Chapitre bonus
Selena
Dix ans auparavant
— Félix, arrête de m'embêter !
Ce débile qui me sert de frère, n'arrête pas de jouer avec mes couettes. Je vais lui arracher les cheveux !
— Bah alors princesse, on va aller pleurer vers maman ?
— Attends un peu qu'Aedan revienne, tu vas morfler !
Suite à cela, Félix fait mine de prendre peur et commence à courir super vite autour du salon. Je ne peux m'empêcher de glousser.
— Ma chérie, j'ai lavé ton doudou, s'exclame ma mère en arrivant derrière moi.
Elle me tend mon petit lapin, qui a une sale mine aujourd'hui. Il est vrai que je l'ai beaucoup mordue pour me détendre de l'école, qui est un véritable enfer pour moi.
— Maman, maman ! l'apostrophé-je. Quand rentre Aedan ? Je m'ennuie.
— Il devrait arriver d'ici une heure. Joue avec Félix, je suis sûr qu'il en sera ravi, ricane-t-elle.
Je vois la figure de Félix se transformer en grimace. Il essaye d'attiser ma colère ! Ça ne se fait pas.
À la place de rentrer dans son vilain jeu, je me contente de câliner Lapinou, qui m'accompagne jour et nuit. Impossible de dormir sans lui.
Même si je vais avoir douze ans très bientôt, je peux avoir un petit comportement de gamine. J'ai souvent besoin d'être rassurée, et le fait d'avoir mes parents à proximité de moi me soulage.
Je trépigne d'impatience à l'idée qu'Aedan revienne. J'ai mon exposé que j'ai fait en français à lui montrer. J'ai eu une bonne note, et je suis sûr qu'il sera content.
Aedan et Félix sont les deux grands frères les plus parfaits au monde. Ils prennent soin de moi comme jamais, et Aedan revient toujours avec quelque chose lorsqu'il rentre de l'école.
Aujourd'hui, Félix n'a pas cours. Heureusement, comme ça, je peux passer ma journée avec lui. Papa vient de rentrer, et semblait exténué de sa journée. Maman est en train de ranger nos affaires.
Moi, j'ai fini plus tôt, aux alentours de quinze heures. Ça me laisse une bonne partie de l'après-midi pour pouvoir jouer ! Je devais inviter une copine, mais elle n'a pas pu venir.
Seul Aedan, n'a pas été épargné des cours aujourd'hui. Le pauvre vient de terminer, et va rentrer bientôt.
Je me lève du canapé, tire la langue à Félix qui me sourit, et monte dans ma chambre. J'ai quelques devoirs à faire qui attendront, j'ai un peu la flemme.
Je pose Lapinou sur mon lit, le recouvre de ma couverture pour qu'il n'attrape pas froid, et me recule, satisfaite. Je place mes poings sur mes hanches, pour me féliciter de prendre soin de ce petit doudou.
— Selena ! crie ma mère.
À l'entendre de mon prénom, je me dépêche de descendre les escaliers, en faisant gaffe de ne pas tomber, et rejoint ma mère, qui est maintenant assise sur le canapé du salon.
— Oui maman ?
— Peux-tu aller ranger tes affaires que j'ai posées sur la table à manger, s'il te plaît ?
J'acquiesce et part en courant dans la salle à manger. Là, je retrouve Félix, en train de s'amuser avec mes nouvelles brassières que maman m'a achetées. Pas le choix, ça commence à pousser.
— Arrête ça tu veux !
Je lui attrape la brassière blanche des mains, et la repose dans mon petit panier en la pliant de nouveau.
J'adore cette pièce. Je la trouve très chaleureuse. Il y a des chandeliers muraux qui sont accrochés de part et d'autre dans cet espace, le carrelage blanc me gèle les pieds. Le papier peint rouge foncé, avec des motifs datant de l'époque médiévale, me font rêver.
La table de la salle à manger est longue, il y a une douzaine de chaises. Elle sert également de table de réunion quand papa emmène quelques associés à lui à la maison, pour discuter affaires.
Elle est en bois foncé, avec des reliefs sur les côtés, en forme de spirale. Elle est magnifique. J'aime beaucoup y manger.
Je prends mon petit panier, pousse mon frère qui fait semblant de tomber, et part de la pièce.
Je remonte, quatre à quatre, les marches, et ouvre en trombe la porte. Je me fais légèrement sermonner par ma mère, et ouvre mon placard en grand.
Je range mes affaires à leur place. Les culottes avec mes culottes, ma belle robe que j'ai achetée pour ma kermesse, que je plie soigneusement pour la ranger.
Maman m'a dit qu'elle me fera une jolie coiffure ce jour-là. Je serais la plus belle des princesses, comme m'a dit Félix.
Je redescends pour mettre le petit panier dans la buanderie, et saute dans les bras de mon père, qui a décidé de rejoindre ma mère sur le canapé.
Il m'enlace en retour, et me fait un petit bisou sur le crâne. Toute contente, je reprends mon panier que j'avais lâchement abandonné pour aller le placer dans la petite buanderie.
