Chapitre 1
Le taxi pénétra dans une ruelle déserte et avança jusqu'au bout de celle-ci avant de s'arrêter au pied d'un portail de fer noir. Le chauffeur me regarda à travers son rétroviseur et me dit d'une voix indifférente : "vous êtes arrivée". Je ne voyais qu'une étendue de gravier, la brume matinale m'empêchait de voir à plus de vingt mètres devant moi. Je payai ma course, je récupérai mes bagages dans le coffre, puis j'allai me poster face à l'immense portail.
- Tout est bon pour vous ? me demanda le conducteur.
- Oui, merci.
Il m'adressa un signe de tête entendu, remonta dans son véhicule et fit demi-tour. Bientôt, la brume épaisse l'avala, me laissant voir que les phares antibrouillards de la voiture.
Je me retournai vers le portail de fer. Cet endroit ne me rassurait que très peu, ayant des airs de film d'horreur. Je remarquai l'interphone à ma gauche. Je sonnai. On m'avait vendu du rêve sur cet établissement, je commençais à croire que je m'étais jetée dans la gueule du loup. L'interphone grésilla, me faisant sursauter. Les quelques corbeaux qui s'étaient réfugiés dans les sapins aux alentours s'envolèrent rapidement.
- C'est pour ? fit une voix féminine.
- Je suis Diane Pruel, me présentai-je.
L'interphone cessa de grésiller et le portail émit un cliquetis avant qu'il ne s'ouvre dans un grincement dérangeant. Je marchai dans l'immense cour gravillonnée. Je pouvais désormais apercevoir de chaque côté de l'allée des pelouses d'une herbe bien grasse et tondue. Les bâtiments à l'architecture gothique se dessinaient face à moi au fur et mesure que j'avançais d'un pas hésitant dans la cour déserte.
Je vis une silhouette féminine s'avancer vers moi à grandes enjambées, emmitouflée dans une couverture.
- Bonjour, Diane. Désolée pour l'accueil, nous ne t'attendions pas aussi tôt. Tu as fait un bon voyage ?
- Oui, ç'a été.
- Je vais te montrer ta chambre pour que tu puisses poser tes affaires, puis tu prendras ton sac de cours et je t'accompagnerai en classe.
J'hochai la tête.
- Oh et, je m'appelle Georgia. Je suis la surveillante du dortoir des filles, et également ta référente. Si tu as un problème, compte sur moi pour t'aider !
On traversa l'immense cour et on pénétra dans le bâtiment central. Je restai subjuguée face à la beauté de l'architecture. Une fontaine gisait au centre du hall d'entrée, entourée de deux escaliers de bois qui se rejoignaient au premier étage. Georgia emprunta celui de droite.
Je traînais un peu derrière elle, devant porter ma grosse valise avec tous mes effets personnels et pas mal de vêtements à l'intérieur. Mais j'avais la force physique qu'il fallait pour la rattraper. La femme aux cheveux grisonnants alla à droite et on se retrouva dans un couloir sombre avec de nombreuses peintures exposées sur les murs. Je les regardai brièvement. On poursuivit le trajet en tournant à droite et je vis, plus très loin, des portes fermées surmontées de numéros peints en dorés. Georgia sortit un trousseau de clefs et m'ouvrit la porte numéro neuf.
- Et voilà pour toi.
Je m'avançai dans la chambre vide qui comportait un lit, un dressing, un bureau, une télévision et une salle de bain. J'adorais ma nouvelle chambre. Je posai mes bagages, je pris mon sac à dos avec un cahier et des stylos à l'intérieur, puis je rebroussai chemin.
- L'entretien des chambres est de votre responsabilité. Toutefois, si tu rencontres un problème avec un mobilier, tu peux venir me chercher et je verrai ce qu'il faudra faire. Je te remets ta clef, tâche de ne pas la perdre.
J'attrapai la clef qu'elle me tendait, elle referma la chambre et elle m'accompagna jusqu'à ma salle de cours.
