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Afantaisie

Les rayons rougeâtres du soleil inondaient progressivement les rues, alors que ce dernier s'allongeait sur les montagnes avoisinantes pour entamer sa nuit. Les aiguilles de la montre ornant son poignet gauche formaient un angle droit parfait, lorsqu'il franchit enfin le seuil de la porte d'entrée à vingt-et-une heure précise. La chaleur estivale l'accabla immédiatement à cause des volets du salon, visiblement restés entièrement ouverts durant plusieurs heures. Il laissa alors échapper un soupir désespéré, en passant sa main droite dans ses courtes boucles noires. Puis, il desserra le nœud de sa cravate et alluma le ventilateur, posé à côté de sa guitare acoustique. Exténué par sa rude journée de travail, à concevoir et programmer les robots indispensables de demain, il s'affala nonchalamment sur le canapé pour savourer un court moment de détente. L'atmosphère était paisible, loin de l'agitation des bureaux et de ses obligations découlant de sa position de cadre. Ici, il n'y avait pas un bruit, jusqu'à ce qu'une pluie inopinée ne vienne ternir ce silence. Les épaisses gouttelettes ruisselant le long du verre n'étaient que passagères, mais elles semblaient ravir les visages qu'il pouvait discerner depuis sa position confortable. Hypnotisé par le rythme berçant des passants dansant sous leurs parapluies, le sommeil ne tarda pas à l'envahir.

Afin de ne pas plonger pour de bon, il secoua brièvement la tête et se dirigea vers le bureau pour terminer d'organiser sa présentation du lendemain. Les quatre murs de la pièce étaient entourés de hautes bibliothèques en bois foncé, remplies d'ouvrages de genres romanesques variés : policier, science-fiction, sentimental, historique, horreur... Aucun d'eux ne lui appartenait, mais cette vue avait le don de l'apaiser. Il pouvait imaginer le corps de sa bien-aimée, recroquevillé sur lui-même dans leur lit, tandis qu'une lueur euphorique étincelait dans ses yeux noisette, parcourant les pages une à une dans une course effrénée. Cette image, il la chérissait du plus profond de son cœur, car c'était ainsi qu'il l'aimait. Heureuse. Curieuse. Rêveuse.

Il s'assit alors au bureau, face à l'ordinateur familial, pour se remettre au travail. Cependant, l'écran de ce dernier était déjà allumé. Encore un oubli ? Au moment où il saisit le mot de passe, un fichier musical qu'il connaissait très bien, ainsi qu'un document écrit, étaient déjà ouverts. « Afantaisie » ? Ce titre ne lui évoquait rien. De quoi s'agissait-il ? Remontant jusqu'en haut de la page grâce à la souris, il esquissa un sourire discret à la vue du nom de l'autrice. Qu'avait-elle encore pu inventer ? Alors, pris d'un élan de curiosité, il arpenta quelques pages du recueil au hasard.


Jeudi 26 septembre


Qu'est-ce que l'imagination ? Si nous nous référons mot pour mot à ses définitions dans le dictionnaire, il s'agit entre autres d'une faculté de notre esprit à se représenter des choses, des êtres ou des situations, sous la forme d'images mentales. Même si certains ne se considèrent pas créatifs, nous faisons tous preuve d'imagination au quotidien, grâce à cette imagerie mentale. Ce mécanisme automatique et inconscient nous permet ainsi de nous évader l'espace d'un instant, dans un univers dont nous sommes le maître. Formes, textures, ombres, lumières, couleurs... Nous pouvons tout façonner à notre guise. Toutefois, il existe certaines personnes qui, étant privées de cette faculté depuis leur naissance, ne connaissent pas cette chance.

C'était une journée comme les autres. Je venais tout juste d'achever mes révisions pour le premier examen de l'année et me délectais d'un moment de détente sur un jeu, avant de me coucher. Allongée dans mon lit, la couette remontée jusqu'au cou, je tenais mon téléphone au-dessus de mon visage, en prenant garde de ne pas le laisser tomber sur mon nez. Soudain, une notification apparut brusquement sur mon écran. Une nouvelle vidéo sur le thème des « Troubles méconnus du cerveau » venait tout juste d'être ajoutée à ma page d'abonnements. Fortement intriguée par ce titre aguicheur, j'entamai immédiatement son visionnage.

« Fermez les yeux et suivez mes instructions. Imaginez un splendide paysage de montagne, près d'un lac, en plein été. Vous vous trouvez au pied de cette montagne, pataugeant dans l'eau fraîche, profitant de ce havre de paix. Le ciel est dégagé, mais parsemé de quelques nuages fibreux. Des poissons nagent en cercle à quelques mètres de vos pieds, tandis que l'éclat du soleil dessine parfaitement votre ombre ondulant sur l'herbe. Ça y est ? Vous y êtes ? ».

Non, je ne voyais rien, hormis un panorama noir, aussi profond et vide qu'un gouffre.

« Non ? Essayons avec quelque chose de plus simple : une pomme. Imaginez-la. Quelle forme a-t-elle ? De quelle couleur est-elle ? Est-elle en deux dimensions ou en trois dimensions ? Présente-t-elle des détails sur sa peau ? Quelle est l'inclinaison de sa tige ? Vous la voyez ? ».