Un énorme fracas me tend immédiatement, et mon instinct me dicte de courir. Je lâche le panier dans la buanderie, et rejoins mes parents dans le salon.
Je vois alors mon père, complètement paniqué, qui s'éloigne pour aller vers la porte d'entrée. Ma mère me dicte de venir vers elle, et Félix nous rejoint également.
— Qu'est-ce qu'il se passe maman ? dis-je, commençant à avoir du mal à respirer.
— Ce n'est rien ma chérie, d'accord ? Félix, peux-tu la monter dans sa chambre.
Je commence à monter, sans lui, parce que ma mère l'a retenu. Je décide de m'arrêter pour écouter la conversation. Il se passe quelque chose de grave. Et je le sais.
— Cache-la. Du mieux que tu peux. Ça doit être un ennemi à papa qui est rentré. Restez cachés, le temps que l'on s'en occupe.
— Mais, et toi ? dit Félix, les mains tremblantes.
— Il ne va rien se passer mon cœur, ne t'en fais pas.
Elle lui fait un dernier câlin, avant de le pousser vers les escaliers. Je monte silencieusement pour faire croire que je n'ai rien entendu.
Félix me rejoint, et nous rentrons dans ma chambre. Je m'assois sur mon lit, tandis que Félix laisse la porte grande ouverte pour entendre ce qu'il se passe.
— Tu es complètement malade, indique mon père.
Nous l'entendons alors déplacer les canapés, pour certainement rejoindre maman, au centre du salon.
— Je ne sais pas si c'est vraiment le mot adéquat, mais nous pouvons dire ça oui.
Cette voix fait peur. Elle est rauque, sombre, et Félix semble penser la même chose, puisqu'il recommence à bien trembler. Aedan, rentre vite, par pitié.
— Dégage de là. Tu n'as rien à faire ici.
— Appelle tes amis, ricane-t-il, pour se moquer. Ils n'auront pas le temps de rappliquer. J'ai d'autres chats à fouetter, alors cela devrait aller vite.
Nous entendons alors le son d'une arme qui est en train de charger. Je me tends immédiatement, récupère Lapinou pour me rassurer, et croise le regard triste de Félix.
— Je dois aller les aider, murmure-t-il.
— Non ! Ne pars pas, imploré-je.
— Si je ne fais rien, il peut leur arriver malheur. La salle des armes est juste au fond du couloir. Ne bouge surtout pas.
Il sort, et avance à pas silencieux pour aller au fond de ce couloir. Pendant ce laps de temps, l'homme est toujours en train de menacer nos parents.
Je tremble tellement, que je mords Lapinou, pour essayer de me déstresser. Cela nous est déjà arrivé que des hommes rentrent pour faire pression à mon père. Mais nous n'étions pas là. Maintenant, c'est notre famille entière qui est en jeu.
Félix revient avec un énorme fusil à pompe. Cela ne me fait ni chaud ni froid. J'ai grandi dans cet environnement, et Félix reprendra la relève, une fois que papa sera trop vieux.
Il charge doucement le flingue, et descend les escaliers, à pas de loup. Je ne peux m'empêcher d'aller jeter un coup d'œil, afin de me rassurer.
Je descends à mon tour. Heureusement que ces escaliers ne font pas de bruits, nous nous serions faits griller très vite.
Je remarque donc mes parents, qui sont au centre du salon, face à un homme qui porte une longue cape noire, qui tient un pistolet en face d'eux.
Mon père est plutôt confiant, contrairement à ma mère, qui aurait aimé ne jamais avoir affaire à ce genre de situation.
Félix contourne l'individu pour qu'il ne le remarque pas, et mon père le voit très bien. Il vient se placer derrière l'individu, et attend l'ordre de notre père.
— C'est simple. Vous allez tous crever. Vermine que vous êtes. Je crois bien que votre fils, Aedan, rentre bientôt, non ? Il sera très content de m'apercevoir avec vos têtes dans les bras.
Il part dans un fou rire, qui me donne des frissons dans tout le corps. C'est inhumain d'être comme ça. Il ne va pas mieux !
Je serre Lapinou contre moi, priant tous les dieux que je connaisse. Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas qu'il s'en prenne à notre famille.
— Félix ! hurle mon père.
Félix essaye donner un coup de fusil dans le crâne de cet homme, mais il est bien plus rapide que je le croyais. Il se retourne, attrape le bout du flingue, et tire en l'air.
Cela me fait sursauter, et je vois mon père sauter sur lui, afin de tenter de le neutraliser. L'homme envoie mon frère valser à l'autre bout du salon, et il a du mal à se relever.
L'homme sournois rigole, et tire un bon coup. Vers ma mère. Je la vois s'effondrer, une balle dans le ventre. Des tremblements effroyables me parviennent. Maman. Pas toi.
Mon père hurle, et pars à la chasse de cet homme. Il lui assène des coups, s'en prend d'autres. La scène est glauque.
Félix a réussi à se relever, et revient me voir. Il s'empresse de me prendre la main, pour me rediriger vers ma chambre.
Arrivés, il ferme la porte à clé, et ouvre ma fenêtre. Il va falloir sauter. Mais je risque de me faire très mal.
