Chapitre 14
Bonjour à toustes !
Je suis vraiment désolée pour ma longue absence, alors voici un petit chapitre pour me faire pardonner. C'est assez compliqué dans ma vie en ce moment, j'ai beaucoup de choses à gérer notamment au niveau des cours, de ma vie perso, de mon futur... bref, le bordel !
J'espère que pour vous tout va bien, et que ce chapitre vous plaira tout de même.
Bonne lecture,
heimaey ♠
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Je frappais à la porte de la maison de Gallen. L'air commençait à se rafraîchir, le jour déclinant petit à petit, offrant un superbe spectacle de couleurs vives que j'admirais pleinement. Je remarquai alors toute une horde de moineaux installés sur un fil électrique à proximité de la maison du Vice-Président qui piaillaient à tue-tête, sur une fréquence aiguë digne de leurs petits corps.
Rand, quant à elle, avait rendez-vous avec Heather. Je ne sais trop comment elle s'était débrouillée, mais elle avait réussi à se faire inviter à une soirée privée avec la Première Dame. Nous avons donc, toutes les deux, ce soir, intérêt à nous faire acheter auprès de nos deux cibles.
La porte d'entrée s'ouvrit, laissant apparaître Connor en peignoir, le corps humide, les cheveux mouillés. Ses yeux bleus, qui paraissaient encore plus clairs à cause de ses cheveux trempés, se posèrent sur moi et me sourirent. Je fronçai les sourcils. Pourquoi était-il entrain de prendre une douche alors qu'il savait très bien que je devais passer à cette heure-ci ?
- Je suis rentré plus tard que prévu, se justifia-t-il, voyant mon air interrogateur.
- Vous auriez dû m'appeler, je serais venue plus tard.
Il haussa les épaules, puis m'invita à rentrer.
Sa maison était totalement identique à la dernière fois, excepté les cartons de pizzas sur la table basse qui étaient absents. Ce qui n'était pas étonnant, puisque nous n'étions pas censés dîner ensemble. Je passais uniquement pour discuter avec lui et lui donner une réponse concernant la proposition qu'il m'a faite. Cela ne valait peut-être pas un déplacement, je le pensais d'ailleurs, mais Rand m'avait ordonné de lui parler en face et de mémoriser sa réaction. Elle avait ajouté que c'était pour confirmer l'un de ses doutes dont elle n'a pas voulu me faire part, se justifiant par le fait que ça me perturberait durant l'entretien et me conduirait à l'échec de notre plan.
Gallen était retourné dans la salle de bain, me laissant seule dans la pièce à vivre. Une chance pour moi, il disposait d'un superbe piano que j'avais très envie d'essayer depuis ma dernière visite. Je m'avançai franchement, sans réellement me demander si j'avais le droit d'y toucher, et je m'y installai. Le banc émit un léger souffle lorsque je m'assis dessus. Je m'approchais du clavier que j'ouvris, dévoilant des touches blanches et noires parfaitement propres. Ça faisait une éternité que je n'avais pas rejoué de cet instrument dont j'avais longtemps été amoureuse.
Mes doigts glissèrent sur les touches lisses pendant que j'essayais de me remémorer quelques morceaux que je pourrais jouer en attendant le retour de Connor que j'entendais claquer les tiroirs de la salle de bain. Je positionnai mes mains sur un des accords qui composait le morceau que je voulais exécuter, sans trop savoir si je réussirai. Je posai mon pied sur la pédale et je soufflai un bon coup avant d'appuyer sur les touches. Le son terriblement dissonant qui en sortit me fit sursauter. Je m'étais trompée de touches. Je me repositionnai, cette fois-ci en prenant garde que tous mes doigts étaient bien à leur place respective, puis je recommençai. La musique était bien plus harmonieuse et agréable. Mes mains voyageaient sur le clavier sans que je ne réfléchisse vraiment à ce que je devais faire, mes automatismes de l'époque étaient revenus. Et je jouais paisiblement mon morceau, accompagnée par les rayons du soleil qui déclinaient à l'horizon.
