Mon cerveau est complètement perdu. Ma sœur jumelle ? Je suis Nina Jefferson, fille abandonnée, sans famille, recueillie par une école spécialisée dans le crime. 

C'est Yana Stanley qui a une sœur jumelle, pas moi. Qu'est-ce qu'elle me raconte ? Elle a du se tromper de personne.

- Tu ne te souviens de rien ? s'exclame-t-elle perplexe.

Je retrace ma vie dans ma tête : j'ai été recueillie par mon école car j'ai été abandonnée à la naissance. Toute mon enfance je l'ai passé entre les murs de cette institution. Ensuite j'ai été embauchée par une organisation à Londres. A aucun moment de ma vie je n'ai eu une sœur jumelle.

- Tu as du te tromper de personne, je n'ai jamais eu de famille.

- Comment pourrais-je me tromper ? On se ressemble et tu ne peux pas le nier ! J'ai l'impression de me voir dans le miroir en te voyant ! Il n'y a pas de confusion possible !

- Écoute, j'ai eu une sale journée, je t'ai sauvé, remercie moi et arrête de me bassiner avec tes bêtises. Notre ressemblance est seulement dû au hasard. Je n'ai pas de famille donc tu ne risques pas d'être ma sœur.

Elle me regarde perplexe.

- Qu'est-ce qu'il t'est arrivé pour que tu deviennes comme ça ?

- Je te dis que je ne suis pas ta sœur !

- Tu as totalement perdu la mémoire ? Tu es devenue amnésique ? Tu ne te souviens pas du tout de ton enfance ?

- Mon enfance ? je dis en lançant un rire sarcastique. Je l'ai passé dans une école, en pension, car mes parents m'ont abandonné. Il n'y a aucune trace de sœur jumelle dans ma vie. Je n'ai pas eu d'enfance.

- Alors tu as vraiment tout oublié...

- Dans ce cas dis moi ce dont je suis censée me souvenir puisque tu as l'air convaincu que je suis ta sœur.

Elle commence à m'agacer. Je n'ai qu'une seule envie : rentrer chez moi, prendre ma douche, dormir pour ensuite repartir à la recherche de Zach. 

Être importuné par une jeune femme qui me prend pour quelqu'un d'autre n'est pas dans mes envies. Surtout quand elle insiste sur le fait qu'elle soit vraiment ma sœur.

- Lorsque nous avions cinq ans, nos parents ont été assassinés. On s'est donc retrouvé dans un orphelinat et on a été recueilli par des familles différentes. Tu ne t'en rappelles vraiment pas ?

Je suis Nina Jefferson. J'ai été recueillie par une école à la naissance parce que j'ai été abandonnée. Je ne suis pas Yana Stanley qui a intégré l'organisation pour venger la mort de ses parents et rechercher sa sœur disparue. 

Je nage en plein délire. Je me suis peut-être endormie au bureau en travaillant, je ne tarderai pas à me réveiller.

- Cette ville ne te rappelle aucun souvenir ? Tu ne te souviens pas du parc où on allait souvent jouer quand on était petites avec papa et maman ? Tu ne te souviens pas nos sorties cinéma qu'on faisait une fois par mois ? Tu as oublié tout ça ?

Les deux visions que j'ai eu me reviennent en mémoire. Je me souviens d'avoir vu deux petites filles jouer dans un parc, et j'étais l'une d'elles. 

Et l'autre fois, quand je suis allée au cinéma avec Matthew, j'ai eu cette vision de moi faisant tomber du pop-corn et de cette fille, me ressemblant comme deux gouttes d'eau, qui m'a consolé. Et toujours, on était entourées de deux parents.

Se pourrait-il qu'elle dise vrai ?

Non. Impossible. Je n'ai pas de famille. Ce n'est pas aujourd'hui que ça changera. J'ai toujours vécu seule. Je n'ai jamais eu de sœur jumelle et je n'ai jamais connu mes parents.

- Tu es née le 21 mars pas vrai ? Tu as un grain de beauté sur l'épaule gauche. Tu déteste le céleri mais tu adores les carottes. Tu es plus viande que poisson. Tu as une cicatrice sous le pied car une fois tu as cassé un verre et tu as marché sur un des morceaux. Dis moi que j'ai faux et je te laisserai.

Elle me regarde avec détermination et je deviens de plus en plus confuse. Tout ce qu'elle vient de dire est vrai. 

Même si elle avait fait des recherches sur moi en amont car elle est un agent secret elle aussi, comment saurait-elle pour la cicatrice sous le pied ? Personne ne l'a jamais vu et je ne l'ai dit à personne. Pas même Zach l'a remarqué. Et dans les dossiers, il n'y a pas écrit mes goûts en nourriture.

Alors cette fille dit la vérité ? Mais comment croire quelqu'un dont on se souvient pas ? Comment croire que du jour au lendemain, on a une famille ? Comment croire que ma vie n'a été qu'un mensonge ? Mon cerveau est en désordre. Je suis totalement perdue. C'est bien trop délirant pour que ce soit vrai.

- Tu vois, je te l'ai dit, je ne me suis pas trompée. Tu es Nina, ma sœur jumelle, conclut-elle face à mon silence et mon air perplexe.

- Admettons que c'est vrai, qui es-tu toi ? je demande pour essayer de comprendre.

- Mia Acciaro.

Mia ? Comme la sœur jumelle de Yana ? Il commence à se passer des choses vraiment bizarres. Mon cerveau n'arrive plus à faire les liens entre les révélations que la femme que je viens de sauver me révèle. 

Je ne comprends plus rien et je suis totalement perdue. Son nom de famille cependant sonne italien. A-t-elle des origines italiennes ?

- Pourquoi tes parents ont-ils été assassinés ?