- Si tu veux sortir en ville, tu devras passer à la loge signer une feuille d'émargement qui prouve que tu es sortie. Il faut que tu saches que le portail ferme à minuit, donc tu dois être de retour avant. S'il y a le moindre problème, tu m'appelles. Je viendrais te chercher. Et dernière chose, le directeur passera te remettre ton emploi du temps en personne au courant de la journée.
Mon cœur loupa un battement.
- Le directeur ? Le célèbre Matthew McGarden ? hallucinai-je.
- En personne.
Un sourire se dessina sur mes lèvres.
Depuis que j'avais décidé de devenir une espionne, je n'entendais que ce nom à longueur de journée. On disait qu'il avait à lui seul résolu plus de trois mille enquêtes, et qu'il avait échappé à la mort à peu près le même nombre de fois. J'étais sceptique au début, mais en me promenant dans la bibliothèque de mon ancien campus, j'étais tombée sur plusieurs copies de ses rapports d'enquêtes, et c'était impressionnant. Il était depuis ma source d'inspiration, et j'allais le rencontrer aujourd'hui.
- Les ailes du rez-de-chaussée sont exclusivement des salles de cours. Tu verras sur ton emploi du temps "C2S1", ça signifie simplement "couloir 2, salle 1". Pour savoir quel couloir est le 1 et lequel est le 2, tu te visualises face au bâtiment principal et celui qui est à gauche est le premier, et celui à droite le deuxième.
- Là on se dirige vers le deuxième, tentai-je.
- Exactement.
Georgia s'apprêta à toquer à la salle 1, lorsqu'une voix masculine l'interrompit. Je tournai la tête et je vis un personnage que je ne connaissais que trop bien. L'ancien espion nous avait rejoints, et je sentis mon cœur tambouriner dans ma cage thoracique. Il était là, devant moi, en chair et en os.
- Diane Pruel ? Je suis Matthew McGarden, enchanté de vous accueillir dans mon campus.
Il me tendit sa main que je serrai.
- Je suis honorée de vous rencontrer, répondis-je.
Il me tendit un bout de papier que je pris. C'était mon emploi du temps. Je le rangeai dans mon sac à dos, je le prendrai en photo plus tard.
- Permettez-moi Georgia de présenter la demoiselle à ses camarades, fit-il, poliment.
La surveillante accepta, elle savait qu'elle n'avait pas trop le choix.
McGarden toqua à la porte, et une voix féminine nous invita à entrer. Il s'exécuta, et à son entrée dans la salle, tous les élèves se levèrent. Je m'avançai derrière lui d'un air assuré. Mon regard se posa en premier sur la professeure, qui me considéra à peine. Je me tournai ensuite face à l'assemblée composée d'une petite vingtaine d'élèves que je découvris un par un.
- Bonjour à tous, et bonjour à vous Madame Rand. On vous a prévenu il y a quelques semaines de cela que vous allez avoir une nouvelle camarade, venue tout droit de France, alors aujourd'hui je vous présente Diane Pruel ! Je vous demanderai de l'accueillir comme il se doit, de lui faire visiter le campus et de ne pas la laisser seule les premiers jours. Vous savez qu'arriver en cours d'année est compliqué, surtout dans un pays qu'on ne connaît pas !
J'en vis quelques-uns afficher un air ennuyé.
- Je ne vais pas vous retenir plus longtemps, je sais que vous avez beaucoup à faire.
Mes camarades ne semblaient vraiment pas enjoués de mon arrivée. Tant pis, de toute façon j'étais là pour être la meilleure et non pas la populaire.
Le directeur me remercia et salua tout le monde avant de quitter la salle. Je me tournai vers ma professeure qui croisa les bras. Ma professeure de France qui m'avait recommandé à cette école m'avait parlé d'elle. Elle la décrivait comme une femme froide et sans coeur mais qui, malgré tout, était l'une des meilleures dans le domaine de l'espionnage. Mais elle ne m'avait pas précisé que cette femme était tout bonnement magnifique...