Toujours rien. Comme d'ordinaire, je ne possédais que ma petite voix interne, décrivant vaguement les concepts en question, comme une suite de faits, à défaut d'y voir de réelles images. « C'est une pomme. Elle est verte. ». C'était ainsi que j'avais toujours appréhendé mes pensées et mes idées. Malgré tout, je ne pensais pas être différente pour autant, car il m'était inconcevable que certaines personnes puissent réellement forger des images complexes dans leur tête.

« Si vous n'avez pas réussi à créer ces images dans votre tête, cela signifie sûrement que vous souffrez d'aphantasie. Il s'agit d'un trouble neurologique causant l'incapacité à produire des images mentales. ».

À cet instant, une farandole de questions déferla dans mon esprit. « Alors, c'est vrai ? Les gens voient vraiment des choses dans leur tête ? ». Je repensai à toutes ces fois, à l'école, où mes camarades faisaient preuve d'une imagination déconcertante, tandis que je peinais à appréhender leurs idées. Tout s'expliquait enfin, mais sans que je le comprenne parfaitement. Moi qui avais continuellement vécu dans la pénombre onirique, je souhaitais pouvoir goûter à ce plaisir au moins une fois dans ma vie, afin de savoir ce que ressentent les gens normaux. Les phantasiques. Je voulais savourer cette liberté, concevoir des choses inédites et vivre des rêves insolites. Mais j'en étais incapable.

Afin de me changer les idées, je m'emparai d'un livre récemment acheté sur la pile posée à mon chevet et entamai ma lecture. Malgré ma différence, j'avais toujours adoré les livres, car j'étais en mesure de les apprécier à ma façon. Au-delà de mon expérience personnelle, j'admirais profondément les auteurs pour leur créativité sans limites et leur aptitude à faire voyager leurs lecteurs avec de simples mots. À dire vrai, j'avais longtemps désiré devenir l'une d'entre eux, mais la fatalité m'avait rapidement fait comprendre que, sans imagerie mentale, il était extrêmement ardu de créer des histoires de toute pièce. Finalement, lorsque la base de notre imagination est entravée, la porte des métiers créatifs est-elle toujours ouverte ? Pire encore, est-il toujours possible de rêver ?


Samedi 12 octobre


Le temps était plutôt doux en ce mois d'octobre. Dehors, la brise automnale soulevait légèrement les branches des arbres, sur lesquelles les oiseaux gazouillaient en chœur. Cette fraîcheur se faufilait également dans ma chambre d'étudiante, par la petite fenêtre entrebâillée, en transportant l'odeur enivrante de mon clafoutis aux prunes jusqu'à mes narines. Au centre de ce calme déconcertant dénotaient les sons disgracieux émanant de mon amplificateur, posé à mes pieds. Les doigts de ma main gauche glissaient péniblement sur le bois verni du manche de ma Jazz Bass couleur crème, tandis que je m'efforçais de suivre tant bien que mal la partition défilant sur mon écran d'ordinateur. Fa. Do. Mi. La mineur. Cela faisait une vingtaine de minutes que mes voisins devaient me maudire et ma patience, comme ma détermination, atteignaient elles aussi leurs limites. Mon auriculaire commençait à se tordre sous la pression créée par cette vague d'arpèges endiablés. Impossible de me caler sur le rythme imposé par la batterie. Malgré mes efforts, les sons que je produisais restaient fades, tout comme les pages blanches que j'avais maintes fois tenté de transformer en roman. Tout comme la mélodie d'une vie dépourvue d'imagination. Décidant sagement d'arrêter le massacre avant qu'une cloque n'apparaisse sur mon doigt, je me coupai une généreuse part de gâteau, en laissant la musique se jouer jusqu'à la dernière seconde.

Puis, un autre morceau suivit. Celui-ci différait en tout point avec le précédent. La puissance et la rapidité des riffs de guitare électrique avaient été échangées avec la chaleureuse tranquillité produite par une guitare acoustique. Cette mélodie m'était familière, mais c'était la première fois que j'entendais cette reprise en particulier. Les notes s'enchaînaient avec une fluidité déconcertante. Alors qu'elles semblaient m'emporter au loin, je fermai les yeux un instant, afin d'en apprécier toutes les nuances. Bien que le noir le plus profond s'emparât une nouvelle fois de moi, chaque note faisait vibrer mon être, comme les cordes sur lesquelles reposaient mes doigts. Elles résonnaient distinctement dans mon esprit, à tel point que chacune d'entre elles me procurait une sensation intense. Chaud, froid, frissons. En quelques secondes à peine, je pouvais ressentir la brise automnale effleurer ma joue, comme si je me trouvais assise dans l'herbe, à l'ombre d'un arbre, profitant de cette journée. Un flot de sensations encore inconnues déferla soudainement en moi. Je pouvais appréhender l'entièreté de ce paysage que j'étais incapable de voir. Puis, l'écho de cet air entêtant se fondit dans les bruits de pas provenant du couloir, et je me retrouvai de nouveau dans ma chambre, assise sur mon lit, avec ma basse sur les genoux. Ce voyage de courte durée paraissait insignifiant, mais il prenait tout son sens pour une aphantasique venant de découvrir les joies de l'imagination. J'ignorais ce que cette musique avait de spécial, mais une chose était certaine : je désirais l'écouter une seconde fois, afin de revivre toutes ces sensations qui s'offraient à moi et enfin rêver de l'inconnu.


