PARTIE IV - l'amour
Hearts — Jessie Ware
Put on a brave face
Act like an earthquake didn't come right in and tear it up
And everything we've built inside this beautiful and safe space
Here in this room where you should be
I'm losing sight of you
A stranger simply passing through again, again, again
Hearts aren't supposed to hurt like that
They're not supposed to break so fast
They said that time's a healer
How long is this burn supposed to last?
LUCIEN
Ma petite-fille a beau être une adulte, elle reste ma crapule. Une crapule qui a bien grandi. Une crapule qui a tout ce dont elle rêvait quand elle était encore gamine. Malgré sa vie amoureuse quelque peu atypique, je sais qu'elle est fière de sa vie. Elle a réussi à devenir médecin. Et elle est plutôt douée. Elle a de l'or au bout des doigts. Ses supérieurs n'en disent que du bien et beaucoup auraient aimé l'avoir dans leurs services. Mais elle a choisi la chirurgie cardiaque et elle s'en sort parfaitement. Elle a choisi la bonne voie et ça me rend heureux de savoir qu'elle est si épanouie dans son travail. Certains de mes collègues disent qu'elle tient cela de moi. Pourtant, je pense qu'elle ne le doit qu'à elle-même.
Sauf que ce midi, elle ne va pas bien. Nous prenons l'air dehors, en mangeant tranquillement. D'habitude, nous parlons de tout et de rien. Nous parlons de nos patients, de ses opérations et des miennes. Avant, je lui donnais des conseils. Maintenant, elle sait parfaitement gérer. Parfois, nous parlons des nouvelles études en recherche. Je lui raconte des anecdotes sur Alice et sur son père, quand il était petit. Et elle me raconte les aventures de ses amis dont je ne connais que le nom pour certains.
Mais pas aujourd'hui. Elle reste silencieuse. Et surtout, elle est triste. Ses yeux rouges m'indiquent qu'elle a dû craquer ce matin. Une crise de larmes imprévue qui l'a marquée. Elle a peut-être croisé Milo dans les couloirs. Ils ont beau ne pas travailler au même étage, ils empruntent parfois les mêmes couloirs ou les mêmes ascenseurs. Ils ne peuvent pas toujours s'éviter. Souvent, je me dis qu'heureusement ils ne sont pas dans le même service. Ma petite fille est forte, mais je ne sais pas si elle aurait supporté. Aurait-elle réussi à faire face ? Aurait-elle réussi à collaborer avec Milo, comme si de rien n'était ?
— Il me manque Papi...
Les larmes refont leur apparition dans les yeux de Prudence. Et je ne sais pas quoi dire. Je sais qu'aucun de mes mots ne pourra la consoler. Rien ne soulagera sa peine. Rien ne lui fera oublier son amour pour Milo, son histoire avec lui et cette douloureuse rupture. Milo l'a quittée. Il ne veut plus rien avoir à faire avec elle. Et Prudence, elle conserve sa bague de fiançailles dans sa boîte à bijoux. Elle essaie de faire face et montre rarement ses faiblesses. Ses parents croient qu'elle arrive doucement à se remettre. Avec eux, elle est toujours souriante. Dans quelques semaines, ils penseront qu'elle a réellement tourné la page. Et ma crapule ne fera rien pour les ramener à la réalité. Mais je n'ose pas lui dire qu'elle est aveugle par moments. Toutes les semaines, mon fils m'appelle pour me demander comment va réellement sa fille. Est-ce que ça se passe bien à l'hôpital ? Son service lui plaît-il toujours autant ? A-t-elle croisé Milo dans l'ascenseur ? Pendant des années, mes conversations avec ma petite fille sont restées secrètes. Aujourd'hui, je suis honnête avec mon fils parce qu'il s'inquiète et que je suis son père. Je dois la rassurer. Evidemment, je garde certaines choses pour moi parce que mon fils répète tout à son épouse et que Prudence n'a pas besoin d'avoir sa mère sur son dos, encore plus.