— Ton téléphone Selena. On doit appeler la police.
Je cours le récupérer sur mon bureau, et le lui donne. Il compose le numéro de la police, et cela décroche instantanément. Il raconte tout sans omettre de détails.
Après deux minutes, il raccroche et m'indique qu'ils seront très bientôt là, mais qu'en attendant, il faut se cacher.
Un tir sinistre nous glace le sang. Non. Pas un deuxième. Pas lui.
Je regarde Félix, qui a les larmes aux yeux, et il vient me prendre dans ses bras. Nous venons de perdre nos parents. Notre famille. C'est sûr.
Nous entendons alors des pas lourds monter les escaliers, ainsi qu'un petit ricanement. Pas de doute : c'est l'assassin.
Félix s'empresse de me rejeter, prend Lapinou et me dirige vers mon placard, qui possède une petite place pour que je m'y cache.
— S'il te plaît, ne sors en aucun cas d'ici. Si je viens à mourir, reste là en attendant la police.
— Pas toi, pleuré-je.
— Ça va aller princesse, me sourit-il.
Il referme la porte du placard, et me voilà dans le noir complet. Alors c'est comme ça que tout va se finir ? Je ne voulais pas ! Je voulais voir Aedan une dernière fois. Je voulais réaliser mes rêves, et vivre heureuse avec ma famille que j'aime tant.
J'entends Félix récupérer le fusil à pompe qu'il a repris avant de monter, et le charger. Je ne sais pas où il se place, mais certainement à un endroit stratégique, pour mettre fin à ce calvaire.
— Je sais que vous êtes là. N'ayez pas peur, tout va bien se passer ! intimide la voix.
Je serre mon petit lapin, que je possède depuis mes quatre ans. Il m'a accompagné lors de mes voyages, de mes épreuves de la vie, de mes trahisons. Il restera mon ami le plus fidèle.
Mes larmes coulent à flot sur mon visage. Je les laisse faire. J'ai besoin d'évacuer. Est-ce normal de vivre ça à onze ans ? Est-ce que d'autres familles ont connus le même sort que va subir la mienne ?
Ma porte s'ouvre avec fracas, et j'entends Félix grogner, avant de tirer un bon coup. Je ne sais pas s'il l'a bien visé, je ne sais pas s'il est encore vivant.
Je perçois alors des mouvements de bagarre. Félix est entraîné, tout comme Aedan. Ils sont préparés pour ce genre de situation. Mais ils n'y ont jamais fait face.
Le combat doit bien durer cinq minutes. Mes membres tremblent de plus en plus, ma respiration est saccadée, mais j'essaye d'être la plus discrète possible.
Soudain, plus rien. Je ne sais pas ce qu'il se passe, mais j'entends quelqu'un marcher et commencer à retourner ma chambre.
Si Félix avait gagné, il aurait ouvert la porte du placard pour me faire un câlin chaleureux, et nous aurions attendu la police ensemble.
Mais ce n'est pas lui qui a gagné. C'est ce monstre qui est en train de me chercher. Ce qui devait arriver arriva.
Il ouvre la porte du placard, me fait un sourire des plus glauques, et me sort violemment par l'avant-bras. Je lâche Lapinou, ce qui me stresse encore plus.
Je me relève difficilement, essayant de récupérer mon doudou, avant de m'enfuir. Mais je ne peux pas échapper à un homme qui doit avoir une trentaine d'années, et qui fait le triple de mon poids.
J'esquive aisément ses attaques, et tente de courir vers la fenêtre. Quitte à sauter et à me casser une jambe, je serais toujours en vie.
— Pas si vite, jeune fille ! tonne-t-il.
Il me balance une nouvelle fois dans ma chambre, et me plante un couteau dans le bras gauche. La douleur est infâme, et je pleure de toutes mes forces.
Il le retire, et cela me fait hurler. C'est inhumain de faire ça à une fillette. Je récupère Lapinou, que je serre fort contre moi.
— Que c'est touchant. Tu as encore des doudous à ton âge ? C'est pour les bébés ça, non ?
Je recule vers mon armoire. Cela ne va me servir à rien, je suis déjà morte. Mais il n'a pas l'air du même avis. Il veut faire durer le supplice.
Alors, pendant des dizaines de secondes, il me frappe, me tabasse avec des coups de pied, de poing, me tape la tête contre mon armoire.
Il termine avec un coup de couteau dans le ventre, qu'il fait retourner. Je ne sens plus la douleur, et je ne préfère pas voir ce qu'il est en train de faire.
Je serre, avec le tout petit peu de forces que j'ai, mon doudou, et sourit une dernière fois. J'aurais aimé vivre plus, et ne pas mourir aussi durement.
Il enlève le couteau, et part, satisfait. Mon regard se porte sur mon frère, qui a des énormes trous dû à ses blessures. Je ferme les yeux.
La douleur m'emporte, et je vois un tunnel avec de la lumière, et mes parents avec. Ils me demandent de les rejoindre. J'y vais, ne me souciant plus de rien.
Aedan, je suis désolé. Je n'ai pas réussi à t'attendre. Pardonne-moi. Je t'aime.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro