Chapitre 37
Aedan
La scène qui se déroule sous mes yeux me paraît irréaliste. À peine cette réplique prononcée, je vois ma copine et les filles se faire éjecter.
Je ne peux pas voir qui a fait ça, mais je jure sur la tombe de mes parents qu'ils sont morts.
Elles roulent jusqu'à nos pieds, mais restent allongées, ce qui me procure un grand stress. Surtout Nayeli. Elle ne bouge pas d'un centimètre, contrairement à ses coéquipières.
J'aimerais me déplacer, j'aimerais aller la voir alors qu'elle n'est qu'à deux mètres de moi, mais le regard satisfait de Felipe me ramène à la réalité. Cet enculé est en face de moi, et il va payer pour ce qu'il a fait.
Adriel semble comprendre à ma place ce que je voulais faire, et se dirige d'un pas pressé vers les filles, qui ne se relèvent toujours pas.
Je sens mon ventre se tordre de douleur sans que j'en comprenne la raison, et la colère qui bouillonne en moi a du mal à se retenir.
Je serre les poings à m'en faire mal, sentant les larmes me venir. Je ne peux pas montrer un signe de faiblesse devant lui, il en profiterait.
Il vérifie l'état de Victoria, et pile au moment où il se relève pour faire son diagnostic, il est violemment projeté au sol par un homme robuste.
Sans pouvoir me contrôler, je prends mon flingue en visant ce fils de pute. Hadès m'arrête immédiatement, gardant son calme.
— Ils font tout pour t'énerver, Aedan. Ne rentre pas dans leur jeu et montre ce que tu es, me murmure-t-il.
Je baisse mon arme, me fiant à mon meilleur ami. Je lui fais une confiance aveugle, et j'ai tendance à penser qu'il ferait un meilleur chef que moi. Il a déjà plus de self-control.
Je vois la tête de Nayeli se relever doucement, et je crève d'envie d'aller la voir, de lui demander si elle va bien, et de partir d'ici.
Parfois, je regrette amèrement de l'avoir kidnappé. Certes, au début, je ne la connaissais pas, et elle allait me servir pour sa sœur. Mais maintenant que j'ai appris à la connaître et qu'Inaya l'a trahie, elle ne mérite pas d'être ici.
Et je l'ai fait tomber amoureuse de moi. Et c'est quelque chose que je m'étais refusé. Parce qu'elle veut juste retrouver une vie normale, sans morts, sans de violence. Chose impossible avec moi à ses côtés.
Son regard tombe sur le mien et elle tente de me faire un sourire bienveillant pour me rassurer. C'est sans compter les connards qui sont sur cette planète, qui s'approchent d'elle, lui tirant les cheveux pour la mettre debout.
Elle hurle de douleur, et balance ses jambes et ses bras dans tous les sens, espérant les toucher pour qu'ils la lâchent. C'est perdu d'avance, ils font trois fois sa masse.
Je remarque également que Victoria et Cristina sont affairées autour d'Adriel, qui est encore à terre. Mon sang ne fait qu'un tour. Nous perdons le contrôle de la situation, mettant en danger mon entourage. Et je ne supporte pas ça.
La suite, mon cerveau n'a pas totalement compris. C'est mon corps qui a pris le relai, et je le remercie d'être aussi réactif et d'agir sans réfléchir.
Un homme m'a foncé dessus à une telle vitesse. Mon corps l'a esquivé et j'ai pu l'attraper par les cheveux pour le plaquer au sol.
Quant à Hadès, je n'ai pas bien vu ce qu'il faisait, mais un autre avait l'air de lui être aussi tombé dessus, mais je ne m'en fais pas pour lui. Il a toutes les capacités pour s'en sortir et l'atomiser.
Je prends la tête du gars pour l'écraser contre le sol froid en béton de sa propre maison. Mes mains tremblent légèrement dues à la colère qui coule dans mes veines.
Je me retourne pour remarquer qu'Adriel m'a rejoint, ainsi que les filles. Elles se tiennent debout, mais je vois que Nayeli se tient la tête, signe que le choc a été violent.
L'air m'oppresse et j'ai besoin de me défouler. Pas de pitié, ils vont tous mourir un par un, et je me ferais un plaisir de garder Felipe en dernier. Comme on dit, le meilleur pour la fin.
Hadès se positionne à mes côtés, prêt à foncer dès que j'en donnerai l'ordre. Cette scène pourrait être digne d'un film d'action si ce n'était pas la réalité. Malheureusement, je baigne là-dedans depuis ma jeunesse.
