Chapitre 10
Bonjour !
À l'occasion des fêtes de Noël, je vous offre un chapitre supplémentaire de cette fiction !
Ce chapitre est assez long, mais c'est de loin un de mes préféré.
Bonne lecture,
heimaey ♠
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J'attrapai mes escarpins noirs et je les enfilai à mes pieds nus. Je me regardai une dernière fois dans le grand miroir fixé au mur, vérifiant que ma tenue était bien correcte. J'arrangeai rapidement ma longue robe noire de manière à ce que les plis disparaissent, puis j'attrapai ma veste.
- Agent Rand ? Où en êtes-vous ? l'appelai-je.
J'entendis la porte de sa chambre s'ouvrir, laissant apparaître la magnifique brune dans une courte robe rouge moulante et sans manches. Elle marchait avec aisance, d'une démarche féline, prête à en découdre avec les imposteurs de la sphère politique. Ses bras musclés attrapèrent sa veste sur le porte-manteau, son regard chocolat, remplit d'une malice qui lui était spécifique, croisa le mien. Une décharge électrique me parcourut, hérissant mes poils. Qu'est-ce qu'elle était belle...
- On y va ?
Sa voix me tira de ma rêverie. J'hochai la tête en guise de réponse, les joues chauffées par la honte.
Putain. Moi qui pensait être débarrassée de ces fichus sentiments, les voilà qui étaient revenus au grand galop. Mais il ne fallait pas que je me laisse submerger, Rand prendrait un malin plaisir à me torturer avec ça...
Je suivis la brune en dehors de notre appartement qu'elle verrouilla. J'appelai l'ascenseur qui ne mit que quelques secondes à arriver. Les portes métalliques s'ouvrirent, et on entra en même temps dans le monte-charge. Rand appuya sur le bouton qui nous amènera au parking souterrain. Elle jouait avec les clefs de l'appart, les faisant tournoyer sur son index.
Je jetai un dernier coup d'œil à ma personne grâce au grand miroir installé dans la cabine. Cette scène me rappela le jour où nous étions arrivées à New-York, lorsque nous attendions notre arrivée au quarante-septième étage du gratte-ciel qui abritait les locaux de l'unité pour laquelle je venais d'être embauchée. Ce jour où j'ai rencontré Jolene, où mes deux anciennes professeures s'étaient retrouvées. Le jour où je me suis rendue compte que j'aimais Rand.
L'ascenseur ralentit, nous laissant dans le parking frais. Nos talons résonnaient sur les murs gris de l'endroit. Rand se dirigea vers notre berline, moi sur ses pas. Elle ouvrit le véhicule grâce à la carte magnétique, puis on grimpa à l'intérieur. Elle démarra la voiture et manœuvra pour quitter le parking.
- L'objectif de cette soirée est d'entrer en contact avec notre suspect, balança-t-elle en attendant que la barrière automatique s'ouvre.
- J'avais saisi.
Elle accéléra et déboula dans les rues de Washington. Elle s'engagea sur l'axe principal puis suivit l'itinéraire que lui indiquait le GPS. Le soleil commençait à descendre dans le ciel, laissant derrière lui une belle traînée orangée. Je regardais les monuments à l'architecture américaine défiler pendant qu'on roulait à une bonne allure à travers la capitale.
- C'est quoi votre nom ?
- Alicia Jones.
- Très bien, Miss Jones.
Je ne regardais pas son visage, mais je pouvais parier qu'elle souriait. Avoir passé l'après-midi à dormir dans notre nouvel appartement commun semblait lui avoir rendu son habituelle humeur taquine.
- Quel est notre lien ?
Je sortis ma carte d'identité de mon manteau et je la scannai avec mon téléphone. Je cherchai l'information parmis toute la biographie qu'on m'avait inventé, puis je lus :
- "Conseillère de Rachel Green".
- Super.
Son "super" sonnait comme un "je domine".
Génial. J'allais tout me prendre dans la gueule.
On arriva à la Maison Blanche, où se tenait la soirée dans laquelle nous étions invitées. Rand se présenta au chef de la sécurité qui se tenait près du cortège barrant l'entrée de la demeure présidentielle, et ce dernier nous laissa entrer dans la belle cours gravillonnée. La brune gara la voiture et je me détachai, m'apprêtant à descendre. Elle m'attrapa le poignet, me gardant à l'intérieur du véhicule.
- C'est moi qui passe à l'action ce soir, vous n'aurez qu'à couvrir mes arrières. Tâchez de rester joignable au cas où j'aurai besoin d'aide. On se retrouve ici à minuit. OK ?
J'hochai la tête et Rand me laissa descendre avant de m'imiter. On marcha dans les graviers avant de rejoindre une jolie petite allée en béton, puis d'arriver à l'entrée de la maison présidentielle blanche. On fut accueillies par des serviteurs qui nous débarrassèrent de nos manteaux et de nos sacs et qui nous souhaitèrent une bonne soirée.
