Chapitre 18
Sous l'océan, sous l'océannnn
Nous marchons quelques minutes, éclairés par la lumière des lampadaires, tout en débattant sur qui est venu en premier entre la poule et l'œuf. C'est évident que la poule est venue avant l'œuf mais Gareth n'a pas l'air d'accord avec moi. Je ne me range pas de son côté juste pour qu'il continue ses imitations médiocres de poussin qui meurt. Il y met tellement de passion que c'en est hilarant.
Nous arrivons rapidement vers un petit chemin entouré d'arbres effrayants à cause des ombres de la nuit. Gareth m'indique que nous devons passer par celui-ci pour accéder à la plage, comme je m'en doutais.
La froideur de la nuit et la marche m'ont fait redescendre de mon euphorie et j'avoue que je n'ai pas envie de trouver un tueur en série près à nous sauter dessus entre ces arbres. Je fais confiance à Gareth pour ne pas m'abandonner en courant si jamais il nous arrive quelque chose, mais c'est l'éventualité qu'il puisse se passer quelque chose qui me rend nerveuse.
Gareth pense comprendre mon inquiétude et allume la lampe torche de son téléphone, tout en prenant une de mes mains dans la sienne. Si mon corps me laissait ouvrir la bouche, je le remercierais 1000 fois d'être aussi avenant.
- Fais attention à ne pas trébucher, m'informe-t-il en avançant. Il y a quelques racines qui traînent et c'est légèrement en pente donc tu peux glisser.
Je vais pour lui répondre quand mes pieds se prennent dans une racine plus haute que les autres. Je vois mon crâne se fracasser contre la terre en millions de morceaux mais en réalité, Gareth a largement le temps de me rattraper par le bras. Je sens mes joues rougir de honte et pour une fois je suis contente que la nuit m'aide à les cacher.
- Je ne rigolais pas quand je disais ça Eden, souffle-t-il. J'aimerais vraiment te ramener en vie chez toi pour qu'on ne croit pas que c'est moi qui t'ai tué. Alors que tu ne sais juste pas marcher.
Je lui tire la langue mais il ne semble pas le remarquer et nous nous remettons en marche ; sans trébucher cette fois.
Le silence est de marbre tellement nous sommes concentrés et les ombres qui dansent autour de nous ne font qu'accroître mon malaise. Je cherche tant bien que mal à rompre ce calme qui m'angoisse sans idée de sujet intéressant.
- Et, hum, je commence en cherchant quoi dire. Tu vis ici depuis longtemps ? Enfin peut-être que tu vis ici depuis toujours dans ce cas ma question serait débile mais...
- Non ta question n'est pas débile, il me rassure. Et non aussi, je n'habitais pas ici tu as raison. Mais je n'habitais pas loin non plus. Mon frère a décidé de rester, moi j'avais besoin de plus d'indépendance. Et le vent m'a mené à cette ville.
- Et tes parents ? Si ce n'est pas indiscret. Si tu étais avec ton frère il y avait peut-être vos parents...
- Ils sont décédés.
Le tranchant de sa réponse m'étonne un peu mais je ne peux pas lui en vouloir. Moi aussi, la famille est une corde sensible, surtout quand je sens que mon téléphone a sonné 6 fois depuis le début de la soirée et que des appels de ma mère. À croire qu'elle n'a rien d'autre à faire que de m'appeler nuit et jour.
- Excuse-moi, je dis simplement. C'était maladroit de ma part.
- Tant que ce n'est pas malagauche...
Surprise de sa réponse, j'explose de rire ce qui détend tout de suite l'atmosphère pesante. Finalement, peut-être que ses parents ne sont pas un sujet si sensible. Ou alors il préfère simplement me détendre.
- Plus sérieusement, ne t'en fais pas. C'était dur, comme la perte de tout parent, mais ça va mieux je crois. Ils auraient adoré ma blague, ça c'est certain.
Son sourire ne m'échappe pas, un sourire fier de lui et en même temps nostalgique. Je peux le comprendre. Si je perdais quelqu'un de si cher à mes yeux, le moindre détail, la moindre parole me ferait penser à elle.
- Et ces endroits en ville que je te montre, me confesse-t-il, je les cherche quand je ne travaille pas. À force de m'occuper à vagabonder, je connais par cœur ce petit bout de l'État. Prendre ma moto, partir je ne sais pas où pour quelques heures, ça vide la tête.
- Je n'ai pas le temps de faire ça mais j'aimerais beaucoup. C'est vrai que quand tu sais que tu vas rester plusieurs mois dans une ville, tu as envie de connaître les environs. Et quand ta tête crie trop de pensées dans tous les sens, rien de mieux qu'un petit endroit paisible pour recharger les batteries.
Il hoche la tête en réponse. J'avoue être reconnaissante qu'il me montre tous ces recoins. En plus il me sélectionne les meilleurs endroits comme il a déjà pu faire un tour. Chaque endroit est tellement unique et merveilleux qu'il illumine ma vie un peu plus tous les jours. Comme dans un conte de fée.
