Chapitre 32
Aedan
Nayeli continue à me tirer vers Hadès, qui est en train de balayer. Putain, si j'avais mon portable sur moi, j'aurais pris une photo. C'est mythique.
Je resserre ma prise sur ses doigts, et je sens que cela ne la laisse pas indifférente. Après tout, vu ce qu'elle a osé dire devant Esther, il faut bien qu'elle assume à présent.
Elle m'aime. Elle a dit devant mon ex toxique qu'elle m'aimait. Et que jamais personne ne m'aimerait comme elle le fait. Ce n'est pas une putain de belle déclaration ?
Jamais personne ne m'avait déclaré ça. Esther prononçait rarement ces mots qui font vibrer mon cœur. Elle ne montrait aucune marque d'affection, et j'avais même l'impression qu'elle m'évitait à certains moments.
Alors que je ne lui demandais pas grand-chose. Parfois, j'avais besoin d'un réconfort, et un simple câlin ou un baiser pouvait suffire. Même une douce déclaration aurait pu me changer mes nuits.
Au lieu de ça, elle m'insultait, me rabaissait au quotidien. Elle me traitait de moins que rien, et elle pensait que je n'étais pas apte à gérer le cartel. Alors que je le fais depuis maintenant six ans.
Ces simples mots que Nayeli a pu prononcer, c'est ce que rêvé le Aedan d'il y a deux ans. Jamais je n'aurais cru entendre cela dans la bouche de quelqu'un d'autre.
Il faut dire que lorsqu'elle a sorti cette phrase, mon cerveau a grillé. J'ai bien cru que je n'allais plus pouvoir respirer à cause de mon cœur qui battait la chamade.
La savoir près de moi me rassure et quand elle ne l'est pas, je suis inquiet. Je dois constamment vérifier qu'elle va bien, qu'elle ne manque de rien, pour bien dormir.
Le fait d'être en contact physique avec elle, m'aide énormément au quotidien, et j'ai besoin de ça tout le temps. Je suis devenu accro.
Quand elle me regarde avec ses yeux d'une lueur grisâtre, je ne fais que la regarder, et me dire que cette personne s'intéresse peut-être, à moi.
Maintenant, j'en ai la certitude.
Cependant, une part de moi, celle qui refuse que je sois heureux et que je mérite d'avoir le bonheur, se dit que ce n'était que du bluff, pour éloigner Esther de moi, et pour qu'elle arrête de me harceler.
Et si c'était ça ? Et si ce que je ressens n'est pas réciproque ? Est-ce qu'elle fait juste ça pour m'éloigner des personnes toxiques ? Comment peut-elle m'aimer, alors que je ne suis qu'un être sournois et cruel ?
Nayeli me lâche la main, ce qui a le don de me réveiller de ma torpeur. J'analyse où nous sommes. Devant Hadès. Il a l'air plutôt inquiet au vu de ce qu'il s'est passé.
— Qu'est-ce qu'elle voulait encore, cette pétasse ?
— Elle lui chuchotait des mots doux, se marre Nayeli. Qui l'aurait cru.
— Elle disait quoi ? demande Hadès, d'un ton dur.
Il sait. Il sait tout ce que j'ai vécu avec cette vipère. Le fait qu'elle essaye, à nouveau, de rentrer dans ma vie, le fout sur les nerfs. Hadès ne veut pas me voir replonger dans ses problèmes.
— Qu'elle serait toujours là pour moi, qu'elle était la femme de ma vie, répondis-je, timidement.
Je baisse mon regard au sol, et mes pieds se triturent entre eux. Je suis mal à l'aise de dire cela devant Hadès. D'autant plus qu'il risque d'aller lui péter la gueule, ce qui ferait débat auprès de beaucoup d'hommes qui rêvent d'elle au lit.
— Nayeli, est-ce que tu peux nous laisser un peu, s'il te plaît ? Je souhaite discuter avec lui.
Nayeli ne répond même pas, s'excuse et part rapidement. Pourquoi est-ce qu'elle s'est excusée ? Bordel, pourquoi je remarque que maintenant son corps splendide ?
— Vire Esther.
Le ton froid d'Hadès me montre qu'il ne rigole pas du tout. Il ne supporte plus de la voir, et j'ai bien peur qu'il fasse un meurtre si elle continue de m'approcher.
