Chapitre 10 Compromis
Tous certifieraient l'état de service de l'adjudant Laforge comme exemplaire. On ne lui connaissait aucun défaut. Il ne fumait pas, ne buvait pas, mangeait sainement en évitant toute restauration rapide. La seule habitude tenace qu'on lui connaissait serait le rendu de mission par téléphone à son officier supérieur ! Il l'exécutait toujours en regagnant son véhicule. Ce n'était que succinct, non finalisé, un simple premier avis à chaud.
La lieutenante fut la première à regagner le véhicule. L'adjudant s'enfonça pensif dans le siège conducteur pour prendre son iPhone. Il s'apprêtait à presser le nom de son responsable hiérarchique, mais s'en abstint pour placer le portable dans son support. Le prévôt Laforge détourna le regard pour observer la porte d'entrée du bâtiment déserte. Tout paraissait normal. Trop normal, peut-être ?
— Charles n'était pas un traître, s'exclama Martine tout en serrant la ceinture entre les doigts.
— Cela ne fait pas l'ombre d'un doute, confirma-t-il en fixant son attention droit devant.
— Alors... commença-t-elle avant que son acolyte presse ses lèvres des doigts.
Le prévôt sortit un détecteur de sa poche de treillis pour le faire circuler au-dessus du tableau de bord. Le voyant resta vert tout le long de la recherche. Il analysa ensuite la boîte à gant, les portières, le fauteuil arrière.
— Quittons le périmètre, annonça-t-il en hochant négativement le visage.
Aucun micro n'avait été camouflé dans le véhicule. Il roula quelques kilomètres avant de prendre la parole.
— Recevoir en main propre un document signé d'un magistrat n'est pas la procédure. Le colonel nous a menti.
Elle le dévisagea longuement sans rien dire.
— Quoi, s'exclama-t-il ?
— Vous ne ressemblez nullement au personnage rigoureux que l'on m'avait décrit.
L'adjudant stoppa le véhicule sur le bas-côté. Il se pencha ensuite sur le fauteuil passager pour glisser ses doigts dans la chevelure de son auxiliaire. Le prévôt approcha pour murmurer à l'oreille de la lieutenante.
— Mon impartialité n'avait comme seul but que de couvrir notre fuite.
Il hésita à regagner sa place, l'émanation de parfum de Martine le troublait plus que de raisonnables. Il avait perdu l'habitude ! C'était un mélange de mangue et lavande. La lieutenante n'osait bouger, la proximité de son supérieur n'avait rien de désagréable. Le temps semblait figé. Chacun partageait des pensées autres que professionnelles. Le plus âgé recula subitement pour s'asseoir derrière le volant.
— Les soldats accompagnant le colonel ne portaient aucun des trois insignes de l'École des troupes aéroportées. Il portait l'aigle des commandos parachutistes déchiquetant un loup avec l'abréviation CED. Il n'existe pas, n'est archivé nulle part. Probablement des mercenaires.
— L'un d'eux portait en tatouage à la gorge les ancres croisées rouges des fusiliers marins. Un ancien de la marine.
Le prévôt Laforge observa un court instant son visage dans le rétroviseur intérieur, les traits tirés confirmaient la différence d'âge avec son auxiliaire. Il secoua la tête, il devait rester concentrer. L'adjudant accéléra pour reprendre la route.
— Votre lien de parenté avec l'amiral devrait nous assurer une certaine sécurité.
— Ah, voilà donc la raison de ma présence à vos côtés, hurla-t-elle furibonde.
— Ne...
Le sous-officier immobilisa son véhicule en bloquant d'une poigne solide sa passagère contre son siège ! La lieutenante l'empoigna en rougissant. Il suivit du regard une fine corde traversant une large superficie de la route pour disparaître dans la végétation. Martine comprit de suite un probable dispositif explosif. L'adjudant enclencha la marche arrière pour reculer quand le bruit d'un moteur résonna au loin. Un camion transportant une citerne roulait à grande vitesse dans leur direction.
Le prévôt Laforge commençait à quitter la route en marche arrière lorsque des détonations retentirent. L'éclatement des quatre pneus de leur véhicule les fit se déchausser pour rouler sur les jantes.
— Rendez compte au.... s'exclama l'adjudant à son équipière avant de perdre le contrôle.
Le camion venait de les percuter de plein fouet. Martine aperçut le volant s'enfonçant dans le torse de son supérieur. Les éclats du parebrise lui déchirèrent le visage. La forte odeur d'essence s'échappant de la citerne la fit vomir. Une explosion soudaine balaya le véhicule des prévôts pour l'encastrer sur lui-même. Des morceaux de métal, plastique en fusion s'éparpillèrent sur un large périmètre ! À une trentaine de mètres, le conducteur qui s'était éjecté du poids lourd marchait paisiblement sur la route. Il observa les flammes dansant jusqu'à six mètres de hauteur. Les deux véhicules encastrés confirmaient le décès des prévôts. Il fit demi-tour satisfait.
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