Chapitre 44
Cela fait une heure, approximativement, que je suis en boule dans le lit que je partage avec Aedan.
Je ne me sens pas bien depuis qu'il m'a annoncé la nouvelle. Je suis nauséeuse, et je n'ai qu'une envie : revenir en arrière pour ne pas venir à cette putain de mission.
Comment a-t-elle pu faire ça ? Comment a-t-elle pu décider de se sacrifier pour que je puisse vivre ? Elle méritait de vivre autant que moi, je ne suis pas supérieure. J'aurais même dû crever à sa place.
À quelques moments, je me levais pour aller voir Cristina, qui n'est pas du tout dans son assiette, non plus. Elle a beaucoup de mal à digérer la disparition de son amie qu'elle connaît depuis deux ans.
Je me sens tellement coupable. Coupable de ne pas être allée l'aider parce que je n'arrivais pas à me défaire de simples bras. Coupable puisqu'elle avait la vie devant elle, comme moi, et qu'on aurait dû continuer cette vie toutes les deux.
Je ne sais même pas où est son corps, étant resté dans la salle du trône. Je voulais le ramener pour pouvoir l'enterrer comme il faut et rendre le corps à sa famille, qui sera meurtrie.
Je m'en veux pour tant de choses, que je ne remarque pas tout ce qu'il se trame dans la pièce. Les garçons sont en train de réfléchir à un certain plan, en compagnie de Cristina qui regarde dans le vide.
Je soupire, prenant mon courage à deux mains, et me lève du lit pour pouvoir les rejoindre. Cela ne sert à rien de se morfondre, n'est-ce pas ? Cela ne nous aidera pas à sortir de ce bourbier.
Les trois mousquetaires s'arrêtent de parler en me voyant, et Aedan se décale d'un poil pour que je puisse m'asseoir à côté de lui, ce que je fais sans broncher.
— Il y a des alliés qui vont arriver, déclare Hadès.
Personne n'a l'air étonné de cette nouvelle, mais je ne peux m'empêcher de ressentir un haut-le-cœur. Nous ne sommes pas perdus, des gens vont venir nous aider.
— Comment est-ce possible ?
— Avant de revenir ici, je savais qu'il allait se passer quelque chose grave et qu'on ne s'en sortirait pas aussi facilement. J'ai contacté le cartel pour qu'ils puissent venir nous aider. Ils ont rendez-vous devant notre hôtel, mais si au bout d'une heure, nous ne venons pas, ils ont pour tâche de venir nous chercher.
Aedan dévoile son plan ingénieux, et j'avoue ne pas y avoir pensé un seul instant. Mais c'est le chef d'un cartel, il est habitué à ce genre de situation, et surtout, il est habitué à comment cela se termine.
— Parfait, lancé-je. Alors, quand est-ce qu'ils viennent ?
— Aucune idée, balance Adriel. Nous n'avons pas la notion du temps dans cette maudite cellule, donc on ne sait pas à quelle heure ils seront là.
— Par logique, on les a contactés avant-hier soir, quand nous avons réussi à nous échapper. Dans quelques heures, ils devraient arriver, alors, tenez-vous prêts.
— Et comment l'on va faire ? interroge Cristina. Felipe peut débarquer à tout instant pour venir récupérer Nayeli, car il veut toujours la marier. Le problème est toujours là, et tant que les alliés ne sont pas ici, nous ne pouvons rien faire. Et c'est hors de question que je laisse cet enfoiré prendre ma deuxième amie.
Sa phrase me touche plus qu'elle ne devrait. Cristina va vouloir me protéger plus que tout, cela s'entend dans son timbre de voix. Et je ferais tout pour la protéger, également. Nous ne devons plus perdre un seul membre.
— Felipe va forcément venir avant que les alliés arrivent, c'est une certitude. Mais nous pouvons retarder cela, il suffit de le pousser à bout de nerfs.
— Plus simple à dire qu'à faire, Hadès, souffle Aedan. Il ne se laissera pas démonter, il sait très bien comment je fonctionne et il est bien au courant que je ne le laisserais pas toucher Nayeli.
— Nous n'avons pas d'autres options ! crache Hadès. Si tu attends que les alliés viennent, Nayeli sera déjà dans ses draps à subir son viol, et elle sera mariée aux yeux de l'État mexicain.
— S'il veut Nayeli, il devra me prendre avant. Je m'en fous de me prendre des coups ou d'avoir affaire à de la torture, tant que Nayeli est dans la cellule, en sécurité avec vous.
— Aedan, tu ne peux pas faire ça, me lamenté-je.
Il me répond simplement par un regard qui se veut bienveillant, mais je ne peux tout simplement pas accepter. Victoria est déjà morte en subissant les coups à ma place, et elle m'a laissé en vie. Je ne veux pas qu'Aedan se sacrifie une fois de plus pour ma personne.
— Donc, on fait comme ça, conclut Adriel. De toute façon, je vois mal ce que nous pouvons faire d'autre. Il faudrait juste que les alliés bougent leurs culs rapidement avant que nous finissions tous dans le même cas que Victoria.