Les morts, le sang que j'ai sur les mains, les adieux, l'antipathie. Tout ça réside en moi depuis que ma vie a basculé il y a dix ans. Je n'ai plus connu l'amour, la tendresse, la joie. Les quelques sourires qu'Hadès ou Adriel me faisait arracher n'était qu'éphémère.
Cela ne durait jamais bien longtemps. Est-ce que j'ai été non seulement heureux depuis toutes ces années ? Peut-être. La présence de mes meilleurs amis y est pour quelque chose, forcément. Mais même avec eux, un énorme vide est creusé en moi à tout jamais.
Avec Nayeli, je ressens de nouvelles choses, de nouvelles émotions, et j'arrive à retrouver tout ce que j'avais perdu. Mais ce n'est pas suffisant. Et ça ne le sera jamais.
L'amour d'une mère, la tendresse de ses frères et sœurs, le courage d'un père. Personne ne pourra jamais remplacer cela, et je dois vivre avec le fait qu'ils sont morts, sans que je puisse les protéger.
Un rire sinistre remplit l'air et je perçois Hadès qui se raidit. Il ne tiendra pas longtemps. Tout comme Adriel qui est en train de soutenir Nayeli, manquant de défaillir.
Je m'en veux. Et je m'en voudrais toujours. Mais s'ils sont là, c'est pour m'aider à avancer, pour m'aider à vaincre la peur de toutes mes nuits. Nous avons commencé ensemble, nous terminerons ensemble.
Je lance un regard à Hadès qui veut tout dire, et il s'occupe des hommes qui étaient derrière Adriel, tandis que les filles s'occupent du reste. Quant à moi, j'avance. Non, je cours. Je pousse sur mes jambes pour atteindre ce qui a détruit ma vie.
Je me fais heurter de plein fouet par un mec. Nous roulons pendant quelques secondes, et, oubliant la douleur, je me relève instantanément pour le charger. Il n'a pas l'air armé, ce qui est bizarre.
Felipe, m'aurais-tu sous-estimé ? Penses-tu toujours que je suis le gamin de quatorze ans fébrile, qui est meurtri par la perte de sa famille ?
Si c'est le cas, tu te trompes sur toute la ligne. Parce que je me suis servi de cette détresse pour en faire une force, afin d'en venir à ce jour. Ce jour, où je te détruirai.
Je sors mon flingue plus vite que la lumière et ne cherche pas à réfléchir : j'appuie sur la détente et la vie quitte les yeux de cet individu. Un de moins.
— Je t'avoue que tu ne m'avais pas manqué.
Sa voix stridente parvient à mes oreilles, qui se mettent à siffler. Victoria semble retenir Hadès d'aller lui péter la gueule, ce qui me fait retourner près d'eux.
Nayeli n'est toujours pas en mesure de se battre, mais elle tient déjà debout. Je ne lui en veux pas d'avoir pris autant de temps à se relever. Elle n'est pas habituée.
Je me maudis intérieurement de l'avoir amenée ici. Je savais que c'était une mauvaise idée, mais je n'ai pas eu le courage face aux commentaires d'Hadès.
— Étrange, quand c'est toi-même qui est venu faire les retrouvailles, rétorqué-je.
Je me place aux côtés d'Hadès et d'Adriel. Les filles restent derrière, par précaution. Tous les autres hommes tiennent les mecs de cette enflure.
— J'en avais par-dessus la tête d'entendre parler de toi, sourit-il. Aedan par-ci, Aedan par là. Tout le monde parle de tes exploits, alors que tu devrais être mort avec ta famille il y a dix ans.
Cet homme, tapis dans l'ombre, sort enfin. Malgré la nuit, les éclairages extérieurs me permettent de mieux cerner le personnage, que je n'ai jamais vu.
Un homme d'une quarantaine d'années s'avance donc vers nous. Les cheveux grisâtres, les rides au front, il ne se laisse pas déséquilibrer par notre petite bande.
Pour un homme de cet âge, il se conserve bien. Habillé d'un costard plutôt chic bleu marine, une cigarette à la main, il me sourit de ses dents impeccables.
Le genre de mafieux qui mérite de s'en prendre une.
Le fait d'enfin voir son visage me procure une telle émotion que je me demande comment je fais pour rester debout.
Même s'il n'est qu'à cinq mètres de nous, je peux voir toute la haine qu'il éprouve pour moi, toute cette violence. Je n'ai jamais rien demandé, et le voilà, prêt à m'égorger, ne supportant pas de me voir respirer.
