Dix-neuf heures quinze, Leroy Splax traversait précipitamment le parking pour rejoindre sa voiture. Le professeur avait peiné à se faufiler au milieu des étudiants. Une grande majorité filait tout comme lui vers la sortie, mais un plus grand nombre comprenant les internes préparait leur sortie nocturne. Ils étaient adultes, rien ne leur interdisait de faire la fête !

Leroy entamait la garde partagée de ses jumelles à vingt heures le soir même. Il chérissait ses deux anges, Laureline et Laura. Le père regrettait leur ressemblance plus orientée vers la mère ! Elle ne partageait que ses yeux vairons qu'il avait camouflés avec des lentilles de contact.

Son ex-femme profiterait immanquablement de son retard. Leur mariage ne s'était pas terminé dans de bonnes conditions ! Il avait été infidèle avec sa belle-sœur. La douleur avait été bien plus profonde pour son ancienne épouse.

Il ouvrait la portière en entendant du remue-ménage sur le trottoir côté route. Aline, son étudiante gothique, était malmenée par deux jeunes hommes. L'un était chauve, l'autre rouquin avec coupe au bol grotesque. Le professeur se faufila entre les véhicules du parking.

— Oh, hurla-t-il en fixant les agresseurs ?

Aline s'extirpa de la poigne du crâne rasé pour se blottir contre la portière d'une berline cabossée sur le capot.

— Vous n'êtes pas étudiants à Bordeaux-III, me semble-t-il ?

— Dégage le vieux, s'exclama le Maghrébin avec chevelure en brosse ronde.

Leroy s'intercala entre l'étudiante et l'agresseur pour le regarder avec amertume.

— Vous êtes dans une enceinte publique, certes, mais je vous conseille de quitter le parking.

— Sinon, quoi, se moqua le crâne rasé ?

Le professeur pointa une caméra de surveillance fixée au sommet d'un poteau.

— L'agent de permanence doit patienter le temps de déroulement de vos actions avant d'alerter la police. À moins, que cela ne soit déjà fait ?

Les deux larbins se dévisagèrent quelques secondes avant de choisir la fuite, plus salutaire.

— Merci, professeur Splax, s'exclama la gothique en maintenant sa jupe déchirée.

— Attendez, annonça l'enseignant en découvrant la cuisse apparente d'Aline.

Il contourna son véhicule pour se diriger vers son coffre pour l'ouvrir.

— Laura est plus jeune que vous, mais vous semblez avoir la même taille, proposa-t-il en lui tendant une jupe au tartan d'un clan écossais.

L'étudiante observa longuement le quadrillage jaune et noir dont la texture certifiait la qualité haut de gamme.

— Il doit être onéreux ?

—Made in Scotland. Vous me le ramènerez à mon prochain cours, mademoiselle Aline.

— Je peux utiliser votre voiture pour me changer ?

— Faites donc, confirma-t-il en ouvrant la portière arrière. Je vous abandonne le temps d'un appel.

— Bien, professeur.

Aline retira sa jupe déchirée tout en observant son enseignant partant à l'écart. L'étudiante ne l'avouerait jamais, mais elle n'était pas indifférente au charme de son professeur. Elle adorait sa coupe de cheveux très anglicane ressemblant à celle des James Bond. La petite fossette au menton, ses yeux verts pénétrants, l'excitaient plus que de raisonnables ! Il terminait sa conversation qu'elle quittait la voiture en portant la jupe prêtée !

— J'adore le contact du tissu, s'exclama-t-elle en défroissant la jupe.

Un agent de sécurité traversa le parking au pas de course.

— Professeur Splax, ça va ?

— Le danger a été écarté. Mademoiselle Aline va bien. N'est-ce pas, Aline ?

— Oui, professeur, grâce à vous.

— Mais non, c'est le système de sécurité de l'université qui nous a protégés.

Le jeune homme pressa son oreillette pour écouter un appel.

— Nathan au PC a assisté à l'accident du véhicule des deux agresseurs. Il a pris feu après avoir percuté une jeep qui a pris la fuite. Les pompiers n'arriveront pas à temps.

Leroy plissa les lèvres tout en empoignant délicatement l'épaule de l'étudiante.

— Les aléas de la vie, personne n'est à l'abri, murmura-t-il. Bon, je dois vous abandonner.

Splax embarqua dans son véhicule. Il fit marche arrière en saluant Aline, puis quitta le parking.