Chapitre 5
Coucou mes petits addicts préférés!! <3
Pour me faire pardonner de mon absence assez longue, durant les quinze derniers jours, voici le chapitre 5 dans la foulée du 4!! Il s'y passe pas mal de choses, puisqu'on en apprend plus sur les sentiments tumultueux d'Alena, ainsi que sur les intentions de Josh. Et... Qui sait? Peut-être qu'Angel pourrait laisser entrevoir quelque chose, lui aussi. Un petit indice: la dernière phrase du chapitre est capitale, car elle introduit le passé du jeune homme. Je sais que la mise en bouche est assez longue, mais je ne peux pas tellement me précipiter dans l'avancée de l'intrigue de l'histoire, vous vous en doutez bien! ^^ Voici donc une partie qui plante un nouveau décor: la maison d'Angel. Retenez-la bien, car il s'y passera une bonne partie des événements les plus importants. Mais je ne vous en dévoile pas plus. Sachez simplement que, dans les chapitres suivants, les choses risquent de s'accélérer, et que de nouveaux personnages entreront en scène. ;P
Je vous embrasse très foooort!! <3 Et je vous souhaite une très bonne lecture! Zélie.
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La maison était aussi jolie à l'intérieur qu'à l'extérieur. Sur le chemin, Angel m'avait expliqué qu'il s'agissait d'une ancienne cabane de pêcheur, et je devais reconnaître que cet esprit était particulièrement bien respecté. Partout dans l'habitation, les murs étaient bardés d'anciennes planches de bois brut, probablement auparavant utilisées pour réaliser les coques des bateaux. Elles étaient recouvertes d'un enduit blanc, réparti sans uniformité et patiné par le temps.
La cuisine, par laquelle nous étions arrivés en empruntant la porte de service, était le seul endroit vraiment moderne du rez-de-chaussée, et profitait de tout le confort dont nous pouvons disposer aujourd'hui. Un bar, constitué d'une simple planche de bois beige, remplaçait une ancienne cloison qui avait été démontée, et s'ouvrait sur une salle à manger dotée de larges baies vitrées. Celles-ci donnaient sur la terrasse, où s'alignaient deux transats et une planche de surf prête à servir, puis sur la mer. Dans toutes les pièces, l'ambiance était familiale, aussi chaleureuse qu'intemporelle. On y devinait une vie foisonnante, à la fois riche en émotions et haute en couleurs, à travers les cadres-photo qui s'alignaient partout sur les meubles. Mon cœur se serra un peu lorsque je songeai à notre appartement toujours vide, et quelque peu impersonnel, que je trouvais trop grand pour trois personnes qui n'étaient jamais vraiment là. Nos souvenirs étaient restés dans les cartons, et prenaient la poussière, comme trop douloureux pour être exposés à la vue de tous. Et c'était un peu le cas. Aucun d'entre nous n'avait, depuis que nous étions arrivés ici, eu le courage d'affronter notre ancienne vie, celle où nous étions quatre et non pas trois. Même mon petit frère avait dédaigné son train électrique, celui que mon père, qui l'avait lui-même hérité de son père, lui avait offert pour ses sept ans. Ils avaient, tous les deux, passé un temps fou à le monter, et à lui inventer des décors en maquette. Ils en étaient même venus à s'enfermer des heures entières dans l'atelier de mon père, à construire, brique après brique, de petits villages miniatures. Puis, non sans une once de fierté, ils appelaient ma mère pour lui soumettre leur travail, et elle s'extasiait devant l'habileté de « ses hommes », comme elle les appelait affectueusement.
De justesse, je retins un profond soupir, qui aurait, une fois de plus, trahi ma tristesse. Je savais que je m'étais promis d'arrêter de penser à ce genre de chose, mais je devais avouer que ce n'était pas chose aisée. Je secouai la tête pour chasser ces pensées, et suivit Josh qui se dirigeait dans la pièce attenante à la salle-à-manger. Il s'agissait du salon, très cosy, bien que grand comme un mouchoir de poche. Celui-ci était principalement meublé d'un grand canapé de toile bleue, et de deux vieux fauteuils dépareillés au cuir usé. Noyés sous une pile de coussins et de plaids colorés, ils étaient réunis autour d'une table basse encombrée de bougies et de magazines. Les murs qui délimitaient la surface de la pièce étaient recouverts de cartes maritimes, d'anciennes bouées de sauvetage portant les noms éloquents de vieux navires de pêche, et d'aquarelles représentant des phares malmenés par une houle agressive. Une petite cheminée, seul élément fait de pierres dans la maison, trônait dans une alcôve, et était surplombée d'un miroir s'étirant sur toute la hauteur du conduit, jusqu'au plafond. Il reflétait l'espace, où le temps semblait s'être arrêté, de manière à l'agrandir un peu. Dans un recoin, un meuble bas, aux portes entrouvertes, laissait apparaître les contours d'une télévision, et une impressionnante collection de DVDs. Deux fenêtres étroites mais hautes éclairaient naturellement l'ensemble.