Dans ses yeux brille une flamme de vengeance. Je n'ai jamais su ce que mon père lui avait fait pour qu'il se tue notre famille. Mais il a l'air de ne pas avoir toujours digéré.
— Je vois que tu as réussi à te faire des petits amis. Quel drame de les amener ici. Tu es égoïste de les entraîner avec toi dans la mort.
— Espèce de fils de pute, crache Hadès. Si nous sommes là, c'est pour repartir avec ta tête. Tu ne mérites pas de vivre !
Sur la fin de ces mots, il s'apprête à se jeter sur lui, mais je le retiens de justesse. Il a de plus en plus de mal à se contrôler, et je ne sais pas ce qui pourrait se passer si je lâche le fauve.
— Oh, mais il a l'air sympathique celui-là ! Enfin un peu d'action. Je commençais à m'ennuyer dans mon cartel. Et toi, tu dois être Adriel. Bien sûr, c'est toi que j'ai personnellement tabassé, avec l'aide de quelques personnes.
Adriel serre la mâchoire, ses yeux n'ayant plus la lueur bienveillante qu'il occupe d'habitude sur le cartel. Elle est remplacée par une envie de meurtre, de vengeance. J'aime cette assurance.
— Amenez-la-moi.
Sans comprendre ce qu'il veut dire par là, je le fixe, les yeux interrogateurs. Mais c'est quand j'entends le cri étouffé de Nayeli que je réalise, bien trop tard, ce qu'il se passe.
Malgré les attaques des filles, Nayeli est emmenée par deux hommes près de Felipe. La voir si proche de lui m'octroie des frissons et mon cœur loupe un battement.
Deux de mes hommes achèvent leurs victimes pour prêter main forte aux Secrètes. Et moi, j'ai l'air d'un débile à rester en place. Mais je ne peux pas bouger. Mes yeux sont rivés sur la seule personne qui m'a ramené de la lumière.
Felipe s'approche avec un sourire sarcastique sur le visage, de ma protégée et lui prend le menton dans le but d'avoir un contact visuel avec elle.
— Bonjour toi. Tu te nommes Nayeli si mes informations sont bien exactes. Très joli prénom.
Elle ne répond pas, mais ne cherche pas à détourner le regard. Elle veut lui prouver qu'elle n'est pas qu'une petite chose fragile et qu'elle sera toujours de mon côté, quoi qu'il en coûte. Comment je le sais ? Parce que j'ai déjà vu ce regard quand elle nous tenait tête dans la cellule, lors de son arrivée.
— Elle a l'air d'avoir un sacré caractère de merde, mentionne-t-il. J'adore ça ! Et dis-moi, qui es-tu pour mon cher Aedan ?
Elle détourne les yeux pour me regarder, avec une supplication dans son visage. C'est le moment d'agir. Je ne peux pas la laisser dans le pétrin à cause de moi.
Mes meilleurs amis ont compris mon intention, et au même instant, ils s'élancent avec moi vers ce type qui ne mérite pas de respirer.
Je m'accroche à lui, le faisant basculer en arrière. Hadès et Adriel s'occupent des hommes qui tenaient Nayeli, que j'entends s'affaler.
Je suis si proche de lui que j'entends son souffle sur mon visage. Il n'a pas quitté ce sourire qui me rend fou depuis tout à l'heure. Je vais le massacrer, et le réduire en bouillie avant de partir d'ici.
Je lui assène un premier coup de poing au visage qu'il accepte, sans rechigner. Étonné, je lui en balance un deuxième puis un troisième. C'est là que je comprends mon erreur.
Nayeli est devant moi, agenouillée, un flingue derrière la tête. Il avait tout prévu. Il savait que je ne résisterais pas à l'attraper par la gorge.
Hadès m'attrape le tee-shirt pour m'envoyer en arrière. Victoria arrive, essoufflée, constatant la scène avec effroi. Elle ne peut se retenir de lâcher un petit cri en voyant la posture de Nayeli.
— Alors, maintenant. Est-ce que tu es prêt à discuter affaires ? Ou je m'amuse avec cette petite demoiselle ?
— La petite, elle t'emmerde, réplique ma femme en lui crachant au visage.
Elle se prend un coup de crosse, ce qui l'a fait valser par terre. Je retiens mon souffle, m'empêchant d'aller la voir. Il joue avec mes nerfs, et n'attend qu'une chose : pouvoir prendre le dessus sur la situation.
