Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

[80] Le tombeau de Poséidon.

C'est une multitude de banderoles de bienvenue qui accueillent l'arrivée du bateau au port. C'est comme ça que je rencontre Achlys. Je vois les couleurs d'abord, les formes ensuite. Le mouvement de ces dernières, dansantes dans des courbes effrénées. Le bruit ambiant, des voix chantantes, riantes, criantes. Un parfum délicat, floral, mêlé au sel marin si familier.

Les citoyens semblent si heureux de notre visite. Leurs cris de joies se mêlent aux larmes quand nous débarquons enfin sur la terre ferme. C'est une sensation étrange que j'éprouve, de retourner sur la terre quand la mer m'a si longtemps hébergé. Nous avons à peine le temps de décharger le bateau qu'on nous accueille à bras ouverts. Les matelots courent retrouver leurs femmes et leurs enfants, leurs parents et leur frères.  

Nous quittons le port en suivant un chemin pavé de pétales violettes. 

- C'est joli, fais-je. Qu'est-ce que c'est ?

Bernad me demande de suivre son regard. Alors quand je tourne la tête, j'ai le souffle coupé par cette vue sensationnelle. Une troupe d'enfants vêtus de blanc sautillent jusqu'à nous. Ils nous saluent, nous tournent autour en riant joyeusement. Les jeunes enfants brandissent des paniers déjà pleins en nous demandant une petite pièce. 

Je fouille dans ma poche à la recherche d'une pièce ou deux, mais je ne trouve que les vieilles pistaches que j'aimais grignoter dans le bateau. Bernad rit si fort que j'en deviens tout rouge. 

- C'est pas grave, Levi. C'est le geste qui compte. 

Le brun sort plusieurs dollars de son porte monnaie et leur donne à ma place. Ensuite, il leur tends quelques pièces d'un euro. Les petits gloussent de plaisir quand les hommes de l'équipage s'exécutent à sa suite. Je zieute leurs paniers pour réaliser la diversité de leur butin : en dehors de la grande quantité de pièces d'euros, je vois des dirhams marocains, divers livres, des dinars, des yens, des dollars, des roupies, des francs, des baht, et un tas d'autres pièces que je ne saurais reconnaître. 

- Le Festival c'est une fête qui attire une foule internationale, m'informe Adal. Ces petits visitent les ports et les aéroports de l'île pour récolter des pièces du monde entier. C'est un peu un moyen que les touristes utilisent pour parler de leurs origines. 

L'odeur de la mer s'attenue dès que les enfants s'enfuient pour s'attaquer aux touristes derrière nous. Elle est remplacée par un parfum floral quand une pétale atterrie de nulle part sur mon nez. On me dit de vite lever la tête, que je ne dois pas manquer ce spectacle. C'est là qu'une pluie de pétales violettes tombe sur nous et je croirai me baigner dans le plus beau des jardins. 

Je les vois alors, ébahi et subjugué par toute cette magie. Des enfants immaculés de blanc posés sur une plateforme. Ils s'amusent à lancer des pétales de jacinthes sur les nouveaux arrivants. Leurs cheveux blancs volent au gré de la brise et leur peau est si pâle qu'elle me rappelle la Mort. 

- Les albinos, me souffle Bernad, le trésor d'Achlys. On dit qu'ils sont les enfants de Thanatos. 

Le sol devient vite un jardin de jacinthes violettes et je dois avouer que la vue est à couper le siffle. Il nous suffit alors de suivre ce chemin pour arriver dans le centre de la capitale. Le drapeau de l'île, une jacinthe violette sur fond blanc, est suspendu sur tous les balcons.

- Vous aimez beaucoup les jacinthes tant qu'elles sont violettes dans ce bled, dites donc.

- C'est comme ça qu'on rend hommage à Thanatos, déclare Adal. C'est le gardien de l'île après tout. 

- L'ironie faisant que l'île porte le nom d'une autre deus, m'insurgé-je. Ca n'a aucun sens. 

- Tu as déjà oublié le cours d'histoire que je t'ai donné ?, me réprimande Bernad. 

L'histoire, très peu pour moi. Surtout quand j'ai déjà eu droit aux récits de l'origine de l'île pendant la traversée de 3 semaines. C'était barbant et lourd en informations, alors j'ai fait mine d'avoir tout compris.