Angel, qui amenait deux bols de biscuits salés, interrompit ma contemplation.
-Ça vous dirait, un petit vin rouge pour patienter ? proposa-t-il en débarrassant la table du bazar qui trainait dessus.
Je le considérai d'un air dubitatif, tandis que Josh acquiesçait déjà.
-On n'a pas déjà pris l'apéro ? raillai-je gentiment, en ignorant le rouquin qui se précipitait à la recherche de ladite bouteille.
Il haussa nonchalamment les épaules.
-On n'a qu'à dire qu'on termine ce qu'on n'a fait que commencer, suggéra-t-il en m'adressant un clin d'œil complice.
Je ne pus m'empêcher de rire, tout en refusant le récipient qu'il me tendait. D'un regard discret, je survolai la ligne parfaite du jeune homme. Les garçons avaient une chance inouïe de ne pas accumuler la graisse sur leurs corps musclés. Il n'en n'était pas de même pour nous, les filles, qui devions constamment surveiller notre alimentation, et redoubler d'effort dans les salles de sport pour éliminer. Je n'allais donc pas commencer à me gaver de biscuits trop gras et trop salés. Angel parut presque déçu de ne pas être parvenu à me convaincre, mais il n'insista pas. Josh, qui revenait déjà les mains pleines, lui donna un léger coup de coude.
-Tu n'es pas censé t'occuper de faire à manger, toi ?
Angel lui renvoya un regard torve.
-Mêle toi de ton verre ! gronda-t-il.
Puis il s'approcha de moi, et leva une main quelque peu hésitante vers mon visage. Immédiatement, mon cœur fit un bond dans ma poitrine, sans raison valable. Je fronçai imperceptiblement les sourcils, agacée par ma propre réaction. J'allais reculer d'un pas, mal à l'aise, lorsqu'Angel souffla presque pour lui-même :
-Il faut soigner cette blessure.
Son regard glissa de mon front à mes yeux, sur lesquels il s'arrêta un instant, puis à mes lèvres. Je me dandinai d'un pied sur l'autre, ressentant une nouvelle fois cette incompréhensible attirance, qui m'avait saisie dans la piscine un peu plus tôt. Alors que je me sentais peu à peu lâcher prise, presque malgré moi, il rompit le charme et s'éloigna, en me faisant signe de le suivre. Perturbée, je cherchai dans son comportement le signe qu'il avait ressenti la même chose que moi. Mais il sembla vouloir fuir mon regard, alors j'abandonnai. Docilement, presque sans m'en apercevoir, je lui emboîtai le pas, perdue dans mes pensées.
-Désinfecte à l'alcool ! lui conseilla Josh alors que je passais la porte.
Ces mots me ramenèrent sur Terre, et je frémis, anticipant la brûlure que me procurerait le produit sur la plaie à vif, quoiqu'elle ait cessé de saigner depuis un bon moment. Ce qui n'était pas forcément une bonne nouvelle non plus, les impuretés étant, par conséquent, piégées dans l'épais liquide coagulé.
