Ni les arabes.
— Mon chéri, susurre-t-elle.
— Ni les musulmans.
— Je t'aime.
— Moi aussi, dit-il en l'embrassant.
— Facho.
— Bolchevik.
Ils ont continué toute la journée. Rita soupire très fort à chaque fois qu'elle les voit, et Emmy s'accroche toujours plus fort à son bras.
Sinon, Louna semble très affligée, et plus renfermée sur elle-même que d'habitude.
J'apprends par ma voisine de SVT qui le sait par Enzo, qui le tient de Rita, qui elle-même l'a su par une telle personne et cætera qu'elle avait rompu dans le sang et les larmes avec sa petite-amie. Tout ça pour dire que tout le lycée est au courant, et que les hormones d'une certaine personne (suivez le regard que vous ne pouvez voir) vont soudainement s'agiter.
— Chloé ?
— Sans aucun doute, ça fait quand même deux mois qu'elle lui tourne autour, m'assure Rita.
Mais dans le monde merveilleux des LGBT+, il y a toujours un rayon de soleil : Léo sort avec un garçon de la même classe que le fasciste sortant avec la paraplégique.
Ah, le lycée. Quel monde merveilleux.
29 avril, ma très chère Fiona est sur Tchaters. Ma chérie, viens par ici...
Ah. Rita. Merde. Je me suis toujours promis une chose : pas touche aux meilleurs amis.
Perruque ?
Exact ;D
Classe, et réaliste en plus
L'ancienne perruque de ma mère, quand elle avait son cancer;D Ça fera l'affaire le temps que mes cheveux poussent, nan ?
Indeed. Sinon, jolie robe
Merci :3
Elle est très jolie, il faut l'avouer.
Me fais chier.
Idem, cher.
Mathis, tu le fais exprès ?
Quoi ?
... Merde.
Pardon, chère.
C'est mieux;)
'ttends, j'ai l'impression d'être ami avec un agent secret, dont je ne dois pas faire sauter la couverture coûte que coûte
C'est... assez bizarre
Et drôle
Et bizarre
ahah:3
KURZUM. J'me fais chier, y'a personne chez moi en plus
Toi aussi ? Ça nous fait un point commun
Atta', j'vais te voir
Et moi je vais me chercher un gâteau
Arthur a acheté des spéculoos. J'aime beaucoup ces petits biscuits, je souffre d'une addiction aux spéculoos. J'ai faim.
Je suis très fatigué, en ce moment, en plus. J'aurais pu m'endormir sur la table de la cuisine si la sonnerie n'avait pas retenti.
— Je ne pensais pas que tu viendrais vraiment, dis-je.
— Quand on se fait chier...
La dissonance entre sa voix et son apparence me fait lever un sourcil. Elle rit en voyant ma moue étrange.
— Puisque tu es là... Mario Kart ?
— J'te défonce quand tu veux.
30 avril, je veux dormir.
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