- J'attend qu'un vrai professeur d'histoire se propose pour me la raconter. 

Bernad hausse les épaules, quelque peu amusé. 

- Et si vous me montriez cette fameuse Agora qui vous fait tant baver ?

L'agora c'est le nom de la grande place de la capitale, et il parait que plein de légendes tournent autour de ce lieu mythique. 

Nous entrons dans l'immense place par une porte de Lune incrustée d'un trident d'or. Je vois alors onze autres portes de Lune, placées tout autour de l'Agora pour marquer son entrée.

- Pourquoi il y a autant de portes ? 

- On raconte que ce sont les 12 principaux deus de l'Olympe qui ont bâti ces portes. Et comme tu peux le voir, on ne peux pas atteindre l'Agora sans passer par une de ces portes. C'est un moment magique. Tu ne te sens pas plus proche des deus, sachant qu'ils ont un jour traversé cette même porte ?

Je hausse les épaules. J'ai rien ressenti de spécial, si ce n'est mon ventre qui gargouille. 

- J'imagine que c'est dans l'espoir de croiser Poséidon que vous vous êtes tous précipités sous cette porte, me moqué-je.

- Carrément !, s'en vantent-ils.

- Vous savez quoi ? Si je croise un seul de vos deus aujourd'hui, vous pourrez me surnommer Levi l'âne. 

- D'accord, Levi l'âne.  

Je lève les yeux en l'air, avant que mon regard ne porte plus loin sur un stand de pêche. 

 - Oh mon dieu ! Y a même des stands ! 

Je me précipite et les autres se lancent à ma suite. 

- J'aimerai jouer une partie, je vous prie.

Un homme aux yeux bleus me foudroie du regard tandis que le gérant fait mine de l'ignorer.

- Ce sont de vrais poissons, fait-il. C'est honteux. Ils devraient être relâchés en mer !

- C'est que des poissons domestique, mon gaillard. C'est pas la mer à boire.

Je tourne les yeux sur le vieux cap' qui débarque de nulle part. Appuyé contre sa canne, il lance une pièce au gars qui tient le stand. Ce dernier l'aide alors à s'installer sur un tabouret et lui tend une canne à pêche. 

- Vous autres ne pensez qu'à votre petit plaisir. Quels pauvres poissons. Ne les entendez-vous pas ? Ils pleurent dans le souvenir de leur liberté passée. 

- J'vais les gagner, et après j'vais les griller, lui lance Luis. Tu veux te joindre à moi ?

L'inconnu gonfle les poumons, ses cheveux pâles luisant d'un reflet bleu sous le soleil. C'est en ricanant méchamment que Luis se met au travail et je dois avouer qu'il est plutôt doué. Il arrive à attraper cinq poissons avant le temps imparti. Quand il récupère finalement ses poissons dans un bocal, son sourire est presque joyeux. 

- Je savais pas que tu voulais commencer un aquarium. 

Le vieil homme passe devant moi sans même me lancer un regard. Ses matelots lui emboitent le pas et je suis laissé à la ramasse.

Je veux les rejoindre quand un cri derrière moi me prend de stupeur. Je vois l'inconnu aux yeux bleus déguerpir avec le bassin de poissons dans les bras, le propriétaire du stand à ses trousses.

- Oh voleur !, s'écrie le propriétaire. Arrêtez le ! Il me vole mes poissons !

- Ils doivent retourner en mer !, grogne le voleur. Je vais les libérer de vos vices ! 

Et comme si de rien n'était, l'inconnu disparait avec son butin. La foule ne tente même pas de l'arrêter, ils s'amusent tous de cette petite mésaventure. J'éclate de rire. Mais c'est quoi ce bled ?

Je retourne auprès de l'équipage pour leur raconter ce qu'il vient de se passer quand une femme ronde et affreusement adorable bondit carrément sur nous. 

- Messieurs les marins !, s'écrie-t-elle. Mais regardez-vous, vous n'êtes pas habillés de blanc !