Angel, toujours à trois pas devant moi, répondit par l'affirmative, et me guida jusqu'à un étroit couloir. Celui-ci donnait sur une porte à l'extrémité gauche, probablement l'entrée principale de la maison, et un escalier, de l'autre côté. Ce dernier était si raide, qu'on aurait pu croire qu'il s'agissait d'une simple échelle, s'il n'avait pas eu de contremarches. Le jeune homme en gravit les degrés deux à deux, et je le suivis, prudente. Au vu de ma maladresse légendaire, je n'étais pas à l'abri de me casser à nouveau la figure. A l'étage, un second corridor desservait les trois chambres de la maison, et l'unique salle de bain, jusqu'à laquelle Angel me guida. Nous passâmes devant une porte entrouverte, sur laquelle était gravé un « A » stylisé. Il me parut évident qu'il s'agissait de la chambre d'Angel, et je dus me faire violence pour résister à l'envie impérieuse d'y jeter un coup d'œil. Je ne pouvais m'empêcher de me demander à quoi pouvait bien ressembler l'univers du jeune homme. Mais il se tourna vers moi au même moment, détournant mon attention du battant de bois, et s'effaça pour me laisser entrer dans la pièce d'eau.
-Assieds-toi là, m'enjoignit-il en désignant le bord de la baignoire.
Embarrassée par la situation, j'obtempérai, tandis qu'il fouillait un placard suspendu à la recherche de la trousse à pharmacie. Nous n'avions pas échangé plus de trois mots depuis que nous avions quitté le salon, et le silence qui s'éternisait entre nous commençait à peser suffisamment lourd pour que j'envisage sérieusement de battre en retraite. Finalement, après une minute d'une recherche infructueuse, il mit la main sur un flacon de désinfectant.
-Bon, ce n'est pas ce que je cherchais, mais je pense que ça fera l'affaire, commenta-t-il. Je ne sais pas ce que ma mère a fait du reste de notre matériel de secours.
Je laissai échapper un petit gloussement rassuré.
-Je t'avoue que la perspective de me faire badigeonner aux quatre-vingt-dix degrés de l'alcool pharmaceutique ne m'enchantait pas vraiment...
Angel me sourit, et la tension qui flottait dans l'air sembla se dissiper, rendant l'atmosphère tout de suite plus respirable.
-Je ne garantis pas que ça sera agréable quand même, me prévint le jeune homme en versant une dose suffisante de produit sur un coton propre.
Je haussai les épaules, tentant de me détendre au maximum.
-Il faut ce qu'il faut, lançai-je, faisant preuve d'un courage que je ne possédais pas en réalité.
J'avais toujours exécré ce qui avait trait, de près ou de loin, à l'infirmerie. J'ignorais pourquoi, mais les vaccins, les prises de sang, les traitements, les médicaments... Tout cela m'avait toujours rebutée. Et je détestais par-dessus tout que l'on s'occupe de mes blessures. Je considérais que je me faisais moins mal en me soignant par moi-même. Le problème, c'est que mes propres soins n'étaient pas efficaces. Mieux valait donc que ce soit quelqu'un d'autre qui s'en occupe, et c'était la raison pour laquelle, en cet instant, je ne protestais pas. Angel, qui venait de reposer la bouteille, leva les yeux vers moi, et scruta mes prunelles fuyantes.
-Tu as peur ? devina-t-il d'une voix douce.
Je rougis jusqu'aux oreilles, comme prise en faute, et détournai le regard, masquant mon visage derrière ma tignasse emmêlée par le vent.
-Un peu, avouai-je d'une voix coupable. Je sais que c'est ridicule, mais depuis que je suis toute petite j'ai une sainte horreur de tout ça...
Il s'approcha de moi et s'accroupit à mes pieds. Ainsi posté, il était presque plus petit que moi, et j'étais obligée de baisser la tête pour le regarder dans les yeux. Il leva de nouveau la main vers mon visage, et je retins mon souffle, cherchant à deviner s'il allait de nouveau se rétracter ou non. Mais, cette fois, il caressa avec douceur une des mèches de mes cheveux qui masquait mon regard, et la replaça derrière mon oreille.
-Ne t'inquiète pas. Je ne vais pas te faire mal.
Cette promesse semblait plus profonde qu'il n'y paraissait, mais peut-être interprétais-je mal ce qu'il disait. Je me contentai donc d'acquiescer et de lui offrir un sourire tremblotant. Il se redressa et dégagea mon front des dernières mèches collées sur l'égratignure. L'opération m'arracha tout de même une grimace de douleur, que je dissimulai tant bien que mal.
-Tu es prête ? me demanda encore Angel.
Je fis signe que oui. Je n'avais qu'une seule hâte : que ça soit fini. Et pour cela, il n'y avait pas trente-six solutions. Le jeune homme entreprit alors de nettoyer la plaie à l'aide du coton. Il avait beau être le plus délicat possible, celle-ci, alors qu'il en extrayait les grains de sable, se remit à saigner.