J'entends Cristina hoqueter, et mon cœur se referme. Cela me fait me détester encore plus. Comment je peux être autant égoïste ? Je n'ai pas le droit. Elle me connaissait depuis si peu de temps, et même si elle avait prise une place dans mon cœur, elle ne pouvait pas faire ça.
Il faut que j'empêche Aedan de se faire torturer à ma place. Trop de gens ont souffert par ma faute, je ne peux plus laisser cela passer. Qu'importe ce qu'ils diront, c'est ma décision.
Se marier à Felipe est une vision d'horreur qui me fait vomir. Mais si cela permet de sauver mes amis d'une mort certaine, alors je le ferais. Je ne suis bonne qu'à mourir de toute façon.
Ma réflexion est un peu extrême, je dois l'avouer.
Ce monde me fait tellement peur que je n'arrive pas à réfléchir correctement. Ce n'est pas parce que je suis tombée sur un cartel qui se montre respectueux, que tous les cartels sont pareils. Loin de là.
Des bruits résonnent dans le couloir, et mon sang ne fait plus qu'un tour. Tout le monde se lève, et Aedan se place immédiatement devant moi. Je n'en peux plus de tout ça, je veux juste dormir paisiblement sans avoir toutes les trente secondes.
Quelqu'un s'approche de notre cellule, et enfonce une clé dans la serrure, afin de nous rejoindre. Il ne va pas très bien être accueilli, mais ce n'est pas mon souci. Ils méritent tous les pires malheurs du monde.
Un homme rentre, faisant la taille d'Hadès, et s'approche, non sans sourciller. Il ne prononce même pas un mot, et se contente de hausser les sourcils en nous regardant, tout en émettant un bruit insupportable avec son chewing-gum.
C'est un homme qui doit avoir la trentaine. Bien bâti, il se tient droit et est prêt à en découvre avec n'importe qui. Ses longs cheveux bruns descendent jusqu'à sa clavicule, et ses yeux d'une couleur claire nous fixent tour à tour.
— Toledo, ramène-toi.
C'est bien une des premières fois que l'on m'appelle par mon nom de famille. C'est tellement rare que je n'ai pas tout de suite perçue qu'il me parlait à moi.
Aedan ne semble pas vouloir me laisser passer, et reste devant moi, à surplomber le mec de sa hauteur. Mais j'ai bien peur que celui en face ne se fasse pas démonter par cette tentative d'intimidation. Je ne veux surtout pas qu'ils en viennent aux mains.
— Tu vas te pousser un jour, mon gros ? Ou je dois attendre la Saint-Glinglin et appeler le chef ?
— Appelle donc ton chef, qu'on se marre deux minutes. Tu n'es même pas capable de faire ce qu'il te demande sans te pisser dessus, réplique Aedan. Alors va le chercher, bon toutou.
Je vois ses poings se crisper suite à cette répartie, que je trouve bien trouvé. Il repart de là où il venait, et ferme brusquement la porte qui fait frémir les murs fins.
— Il est réellement parti le chercher, se marre mon copain. Il n'en a décidément pas des grosses, je crois que je lui ai fait peur.
— Comment tu peux rire dans cette situation pareille ? lui reproché-je. Il va ramener Felipe, c'est encore pire ! Il va vouloir me récupérer et je ne veux pas me marier, bordel.
— S'il te veut, il devra me prendre d'abord, souligne-t-il.
— Et s'il veut prendre Aedan, il devra me prendre moi d'abord, enchaîne Adriel.
— Et s'il veut prendre Adriel, il devra me prendre moi en premier, termine Hadès.
Les trois mousquetaires s'échangent un regard qui veut tout dire. Ils se font mutuellement confiance, et Felipe n'arrivera jamais à ses fins tant qu'ils seront ensemble. Mais, pour combien de temps ?
Un bruit sourd nous rappelle à la raison, et Felipe débarque furieux dans la pièce. La première chose que je remarque est cet objet étrange qu'il tient dans sa main. Serait-ce un fouet ?
Mon petit ami a l'air de l'avoir bien compris, mais il ne se laisse pas faire et ne recule pas devant la prise de pouvoir de Felipe. Même si je sais qu'au fond, il tremble de peur devant cet homme, il ne laissera rien transparaître devant lui.
— On m'a prévenu qu'il y avait quelques petits problèmes dans cette pièce. Alors, tu vas redescendre rapidement espèce de fils de pute, ou tu vas avoir le plaisir de me voir baiser ta meuf devant toi.
Aedan lâche un juron en attrapant mon poignet sévèrement. Même s'il me fait mal, je sais que ce n'est pas volontaire. Les mots durs de Felipe l'ont fait réagir violemment, et je n'ose imaginer la suite de ces paroles.
— Si tu veux la prendre, tu devras me prendre moi. Malheureusement, tu n'as pas les couilles, comme ton petit copain qui a fui dès que je me suis un peu trop approché de lui. Tu devrais mieux choisir tes hommes.
— Tu penses sincèrement que tu es en position de force là ? Laisse-moi rire quelques secondes. Tu n'es pas chez toi ici, et je n'ai qu'à demander à ce qu'on t'exécute pour que ça soit fait dans la minute qui suit.