— Tu sais bien que c'est impossible...
Ma voix meurt au fil de mes paroles. Je me sens mal. Pourquoi a-t-il fallu qu'elle rentre dans ma vie comme ça. Elle a tout foutu en l'air.
— Bordel Aedan, tu n'es pas le chef de ce cartel ? Pourquoi tu ne pourrais pas la virer ? Tu es encore dans le droit de licencier des hommes et d'en reprendre d'autres ! D'autant plus qu'actuellement, elle est payée. Alors qu'elle te fait du chantage, et que c'est une grosse salope.
— J'ai fait un règlement lorsque j'ai commencé à diriger le cartel, tu le sais très bien, vous étiez là avec Adriel. J'ai juré que je ne licencierai personne, sauf si quelqu'un fait une faute impardonnable. Donc, je dois avoir une excuse pour la virer.
— Et le fait qu'elle te bousille la vie, et qu'elle te rende malade, ce n'est pas suffisant ? Tu peux bien faire une putain d'exception, non ?
Ces syllabes me font réfléchir. C'est vrai que cela pourrait être une faute assez grave. Elle a corrompu le chef en le trompant et continue de lui ruiner le cerveau.
— Le problème, c'est que la plupart de mes hommes sont de son côté. Je ne peux pas la virer sans me mettre au moins mille hommes à dos.
— Qu'est-ce que t'en as à foutre de ça Aedan ?
— Les effectifs du cartel baisseraient. Perdre mille hommes, c'est bien trop énorme, et je ne peux pas faire cela.
— Tu peux toujours en embaucher d'autres. Beaucoup de petits délinquants rêvent de travailler pour le grand Aedan. Tu les remplaceras rapidement.
Je relève la tête, les poings serrés. Je sens ma colère monter, et Hadès l'a très bien perçu. Le fait que mes hommes seraient capables de quitter le cartel pour une simple nana me met hors de moi.
— Ils quitteraient ton cartel pour une fille. Cela veut dire qu'ils ne te sont pas fidèles, alors autant les remplacer, tu ne trouves pas ?
— Arrêtons d'en parler. Je m'en occuperai plus tard, dis-je, essayant de me calmer. Pour l'instant, il faut qu'on s'occupe de ce qu'il s'est passé ici. Je ne peux pas laisser cela se faire, sans faire une vengeance. Cet enfoiré a mis à mal Adriel, et je le maudis pour ça.
— C'est bien qui je pense ?
Hadès semble juste essayer de confirmer son hypothèse. Évidemment que c'est ce connard. Celui qui a ruiné toute ma vie. Il est de nouveau revenu. Il est encore là pour me gâcher la vie.
L'image de ma famille, de ma sœur, poignardée à l'entrée du placard, me fait trembler de tous mes membres. J'aimerais chasser ses images à jamais.
Hadès a parfaitement compris ce que mon cerveau pense et vient poser sa main réconfortante sur mon épaule. J'ai tellement peur.
— Il ne fera plus rien, Aedan.
— Et s'il s'en prend à toi ? À moi ? À Nayeli ? Il m'a l'air au courant de bien trop de choses.
Cette signature ignoble, qu'il avait laissé dans notre maison, au beau milieu du salon. Je le maudis.
Je ne pourrais pas vivre, tant que cet être est encore vivant.
— Il serait peut-être judicieux d'en parler deux mots à Nayeli.
Il me propose cette initiative qui me rebute. J'aurais voulu qu'elle ne soit jamais au courant, qu'elle soit en sécurité, et pas que je l'emporte dans mon monde malsain.
— Je sais. Tu aurais voulu la protéger. Qu'elle vive une vie de bonheur. Mais maintenant, tu n'as sûrement plus le choix. Elle a vu la signature, et elle s'inquiète beaucoup pour toi.
Suite à ces mots, je tourne mon regard pour apercevoir Nayeli, qui continue à balayer avec Victoria. Cette jeune femme si forte, qui s'apprête à basculer dans ma vie tortueuse.
Pourquoi il a fallu que je m'approche d'elle. Si je n'éprouvais rien pour elle, elle n'aurait pas été avec moi lors de la découverte de cette putain de signature. Et elle aurait été hors de danger.
