Chapitre 7 Solitaire ( suite)
Le caporal scrutait minutieusement la pénombre tout en traversant l'ancienne route caillouteuse non entretenue. Il aperçut la silhouette du bâtiment abandonné ayant servi de logement aux officiers lors du service militaire obligatoire.
Le coût d'intégration de centaines de milliers d'hommes chaque année dans une myriade de casernes avait été exorbitant. Les trois quarts des Français issus des classes sociales les plus défavorisées se retrouvaient dans l'armée de terre, pour d'ennuyeuses manœuvres, voire de l'intendance. Les plus riches et ceux disposant d'un réseau décrochaient les beaux postes dans les ministères, à l'étranger ou en outre-mer.
Chirac avait promis de créer une armée professionnelle de trois cent cinquante mille hommes, capables de projeter jusqu'à soixante mille d'entre eux à l'étranger.
Fausse promesse, car l'armée française ne comprenait que deux cent cinquante mille soldats.
En juin deux mille dix-huit, le Premier ministre annonçait la mise en place d'un service national universel d'une durée d'un mois pour tous les jeunes de seize ans.
Le SNU proposait « un moment de cohésion visant à recréer un socle républicain et transmettre le goût de l'engagement », à « impliquer la jeunesse française dans la vie de la Nation » et à « promouvoir la notion d'engagement et favoriser un sentiment d'unité nationale autour de valeurs communes ».
Coût budgétaire du dispositif fixait à 5 milliards d'euros pour huit cent mille jeunes.
Non-conformité de ce dispositif avec l'article 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits des libertés fondamentales, qui prohibait l'esclavage et le travail forcé. La seule option possible aurait été de retenir la nature militaire du service national, expressément prévue comme exception au principe d'interdiction du travail forcé.
Charles ne parvenait toujours pas à comprendre la raison d'une telle déchéance dans la protection de la France ! L'exemple le plus frappant, de son avis, était la Légion étrangère, fleuron de l'armée française. C'était une unité combattante intervenant partout dans le monde, mais avec seulement neuf mille soldats, que voulez-vous faire ?
Les G.I américains étaient des enfants de chœur à côté !
Le caporal traversa la route pour se camoufler dans la végétation envahissant le mur du bâtiment à deux étages.
L'intrusion nocturne dont il avait été témoin confirmait bien le manque de personnel, le manque de cohésion de certains soldats. La sécurité avait été bafouée, personne ne pouvait pénétrer dans l'enceinte militaire sans déclencher l'alarme ! Qui possédait les moyens d'acheter les témoins, de rentrer incognito ? Branche terroriste, espion...
Charles piétina des gravas, des branches avant d'atteindre une fenêtre à barreaux. Il ressentait sous les doigts la vétusté du mur, des barres, mais les carreaux démontraient un changement récent. Il continua à marcher dans les feuillages pour bientôt atteindre une porte verrouillée. Le caporal tapota les contours pour découvrir un digicode camouflé sous un clapet.
Le bâtiment était toujours en activité !
Le caporal longeait le mur granuleux lorsqu'il perdit l'équilibre pour se retrouver deux mètres plus bas. Il marcha à quatre pattes pour découvrir une porte inclinée à quarante-cinq degrés ouverts. Charles perdit à nouveau l'équilibre pour rouler dans un escalier.
Il perdit connaissance en heurtant le sol du crâne.
Lorsqu'il ouvrit les yeux, il voulut vérifier l'heure sur sa montre, mais elle avait été mise hors service lors de l'impulsion électromagnétique. Charles se frotta le cuir chevelu du bout des doigts pour gémir de douleur en touchant une profonde plaie. Il s'essuya les doigts sur la veste de treillis pour ensuite se relever. La pénombre confirmait encore la nuit.
Il tâtonnait dans l'obscurité lorsqu'il aperçut une légère clarté au loin. Le caporal accéléra le pas pour bientôt trébucher sur une porte métallique étendue au sol. Elle avait été démise de ses gonds.
Il traversa le passage pour se figer de surprise en découvrant plusieurs pièces alignées avec quelques néons de signalisation allumés. Les câbles pendant du plafond reliaient tout l'outillage nécessaire aux jeux en réalité virtuelle. Les casques VR reposaient sur des crânes factices, les écouteurs sur une étagère.
À qui appartenaient-ils ?
Quelle était la raison de leurs présences en terrain militaire ?
Avaient-ils un but tactique de combat ?
Charles détourna son attention en ressentant une odeur de brûlé. La faible luminosité ne permettait de distinguer qu'une petite partie de la pièce d'environ trois cents mètres carrés. Son pied heurta quelque chose. Il se pencha pour découvrir plusieurs cadavres carbonisés jonchant le sol. Le bruit d'un piétinement dans son dos le fit se retourner, il s'écroula comme un pantin désarticulé !
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