Un alignement de trophées militaires de dressage de chiens était aligné sur une étagère murale. Un regard flouté les observait en touchant la poussière les recouvrant. La plus ancienne n'était qu'une simple coupe avec une étiquette plastique ou était gravé « 4e place ». La suivante représentait la gravure d'un chien exécutant un bond, « 3e place du dressage canin régional 2016 ». La troisième était une statue en marbre avec un militaire agenouillé au côté de son chien, il était écrit en lettre jaune, récompense d'honneur des bataillons cynophiles de l'armée de terre d'Aquitaine 2017. Sur l'avant-dernière, un berger allemand au repos avait été gravé dans du verre, 3e place de la compétition cynophile européenne était écrite sur une feuille argentée. Plusieurs diplômes, récompenses concernant le dressage de chiens militaire étaient affichés à l'arrière sur le mur.

Un homme chancelant maintenait avec difficulté une photo de Naples où il se tenait en tenue cynophile au côté d'un italien en costume, chemise déboutonnée. Le chien malinois frottait son crâne sur la cuisse de l'homme plus âgé en posant les fesses sur les rangers de son maître. On apercevait sur la photo l'enflement sur la veste de l'arme de service du commissaire Espenza.

Le cadre s'échappa des doigts pour se briser sur le parquet.

L'homme trébucha en baissant les jambes, il heurta violemment un pied de la table.

Le trentenaire glissa sur le ventre pour approcher de la photo s'échappant du cadre en bois. Un soupir s'échappa. Il n'était pas encore parvenu à accepter le décès de son chien Titan remontant à six mois. Les recommandations adaptées lui revinrent en mémoire, prendre le temps du deuil, ne pas culpabiliser, prendre soin des autres, en parler... Certaines personnes n'avaient aucun attachement pour les animaux. Ce n'était pour eux qu'un passe-temps ! comme avait plaisanté le commandant Sting Ringer du CIPM du camp de Souges à Martignas-Sur-Jalles. La réponse inappropriée du maître de Titan avait été un coup de poing au menton, bilan, trois mois de cellule, douze semaines de travaux d'intérêt général.

Le lieutenant-colonel du peloton canin avait pris son partie pour raccourcir de moitié sa peine !

Le sergent se mit à quatre pattes pour souffler. Titan avait été tué lors de l'intrusion illégale de chasseurs civils ivres en terrain militaire. Roger était de permanence nocturne comme maître-chien lors de l'alarme intrusion au niveau du ruisseau de la Craste de Captieux, barrière six. Le poste de sécurité avait prévenu que le drone avait survolé deux hommes armés de fusils en tenue de camouflage. Les intrus sous l'effet de l'alcool avaient ouvert le feu sur le soldat et son chien. Titan avait succombé d'une balle à la gorge. Le sergent avait aussitôt riposté sans sommations, les deux inconnus s'étaient écroulés morts sur le coup !

Le prévôt Laforge avait confirmé l'intrusion illégale des deux civils, la mort accidentelle du chien, mais n'avait pas délibéré l'innocence du sergent. En l'absence de preuve, cela fut classé sans suite !

Le sergent regrettait-il son geste ?

Il le referait sans aucune hésitation ! Le sous-officier se dirigea vers le bar pour se servir un rhum arrangé banane flambée. Il but une petite gorgée, puis marcha lentement en direction du balcon. Le soldat frotta son crane chauve de la main. Il fit coulisser la baie vitrée, mais la fraicheur lui donna à réfléchir.Le chauve referma pour regagner le salon. La sonnerie d'un message sur son Ipad le détourna en direction de la table basse.

Le sergent se figea en regardant la vidéo qu'il venait de recevoir.