À cause de la puissance du piano et de l'intensité du son, je n'entendis pas Connor sortir de la salle de bain et s'asseoir sur le canapé pour me regarder jouer. Le rythme s'accélérait, j'étais complètement absorbée par la musique, plus rien ne comptait à présent. Mes doigts savaient parfaitement où ils devaient se mettre, ils connaissaient le morceau pour moi. La mélodie était si belle, elle résonnait si bien, que j'en oubliais même de respirer. Jusqu'à ce que le rythme ralentisse, petit à petit, pour finaliser tout cet enchaînement que j'avais réalisé sans vraiment y faire attention. Je m'apprêtais à recommencer à jouer, mais Gallen me coupa dans mon élan, formulant un compliment que je ne saisis même pas.
- Vous ne m'aviez pas dit que vous saviez jouer du piano.
- Ce n'était pas si important, hasardai-je en refermant le clavier.
Je passai mes jambes de l'autre côté du banc puis je me levai pour le rejoindre sur le canapé.
- Au contraire, ça vous rend encore plus spéciale, argumenta-t-il.
- Spéciale ! Le piano est l'instrument le plus joué dans les pays développés ! Je n'ai rien de spécial du tout, croyez-moi.
- Pourtant vous êtes la seule qui a réussi à jouer Nuvole Bianche entièrement, sans erreur, avec le rythme parfait.
Je regardais le piano abandonné. Je voulais encore jouer, j'avais trop de morceaux à réentendre, à réapprécier.
Le piano a été dans ma vie un échappatoire important. À l'école primaire, on nous proposait des cours d'éveil musical dans une salle de musique propre à l'établissement et il y avait un piano. Il n'était pas aussi beau ni aussi grand que celui de Gallen, mais je me souvins qu'il m'avait quand même impressionné. Notre professeure de musique en avait joué et j'avais tout de suite aimé cette douce mélodie qui rendait toutes les chansons, même les plus violentes, d'une douce beauté incroyable. Cette femme avait remarqué mon intérêt pour l'instrument et m'avait alors proposé de rejoindre les cours qu'elle faisait au centre culturel du coin. Seulement, je n'avais pas l'argent nécessaire pour me payer des cours de solfège et apprendre à jouer comme les plus grands. Alors j'ai dû me contenter des heures d'éveil chaque jeudi après-midi.
À mes dix-huit ans, lorsque j'ai commencé à travailler l'été et que j'ai eu mes premiers petits salaires, je me suis immédiatement payée des cours de piano. De plus, grâce aux universités d'espionnage, on a un pass spécifique pour ce genre d'activité qui nous donne des réductions très intéressantes. C'est donc à partir de ces années-là que j'ai appris à jouer de cet instrument et depuis pas une semaine ne passait sans que je ne touche à un piano. Jusqu'à ce que je sois contrainte de quitter la France pour mes études, soit depuis novembre.
Je sentais le regard bleu de Connor sur moi. Il sentait le gel douche pour homme, d'une odeur forte et agressive, qui contrastait avec ma soudaine humeur calme et pensive. Je devrais d'ailleurs commencer à ménager la discussion pour qu'on arrive au sujet principal de ma venue. Je n'avais même pas remarqué le silence qui planait entre nous.
- Vous voulez boire quelque chose ? proposa-t-il, finalement.
- Je veux bien.
Il se leva du canapé et se dirigea vers sa cuisine ouverte. Il me cita les différentes boissons qu'il possédait, me demandant laquelle je désirais, je me laissais tenter par le vin rouge. Il nous servit un verre chacun qu'il apporta. Je le remerciai. Il s'autorisa à boire quelques gorgées de liqueur en revenant s'asseoir à côté de moi.
- Du coup j'ai réfléchi à l'offre que vous m'avez faite...
Ses yeux perçants m'invitaient à poursuivre. Il semblait calme, comme si la réponse n'avait pas vraiment d'importance pour lui. C'était sûrement le cas, d'ailleurs. Des traducteurs, il finira bien par en trouver un jour ou l'autre. Je n'étais pas la perle rare à dénicher.