- On travaille sur les facteurs environnementaux favorables au développement des maladies mentales, m'informa-t-elle, d'une voix sèche. Vous avez abordé le sujet ?
- Non.
Elle se tourna vers la classe et prononça :
- Vous comprenez désormais pourquoi je n'enverrai aucun de vous en France.
Quelques rires s'élevèrent. Je me sentis piquée par sa remarque.
- Allez vous asseoir au fond et tâchez de ne pas perdre une seule seconde de mon cours.
Je m'exécutai, et elle reprit son cours. Mon ancienne professeure m'avait dit que c'était une ambiance différente, mais que je m'y ferai sans difficultés. Je savais que je pouvais encaisser, j'étais forte. Mais jusqu'où ? Je sentais des regards sur moi et j'entendais plusieurs fois mon nom dans des messes basses. Effectivement, l'ambiance n'était pas la même. En France on s'entraidait, ici on a l'air de se la jouer perso. Tant mieux, j'allais pouvoir me concentrer exclusivement sur moi, j'en avais besoin.
La femme continua son cours jusqu'à ce qu'une sonnerie stridente retentisse, annonçant la fin. Je profitai pour rapidement prendre une photo de mon emploi du temps et regarder où je devais me rendre ensuite. D'après les explications de Georgia, je devais aller dans la salle juste en face de celle dans laquelle j'étais actuellement. Je remarquai également que j'avais cours "d'éducation physique et sportive, arts martiaux et mise en situation" demain, et qui me prendra toute ma matinée. Je me sentais fatiguée rien que d'y penser.
Je rangeai mon emploi du temps, fermai mon sac et je le balançai sur mon épaule après m'être levée de ma chaise. Je traversai la salle de classe derrière mes nouveaux camarades qui ne s'occupaient pas de moi.
- Miss Pruel, restez.
Je vis quelques uns se tourner vers moi, un sourire étendu jusqu'aux oreilles trônait sur leur visage pâle. Je m'arrêtai et je fis volte-face, la professeure m'attendant à son bureau. J'allai la rejoindre.
- Je vais être totalement transparente avec vous et vous le dire tout de suite ; je n'étais pas favorable à votre intégration au campus.
Je la laissai s'expliquer sans broncher, même si elle m'agaçait déjà.
- Les élèves de France ont un niveau bien trop bas pour intégrer les campus Anglais, et surtout qu'on ne peut pas se permettre de perdre notre temps avec des incompétents qui baissent les bras dès qu'on leur impose une difficulté.
Elle s'avança vers moi et s'arrêta à une distance raisonnable.
- Je vous laisse une chance. À la première remarque que j'ai à vous faire, vous dégagez.
Je la voyais afficher une mine sévère pour se donner de l'autorité. Un sourire moqueur se dessina instinctivement sur mes lèvres.
- Cela vous amuse ? grogna-t-elle.
- Désolée, mon insolence française...
Elle croisa les bras et s'avança davantage vers moi, lentement, faisant claquer ses talons sur le parquet. Face à moi, elle planta son regard marron rempli de rancœur dans le mien. Je remarquai alors une cicatrice coupant son œil droit en diagonale.
- Vous pensez qu'atterir dans une nouvelle école effacera vos péchés ?
Mon cœur loupa un battement. Comment ça ? Que savait-elle ?
- Faites-vous petite, autrement je m'occuperai sincèrement de votre cas. Et croyez-moi qu'ici, nous ne sommes pas gentils, moi la première. Mais ça, j'imagine que Madame Levasseur vous l'a déjà dit...
J'ouvris ma bouche pour répliquer mais elle me coupa.
- Fermez-la. Ne gaspillez pas votre chance aujourd'hui, j'aimerais vous voir à l'œuvre demain.
Elle s'éloigna de moi et commença à ranger les affaires qui traînaient sur son bureau.
- Demain ? l'interrogeai-je.
Elle ne me répondit pas, occupée à fourrer cahier et copies dans son sac à main. Je me doutais qu'elle ne me donnerait pas la réponse, alors je quittai sa salle sans la saluer et je me rendis à mon cours suivant.
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