Huit heures plus tard, une Renault Mégane stoppait devant la barrière donnant accès à l'École des troupes aéroportées de Pau. Un première classe béret rouge, treillis impeccablement repassé contourna le véhicule pour saluer à la fenêtre conducteur. Les traits du jeune soldat affichèrent de l'inquiétude, de la gêne en découvrant un gendarme au volant.

— Mes respects adjudant, êtes-vous attendu ?

— Je souhaiterais m'entretenir avec le Colonel Chabot !

Le jeune parachutiste détourna le regard embarrassé pour répondre sans réelle conviction.

— Le colonel ne reçoit que sur rendez-vous préalablement accepté par le commandant Talbot.

Le gendarme d'une quarantaine d'années aux cheveux roux à la coupe réglementaire l'empoigna fermement en haussant le ton.

— Ton manque de respect m'horripile, on regarde toujours son interlocuteur. Et, je ne demande pas rendez-vous, je l'impose. Prévôt Laforge, responsable de l'enquête OPJ et Enseigne de vaisseau de première classe Marine Tukker auxiliaire adjointe !

— Excusez-moi, adjudant, je n'ai pas été mis dans la confidence d...

Le rouquin lui passa devant le visage les documents judiciaires signés du magistrat Renklif.

— Tu n'as pas à réfléchir, mais à lever la barrière.

Le soldat fit immédiatement demi-tour pour résumer la situation à son collègue qui pencha le visage pour observer les arrivants. Le caporal-chef positionna convenablement son béret, puis sortit tout en plissant les narines de lassitude.

— Mes respects, Prévôt Laforge, nous ne vous attendions pas aussi tôt !

— Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt.

Le soldat portant la responsabilité du poste de sécurité se pencha pour saluer la passagère.

— Bonjour lieutenant Tukker !

— Bonjour, caporal-chef Basic.

— Suivez-moi, je vous ouvre la route, annonça le chef sécurité de permanence en se dirigeant vers sa jeep.

Basic démarra pour prendre la direction des quartiers officiers. Les visiteurs le suivirent. Basic n'avait pas apprécié sa permanence de sécurité la journée de visite du policier judiciaire. Un prévôt n'était jamais de bon augure !

L'officier de police judiciaire était chargé d'enquêter sur les délits et les crimes, et de rassembler les preuves permettant de mener leurs auteurs au tribunal, le tout sous la supervision des juges.

La police judiciaire était dirigée, pendant la phase d'enquête, par le procureur de la République, et, au cours de l'instruction, par le juge d'instruction. Ces magistrats avaient les compétences pour autoriser, contrôler ou prescrire certaines mesures abusives aux libertés. Ils pouvaient autoriser certains actes d'enquête particulièrement graves, comme les écoutes téléphoniques ou les perquisitions de nuit.

— N'entretenez aucune familiarité avec vos anciennes connaissances, nous partageons le statut de Prévôt.

— Bien, Prévôt Laforge.

Marine avait beaucoup d'estime pour l'adjudant Laforge dont le mérite était connu de tous. Seul son tempérament d'une froideur mortelle la dérangeait. Il partageait de faux airs avec Ron de Harry Potter, mais ce n'était qu'illusion, il maintenait toujours la situation d'une main de fer. Le Prévôt Laforge prenait très au sérieux sa charge d'enquêteur. De son avis, tout le monde portait un secret ! Personne n'était innocent !

Elle n'aurait jamais cru pouvoir rejoindre l'OPJ enquêtant sur Charle Duclos. Le simple sous-officier de la gendarmerie Julien Laforge avait fait abstraction du courrier de l'amiral Tukker, lui ordonnant de refuser d'accepter sa fille comme prévôt !

— Pourquoi m'avez-vous accepté à vos côtés, adjudant ?

— Quelles différences départageaient les deux soldats de l'entrée ?

Elle dévisagea son interlocuteur avant de répondre, il était assez coutumier au prévôt de répondre par une question ! Habile manœuvre afin de déstabiliser dans une discussion !

Elle supposa que c'était leurs grades, mais ce serait trop facile.

— Le caporal-chef n'a pu camoufler son amertume à votre encontre.

— Bien vu, lieutenante, mais le première classe a parfaitement réagi en allant rendre compte à son supérieur hiérarchique. Même déstabilisé, il ne nous a pas autorisés à pénétrer. Il a eu le courage de se remettre en question. Quant au caporal-chef... Pour qui a-t-il remis son béret à votre avis ?

— Pour vous !

Il secoua le visage pour orienter son attention sur la jeune femme à la chevelure brune soigneusement coiffée sous la casquette.

— Il ne vous perçoit en vous que votre silhouette féminine ! Vous pourrez profiter allégrement de cette faiblesse typiquement machiste. J'apprécie que vous respectiez votre tenue en gardant votre casquette même en ma compagnie.

La dame hocha positivement le visage en découvrant un léger plissement dans le coin des lèvres de son supérieur hiérarchique.

— Qu'ait je fait, adjudant ?

— Rien, lieutenante, j'imaginais la colère de l'amiral en vous sachant à mes côtés.

— Est-ce seulement la raison de ma présence ?

— Oh que non, lieutenante, tels Ron et Hermione, nous partons à la recherche de Voldemore !

Elle esquissa un rapide sourire, puis détourna le regard de honte. Le Prévôt Laforge n'était pas figé comme le marbre, il connaissait l'humour, apparemment ! Où était-ce seulement afin de retourner la moquerie de sa ressemblance avec l'acteur de Ron ?

— Le Colonel Chabot possède la collection complète de romans, films traitant de Harry Potter. Ne vous a-t-on jamais confié que vous partagiez une légère ressemblance avec l'actrice Emma Watson qui n'est qu'une pâle copie de vous, prévôt Tukker ?

La lieutenante ne put s'empêcher de le fixer avec embarras. Tant de questions la tenaillaient, mais elle n'obtiendrait pas réponse.

— Nous arrivons.

Les deux véhicules se garèrent sur le parking donnant sur le quartier général de l'Etap.