J'entends ma petite fille renifler et je ne sais toujours pas quoi dire. Ses cheveux la cachent de nos collègues qui profitent du beau temps pour déjeuner dehors, comme nous. Certains nous lancent des regards curieux, mais aucun ne s'attarde. Prudence relève la tête en essuyant ses joues. Pourtant, ses yeux brillent toujours autant.
— Il me manque tellement que ça fait mal...
Je pose ma fourchette et attrape sa main. Je serre ses doigts dans un maigre réconfort. Je déteste la voir si triste, mais je ne peux rien y faire. Elle va devoir s'en remettre toute seule. Je sais qu'elle y arrivera, même si ça prendra du temps.
YANIS
Prudence a changé depuis qu'elle n'est plus avec Milo. Elle enfile ses vêtements en silence. D'habitude, elle me taquinerait et me lancerait son regard aguicheur qui me donnerait envie de la renverser une nouvelle fois sur le lit. Mais pas aujourd'hui. Ce n'est pas la première fois que ça lui arrive et j'ai rapidement compris que c'était à cause de son ex. Elle n'arrive pas à l'oublier. Je ne pensais pas que Prudence était autant attachée à leur relation. Elle s'assoit sur le lit et je me redresse sur mes coudes. Son regard est indéchiffrable, mais il est certain que toute trace de désir a disparu. Elle se triture les doigts et je ne comprends pas. Je ne l'ai jamais vu faire ça.
— Je suis désolée, je suis pas très concentrée en ce moment.
Où est passé la Prudence que je connais, celle qui me séduit avec sa bouche sensuelle, celle qui a une confiance en elle hors du commun ?
— Je vois pas pourquoi t'es désolée.
Elle relève les yeux vers moi, mais ses doigts sont toujours agités. Je n'ai vraiment pas envie de la consoler ou ce genre de truc. Elle n'a pas des amis ou de la famille, comme son grand-père, à qui parler ? Je ne suis pas son confident !
— En ce moment, j'ai pas trop la tête à ça et je suis désolée si ça...
— Jm'en fous Prudence.
Une des choses que j'aime avec elle, c'est qu'on ne se prend pas la tête normalement. Elle ne pouvait pas faire comme d'habitude, se rhabiller en me lançant ses jolis sourires puis s'en aller. Franchement, j'en ai rien à faire de ses problèmes.
— Je m'en moque de tes soucis. Ta vie n'est pas super en ce moment, et alors ? Je n'ai pas besoin de le savoir. Je croyais que tu me connaissais un minimum. Si je m'ennuyais avec toi, je te l'aurais déjà dit. Je suis pas du genre à prendre des pincettes avec les femmes et même avec les gens en général.
Elle reste silencieuse et détourne la tête. Elle attrape son pull qui traine par terre et l'enfile en se relevant.
— Parfois, t'es vraiment...
Elle s'interrompt pour m'observer.
— Blessant.
Je soupire et me rallonge sur le dos. Cette soirée avait si bien commencé.
— Je suis pas blessant, Prudence. Je suis aussi franc que toi, je te signale. Et puis, c'est juste la vérité. Je suis un mec avec qui tu couches, je suis pas un ami ou un confident. Trouve-toi quelqu'un d'autre pour parler.
Elle se détourne en cherchant ses chaussures.
— Pourquoi t'es comme ça ?
Je me redresse, ne comprenant pas la question. Que veut-elle dire par là ? Elle devrait arrêter de parler en message codé.
— Je ne comprends pas.
C'est à son tour de soupirer et je sens que cette foutue discussion va me donner mal à la tête. Ne peut-elle pas me laisser tranquille ? J'adore vraiment Prudence d'habitude, mais là, elle commence sérieusement à me faire chier.
— Pourquoi t'es si dur ?
— Parce que je suis comme ça. Je suis honnête et si t'as un problème, tu sais où est la sortie. Je t'oblige à rien. Si t'as pas envie, t'as pas envie. Mais viens pas me soûler parce que pour une fois dans ta vie, quelqu'un ne te plaint pas.