-J'ai presque fini... me prévint finalement Angel, au bout de cinq interminables minutes.
Je me gardai bien de faire le moindre mouvement, mais, intérieurement, je remerciais tous les saints du Paradis.
-... Mais je vais devoir utiliser une pince à épiler pour retirer les impuretés qui sont trop profondément incrustées.
Mes épaules s'affaissèrent, comme mues par leur propre volonté, trahissant ma déception. C'était trop beau pour être vrai... Je retins de justesse un gémissement désespéré et, mortifiée, je regardai le jeune homme sortir d'un pot en porcelaine l'instrument tant redouté. Incapable d'observer ses mains agir sur mon visage sans savoir ce qu'il y faisait vraiment, je fermai les yeux. De longues minutes, durant lesquelles je résistai au besoin impérieux de soulever les paupières, s'étirèrent, jusqu'à ce qu'il se décide à ouvrir de nouveau la bouche.
-Cette fois, ça y est. J'ai fini.
Prudemment, je battis des cils. Il me fallu quelques secondes pour me réhabituer à la lumière ambiante qui, soudainement, me paraissait trop vive. Angel, à un mètre de moi, me regardait en souriant. Sans rien dire, il désigna le miroir, et je me levai. Mon reflet me renvoya ma propre image, légèrement défigurée par ma chute. Une griffe ornait ma pommette gauche, rehaussée d'une ecchymose colorée, et un magnifique pansement couronnait le haut de mon front. Je manquai d'éclater de rire. Je n'avais jamais bénéficié de beaucoup de crédibilité, mais, cette fois, j'étais vraiment ridicule.
-Merci, m'exclamai-je à l'intention du jeune homme, qui semblait attendre ma réaction, les yeux pétillant d'humour. Je suis...
-A tomber, compléta-t-il, me coupant la parole.
Cette fois, je ne pus retenir le gloussement qui m'échappa.
-C'est le mot juste.
Mon hilarité le gagna, et il se moqua gentiment de moi, jusqu'à ce que la plainte de Josh, affamé, nous interrompe.
-C'est pour aujourd'hui ou pour demain ?! rugit-il en bas de l'escalier. Je crève de faim, moi !
Angel poussa un profond soupir en secouant la tête.
-Il ne changera jamais... Il n'y a vraiment que trois choses qui l'intéressent, celui-là. Les filles, la bière et la bouffe.
Je pouffai de nouveau, tout en me dirigeant vers le couloir. Bien que la question me brûla les lèvres, je n'osai pas l'interroger sur ce qui l'intéressait, lui. Et pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, cela me vint à l'esprit. Je repoussai bien vite cette considération, sentant naître un étrange sentiment au creux de ma poitrine, à l'idée que d'autres filles que moi puissent être au centre de son attention. Il ne me fallut pas plus d'une seconde pour comprendre que celui-ci me rongerait si je le laissais s'installer. Et, soudain, j'eus peur. Je n'avais jamais rien ressenti de semblable, pas même avec les différents petits-amis que j'avais eu. Je n'étais pas du tout de nature jalouse. Alors se pouvait-il que j'éprouve une émotion d'une telle violence au contact de quelqu'un que je connaissais à peine ? Je refusais de le croire.
Nous descendîmes rapidement les escaliers, afin de rejoindre Josh. Celui-ci maugréa entre ses dents.
-Eh ben ! C'est pas trop tôt ! Je commençais à croire que vous vous étiez perdus en cours de route.
Angel leva les yeux au ciel et se dirigea vers la cuisine, ignorant royalement son ami, qui le talonna.
-Ecoute les hurlements d'agonie que pousse mon ventre, geignit-il encore, alors qu'un gargantuesque gargouillement résonnait dans la pièce.
Je lâchai un sifflement à la fois révulsé et admirateur face à une telle prouesse sonore.
-Tu es au bord de la syncope, semblerait-il ! lançai-je d'une voix railleuse.
Josh se tourna vers moi, l'air boudeur, et croisa ses bras musclés sur sa poitrine.
-Et toi, riposta-t-il à juste titre, tu as peut-être l'air d'être une princesse en surface mais en fait, tu es un vrai camionneur. Aucune fille ne siffle, ma chère. Ça, c'est réservé aux mecs virils et machos qui croisent une gonzesse bien fichue dans la rue.