Je reviens vers Hadès, qui m'adresse un regard d'encouragement. C'est le moment. Celui que je redoutais le plus au monde. Il va falloir lui raconter.
Je soupire, me passe la main dans mes cheveux en poussant un juron. Quelle vie de merde. Je ne méritais pas ça.
Je marche, à pas faible, vers Nayeli. Elle me voit arrivé, commence à sourire, mais ses magnifiques lèvres ne s'étirent plus quand elle voit ma mine déconfite.
Putain, je donnerais tout pour qu'elle recommence à sourire.
Sans dire un mot, je lui fais lâcher son balai, que Victoria rattrape, et l'emmène dans ma chambre. Je dois lui parler, mais pas avec ces oreilles indiscrètes autour.
Nous passons devant Esther, qui charme quelques hommes. Elle s'arrête instantanément en voyant nos mains entrelacées.
Je sens la poigne de Nayeli plus forte, certainement pour la faire réagir. Et ça marche. Elle est verte de jalousie.
Je ne prête pas plus d'attention à cette créature odieuse et continue mon chemin vers ma chambre, qu'elle connait déjà de fond en comble.
Arrivant devant celle-ci, je sens le cœur de Nayeli battre à tout rompre. Bordel, arrête. Je risque de faire demi-tour. Je ne veux pas que tu apprennes ça.
Je sais que c'est quelqu'un en qui je dois avoir confiance. Elle ne dira rien, et sera là pour moi lors des moments durs. Mais une part de moi aurait préféré que je ne la rencontre jamais.
En rentrant dans ma chambre, je l'installe sur le lit, et je lui demande de ne pas bouger. Elle tente de me faire un sourire réconfortant, qui a le don de me faire du baume au cœur.
J'enlève le collier qui appartient à ma sœur, que je porte quotidiennement autour du cou, pars chercher quelques cadres photos afin d'appuyer mon histoire, qui risque de ne pas lui plaire.
Elle ne comprend pas ce que je fais. C'est totalement normal. Je suis en train de l'entourer de cadres photos de ma soeur, de ma famille, de nous. Ce nous, qui ne reviendra jamais.
— Qu'est-ce que tu fais Aedan ?
Sa voix est douce, et elle essaye de paraître bienveillante quant à ce que je fais. Je me déteste de lui faire vivre ça. Parce qu'une fois qu'elle saura tout, elle me détestera peut-être.
— Je vais tout t'expliquer, soupiré-je.
Elle se décale, pour me laisser un peu de place, en réajustant les cadres comme il faut. Elle en prend soin. Juste ça, me fait réfléchir sur cette femme si incroyable.
— Je vais t'expliquer d'où vient cette foutue signature dans mon bureau.
Ces petits yeux gris se posent sur moi, et j'ai envie de tout foutre en l'air. Je veux lui raconter. Je le sais. Mais va-t-elle ressortir indemne de cette histoire ?
— Si tu ne veux pas Aedan, tu n'es pas obligé. Je ferais en sorte d'oublier ce que j'ai vu, si c'est trop dur à porter pour toi.
Mais comment une femme peut-elle être aussi parfaite ? Sa proposition me touche beaucoup, mais je dois rester fixé sur mon but.
— J'ai besoin de te raconter.
Elle se rapproche de moi, et je lui mets le collier de ma sœur autour du cou, ce que je n'ai jamais fait auparavant, à part sur Hadès et Adriel.
Elle le regarde en détail. C'est un petit collier, en forme d'étoile métallique, qui contient une photo de nous à l'intérieur.
C'est complètement ringard. C'est pour ça que j'essaye de toujours le cacher. Parce que je serais mal vu avec ça. Mais est-ce que je peux en vouloir à ma sœur d'avoir aimé ces choses ? Elle n'avait que onze ans.
— Ce collier appartenait à ma petite sœur, Selena, commencé-je. C'était une petite fille pleine de rêves, pleine de vie. Elle voulait devenir chanteuse. Elle avait même une très belle voix.
À mesure que j'avance, je vois la mine de Nayeli faiblir. Est-ce que ce que je lui raconte la touche ?
— Ça, c'est mon grand frère, Félix, désigné-je sur les photos. Il avait seize ans.
— Il avait, murmure-t-elle en caressant la photo.