Samedi 30 novembre


Les rayons du soleil matinal transperçaient les rideaux pour venir colorer mon visage encore endormi, tandis que mes yeux s'ouvraient progressivement pour me ramener à la réalité. À côté de mon oreiller, la musique se jouait sans relâche. Pour cause, j'étais devenue dépendante du bonheur procuré par toutes ces expériences inédites, à tel point que je l'écoutais même avant de m'endormir. Grâce à elle, mon inconscient était désormais en mesure de créer de nouvelles situations, toujours plus élaborées et précises. Après toutes ces années, j'avais finalement appris à rêver. Certes, il m'était toujours impossible de créer des images dans ma tête, mais j'avais fini par comprendre ce que ressentaient les autres. J'avais appréhendé mon imagination à ma manière pour façonner mes escapades oniriques. Dans la dernière en date, j'incarnais le rôle d'une enquêtrice franco-japonaise, aussi compétente qu'entêtée, récemment enrôlée dans la police de Tokyo. De retour dans son pays natal après vingt ans, elle tentait de résoudre une mystérieuse affaire de suicide au sein d'une société qui lui était complètement étrangère.

Après cinq courtes minutes, ma conscience avait finalement repris le contrôle de mon corps. Je me défis donc de ma couette et m'assis à mon bureau, face à mon ordinateur portable. Dans un dernier bâillement, j'ouvris le fichier intitulé « Rêves ». Puis, sur une page vierge, je commençai à décrire ma nouvelle invention, afin de ne jamais l'oublier.


Dimanche 26 janvier


« Shinjuku, Japon. Novembre 1990. Une jeune enquêtrice d'origine franco-japonaise est engagée au sein du Département des Enquêtes Criminelles de la police de Tokyo. Forcée de s'imposer et de faire ses preuves dans ce milieu masculin, elle est embarquée dans une étrange affaire criminelle, mêlant effluves de sang et yakuzas. De là, une rencontre inattendue trouble ses convictions dans sa quête à l'origine de son retour au pays du soleil levant : retrouver son père. ».

Mon majeur venait de presser la touche « point » lorsque je réalisai l'ampleur de mon accomplissement : mon premier roman. L'imprimante allumée sortit alors le résumé de mon travail acharné, que je posai au-dessus de la pile présente sur le bureau. Grâce à cette musique, mon précédent rêve s'était poursuivi et les détails de l'intrigue s'étaient accumulés. Puis, de fil en aiguille, le nombre de pages de mon fichier « Rêves » s'était naturellement décuplé grâce à mon immersion démesurée dans l'histoire, accentuée lorsque cette musique se jouait pendant mes séances d'écriture.

Disposant toutes les feuilles dans une grande enveloppe que je scellai, je me saisis de mes clés et partis soumettre mon tout premier manuscrit à une maison d'édition. Avec un peu de chance, mon travail pouvait être apprécié, constituant alors la preuve ultime que même avec un handicap, il n'est pas totalement impossible de réaliser ses objectifs. Cette faiblesse pouvait même se transformer en force et apporter aux autres une vision inhabituelle des choses. Platon disait que la musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée, et grâce à elle, j'avais fait de ma maladie une force. De mon aphantasie, était ainsi née mon « afantaisie ».

Une larme, chaude et salée, s'écoula le long de sa joue et vint s'écraser sur sa main. Tous ses souvenirs avaient progressivement refait surface au fil de sa lecture. Sa rencontre avec sa bien-aimée. Le jour où ses sentiments s'étaient enracinés, quand elle l'avait invité dans sa chambre d'étudiante, pour jouer de la guitare en savourant son clafoutis aux prunes. Celui où elle avait commencé à prendre une place notable dans sa vie, au point de s'endormir sur le même oreiller. Mais aussi celui où il l'avait soutenue, lors de l'envoi de son premier roman. Au travers de ces quelques pages, il s'était reconnu. Cette mélodie qui accompagnait l'autrice depuis toutes ces années ne provenait en réalité pas d'un quelconque appareil numérique. Ce n'était pas non plus celle qu'il lui avait fait découvrir avec sa guitare, ce samedi 12 octobre. Non. C'était lui. Même si la musique donne effectivement une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée, une autre citation de Platon paraissait plus appropriée pour conclure son récit : « Touché par l'amour, tout homme devient poète. ». Car à la manière des bourgeons qui s'épanouissent au soleil de printemps, c'étaient ses sentiments à son égard qui l'avaient aidée à fleurir. À se métamorphoser.

Soudain, un cliquetis retentit de la porte d'entrée. Il s'empara alors de son instrument, posé à côté du ventilateur encore en marche, et l'accueillit avec cette suite d'accords qu'elle aimait tant.

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