Je lui adressai un sourire carnassier, sûre de ma victoire.
-Comme toi.
Il s'empourpra, tandis qu'Angel levait ses deux pouces en l'air, visiblement très fier de ma répartie. Pour une fois, j'avais touché en plein dans le mille. Josh n'était pas quelqu'un de difficile à cerner, contrairement à Angel. Si ce dernier se faisait anguille lorsqu'il s'agissait de percer les mystères qui jalonnaient son existence, pour Josh, c'était bien plus simple : il ne semblait pas avoir le moindre secret. Il se dévoilait facilement, et sa personnalité exubérante avait pour mérite d'être d'une franchise à toute épreuve. Et, bien que je ne le connaisse pas encore très bien, je commençais réellement à apprécier cela chez lui. Cependant, face à son meilleur ami, je trouvais qu'il lui manquait quelque chose. Peut-être était-ce justement cette aura énigmatique, qu'il ne possédait pas ? Je ne saurais vraiment le dire. Angel semblait posséder, au plus profond de son âme, quelque chose d'irrémédiablement brisé, et c'était très probablement lié à un événement qui avait eu lieu par le passé. Je pouvais lire cette fêlure dans son regard, ce qui contrastait avec la force de caractère dont il faisait preuve en permanence. Il avait un admirable self-control, et n'était jamais ni dans l'excès, ni dans la démesure. Cependant, il savait frapper au bon endroit, et ses piques auraient fait enrager la plupart des gens. En outre, il n'était pas le genre d'homme à s'embarrasser de convenances inutiles. Sauver des apparences futiles, et aussi fragiles que du cristal, ce n'était pas sa priorité. Il savait parfaitement ce qu'il voulait, et j'étais intimement persuadée qu'il était le genre de personne à faire des pieds et des mains pour parvenir à ses fins. Un peu comme moi, du reste.
M'apercevoir que nous avions ce trait de personnalité en commun m'arracha un léger sourire amusé. Pourtant, je restai méfiante. Car, souvent, derrière ces façades de marbre lisse, sur lesquelles tout semble glisser, se cachent des cœurs brisés et des âmes blessées. Et, sans que je sache réellement d'où me venait cette conviction, j'avais acquis la certitude que c'était son cas.
-Vous voulez bien mettre la table ? demanda soudain Angel, qui venait de nouer un tablier autour de sa taille, me tirant de mes rêveries.
J'acquiesçai, ravie de me rendre utile.
-Il faut juste que tu me dises où se trouve ta vaisselle.
Il m'adressa un clin d'œil.
-Josh va te montrer, ne t'inquiète pas.
Et il retourna à ses fourneaux. Tandis que le rouquin me montrait l'emplacement des plats, je le surveillai discrètement. Josh avait raison, il était bon cuisinier. Ses gestes étaient rapides, précis, et à aucun moment il ne sembla hésiter, ni sur un ingrédient, ni sur une quantité. Il était dans son élément.
-Alena ? Ouh-ouh ! Allô ? la Terre appelle la Lune ! Josh appelle Alena !
Je me tournai vers Josh, qui attendait visiblement que je lui prenne les assiettes des mains, pour les déposer sur la table.
-Tu disais ?
Ce dernier posa le regard sur Angel, et ricana, comprenant qu'il était l'objet de mes contemplations depuis deux bonnes minutes.
-Quelque chose -ou quelqu'un- te déconcentrerait, peut-être ? se gaussa-t-il.
Je sentis mes joues s'embraser violemment.
-Euh... Non, non, je suis concentrée, ne t'en fais pas.
-Mouais...
Je lui pris un peu trop précipitamment la vaisselle des mains, et m'empressai d'aller dresser la table afin de masquer mon trouble. J'étais plutôt mal-à-l'aise d'avoir été prise en flagrant délit. D'autant plus que ce n'était pas légitime, et que je ne comprenais pas moi-même ce qui m'arrivait. Je me passai une main sur le front en soupirant. Il fallait que je me reprenne de toute urgence. Josh apporta les verres, et se plaça derrière moi. Alors que je m'apprêtais à retourner chercher les couverts, il m'agrippa le bras, les sourcils froncés et le visage fermé. Avec cet air-là, il dégageait quelque chose de vaguement menaçant. Il prit une profonde inspiration, tandis que je restai plantée là, les bras ballants, ignorant ce qu'il attendait de moi.