- ... et je l'accepte.
Son visage resta totalement impassible. Pas de sourire, pas de surprise, rien. Puis, pendant qu'il apportait son verre de vin à sa bouche, un air fier s'invita sur ses lèvres. Un air, malgré lui, terriblement angoissant. Un air qui me disait qu'il s'y attendait, qu'il voulait cette réponse et que je lui avais donné sans aucune difficulté. Il but une gorgée de vin, je n'avais toujours pas touché à mon verre. Je n'avais plus soif.
Enfin, il prit la parole d'une voix posée, calculée, grave. Il m'expliqua alors que je devrais passer à son bureau dans la semaine pour signer mon contrat d'embauche et qu'on établisse mon emploi du temps. Il spécifia que je n'étais pas obligée de travailler en présentiel, il pouvait seulement m'envoyer les différents documents à traduire sur une messagerie extrêmement sécurisée, et que je devais les lui renvoyer achevés dans un délai précis. Il me déballait ses informations et ses formalités tout à fait naturellement, mais cela n'empêchait rien au malaise que je ressentais. J'avais l'étrange sensation de parler à un inconnu, à un Connor que je ne connaissais pas. Il avait eu ce qu'il voulait, il n'avait plus à jouer le type propre sur lui. Il m'avait dans ses filets.
J'essayais de paraître un minimum rassurée, faisant semblant d'écouter attentivement ce qu'il m'expliquait sur le travail. Pas de fuites, pas de partages, sinon je risquais le pire. On me donnera aussi un ordinateur formaté, équipé de manière à ce que je sois pistée continuellement et qu'on s'assure que je fasse bien mon boulot et rien que mon boulot. J'hochai la tête pour montrer ma compréhension. À la fin de sa présentation, il me demanda si j'avais des questions. Je secouai la tête.
- Alors il me semble avoir tout dit. Vous obtiendrez également un téléphone qui vous servira uniquement pour le travail. Évitez de mettre des photos personnelles dedans ou des contacts spécifiques, il vous est donné uniquement pour vous permettre un contact rapide avec moi.
- Très bien.
Il termina son verre d'une traite. Je n'avais toujours pas touché au mien.
- Vous semblez bouleversée, remarqua-t-il. Quelque chose ne va pas ?
Mon regard se posa sur le piano. J'hésitais à lui demander si je pouvais rejouer un petit morceau puis ensuite m'en aller, ne voulant pas le déranger plus longtemps que nécessaire. Mais je n'eus pas le temps de formuler ma demande qu'il m'autorisa à m'exécuter, ayant compris le message. Je lui adressai un sourire de remerciement, puis je retournai m'installer sur le banc de l'instrument. Je choisis de jouer une musique actuelle que Connor ne mit pas longtemps à reconnaître et à accompagner de sa voix. Je fus surprise de l'entendre chanter avec justesse et aisance, comme s'il avait fait ça toute sa vie. J'oubliais même pendant le temps du morceau l'étrange sensation qu'il m'inspirait.
'cause you're never be alone,
I'll be with you from dusk till dawn.
Le soleil était désormais caché derrière les hauts buildings de la capitale, ne laissant que des traînées oranges comme témoin de son passage. Les réverbères s'étaient allumés, m'indiquant que je ne devais plus tarder à rentrer. Je terminai le morceau et mon intuition revint immédiatement. Il fallait vraiment que je parte.
Je remerciai Connor en le félicitant pour sa prestation, puis je lui indiquai que je n'allais pas rester plus longtemps. Il ne broncha pas, il m'accompagna jusqu'à sa porte comme il l'avait fait lors de notre dernière rencontre, quelques jours plus tôt. Il m'informa aussi qu'il m'enverrait un message demain concernant notre rendez-vous pour la paperasse, et il m'embrassa la joue. Je partis avec un petit sourire sur mes lèvres.
