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1. Lilith




Lilith aurait aimé atterrir à Santa Fe.

Le nom de cette ville, elle l'avait tourné et retourné dans sa tête, sondant les sonorités familières. Des sons qui la rassuraient, la renvoyant au village de son enfance. L'endroit où elle avait grandi se laissait entrevoir sous les syllabes exotiques.

Elle avait pris cela comme un signe. C'était là que devait débuter son voyage.

Lilith croyait au pouvoir des symboles.

Elle aurait aimé arriver à Santa Fe. Mais on lui avait proposé de venir la chercher à Albuquerque.

Elle n'avait pas osé faire la difficile quand Helen, de la Dia Art Foundation, lui avait offert de passer la prendre à l'aéroport le plus proche. Celui de la plus grande ville du Nouveau Mexique. "Offert" n'était sans doute pas le bon terme. Lorsqu'elle avait compris au téléphone que Lilith avait l'intention de faire du stop pour se rendre à Quemado, Helen avait paru tout alarmée.

— Je ne peux pas laisser une jeune Française se balader toute seule au bord de la route. C'est trop dangereux ! On ne sait jamais sur qui on va tomber !

La jeune femme avait hésité au bout du fil. Une légère hésitation, comme si l'agacement et la sympathie luttaient pour prendre le dessus dans son esprit. C'était cette dernière qui l'avait emporté finalement. Un sourire au coin des lèvres, Lilith s'était sentie rassurée. Après tout, elle allait être seule pendant de longues semaines. Être accueillie par un visage amical était une perspective plutôt agréable.

Pourtant... Sortir de sa zone de confort et se mettre un peu en danger, c'était ce qu'elle attendait de ce roadtrip estival. Cette errance à travers les États-Unis.

Son vagabondage américain.

Elle avait ressenti le besoin de se rebeller, comme le personnage biblique dont elle portait le nom. La première femme d'Adam selon des légendes apocryphes. D'après ce que sa mère lui avait expliqué, c'était sa grand-mère qui avait suggéré ce prénom à sa naissance. La vieille dame avait toujours été plus superstitieuse qu'érudite, et Lilith était persuadée qu'elle n'avait jamais vraiment pris la peine de lire la Bible, se contentant de retenir des bouts d'histoires entendues deçà delà. Elle croyait qu'inviter le curé du village à boire du champagne de temps en temps était suffisant pour lui gagner le Paradis. Malgré tout, quand son aïeule avait proposé d'appeler le nourrisson "Lilith", ses parents avaient été séduits par l'originalité de ce prénom, sans chercher à en connaître la provenance.

La première femme d'Adam. Lilith, la rebelle. L'insoumise.

Vingt-cinq ans après sa naissance, la jeune femme avait suivi ses traces en décidant de passer tout un été sur les routes américaines. Elle allait marcher dans les empreintes de la rebelle légendaire, ne suivant que son instinct. Poursuivant ses envies.

Sans personne pour l'accompagner.

Sans personne pour lui dicter sa conduite.

Seule et libre.

Enfin.

Néanmoins, elle n'avait pas été tout à fait honnête avec sa famille et sa rébellion s'était teintée de mensonges. Elle n'avait pas assumé ce voyage en solitaire, craignant que l'anxiété de sa mère et les préjugés de son père ne la dissuadent de partir.

Elle avait eu peur d'être retenue dans cette cage dorée qu'était devenu son quotidien. Peur que leur amour et leurs inquiétudes ne l'entravent.

Alors, elle leur avait raconté une jolie histoire. C'était sa spécialité. Elle n'aimait pas mentir mais elle adorait lâcher la bride à son imagination. Elle avait toujours un petit carnet sous la main pour gribouiller les images qui traversaient son cerveau. Peindre avec des mots ce qui s'insinuait dans sa tête.

Elle avait prétendu avoir été embauchée en tant que "jeune fille au pair" pour un contrat de trois mois dans une famille à San Francisco.

Une jolie histoire.

San Francisco. Elle n'avait pas l'intention d'y mettre les pieds. Mais tout le monde connaissait cette ville. Cela avait rassuré sa famille. Son père lui avait même chantonné qu'elle allait loger dans "une maison bleue accrochée à la colline" pendant des jours et des jours. Ses fausses notes étaient un faible prix à payer en compensation.

Elle était partie l'esprit libre. Personne n'avait essayé de la retenir.

Et il était temps. Elle repoussait ce voyage depuis plusieurs années déjà. Elle avait tenté de prendre une année sabbatique après son Bac. Mais son père avait réussi à la convaincre que ce n'était pas le bon moment :

— Fais d'abord tes études de Lettres. Passe ton concours de prof et ensuite, tu pourras voyager. Une fois que tu auras assuré ton avenir...

Elle l'avait écouté. Elle avait été obéissante, suivant son cursus littéraire, obtenant ses diplômes les uns après les autres. Elle avait réussi son concours et l'Education Nationale lui ouvrait les bras.

Elle avait eu envie de s'enfuir.

En apprenant cette bonne nouvelle, elle avait eu la sensation qu'une chape de plomb tombait sur ses épaules et elle n'avait plus songé qu'à la fuite. C'était pourtant la consécration de plusieurs années d'études. Elle aurait dû être heureuse. Elle aurait dû ressentir la satisfaction du devoir accompli.

