Chapitre 1 Italie, Naples, quartier de Sanita/Materdei.
Un scooter crachait de la fumée noire ainsi qu'une odeur nauséabonde. Le pneu arrière projeta des cailloux sur des poches poubelles remplies de déchets attendant le ramassage. Deux silhouettes scrutaient les alentours tout en longeant un mur arborant le tag d'un clan local. Le clair de lune éclairait leur chemin au milieu de détritus balayé par une rafale. L'homme le plus grand était habillé d'un pantalon en toile, tee-shirt moulant. Il leva les mains pour resserrer sa chevelure à queue de cheval. Un pistolet beretta à l'arrière du ceinturon tanguait au rythme de ses pas. Son acolyte ne possédait qu'une lame dans son fourreau. De plus petite taille, le second affichait une musculature exceptionnelle de lutteur. Ils s'étaient habitués à la puanteur des rues non nettoyées, de linges mouillés pendant entre les fenêtres. Chacun était habitué à l'empilage d'affiches déchirées sur les murs, les seringues éparpillées au sol.
Le second stoppa pour lire une affiche « Calcio Florentin, 14 juin - 24 juin ». Une certaine tristesse se dessina sur son visage. Il se pressa de rejoindre l'autre.
Les deux hommes obliquèrent sur la gauche pour se diriger vers une immense porte métallique où étaient affichées les heures d'ouverture de neuf heures trente à dix-sept.
L'homme à queue de cheval frappa à plusieurs reprises avec des espaces bien définis. On déverrouilla aussitôt l'entrée pour ouvrir le passage de quinze centimètres. Un miroir apparut dans l'entrebâillement pour vérifier leurs identités.
La porte coulissa pour les laisser entrer, puis se referma aussitôt dans leurs dos. Le napolitain à queue de cheval salua le gardien à l'entrée appartenant au clan Genaro. Un second en veste tailleur, jean, hocha du visage en pointant l'armature métallique construite à l'entrée de la grotte.
Les arrivants observèrent les hommes armés aux endroits stratégiques, la zone était sécurisée !
Un peu plus loin, un mastodonte au crâne rasé, barbe taillé en pointe leurs fit signe de le suivre à une table. Il pointa de l'index une boîte vide. Alphonso retira sa lame pour la déposer à l'intérieur, son compagnon fit de même avec son arme.
On tendit à chacun une lampe torche. Le trentenaire arborant un pendentif de deux pistolets croisé déverrouilla la porte donnant accès au cimetière.
La nuit surplombait le Cimetière de la Fontanelle à Naples qui avait très tôt servi de dépotoir à cadavres.
La grande épidémie de peste de mille six cent cinquante-six avait terrassé environ trois cent mille victimes, soit les deux tiers de la population de la ville !
L'épidémie de choléra de mille huit cent trente-sept avait provoqué un dépouillement des cimetières attenants aux églises pour transférer les ossements restants à Fontanelle.
Les tibias et les crânes furent alignés et des allées furent créées pour la circulation de touristes.
Le cimetière fut organisé en trois rangées, le chemin de gauche, « allée des curés » abritait les ossements provenant des églises de la ville. Celle du centre, « l'allée des pestiférés » contenait les restes des victimes des diverses épidémies. Celle de droite, « l'allée des âmes pauvres » comprenait les ossements des personnes trop pauvres pour s'offrir une meilleure sépulture.
Les deux visiteurs dans la pénombre allumèrent leur lampe pour prendre celle de gauche. De la peinture phosphorescente leur permettait de suivre le bon chemin. Le plus jeune détestait marcher dans l'obscurité seulement éclairée par une torche ! Il n'en ferait cependant aucune remarque. Il connaissait les risques. Il les avait acceptés. Personne ne l'avait forcé à rejoindre le clan de sang pur ! Alphonso avait franchi les rangs pour désormais afficher le tatouage d'une rose noir six épines entre l'index et le majeur de la main gauche. L'ancien champion de calcio florentin ne devrait commettre aucune erreur, les six clans napolitains ne toléraient aucune bavure dans leurs rangs !
Il n'était pas simple de franchir les rites de passage, mais encore plus difficiles lorsque l'on n'était pas napolitain d'origine. Il détourna le regard pour fixer Chiro devant lui. Le souvenir de leur rencontre à Florence jaillit avec ravissement.
« Une foule en délire quittait la Piazza Santa Croce, tous s'agglutinaient autour des joueurs bleus Azzurri vainqueurs à domicile. Alphonso faisait partie de l'équipe rouge Rossi adverse de Santa Maria Novella, il occupait le poste d'attaquant, corridori. Il marchait en boitant de la jambe gauche, pressait son flanc droit douloureux. Il ne s'en tirait pas trop mal, aucune perforation ni ossature brisé cette année !
— De l'aide, proposa un homme à queue de cheval élégamment vêtu tout en proposant une main charitable ?
Alphonso fut aussitôt gêné par sa transpiration, sa tenue de sport ensanglantée, déchirée.
— Je vais tacher votre veston.
— Il faut donner du travail au pressing.
Le joueur blessé trébucha, mais fut aussitôt rattrapé dans une poigne solide. Le florentin observa le badge de Pulcinella, personnage de la Commedia dell'arte trahissant sans l'ombre d'un doute la région du bel inconnu !
— Napolitain, demanda-t-il ?
— Rossi ?
Alphonsa acquiesça en rougissant.
— Heureusement que ce n'était pas un affrontement entre les Azzurri et Bianchi, annonça l'homme à queue de cheval !
Le napolitain faisait référence aux antagonismes, qui tournaient souvent en rixes entre les équipes au-delà des règles déjà beaucoup moins strictes que dans les autres sports collectifs. Tout comme lors du premier match du tournoi le onze juin deux mille six ou la bagarre avait été tellement violente que le jeu avait dû être interrompu. Il s'agissait d'un match entre les Bianchi, du quartier de Santo Spirito et les Azzurri, de Santa Croce. La gravité des faits résulta de l'annulation du tournoi.
— Vous semblez aimer Florence !
— Tout autant que ses joueurs de calcio florentin. »
Chiro l'avait convaincu de venir vivre à Naples. Cela remontait à trois ans !
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