Je quittai sa rue et me retrouvai sur la grande allée fréquentée. Il n'y avait pas beaucoup de foule les soirs en pleine semaine. J'en profitai alors pour sortir mon téléphone de la poche de ma veste rouge. Mon cœur s'emballa en voyant le nombre d'appels manqués de Rand. Que lui arrivait-elle ? Avait-elle oublié que j'étais chez le Vice-Président ? Un message apparut sur mon écran.
Rentrez IMMÉDIATEMENT.
Merde. Ça ne sentait vraiment pas bon. Quelle connerie avais-je fait pour qu'elle soit si énervée ?
Je suis sur le chemin, j'arrive.
Je rangeai mon téléphone et j'accélérai le pas. Gallen ne vivait qu'à une petite vingtaine de minutes à pied de notre appartement. L'axe dégagé me permettait de gratter quelques minutes sans avoir à faire attention aux vélos, skates et autres engins susceptibles de créer un accident. Je ne pouvais m'empêcher de me demander pourquoi Rand était aussi remontée. J'avais pourtant suivi le plan à la lettre, tout a été fait comme convenu ! Avait-elle changé d'avis entre-temps ? Si c'était le cas, je ne pouvais rien y faire, je n'étais pas devin.
J'arrivai à notre immeuble. Encore une fois, une sensation étrange naquit en moi. Une sensation qui me disait de prendre les escaliers et de me dépêcher. Je ne réfléchis pas, j'empruntai les escaliers en bois couverts d'un tapis rouge que je gravis trois par trois. Je croisai des habitants fortunés de l'immeuble qui me regardaient d'un air interrogateur, certains m'engueulaient de ne pas me comporter correctement en courant ainsi. Je finis par atteindre notre palier et j'ouvris notre porte. Je m'attendais à trouver Rand énervée, prête à m'arracher la tête lorsque je franchirais le seuil, mais je la trouvai assise sur le canapé, un verre de vin à la main, le regard dans le vide. Je fermai la porte derrière moi et j'allai à sa rencontre.
- On est dans la merde.
Fut la première chose qu'elle prononça. Elle but toute la liqueur et envoya son verre valser à travers la pièce. Il s'écrasa sur le sol avant d'éclater en morceaux.
- Pourquoi ?
Son visage resta impassible, fixant un point imaginaire face à elle. Elle respirait calmement et déglutissait tout à fait naturellement. Puis, un défilé de sirènes de pompier et de police défilèrent dans l'avenue, accompagnées de klaxons de voiture. Rand tourna enfin son visage vers moi et je vis dans ses yeux quelque chose que je ne pensais jamais voir. C'était de la peur. Cette femme, réputée pour braver tous les dangers avec panache et facilité, avait peur.
- Ce n'était pas du tout ce qu'on imaginait. Ils ne voulaient pas révéler des dossiers confidentiels, faire des accusations.
Mon cœur loupa un battement, redoutant la suite.
- Ils viennent de faire assassiner le Président, et nous leur servons d'alibi.
Je me figeai. Ils avaient tout prévu. Il leur fallait deux personnes inconnues au bataillon, impuissantes, qui n'avaient aucune raison de les trahir. Sauf qu'ils étaient aussi tombés sur deux agents sous couverture. Seulement nous n'avons absolument rien contre eux, pas le moindre indice. Et la position dans laquelle nous étions, c'est-à-dire avoir obtenu un rendez-vous avec les deux coupables pile poil le soir du meurtre était accusable de complicité, comme un bon moyen de sauver ces deux criminels.
- C'est un simple empoisonnement, rien de bien nouveau, m'informa la brune. Nous n'avons aucune information spécifique pour l'instant, mais on va devoir rapidement trouver un lien entre eux et ce meurtre. Je nous donne deux semaines.
- On n'aura pas de renfort ?
- J'ai appelé Hanks. Aucune équipe ne peut se désister, lui-même est bloqué au Brésil. Nous sommes seules, Lucy.
Oui, nous sommes seules.
Seules face au plus grand crime de ce siècle.
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