Le chemin débouche sur une petite crique éclairée par la lune comme sur le lac de la dernière fois. Je me réjouis chaque jour que le ciel soit assez dégagé pour nous offrir ce spectacle. Les petites vagues vont et viennent sur le sable séché de la marée basse, déposant sur leur passage un peu d'écume blanche laiteuse. Contrairement à la dernière fois, aucun couple ou groupe d'amis ne traînent dans le coin ce qui rend l'endroit affreusement calme et relaxant.
Nous descendons les quelques marches en pierre qui semblent avoir vécues la préhistoire pour finir sur le sable fin. Ni une ni deux, j'enlève mes baskets aux pieds pour ne pas en mettre partout dessus. Les grains de sables frais ne sont pas désagréables sur ma peau mais me font quand même frissonner.
Je vois Gareth en faire de même sans un mot tandis que je me dirige vers l'eau sombre. Je pense que ni l'un ni l'autre n'avons envie de parler, de peur de faire fuir le doux bruit des vagues. Cependant, ce serait mal me connaître de dire que je ne fais jamais de bourde au mauvais moment : lorsque mes pieds entrent en contact avec l'eau froide, je ne peux retenir un petit cri — opposé au mot sexitude (s'il existe).
Je me retourne vers Gareth qui place ses chaussures à côté des miennes, se pliant en deux pour se foutre de moi.
- Arrête de rire troufignon, elle est gelée !
Mon insulte nulle le fait redoubler de rire tandis qu'il me rejoint. Quand ses gros doigts de pieds — je n'ai rien contre les gros doigts de pieds — entrent en contact avec l'eau, il ne laisse rien transparaître hormis un regard qui veut littéralement dire « Tu es sérieuse ? Petite nature. ». Je vous jure qu'elle est froide !
Très vite, il bouge et commence à m'éclabousser sans raisons apparentes. Non mais j'hallucine ! Quel enfant !
- Arrête Gareth ! Je lui supplie en partant en courant. Pourquoi tu fais ça je pensais qu'on était amis !!
Comme la première fois, il me poursuit dans ma course folle pour lui échapper, m'éclaboussant au passage. Bien sûr, il en faut peu pour qu'il ne me rattrape, fier de me voir trempée de la tête aux pieds avec ces gros jets d'eau. Erreur de stratégie, il attrape ma main en riant. Il ne m'en faut pas plus pour le pousser légèrement ce qui le fait basculer sans soucis. Aussi étonné que moi au vu de son expression, il se retrouve les fesses dans l'eau.
Ses bras dans l'eau pour retenir la chute, ses vêtements trempés et ses cheveux qui se plaque bizarrement sur son front me font exploser de rire. Il est improbable qu'une naine comme moi est pu faire tomber un géant comme lui. Lui aussi rit, un vrai rire, le rire que je commence à aimer de plus en plus. Un rire qui me fait sourire encore plus à mon tour et me donne envie de l'entendre chaque jour de ma vie.
Il tente d'essuyer maladroitement son front qui dégouline avec son bras mais ça ne change rien.
- Et après tu oses me critiquer, déclare-t-il en riant de plus belle, c'était un coup bas.
Je ris tellement que je ne peux même pas répondre. Si j'essayais, ma phrase ressemblerait plus au grognement d'un dinosaure qu'à un alignement de mots.
Bien sûr, en bonne guerre jusqu'au bout, je ne suis même pas étonnée de voir Gareth attraper ma main de nouveau dans un élan pour se relever et de me tirer vers lui pour me faire tomber en avant.
***
Gareth
***
Elle a juste le temps d'arrondir ses grands yeux émeraudes avant que la gravité ne la rattrape. Mon hilarité redouble tandis que la scène semble se passer au ralenti. Au moins, maintenant, nous serons deux à avoir les fesses froides.
- Comme ça, on est quitte, je lui dis en souriant de toutes mes dents.
Je reconnais que trempée, à quatre pattes dans l'eau, elle est incroyablement attirante. Elle dégouline de partout, aussi bien son corps que son maquillage et ses vêtements, mais elle est encore plus belle comme ça. La spontanéité de son sourire ne manque de me faire chavirer pour de bon.
Reprends-toi Gareth. Ça peut être dangereux.
- J'ai surtout plus ou moins une impression de déjà vu, elle déclare en calmant son rire. Je n'y crois pas, tu as vraiment osé...
Nos rires s'atténuant, le calme revient à la hâte, rendant l'atmosphère lourde et brûlante, une certaine tension dans l'air. Elle me regarde de ses yeux verts et je ne peux m'empêcher de faire la même chose. Nos corps sont si prêts l'un de l'autre, qu'il me suffirait de m'avancer pour coller mes lèvres contre les siennes. Parce que oui, j'en meure d'envie. Et elle aussi on dirait car c'est la première à se pencher en avant.
Ni une ni deux, je m'avance pour rompre l'espace restant et plaque mes lèvres pressées contre les siennes. Attendre plus de temps ne sert à rien.
Alors il ne faut pas plus de temps pour qu'elle réponde à ce baiser, gouttant mes lèvres autant que moi je malmène les siennes. Et j'ai l'impression que mon cœur va exploser.
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