Semaine 14
2 avril, Jannick a en ce moment la smsite aiguë.
Je peux de te faire confiance ?
Oui.
Sur tout ?
Oui.
Vraiment ?
OUI.
T'as rien contre les LGBT+ ?
J'ai dans mon entourage direct Léo et Louna, quand même.
T'as rien contre la transidentité ?
Je m'en bats les yeux. Pourquoi, es-tu trans ?
Ça s'pourrait
Cool pour toi, quelqu'un au courant ?
Juste toi
Quelle preuve de confiance
Comment Jannick peut-i... e... enfin, me faire confiance ?
Je n'y arrive pas moi-même.
— Jeanne. J'ai besoin du numéro de ta sœur, dis-je.
— Laquelle, Marie ou Anna ?
— Anna.
2 avril, Anna ne répond pas. Jannick fait comme si de rien n'était.
3 avril, j'ai eu Anna au téléphone. Elle m'a dit plein de choses sur l'identité, dont la plupart que je n'ai pas écouté et le reste que j'ai oublié.
Il faut que je parle à Jannick. Mais à part.
— Nous devons parler, toi et moi, dis-je en l'éloignant du troupeau de jeunes abrutis de l'arrêt de bus.
Jannick regarde ses pieds, en serrant son cahier et son crayon.
— Dis-moi tout. J'ai besoin de savoir. Ça m'a travaillé toute la nuit.
— Je crois que...
Nous yeux se croisent.
— Jesuisunefille.
— Fantastique. Mon meilleur ami est ma meilleure amie, souris-je. Tu veux que je t'appelle comment ?
Merci Anna. Merci.
— Mes parents m'auraient appelée Rita, si je n'avais pas eu de pénis, murmure-t-elle. Rita, c'est bien.
— Donc Rita.
— Va pour Rita, Ja... Rita.
4 avril, j'ai eu besoin d'un moment pour enregistrer que Jannick s'appelle Rita. Et qu'il s'agit d'une fille.
— Mathis, t'es dans la lune, se plaint Louna. Mais pourquoi j'ai toujours des boulets dans mon groupe de TP ?
Louna me tape sur le système.
— Le boulet te conchie, grogné-je.
— Tu connais ce mot ?
— Ne prends pas ce ton condescendant avec moi, Louni-chérie, tu seras mignonne.
— Wesh, faut bosser là, j'veux pas m'taper un trois les gens, braille la Wesh.
La Wesh aussi, échaude mes nerfs.
Ménages-toi, Mathis, ménages-toi...
5 avril, j'ai l'impression d'être ami avec un agent secret, et qu'il ne fallait surtout pas que je fasse capoter sa couverture.
J'ai bien besoin d'une cigarette.
— Faya, fumes-tu ?
— Non, Mathis. Mais mon frère oui. Il est en Term' 3, tu peux le choper.
6 avril, pense à l'agent secret, pense à l'agent secret.
7 avril. Une journée normale. Mon cerveau a ingéré l'information.
— D'ailleurs, c'est bientôt ton anniversaire, n'est-ce pas Rita ?
— Ouais, c'est pendant les vacances...
— Le fêtes-tu ?
— J'pense pas, hésite-t-elle. J'devrais ?
— Je m'en fiche, je m'incrusterai.
En passant devant la vie scolaire, je recroise mon deuxième meilleur ami : le rond violet.
8 avril, Jeanne est seule avec moi. J'ai besoin de lui parler, de vider mon sac. N'est-elle pas psy, après tout ? C'est son travail d'écouter les gens.
— Puis-je te parler ?
— Bien sûr, Mathis, dit-elle.
— J'ai un secret, et j'ai besoin que quelqu'un le sache en dehors de moi.
Jeanne me scrute d'un air inquiet.
— Il t'est arrivé quelque chose ?
— Non, non. Ça concerne quelqu'un que je connais. Un ami.
— Tu as des amis ? Trêves de plaisanteries, je sais que tu as des amis, évidemment que tu en as. Je suppose qu'il s'agit de Jannick ?
— Bien deviné.
Quand quelqu'un appelle Rita Jannick, mon poil s'en hérisse.
— Il se trouve que... balbutié-je en cherchant les mots. Jannick est une fille. Elle s'appelle d'ailleurs Rita.
Jeanne est visiblement rassurée.
— Et tu aimerais savoir comment l'épauler ? suppose-t-elle.
— Non, je voulais juste que tu sois au courant. Ces mots me brûlent les lèvres depuis le début de la semaine.
9 avril, j'ai choisi de dormir.
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