C'est le grand jour : je dois aller me faire embaucher. Sur les documents que m'a donné le boss, il y a l'adresse de l'organisation. J'ai oublié de faire les courses ménagères hier ! Mon frigo est toujours vide ! Je devrais aller acheter de la nourriture après m'être fait embauchée, car il est certain que je me ferai embaucher.

Je m'habille avec de nouveaux vêtements propres et je descends jusqu'à ma voiture. J'entre l'adresse dans le GPS et je suis les indications, comme à mon arrivée ici. L'organisation ne se trouve qu'à une quinzaine de minutes de chez moi, ça sera pratique.

Une fois garée, je m'arrête devant l'immeuble. Le bâtiment est immense ! Il est fait tout de verre, ce qui lui donne une allure étincelante du à la réflexion du soleil sur le verre. J'entre par les portes automatiques, je me fais recensée à l'accueil et l'hôtesse me donne un badge "visiteur".

Elle m'indique d'aller au troisième étage à la dernière porte au fond du couloir de gauche. Je fais tout ce qu'elle me dit et j'arrive devant la porte en question. Je fais un bref résumé de "ma" vie dans ma tête puis je prends une grande inspiration et je toque.

J'entre après en avoir eu la permission. La salle est dans un angle et comme la façade du bâtiment est fait tout de verre, il y a deux "murs" qui sont en verre, ce qui donne une vue imprenable sur la ville. La salle est simplement meublée : il y a un bureau avec une chaise de chaque côté ainsi que des étagères avec une tonne de paperasse qui y est rangée. L'entrée de lumière est forte étant donnée la grande surface vitrée.

- Je vous en prie, asseyez-vous, m'invite l'homme qui se trouve dans la pièce.

Je m'assois donc en face du bureau. La personne en face de moi est un jeune homme, il a l'air d'avoir le même âge que Ian. Il est brun avec des yeux gris. Il a le visage fermé. Il est vêtu simplement d'un jeans et d'un tee shirt à manches courtes.

Il n'est pas assis, il est debout à côté de sa chaise et il me regarde les bras croisés. Je baisse la tête, pour faire semblant d'être intimidée. Je suppose qu'il prend cette posture simplement pour montrer qu'il est supérieur. Pour intimider les nouvelles venues, alors je fais semblant que ça a marché sur moi. Tel un agneau docile.

Qui pourrait croire qu'une fille timide et soumise n'est en réalité qu'un espion en mission d'infiltration ? Je sais ce que j'ai à faire pour n'éveiller aucun soupçon. J'ai été formée pour durant toute mon enfance. Dix-huit ans de ma vie sur les dix-neuf que j'ai vécu.

- Je ne vous ai jamais vu. Qu'est-ce que vous venez faire ici ? me demande-t-il sans tourner autour du pot, sans même me demander mon identité ou quelque autre formalité de base.

- J'aimerai intégrer la société, je réponds donc du tac au tac.

Il me regarde curieusement, un sourire en coin. Je me suis habillée comme si j'étais une jeune fille timide et fragile. Il doit sûrement penser que j'ai aussi un mental fragile et que je ne pourrais pas survivre dans ce monde de brutes. Il doit penser que jamais je n'aurais la psychologie pour tuer. Et c'est ce que je veux lui faire croire.

- Et que pensez-vous apporter à la société ?

- J'apprends vite donc je pourrais accomplir de nombreuses tâches.

- Et tu crois que tu en as la capacité ?

- Je peux toujours essayer.

Il me regarde toujours aussi curieusement et son sourire sadique s'agrandit. La situation a l'air de l'amuser. Moi aussi, je souris, mais à l'intérieur de moi. Il croit m'avoir cernée, il croit savoir qui je suis mais il se trompe. Le fait qu'il se fasse berner m'amuse moi aussi. Mais je ne dois rien laisser paraître.

- Pourquoi voulez-vous faire partie de cette organisation ?

Je vois quel type de personne c'est. Il aime intimider les personnes et il aime se sentir supérieur aux autres. Je le regarde avec détermination et avec une once de colère. Je suppose aussi que sa question a pour but de déterminer si je sais ou non quelles sont les activités de l'agence.

- Mes parents ont été assassinés et ma sœur est partie sans rien dire, elle a disparu du jour au lendemain. Je suis ici pour les venger et retrouver ma sœur.

- Bien. Donnez moi votre identité.

- Yana Stanley, je viens d'Arizona.

Il continue de me fixer d'une drôle de façon. Une ou deux minutes s'écoulent. Je commence moi aussi à le regarder bizarrement. Il joue à quoi ? Essaie-t-il de m'analyser ? Va-t-il me donner une chance pour prouver que je suis capable de faire des choses pour cette organisation ?