— Je rentrais de l'école, un jour lambda. J'étais content, j'avais obtenu une bonne note à un contrôle sur lequel Félix m'avait aidé. J'avais hâte de lui dire.
Nayeli se retourne vers moi, et je sens les larmes qui coulent sur mes joues. Me rappeler ce genre d'événements me rend d'autant plus lourd.
Elle le sent, pose sa main sur la mienne, et attend juste que je sois prêt à continuer mon histoire.
— Je suis rentré, la porte était déjà ouverte. J'avais quatorze ans à l'époque. J'appelais mon frère, il ne me répondait pas. J'appelais mes parents, ils ne me répondaient pas. J'appelais ma petite sœur, elle ne répondait pas.
Ma tête se pose sur un cadre photo. Cette photo datait de la même année que cette histoire horrifique. Félix venait d'obtenir son diplôme. Quel surdoué.
— Je me suis aventuré dans le salon, où j'ai trouvé mes parents, gisant dans une mare de sang. Ma mère avait encore les yeux grands ouverts, et le cou tranché. Une énorme marque figurait sur les rideaux de cette pièce. Un grand F, avec une flèche qui le transperce.
Je marque une pause, pour laisser le temps à Nayeli d'analyser ce que je raconte. Ça me permet à moi, de calmer les battements de mon cœur qui commence à bien trop s'emballer à mon goût.
— J'ai hurlé. Hurlé à la mort. J'ai couru vers eux, pour voir s'ils étaient encore vivants. Évidemment, je n'avais plus d'espoir. Mais à quatorze ans, on ne s'attend pas à vivre ce genre de choses.
— Bien sûr, dit-elle faiblement.
— Je suis alors monté à l'étage, espérant trouver mon frère et ma soeur sains et saufs. Je savais qu'ils étaient à la maison, ils me l'avaient dit le matin même. J'ai ouvert la chambre de mon frère, il n'y avait rien. Mais j'ai ouvert la chambre de ma soeur, et je les ai vus. Gisant par terre. Selena était près du placard, avec un trou béant dans le ventre, et des marques de partout. Celui qui les avait tués l'a torturé.
J'entends Nayeli hoqueter, tellement cela la choque. Elle se concentre sur une photo de nous cinq, et mes larmes redoublent de force.
— Mon frère se tenait à quelques centimètres d'elle. Il a tenté de l'a protégé. Il s'est pris un objet lourd sur la tête.
J'ai balancé ses mots si rapidement, que je ne suis pas sûr qu'elle ait bien compris. Peu importe. Je n'arrive pas à en parler plus. Il n'y a rien d'autre à dire.
Nayeli n'ajoute plus rien, laissant son regard vaguer entre les photos et le collier qu'elle porte toujours autour du cou.
Nous restons quelque temps dans le silence le plus total. Il n'est pas dérangeant. Je sais qu'elle a besoin de temps pour assimiler toutes ces informations.
Je soupire, me levant pour aller chercher un mouchoir, afin de nettoyer tout ça. Je suis faible. Car je pleure encore quand je repense à eux.
Mon père dirigeait ce cartel depuis une dizaine d'années, mais il n'était pas autant réputé que maintenant. Un ennemi a dû s'en prendre à lui.
Au début, je ne savais pas du tout qui va pouvait être, et peu m'importait. Quand j'ai décidé de rentrer dans ce cartel à quinze ans, j'ai vite compris que les ennemis n'étaient autres que les Mexicains.
Hadès était déjà là. Il m'a soutenu dans cette épreuve insurmontable. Adriel l'a fait également, mais nous avions alors dix-sept ans.
À mes dix-huit ans, j'ai repris la main. Les anciens hommes ont jugé bon de me laisser le cartel, comme j'étais la descendance de leur chef vénéré. Quelle connerie.
Évidemment, Hadès m'a suivi. Il l'a toujours fait. J'avais beau l'en dissuader, rien n'y faisait. C'était une véritable tête de mule. Il l'est encore plus aujourd'hui.
Je reviens m'asseoir près de Nayeli, qui me regarde intensément. Elle s'approche de moi, pour me remettre le collier de ma sœur, avant de venir poser sa tête sur mon épaule.
Felipe, tu es un homme mort.
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