— J'aimerais récupérer ton cartel. Après tout, ton père a détruit le mien avec ses affaires à la con. Il serait juste que je récupère ton cartel, pour que tu te fasses pardonner.
— Tu ne l'as pas déjà pardonné en le massacrant ? sifflé-je.
— J'ai adoré, si tu savais. La peur dans leurs yeux, les frissons de ta petite sœur quand elle s'est rendu compte de ce que j'allais lui faire. J'ai savouré ce moment. Mais je voulais mettre fin au Ventura. Et tu es encore là, bien vivant, à me péter les couilles.
— Crève, enfoiré.
Hadès tire dans l'un des hommes qui maintenait Nayeli, s'écroulant au sol dans un lourd silence. Je n'ai pas eu le temps de l'arrêter et ça va le rendre encore plus furax.
Soudain, quatres nouveaux hommes arrivèrent. Ils seront supérieurs à nous, il n'y a pas de doute. Mais nous pouvons jouer sur la tactique en éliminant certaines personnes au fur et à mesure.
— Et donc, continue, l'incité-je.
— Il me faudrait ton cartel et ta vie. Je ne peux pas encore te savoir vivant, ça me frustre, tu comprends ?
— Non ! hurle Nayeli en se débattant.
— La ferme, balance un homme en la giflant.
Je m'avance d'un pas, avant de croiser son regard. Mon cœur s'assombrit. La seule personne qui a réussi à réellement m'aimer. La seule personne qui m'a fait découvrir l'amour. Je la mets en péril pour cette mission absurde.
La réponse me paraît évidente. Je n'ai pas le choix si je veux sauver mes proches. Je n'ai que ça à faire, et ça limiterait les dégâts.
— D'accord.
— Putain, Aedan ! crie Hadès en se faisant maintenir par un homme sortit de nulle part.
Je m'avance d'un pas, vers l'homme au sourire satisfait. Tous mes hommes, mes secrètes, ma copine, mes meilleurs amis se font tenir. Je n'ai plus d'autres choix.
— Mais je veux qu'une fois mort, tu les relâches. Je serais intolérant avec ça, sinon Hadès ne te léguera pas le cartel.
— Compte sur moi, ajoute-t-il.
Je perçois Hadès qui se débat comme un fou, Adriel qui essaie de mordre les bras de ses assaillants pour venir vers moi. La vue de mes Secrètes m'est indisponible.
Celle que je regarde à présent, est Nayeli. Plus je m'approche de lui, plus j'arrive vers elle. Ses beaux yeux gris baignés de larmes ne me quittent pas une seule seconde.
Elle ne se débat plus. Elle doit en avoir marre de se débattre. Le monde s'écroule avec moi à l'intérieur.
Je me mets à genoux devant lui. Il a gagné la bataille. Et je l'avais promis : je ferais toujours tout pour protéger mes proches.
— Ne faites pas ça ! hurle Nayeli.
Son cri me désole toujours un peu plus. Il est rempli de tristesse, de désespoir, de haine envers lui, envers moi. Je ne sais pas si elle arrivera à me le pardonner, mais je n'ai pas le choix. C'est ma façon de m'excuser pour l'avoir entraîné dans ce monde de brute.
— Alors c'est comme ça que cela va finir, fils de pute ?
Son ton condescendant m'interpelle, et Felipe redescend le glock qu'il avait pointé face à mon crâne. Il semble choqué de ce qu'elle a pu dire, ne bougeant pas d'un cil.
— Tu as obtenu ce que tu voulais, n'est-ce pas ? Le cartel de ton pire ennemi, la mort de cet homme. C'est ça ton accomplissement dans la vie ? Mais après ? Personne ne te connaît a contrario d'Aedan ! Personne ne te fera jamais confiance comme à lui, et il trouvera une occasion pour t'assassiner. Ton destin est funeste, vaurien.
Je n'aurais jamais cru qu'elle pouvait sortir ça. Surtout pas devant lui. Elle a un sacré caractère, je suis au courant, mais pour essayer de me sauver la mise comme ça, il en faut beaucoup.
J'admire cette femme plus que tout, et malgré les circonstances de notre rencontre, je suis heureux de savoir qu'elle partage ma vie à présent. J'espère qu'elle vivra heureuse quand le monde continuera à tourner.
Je respire un bon coup, et ne veut pas voir la suite. Je préfère me laisser une image positive de cette vie merdique.
Alors à tous ceux qui m'ont aimé, idolâtré, soutenu, je vous en remercie. Hadès, Adriel, Nayeli. Je vous aime, et je vous aimerais à jamais.
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