Mais seul le sentiment d'être prisonnière d'un carcan l'avait envahie. Un carcan qui l'étouffait chaque jour davantage.

Elle n'avait plus réussi à se séparer de cette angoisse. Elle n'était parvenue à s'en détacher qu'à l'instant où elle avait enfin tenu entre ses mains son billet d'avion pour le Nouveau Mexique.

Un petit bout de papier sur lequel était écrit "Paris-Albuquerque".

Un petit bout de papier cartonné avait fait disparaître son malaise qui était parti sur la pointe des pieds, la laissant de nouveau respirer à pleins poumons. Libérée de toutes ses appréhensions.

Et elle avait gardé cet état d'esprit, même quand elle s'était retrouvée au milieu d'inconnus à l'aéroport d'Albuquerque. Elle n'avait pas prêté attention à la foule, hypnotisée comme à son habitude par un détail incongru. Elle avait longuement contemplé un carreau fêlé sur le sol. Un peu plus sombre que les autres.

Puis, son regard avait balayé le carrelage du couloir des arrivées et l'ensemble de la mosaïque s'était révélée à elle. Des diagonales de carreaux marron foncé traçaient des lignes sur un ensemble plus clair. Elle avait été tentée de ne marcher que sur les espaces clairs.

Comme une enfant.

Mais les gens, qui la frôlaient, l'obligeaient à avoir une trajectoire linéaire. Ils lui avaient ôté cette fantaisie. Après avoir lâché un soupir mi-amusé, mi-résigné, la jeune femme s'était dirigée vers la sortie où l'attendait Helen munie d'un panneau.

Une pancarte sur laquelle les lettres noires de son prénom s'étalaient en déliés gracieux.

Elle avait tout de suite été à l'aise avec Helen. Elle avait détaillé ses yeux en amande, sa peau cuivrée et ses cheveux grisonnants pour en fixer la photographie dans son esprit. Une photo mentale en attendant de pouvoir la décrire dans son carnet écorné.

Le sourire chaleureux de la métisse l'avait mise en confiance.

Lilith avait aussitôt compris pourquoi son envie de faire du stop avait tant inquiété son interlocutrice. Helen avait le sourire d'une maman. Une mère prête à recueillir sous son aile tous les oisillons tombés du nid. Elle lui avait souri en retour, tout en sachant qu'elle devrait bientôt voler de ses propres ailes.

L'Américaine était volubile. Depuis qu'elles étaient montées dans son vieux pick-up blanchi par la poussière des chemins, elle n'avait cessé de débiter des explications sur sa région en général et sur le Lightning Field en particulier. Lilith faisait tout son possible pour rester concentrée sur le flot de ses paroles. Mais son accent prononcé la berçait et l'immense ligne droite, que formait la route depuis qu'elles s'étaient éloignées de la ville, la charmait.

Le paysage aride à perte de vue était barré par des massifs lointains. Les herbes jaunies de la plaine prenaient des reflets étranges, à cause de la lumière singulière d'un ciel chargé de nuages. Des nuages épais aux teintes sombres.

Des nuages d'orage, songea Lilith.

Et elle ne put retenir l'immense sourire qui monta à ses lèvres.

Helen dut remarquer l'expression ravie de la jeune femme, car ses réflexions se firent l'écho de ses pensées :

— Tu as de la chance. On dirait bien qu'il va faire orage cette nuit. Tu vas pouvoir admirer l'œuvre de Walter de Maria dans les meilleures conditions possibles.

La jeune Française acquiesça. Le choix du Nouveau Mexique comme point de départ de son périple n'était pas dû au hasard. Depuis qu'un de ses professeurs de fac lui en avait appris l'existence, elle avait rêvé de découvrir cette œuvre de land-art.

Un champ d'éclairs. Une sculpture d'orage.

C'était pour cela que ce ciel si sombre l'enchantait.

— Je suis bien la seule personne présente sur le site ce soir ? demanda-t-elle alors que Helen quittait la route principale.

L'Américaine lui lança un regard désolé, avant de se justifier :

— Je sais que tu désirais être seule, mais il y a eu un imprévu. Quelqu'un s'est ajouté au dernier moment. Je n'ai pas pu refuser. C'est l'artiste lui-même qui m'a appelée pour réserver une place pour l'un de ses amis. Je suis navrée...

Bien que contrariée, Lilith ne le montra pas à la conductrice. Elle ne voulait pas paraître ingrate, alors que cette dernière avait fait plusieurs heures de route uniquement pour s'assurer qu'elle arriverait à bon port sans encombre. Elle haussa les épaules, lui assurant que ce n'était pas grave, et se concentra de nouveau sur la ligne d'horizon.

Elle oublia ce compagnon indésirable et laissa son esprit vagabonder sur les paysages désertiques qu'elles traversaient. Ses pensées se gorgèrent de ces terres desséchées. Ses yeux s'abreuvèrent aux couleurs de ce monde nouveau.

Et au loin, le ciel électrique ne semblait attendre qu'elle.


The Lightning field (au Nouveau-Mexique)

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