-Je ne sais pas ce que tu as en tête, Alena, gronda-t-il à mi-voix, de manière à ce que son ami ne l'entende pas, mais je vais être honnête avec toi. Je t'aime bien, malgré le fait qu'on ne se connaisse pas beaucoup. Cependant, sache qu'il n'y a rien de plus important pour moi que mon amitié avec Angel, et je défendrai toujours ses intérêts. Il a déjà suffisamment souffert, à cause d'une fille. Au-delà de tout ce que tu peux imaginer. Alors, crois-moi, si tu t'avises de lui faire du mal un jour, je t'écorcherai vive. Littéralement.
Je ne pris même pas la peine de le détromper sur le fait qu'il se méprenait quant à mes intentions envers Angel. Je me contentai de hocher vivement la tête, un frisson d'appréhension remontant la courbe de ma colonne vertébrale. Je ne doutais pas une seconde qu'il me briserait en deux sans hésiter si une telle chose venait à se produire. Josh ne plaisantait pas. Il semblait parfaitement prêt à mettre ses menaces à exécution. Il n'ajouta rien, mais me garda prisonnière de son regard, comme s'il cherchait à sonder les profondeurs de mon âme au travers de mes iris bleus. Et, étonnamment, je ne cherchai pas à me soustraire à son examen. Au contraire, je le laissai faire, comme désireuse de lui prouver que je n'avais rien à cacher. Après de longues et interminables secondes, son visage se dérida enfin, et il me décocha un sourire jovial, qui contrastait franchement avec l'expression qui habitait son visage l'instant précédant.
-Mais tu n'es pas ce genre de fille, n'est-ce pas ? conclut-il.
J'aurais souhaité lui demander de quel « genre de fille » il pouvait bien parler, mais je ne réagis pas, encore sous le choc de ce qui venait de se passer. Tentant de remettre mes propres idées en place, je secouai doucement la tête, et me remis à ma tâche. Presque mécaniquement, l'esprit en ébullition, j'alignai les verres, les fourchettes et les couteaux, sur la nappe de toile cirée ornée de petits bateaux. Dans mon dos, j'entendis Josh rejoindre Angel près de la gazinière.
-Tu as fini ? le questionna-t-il, alors qu'un grésillement retentissait, et qu'une délicieuse odeur de viande grillée emplissait la pièce.
-Presque, répondit ce dernier, un sourire dans la voix. On va pouvoir passer à table dans une minute. En attendant, ça ne te dérange pas d'ouvrir un peu, mec ? On meurt de chaud ici.
Je ne compris pas la réponse de Josh, mais j'imaginai qu'il avait dit oui car, une seconde plus tard, un léger courant d'air se fit ressentir. Immédiatement, l'odeur iodée du sel marin vint supplanter celle du bœuf, qui cuisait dans la poêle. Je me retournai, et, m'appuyant sur la table, contemplai Angel qui égouttait les pâtes. Il y ajouta la sauce tomate et la viande, puis mélangea le tout, énergiquement, à l'aide d'une grande spatule de bois. J'étais impressionnée par la quantité qu'il avait faite.
-On attend d'autres convives ? m'enquis-je, d'une voix qui trahissait mon ébahissement.
Angel rit doucement.
-Non, mais on a un véritable glouton parmi nous...
Et, de sa cuiller, il désigna le colosse qui regardait la mer depuis la terrasse. Je joignis mon rire au sien, et il apporta le plat sur la table. Désireuse de lui prêter main forte, j'avançai le dessous de plat vers lui, et, par inadvertance, nos doigts se frôlèrent. Immédiatement, ma peau s'échauffa, et les battements de mon cœur s'accélérèrent, entamant une samba endiablée qui me faisait presque mal. L'air se chargea d'électricité, et sembla se mettre à crépiter au-dessus de nous. Comme brûlée par ce contact, j'esquissai un mouvement de recul.
-Je suis... désolée, m'excusai-je piteusement, tandis qu'Angel, le visage fermé, se détournait précipitamment.
Cette fois, le doute n'était plus permis, il ressentait la même chose que moi. Et ça ne lui plaisait pas du tout.
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