- Nos parents, corrige-t-elle. Ils étaient agents secrets. Peut-être était-ce un ennemi, peut-être avaient-ils commis une erreur et ils s'étaient fait "punir". Je ne sais pas et je ne saurais jamais.

Ils étaient agents secrets ? Comme moi ? Ça fait trop de coïncidences pour que ce soit vrai. Si ce sont mes parents, je vais penser que c'est dans les gènes de tuer. Cette histoire n'a ni queue ni tête.

- Tu n'as jamais tenté de savoir ?

- Si. J'ai cherché pendant longtemps mais je n'ai rien trouvé. Puis j'ai rencontré quelqu'un. Et j'ai réussi à faire mon deuil et à apprendre à vivre avec la mort de nos parents. Je t'ai cherché toi aussi, mais tu avais aussi disparu. Il n'y avait plus aucune trace de toi nul part. Je ne savais pas où tu étais. Je ne savais même pas si tu étais encore en vie. J'ai donc dû faire le deuil des trois membres de ma famille. Tu ne peux pas savoir à quel point je suis heureuse de te voir en vie, devant moi ! J'ai vraiment cru que tu étais morte ! Pour moi, c'est comme si tu venais de revenir à la vie.

Je ne l'écoute qu'à moitié. Je dirige mon regard vers sa main. Elle a une alliance autour de l'annulaire. Est-elle fiancée ou mariée ? Heureusement que j'ai été là pour éviter qu'elle se fasse agresser sexuellement.

- Tu l'as rencontré comment ?

Mon ventre trouve plaisant de se manifester à cet instant de "retrouvailles" si elle est réellement ma sœur. Elle rigole et son rire m'emplit les oreilles. Elle a un rire magnifique et qui ne sonne pas faux. Rien qu'à son rire on peut deviner qu'elle est heureuse et comblée dans la vie.

- Tu n'as pas mangé ? me demande-t-elle.

- Non, j'ai travaillé tard, j'étais en train de rentrer chez moi.

- Ça te dit d'aller dans un petit restaurant pas cher ? Celui où on allait souvent avec nos parents avant. Je t'invite, ne t'en fais pas.

J'accepte en lui rendant son sublime sourire. Nous marchons dans les rues de Los Angeles tandis qu'elle me raconte ce qui est censée être mon enfance. Je ne suis toujours pas convaincue du fait que ce soit ma sœur.

- Tu te souviens de ce magasin ? Notre mère nous y avait emmené car elle avait vu une robe magnifique et elle voulait nous la faire essayer pour possiblement l'acheter ensuite. Elle avait fini par l'acheter et à chaque occasion, elle nous la faisait la porter. Elle était si fière de nous, et de nous voir grandir pour devenir de "jolies filles" qu'elle disait.

Elle rigole en se remémorant ces souvenirs, mais moi, je n'en ai aucun souvenir. Je teste ce soir et si aucun souvenir ne me revient, je lui dirai que je ne suis pas celle qu'elle croit. Je ne vais pas prétendre avoir une sœur alors que ce n'est pas le cas.

Elle parle durant tout le chemin. Au moins elle sait faire la conversation et elle ne laisse pas la place aux silences gênants. Dans un sens, ça m'apaise, cela m'empêche de trop me perdre dans mes pensées.

On arrive en une quinzaine de minutes à pied au fameux restaurant. Il est presque vide, il n'y a que trois couples qui mangent encore. Un serveur nous place et nous donne les menus. Je jette un coup d'oeil aux plats proposés. Les lasagnes me tentent beaucoup. Je vais prendre ça.

- Je parie que tu vas prendre le plat de lasagne, c'est ce que tu prenais tout le temps ici quand on était petites.

Je la regarde, perplexe. Peut-être est-elle télépathe ? Comment a-t-elle pu deviner quel plat me plairait ? Elle rigole à nouveau.

- Tu n'es toujours pas convaincue par le fait qu'on soit sœurs jumelles, pas vrai ? Comment saurais-je tout ça si je ne te connaissais pas ?

Elle a raison. Je devrais peut-être me laisser convaincre par le fait que j'ai une famille. Mais pourquoi est-ce que je ne me rappelle de rien ?

Nous commandons les plats puis nous les mangeons. C'est aussi bon que ce que j'imaginais. Ou bien... que dans mes souvenirs ? Je suis totalement brouillée.

Mia me raconte sa vie, après ses cinq ans, nous nous sommes séparées suite à l'assassinat de nos parents, d'après ses dires. Elle répond alors à la question que j'ai posé avant que mon ventre gargouille. 

J'apprends donc qu'elle est fiancée depuis deux mois mais qu'elle a tout de même déjà pris le nom de son futur mari, un italien, d'où le nom à consonance italienne, et qu'elle l'a rencontré au tout début de ses études de droit. Il fait aussi parti du FBI, donc je vais éviter de le rencontrer à cause de mes activités illégales.

Voyant qu'il se fait tard, on décide de rentrer, moi ayant une grosse masse de travail demain, et elle ayant cours car elle est à l'université. Faire du droit ne doit pas être quelque chose de facile tous les jours.

- Je vais appeler mon mari pour lui demander de venir me chercher, tu veux qu'on te raccompagne ? me propose-t-elle.

- Non merci, je vais marcher un peu, j'ai besoin de réfléchir à plusieurs choses, je décline gentiment son offre.

Je la salue et on échange nos numéros, pour qu'on puisse se revoir dans pas longtemps, ou si jamais j'ai des questions par rapport à ma possible vie avant ma soi-disante perte de mémoire, puis je m'en vais marcher dans les ténèbres de la nuit de mois de janvier.

- Ah Nina ! Merci de m'avoir sauvée ! elle crie dans mon dos.

Je lui fais un signe de la main sans me retourner et continue mon chemin jusque chez moi.