Il ne bouge toujours pas et ne détourne toujours pas son regard. Quel être incompréhensible. Pourquoi ne me dit-il pas tout simplement "Vous êtes pris" au lieu de me fixer tel un pervers ? Je suis sûre qu'il fait exprès de laisser durer le suspense pour voir ma réaction. Il m'observe. Il m'analyse. Il veut savoir à qui il a affaire de manière certaine.

Le téléphone sonne et je sursaute ce qui accroît son sourire malsain. Je me suis laissée déconcentrer. Je n'ai fait attention qu'à cet homme étrange et j'ai donc baissé ma garde. Ça ne se reproduira plus. Il faut que je fasse attention. Et plus particulièrement lorsque je suis ici. Il ne faut pas que je me fasse prendre.

- Oui boss ? dit-il en décrochant.

Un silence se fait de nouveau dans la pièce, le "boss" doit être en train de parler. L'homme ne me quitte pas du regard puis il répond "Bien" et il raccroche.

- Vous êtes en essai.

Je pousse un petit cri pour montrer que je suis heureuse. Mais je le suis réellement aussi car c'est un pas vers la réussite de ma mission. Et puis je dois jouer le rôle d'une fille sans filtre, complètement sincère et naïve. Tel un agneau pur qui ne connaît encore rien au mal qui ronge le monde.

- Je serai votre mentor, c'est moi qui vais devoir vous entraîner. Je vous préviens, ça ne va pas être facile.

- Je suis déterminée !

Il me fait vraiment peur, son sourire dégueulasse ne quitte pas son visage. J'ai l'impression qu'il va s'amuser à m'en faire baver et je vais devoir tout encaisser parce qu'il ne doit pas être au courant que je suis une pro.

Alors que j'appréhende les prochains mois à venir, la porte s'ouvre d'un coup et je sursaute une nouvelle fois, ce qui n'a pas échappé à Monsieur. Une fille pénètre la salle en vitesse. Pourquoi est-ce que je me laisse surprendre comme ça ? Pourquoi est-ce que j'ai tendance à toujours baisser ma garde ? Un jour, cette erreur me coûtera la vie.

- Patron, il y a un problème avec la mission de Luna !

Il arrête de me fixer pour regarder la nouvelle venue et il répond avec calme :

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Elle a dit avoir du annuler sa mission à la dernière minute, de toute urgence.

- Je l'attends dans mon bureau, tu le lui diras à son retour.

Puis le regard de la fille se pose sur moi. Elle a les cheveux brun/rouge, des yeux noirs et la peau blanche comme du coton. Ses cheveux me font penser à la couleur du sang lorsqu'il y en a en grosse quantité. Ou bien lorsqu'il a commencé à sécher mais pas totalement.

- C'est qui elle ? demande-t-elle avec dédain en me montrant du menton.

- Une nouvelle recrue.

Elle me regarde de haut puis s'en va. Je ne l'aime pas. Mais il faut que j'apprivoise sa sympathie pour le bien de ma mission. Je n'ai pas le choix. Au diable mes émotions et mes sentiments. Je vais devoir passer outre tout ressenti. L'homme replonge son regard dans le mien et il me dit :

- Vous commencerez demain. Je vous veux ici à 8h, aucun retard ne sera toléré.

Je hoche la tête puis je sors de la salle. Je souffle. Ce gars est un taré, il me fait flipper. Je suis soulagée de ne plus avoir affaire à son regard et à son sourire pour le reste de la journée. Quelle poisse de l'avoir comme mentor. Dire que je vais devoir le supporter pendant un bon bout de temps. Ça me déprime.

- Pas commode comme patron n'est-ce pas ?

Je relève la tête et je vois une jeune fille blonde avec des yeux bleus dans l'encadrement de la salle d'à côté. Je hoche la tête. Au même moment, mon ventre gargouille. C'est ça de ne pas prendre de petit déjeuner. Je vois la fille rigoler.

- Je vois que tu as faim. Je t'emmène manger dans un pub près d'ici, suis-moi. Demain, quand tu auras ton badge, tu pourras manger à la cantine de l'organisation. Tu feras partie de notre équipe en attendant que le patron t'entraîne.

Nous prenons l'ascenseur pour descendre puis nous sortons du bâtiment.

- Oh d'ailleurs ! Je ne me suis pas présentée, honte à moi ! Je m'appelle Kate Ranger et toi ?

Je lui réponds puis elle m'emmène à quelques rues de l'organisation et on rentre dans un pub.

- Je peux t'assurer qu'ici, c'est la meilleure nourriture que je n'ai jamais manger de toute ma vie.

On commande et une fois que nous avons nos commandes, elle me demande pourquoi je veux intégrer l'agence. C'est un sujet qu'on abordait pas à Londres, peut-être qu'ici ce n'est pas un sujet tabou. Je lui réponds puis lui dis :

- Et toi ?

- C'était il y a longtemps, je me faisais maltraitée et humiliée au lycée. J'avais fait une tentative de suicide qui a raté et c'est à ce moment là que je me suis rendue compte à quel point j'avais été stupide. J'allais mettre fin à mes jours à cause de gamins qui n'en valaient pas la peine. J'allais laisser mes parents seuls parce que je n'étais pas assez forte. Alors j'ai décidé d'intégrer l'organisation pour m'endurcir et pouvoir rendre justice lorsque la justice elle-même ne la fait pas.

Je trouve immédiatement qu'elle a un bon fond. On discute pendant toute la pause déjeuner que Kate possède puis elle retourne travailler tandis que moi je vais faire les courses pour remplir mon frigo. Je suis étonnée qu'elle m'ait révélée son passé sans hésitation. Les américains sont-ils plus dupes que les anglais ? Si c'est le cas, alors ma mission sera un jeu d'enfant.

Je prends un panier et je me balade dans les rayons. J'ai un métier qui peut être très prenant mais j'ai toujours pris le temps de faire de la bonne cuisine. Je n'aime pas manger en conserves et j'ai appris à cuisiner quand j'ai commencé à vivre seule.

Je choisis consciencieusement mes légumes, mes fruits et ma viande puis je me dirige vers les épices. Pourquoi ont-ils mis le curcuma tout en haut ? Ils ne pensent jamais aux petites personnes ? Je me hisse sur la pointe des pieds mais rien n'y fait, je n'arrive pas à l'attraper.

Une main attrape le petit flacon puis me le donne. Je remercie la personne et lorsque je vois de qui il s'agit, je souris.

- Tiens salut Yana, je ne m'attendais pas à te voir ici !

- Oui quelle coïncidence !

- Hier tu refaisais ta garde robe et là tu refais ton frigo ? dit-il en rigolant.

Je rigole avec lui et on continue nos courses ensemble. Il est gentil ce Matthew, je l'avais déjà remarqué hier mais aujourd'hui me le confirme encore. Peut-être qu'il pourrait être mon ami d'ici. Lorsque j'arrive devant ma voiture, je m'arrête et je demande :

- Tu habites près d'ici ?

- A une dizaine de minutes.

- Et tu as une voiture ?

- Non.

Je regarde ses sacs de courses, je regarde ma voiture, je fais des calculs dans ma tête, dix minutes, gros sacs lourds, à pied.

- Tu veux que je te raccompagne ?

Il hoche de la tête avec énergie. Je suppose qu'il est content que je lui épargne ce supplice. Je me gare devant son immeuble qui se situe à quelques rues du mien. Je lui dis au revoir et je retourne chez moi. Je remplis avec joie mon frigo. Je vais m'allonger sur mon lit et mon regard se pose sur la peluche. Je décide d'appeler Ian avec le téléphone que le boss m'a donné pour les contacter.

- Allô ?

- Ian ! C'est Nina.

- Nina ! Comment tu vas ? C'est bien les États-Unis ?

- Je vais bien. C'est cool Los Angeles, il fait beau ! Mais mon mentor me fait flipper, il a l'air sadique et je ne pourrais pas me venger.

- Bonne chance pour tes jours à venir alors, j'aurai bien aimé être là. Deux sadiques qui travaillent ensemble, ça doit être drôle, rigole-t-il.

- Ne rigole pas sinon quand je reviens je te frappe ! Comment va Hailey ?

- Elle se rétablit doucement mais sûrement.

- Et comment le boss va gérer la reconstruction de l'organisation ?

- Pour l'instant on est tous concentrés dans un petit endroit, l'organisation est en pause et je pense qu'il va virer toutes les personnes qui seraient susceptibles d'être la taupe pour après nous donner la nouvelle adresse de la société et changer tous nos noms. De cette façon, nous pourrons recommencer à zéro et être plus vigilant à l'avenir.

- Tu crois qu'il va seulement les virer ou il va aussi les tuer ?

- Tu sais qu'il en serait capable.

- Et c'est bien ce qu'il me fait peur, il risque de tuer des innocents.

- Je le crains aussi alors tu dois vite trouver qui est le traître grâce à ton infiltration et sauver la vie des innocents. Tu as jusqu'à la fin de la construction du nouveau bâtiment, il me dit sur le même ton que celui qu'emploie le boss.