LUCIEN
Ma crapule est assise dans le salon, fixant ses parents dans la cuisine. Même en préparant à manger, ces deux-là ne peuvent pas s'empêcher de se chamailler, de se sourire et de s'embrasser. Mon fils et ma belle-fille sont toujours aussi heureux et ça me fait chaud au cœur de les savoir si complices, si soudés, même après toutes ses années. Ma petite fille m'inquiète un peu plus. Elle ne s'est toujours pas remis de sa rupture. Elle essaie de le cacher à tout le monde, mais je la connais. Prudence a toujours eu du mal à surmonter les ruptures. Elle culpabilise. Milo lui manque et même si elle ne le dit pas, elle l'aime toujours.
— Papi, tu trouves que je me plains trop souvent ?
— Écoute Prudence, ce n'est pas grave d'aller mal. Et tu as le droit de le dire. Tu sais, je trouve cela stupide de faire comme si tout aller bien. Il ne faut pas se mentir crapule. Quand ça va mal, ça va mal et tant pis. C'est comme ça et ça ira mieux plus tard.
Elle détourne les yeux. Quand va-t-elle commencer à remonter la pente ? Cette rupture semble la marquer profondément plus que toutes les autres. Mais Milo, il était spécial. Il acceptait ses tromperies, même s'il ne savait pas tout. Il l'a demandé en mariage et même si ma petite-fille n'avait jamais émis le souhait de se marier, je sais qu'elle en était ravie. Et Milo était un passionné comme elle. Ils avaient le même amour pour la médecine. Prudence vouerait sa vie à son métier si elle le pouvait. Et je réalise soudainement que c'est ce qu'elle est en train de faire. Elle travaille trop à mes yeux. Pourtant, je ne dis rien. Parce que chacun à sa façon de gérer la douleur.
— Tu sais, quand ta grand-mère est décédée, ça a été très compliqué. Et encore aujourd'hui, parfois, quand je pense à elle, c'est dur.
Alice me manque tous les jours et les années n'ont jamais atténué cela. Oui, c'est plus facile de vivre sans elle maintenant. Oui, aujourd'hui, quand je pense à elle, je me souviens surtout des moments de joie et de bonheur.
— Tu crois qu'elle m'aurait aimé mamie ?
Je souris. Elle t'aurait adoré. Elle aurait chéri notre petite fille. Alice l'aurait couvée, couverte de cadeaux et lui aurait donné le monde si ma crapule lui avait demandé. Physiquement, Prudence ressemble à son père et donc à moi. Elle a un caractère bien à elle, un mélange entre Octave et Eugénie. Je lui ai légué mon amour de la médecine. Pourtant, je retrouve parfois mon épouse en elle. Alice avait ce côté un peu trop franche et surtout, elle était trsè indépendante. Elle détestait qu'on la force à parler ou à faire quelque chose. Ma petite fille est bien comme elle.
— Elle t'aurait adoré. Et elle serait autant fière de toi, que moi je le suis. Je serai toujours fière de toi Prudence, même que je ne serai plus là.
PRUDENCE
— Bonjour, je peux m'asseoir ?
Prudence relève la tête et tombe sur un regard magnifique regard bleuté. Elle détaille le visage de la jeune femme. Prudence la trouve belle, elle est tout à fait à son goût. Elle sourit et acquiesce doucement. L'inconnue lui lance un sourire éblouissant et Prudence sait que la jeune femme va éblouir sa journée, ou sa soirée. Le sourire de Prudence se fait plus triste. Parce que malgré tout le désir qu'elle pourra ressentir pour la jeune femme, ça n'ira jamais plus loin. Parce que Prudence est comme ça. Les femmes, elle les veut dans son lit, pour une nuit ou plus, mais jamais elle ne les veut dans sa vie. Pourtant, elle ne peut s'empêcher de répondre à la jeune inconnue quand elle lui demande son nom. Car Prudence, malgré tous les échecs amoureux qu'elle a vécus, elle suit toujours les conseils de son grand-père. On a qu'une vie et il faut en profiter.
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