— Je suis bien curieux de voir ça.
Aedan prononce ses paroles sans la moindre once de peur, alors que moi, je suis tétanisée. Je ne sais strictement pas quoi faire, et je sens que je n'ai bientôt plus de sang qui va circuler dans mon poignet.
— Évidemment, je me réserve le droit de te tuer et de te torturer, sinon ce n'est pas drôle. Maintenant, cesse de faire le clown, et remets-la-moi.
J'ai l'impression que ce qu'il vient de prononcer le décrédibilise un peu. Il ne me fait pas spécialement peur. Son charisme a-t-il disparu, ou n'a-t-il jamais eu de charisme ?
Cependant, le fait que cet homme me traite comme un objet ne me plaît absolument pas, et je ne suis pas la seule à le penser.
— Jamais je ne te la remettrais. Tu ne l'auras jamais, Felipe. Cela fait quoi de savoir que tu perds tout contrôle de la situation, et que rien ne se passe comme prévu ?
— Tu sais, Aedan, je suis chez moi, sur mon territoire. Tout se passe toujours comme prévu, que tu le veuilles ou non. Si tu refuses de me la remettre, pas de problème, je la prendrai plus tard. En attendant, tu vas venir faire une petite entrevue avec moi, ça devrait te faire le plus grand bien.
L'homme de tout à l'heure s'approche à une vitesse fulgurante d'Aedan pour tenter de le frapper. Sous la panique ou le contrôle, Aedan me lâche pour éviter que je ne chute avec lui.
Aedan est rattrapé par d'autres hommes qui sont rentrés dans la pièce. Il est alors emmené à l'extérieur, tandis j'essaye de le poursuivre. Retenue par Hadès, je ne peux que voir mon copain se faire embarquer je-ne-sais-où, tandis que Felipe s'approche lentement de moi.
— Bisous princesse, on se voit très bientôt.
***
Je n'en peux plus d'attendre qu'il revienne. Je ne fais que pleurer depuis qu'il est parti, et Adriel et Cristina tentent de me consoler comme ils le peuvent, mais n'y arrivent pas.
Aedan se fait torturer depuis tout à l'heure, et ses cris résonnent à travers la pièce. Les murs sont tellement minuscules que je peux entendre tout ce qu'il se passe. Et honnêtement, je n'aurais pas préféré.
Mon cerveau est en train de câbler intérieurement à l'idée qu'il puisse subir toutes formes de torture. Je l'ai connu moi aussi, mais je suppose qu'il est beaucoup moins « doux » que le mien. Même si je pense que le mot doux est inapproprié dans cette phrase.
Même si Adriel me répète qu'Aedan est fort, qu'il se remettra de cette épreuve qu'il a déjà vécue auparavant, je ne peux pas m'y faire. C'est impossible à concevoir. Comment tout cela a-t-il pu bien arriver ?
Tout le monde est couché, à présent. Les cris ont arrêté depuis quelque temps, mais j'ai la sensation que cela fait des heures. Je suis la seule réveillée, à attendre le retour d'Aedan, afin de voir l'ampleur des dégâts. Espérons juste qu'il me le remette dans la cellule.
Alors que je commençais à perdre espoir, j'entends un rythme saccadé dans le couloir, ainsi qu'une respiration qui n'est clairement pas régulière.
J'hésite à me lever en trombe pour aller aider Aedan, mais je me ferais jeter comme une merde par les mecs qui sont en train de le raccompagner. Et aucune envie qu'il me chope au passage.
L'homme de tout à l'heure ouvre la porte et balance Aedan à l'intérieur, sans aucun répit, avant de la refermer. J'attends deux secondes qu'ils partent pour pouvoir me jeter sur lui.
— Aedan ? murmuré-je en caressant doucement ses cheveux.
Il pousse un râle de douleur, et cela me fend le cœur. J'essaye le plus possible de le soulever et de l'aider à aller se mettre dans le lit. Il doit tellement souffrir, et c'est à cause de moi.
Après quelques minutes, j'arrive à le glisser dans le lit, où il s'allonge en poussant un gémissement. Je m'empresse de le rejoindre, et d'essayer de calmer ses douleurs, sans succès.
— Nayeli, ça va, arrête de t'en faire.
— Tu te fiches de moi ? Regarde l'état dans lequel tu es ! Ils t'ont torturé sévèrement, et ton dos est complètement amoché, et je devrais trouver ça normal ?
— Non, bien sûr, mais ça m'est déjà arrivé et je me suis relevé de cette épreuve. Ça ne sert à rien de rester sur mes blessures, tu ne peux rien faire pour les arranger. Viens te coucher avec moi, ça me suffira amplement pour calmer mon dos en feu.
— Je te crois moyen, sur ce coup.
Sans broncher, il se glisse avec difficulté sous la couverture, et je ne tarde pas à faire de même. En faisant attention de prendre une posture sur laquelle il n'aurait pas mal, je finis par m'endormir, soulagé qu'il soit près de moi, malgré l'épreuve insurmontable qu'il a passé.
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