Je suivis la ténébreuse qui avait l'air de savoir parfaitement quoi faire, comment agir. On marchait dans le couloir désert de l'immense bâtisse, nous rapprochant du bruit de la soirée. Au bout du couloir, on tourna à gauche, et la grande salle des fêtes se présenta à nous. Un bon nombre d'invités étaient déjà présents, buvant du champagne sûrement d'un prix exorbitant et goûtant les petits amuse-gueules qui étaient entreposés sur le buffet.
- Bonsoir.
C'était la femme du président, Heather White. C'était une jeune femme, peut-être à peine plus âgée que moi, dont les yeux bleus et les cheveux dorés constituaient tout son charme. Elle faisait partie de ces femmes qui se laissaient aller pour l'argent et la célébrité, quitte à épouser des maris qui avaient le double, voire le triple, de leur âge.
Elle portait une courte robe blanche qui moulait ses fesses et sa poitrine refaites. Elle n'avait pas encore touché à ses lèvres, mais je parierais qu'elle n'attendra pas la fin de l'année.
- Bonsoir, Madame White, la salua Rand.
- Vos visages me sont inconnus. Qui êtes-vous ?
La tornade brune nous présenta, j'acquiesçai ses propos pour rajouter de la crédibilité. De toute façon, qu'est-ce qu'une potiche faite de plastique pouvait bien connaître de la politique ?
White finit par nous saluer et nous souhaiter une bonne soirée.
- Je déteste cette femme, me balança Rand, une fois qu'on fut assez loin.
- Notre salaire annuel est passé dans ses chirurgies...
Rand pouffa.
- Je ne vous savais pas aussi cinglante, Miss Jones.
- Vous ne pouviez pas, vous étiez avec Levasseur.
J'attrapai deux coupes de champagnes sur le beau buffet dressé, et j'en tendis une à ma coéquipière.
- Ah, voilà votre problème ! Vous étiez jalouse !
Merde. J'avais trop parlé.
- Moi, jalouse ? N'importe quoi !
Elle prit sa coupe pendant que je bus une gorgée de liqueur.
- Nous ne sommes même pas amies, je ne vois ce que je pouvais jalouser.
Elle garda un air amusé sur son visage maquillé, avant de tremper ses lèvres dans le champagne.
- J'ai passé les deux dernières semaines au campus à vous couver telle une louve, pas étonnant que ça vous ai déplu que je vous ignore.
- Vous avez fait exprès de m'ignorer ? hallucinai-je.
- Bien sûr ! Vous ne pensiez pas que j'allais jouer les mamans quand même ? Mais regardez où ça vous a mené. Vous avez clôturé de belles affaires et vous avez tissé une forte relation avec Jolene.
Elle scrutait la foule pendant qu'elle me parlait, sûrement entrain de repérer notre cible.
- Oui, c'est vrai. Mais j'aurai aimé que ce lien se fasse avec vous.
- Je suis trop vieille pour vous, Miss Jones. Je suis plus proche de la retraite que de mes débuts, qu'on soit coéquipières nous aurait mené à rien.
- Cette enquête prouvera le contraire.
- Vous voulez dire, cette enquête que je vais résoudre avant vous ? Je ne pense pas...
Elle me défiait clairement. Avait-elle déjà éliminé la rancœur qu'elle me vouait ? Ses yeux noirs scrutaient la foule tel un aigle à la recherche de sa proie. Je fis de même de mon côté, essayant d'être un minimum utile même si elle voulait que je reste en retrait. Ou bien voulait-elle que je transgresse la règle qu'elle m'avait imposée ? Je devais avouer que j'avais du mal à comprendre cette femme.
Je vis, discutant avec la Première Dame, un homme qui m'était familier et pour cause, il était très haut placé dans la politique américaine. Son regard bleu se posa sur moi et il m'adressa un clin d'œil. Je ne pus m'empêcher de sourire. Il faut dire que c'était quand même un bel homme, du moins en apparence, avec ses yeux clairs, sa barbe bien taillée, ses cheveux bruns assez longs et sa corpulence de bon sportif. Clairement le style que toutes les femmes s'arracheraient.
- Bingo ! s'exclama Rand.
Je me reconcentrai sur elle qui affichait un air diabolique, planifiant sûrement tout un tas de plans machiavéliques pour que notre cible tombe dans les mailles du filet.
- Vous ne bougez pas, ordonna-t-elle.
Je me tournai alors vers le buffet, cherchant qu'est-ce que je pourrais bien avaler. Je n'avais rien mangé depuis ce matin et je sentais mon ventre me crier famine depuis qu'il avait vu ces multiples petits-fours qui ne demandaient qu'à être déguster.
- Vous voulez de la quiche ? proposai-je à la brune.
Le temps que je choisisse ce que je voulais manger, elle s'était transformée en bel homme qui parlait initialement avec Heather White.
- Je veux bien, répondit-il, amusé.
Je laissai échapper un petit rire, gênée et je lui tendis donc une part de quiche.
- Et sinon, quel est votre nom ?
- Alicia Jones.
- Enchanté, Mademoiselle Jones.
- De même.
Il mangea un bout de sa part de quiche.
- Moi c'est Connor Gallen, mais je pense que vous le savez déjà.
- Effectivement, je connais le prénom du Vice-Président...
- Et vous faites quoi dans la vie, mademoiselle Jones ?
- Je suis conseillère pour madame, répondis-je en montrant Rand d'un signe de tête.
- Hum, sympa.
- Ouais, on s'amuse bien.
Il m'offrit un sourire charmeur pendant que je dégustai le reste de ma part de quiche. Il s'apprêtait à me dire quelque chose lorsqu'on annonça l'arrivée du Président dans la pièce. Le vieil homme fut vivement applaudi par ses invités, je les imitai pour me fondre dans la masse. Les élections américaines avaient fait beaucoup de bruit il y a un peu plus d'un an, et il paraissait que Richard White n'était pas un si bon homme que ça. En effet, plusieurs plaintes pour harcèlement moral avaient été déposées contre lui, mais ça ne l'avait pas arrêté dans sa course pour la présidentielle.
Il s'avança vers sa femme et lui tendit la main. La jolie blonde accepta et ils marchèrent ensemble vers l'estrade sur laquelle ils prirent place pour l'inauguration de la soirée. Richard prononça un discours enjoué et ses invités répondaient avec la même intensité. Après ça, il fut une seconde fois applaudi, puis on poursuivit la soirée.
Je discutai seule avec Connor jusqu'à ce qu'on prenne place à table, où il me quitta pour aller à la table présidentielle. Stratégiquement, je m'installai à une table d'où il ne pourrait pas me voir, pour ne pas qu'il s'adonne à des jeux de regard et ainsi croire que j'acceptai de finir dans son lit. Rand me rejoignit.
- Alors ? fis-je.
- Je déteste les politiciens. Et vous, avec Ken ?
- Euh...
Elle ricana.
- Félicitations, Miss Jones, vous vous rangez dans la majorité de la gente féminine face à un homme qui correspond au masculin de Barbie.
- Vous ne pouvez pas nier qu'il est quand même beau...
- La beauté ne se conjugue pas au masculin, chez moi.
- Charmant, alors ?
- Vous êtes donc si hétéro que ça ?
- Bah, oui.
Elle arqua un sourcil, me montrant clairement qu'elle ne me croyait pas. Je fis comme si de rien n'était, même si je n'étais plus tout à fait sûre de ce que je venais d'affirmer, surtout depuis que je l'avais rencontrée...
On nous apporta les entrées composées de caviar, crevettes, crabe et foie gras. Je souhaitai un bon appétit à ma coéquipière et on commença à manger.
- Non plus sérieusement, je crois que vous avez tapé dans l'œil de Gallen, reprit-elle.
- N'importe quoi. Il veut juste mon cul.
Elle pouffa, manquant de recracher sa salade.
- Soyons honnêtes ! Il a toutes les femmes du monde à ses pieds, je ne vais pas être une exception parmi le paysage de jolies nanas qu'il s'est tapé...
- Vous pourrez vous en vanter.
- Auprès de qui ? De la presse ? Des autres femmes qui le veulent ?
- Quand vous arriverez en enfer, peut-être...
- C'est vrai que le diable s'intéresse beaucoup à ma vie sexuelle, j'avais oublié.
- Il ne doit pas avoir beaucoup de taf...
Je tournai la tête vers elle, les yeux écarquillés devant tant d'audace. Je lui tapai gentiment le bras pendant qu'elle riait. La mélodie de son rire et la vue de son sourire emballèrent mon coeur.
Le repas se poursuivit dans une excellente ambiance. On se taquinait beaucoup, retrouvant la complicité qu'on avait acquise avant qu'on ne quitte le campus. Elle me posa beaucoup de questions sur l'affaire des trafics d'organes que j'avais résolu avec Jolene, je lui répondais brièvement, encore traumatisée par certains épisodes. Elle fut compréhensive et n'en demanda pas plus que je ne lui donnais.
On bifurqua ensuite sur sa carrière beaucoup plus riche que la mienne, et elle me raconta à son tour sa première enquête. Elle avait fait équipe avec Hanks, qui n'était pas capitaine à l'époque, et ils étaient sur les traces d'un pédophile qui sévissait dans le Nord du pays.
- Mon début ne paye pas de mine, comparé au votre.
- Nous n'avions pas la même affaire. D'ailleurs, vous étiez sur l'affaire du Red Taurus au début du siècle, non ? lui répondis-je.
Elle gesticula sur sa chaise, signe qu'elle était mal à l'aise.
- Pardon, je ravive des mauvais souvenirs...
- Non, non. Enfin, si.
Elle prit une grande inspiration et se lança :
- En réouvrant le dossier, vous aviez dû voir que l'ancien meurtrier a été abattu par balle. (J'hochai la tête) Et bien c'est moi qui l'ai tué.
Je cachai ma surprise pour ne pas me montrer irrespectueuse face à son aveu.
- On avait son adresse, on est allés faire une perquisition avec mon unité de l'époque, à savoir Hanks, Levasseur et Edison, un vieil ami qui bosse sur la cybercriminalité avec Volca, mais on s'y est rendu précipitamment, durant la nuit, alors on ne voyait rien, on ne connaissait pas les lieux, bref. Avec Félicie on s'est chargées de l'étage, elle est partie à droite et moi à gauche, et quelques minutes après elle poussa un cri qui fut étouffé, alors j'ai couru pour la rejoindre. Quand je suis arrivée dans la pièce, l'ordure avait un couteau de cuisine dans la main, ma coéquipière était allongée par terre, inconsciente, j'ai pas réfléchi, j'ai tiré... Je pensais qu'elle était morte...
Elle fit une pause pendant qu'on apporta les déserts. Lorsque les serveurs furent éloignés, elle reprit :
- Les garçons ont débarqué quelques secondes après, complètement paniqués, ils pensaient que l'une de nous s'était fait tuée. Hanks m'a raconté qu'il m'avait trouvé allongée près de Félicie et que j'étais complètement déboussolée.
- Vous aimez beaucoup Félicie..., notai-je.
Elle haussa les épaules.
- Vous auriez sûrement fait la même chose pour Jolene.
- Bien sûr.
Sauf qu'on ne couche pas ensemble, nous, étais-je tentée de rajouter.
On termina le repas en discutant cette fois-ci des dernières affaires résolues de Rand. Elle s'était chargée des attentats dans les établissements scolaires qui s'étaient faits plus récurrents depuis quelque temps, ainsi que de quelques crimes non résolus par les inspecteurs de police.
Après avoir mangé, on retourna dans l'autre partie de la salle des fêtes, là où se tenait le buffet et les musiciens, et on but encore un peu de champagne pour la digestion. On fut rapidement rejointes par le vice-président et la première dame qui nous demanda si nous avions bien mangé.
- C'était excellent, fit Rand.
J'opinai.
Le regard bleu de Gallen était bloqué sur moi, m'opressant. Je me tournai vers lui, les sourcils froncés, l'intimant d'arrêter. Il s'exécuta sans broncher. Mais je savais qu'il n'allait pas laisser la soirée sur cette note, il en voulait certainement plus. Et il ne tarda pas à me le faire savoir.
- Vous venez danser ? m'invita-t-il.
On jouait des musiques populaires dont les airs ne m'étaient pas inconnus. Voyant déjà quelques invités chanter à tue-tête et se trémousser sur la piste de danse, j'acceptai son invitation.
- Je regrette, nous coupa Rand. Il est plus de minuit passé, et nous devons rentrer.
- Pourquoi ? La princesse va se transformer en citrouille ? répliqua Connor.
Je gloussai pendant que Rand prit son air de diablesse, capable de le tuer d'un seul coup d'œil. Elle m'attrapa le bras et planta son regard chocolat dans celui du politicien.
- Dans tous les cas, vous ne serez pas son prince.
Et elle me tira à l'extérieur de la salle des fêtes avec une telle force qu'elle me broya le poignet. Lorsqu'on fut dans le couloir, je me stoppai net, la faisant virevolter.
- C'est quoi votre problème ? l'engueulai-je. Je n'ai pas le droit de m'amuser ?
- Coucher avec lui n'est pas un divertissement, répondit-elle, froidement.
Je me libérai violemment de son emprise.
- Qui vous dit que c'était mon plan ?
Elle soupira, cherchant de quoi rebondir. Je m'apprêtai à tourner les talons pour retourner à la soirée lorsqu'elle prononça :
- C'est lui ou moi, Miss Jones.
Je m'arrêtai et je me retournai pour vérifier si elle était sérieuse, mais elle était déjà entrain de marcher dans l'immense couloir frais, dos à moi, en direction du parking de la demeure présidentielle. En réfléchissant, si je retournais à la soirée, comment me justifierai-je à Connor ? "Désolée, ma boss est un peu trop protectrice, on va danser" ? Non, c'était ridicule.
Alors je suivis Rand, et nous rentrâmes à l'appartement.
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