J'avoue qu'à côté d'elle on passe pour des bêtes de cirque. La femme se baigne dans une robe crémeuse fantaisiste au corset voluptueux. Elle ne possède qu'une seule manche bouffante, son autre bras se baladant nu dans le gros sac qu'elle transporte. Mais la dame est aussi affublée d'un chapeau disproportionné et excentrique. C'est carrément un assemblage de bouquets qu'elle a sur la tête, où des jacinthes pendent devant ses yeux. 

- C'est outrant !, ajoute-t-elle en déballant plus de vêtements que sont sac ne devrait pouvoir transporter. Achetez donc mes capes faites à la main ! Elles sont fabuleuses.  

L'équipage ne perd pas un instant et se rue sur les vêtement qu'elle a à offrir. Je me vêtis de la cape que Bernad achète pour moi et la trouve bien légère pour un morceau de tissu qui me couvre entièrement. Elle est brodée de motifs spécifiques à l'île et la qualité de ses détails m'émerveille.

- C'est vous qui les avez faites ?, lui demandé-je.

Elle glousse en se dodelinant joyeusement.

- Eh bien oui ! J'ai même fabriqué la robe et le chapeau que je porte. Ne sont-ils pas merveilleux ?

 - Carrément ! J'espère que vous avez une boutique quelque part. Votre marque serait si populaire. 

- Mon mari dit que j'ai mieux à faire, boude-t-elle. Mais je ne suis pas de son avis. C'est mon rêve. Je le réaliserai un jour, c'est sûr.  

La femme nous salue d'une révérence avant de s'enfoncer et disparaitre dans la foule. Quand je tourne les yeux sur l'équipage jusque là muet, je les retrouve rouges jusqu'aux oreilles. 

- Elle est incroyable, fait le cuisinier en sniffant le tissu de la cape. Et elle sent si bon. 

Les autres acquissent en l'imitant et je détourne la tête en gloussant. Ils sont si gênants. 

La fête bat de plein fouet. Des étendues de montagnes lointaines parsemées de maisons marquent le paysage. Je me perds dans les teintes vives et joyeuses d'une modernité qui épouse par endroit l'architecture romaine du passé. Franchement, je m'attendais à un bled perdu. Mais il faut avouer que la vue est grandiose. 

Au loin, je peux facilement distinguer une tour de verre qui se détache du paysage. Elle est si haute perchée et si grandiose que je n'arrive pas à en détacher mon regard. 

- C'est la tour d'Amadeus que tu fixes comme ça ?, m'interroge Adal.

- Faut avouer qu'elle en jette, lui répondis-je.

- Quand on est riche comme Amadeus Bivium, on peut se permettre toutes sortes de folies. La tour Bivium est réputée pour être le bâtiment le plus haut d'Achlys. Et aussi le deuxième point le plus culminant de l'île, après le mont Olympe. 

Le mont Olympe n'a pas échappé à mon attention. Impossible. Il suffit de voir comment ces Achlysiens mettent la montagne en avant. Ils ont été jusqu'à creuser un temple en rotonde au pied de la montagne. Et c'est le point central du Festival et de l'Agora.

C'est en fin de journée que la fête atteint son apogée, quand la mélodie d'un orchestre remplie l'air. La foule s'attroupe autour des musiciens et tous le monde s'ambiance si bien qu'on se croirait à un concert. 

Jusqu'à ce qu'une voix éthérée se mêle à la musique. Le silence règne soudain en maître. Tous le monde a le souffle court, le sourire gros. C'est là que je réalise qu'il s'agit du moment le plus attendu du Festival.

La mélodie est si prenante que je m'en délecte. Elle baigne mes oreilles dans un halo voluptueux. Et la foule en perd la tête. J'en perd la tête. Je n'ai jamais rien entendu d'aussi beau, d'aussi hypnotisant. Je n'ose même pas respirer trop fort de peur de ruiner la prestation. C'est un chant qui m'émeut, même si je ne comprends rien aux paroles. Un homme à la voix cristalline emplie l'Agora de sa mélodie, mais j'ai beau tourner la tête dans tous les sens, je ne vois l'énergumène nulle part. 

J'attrape le bras de Bernad pour lui chuchoter à l'oreille.

- Hey, d'où vient la voix ?

Il ne me prête pas attention, essayant tant qu'il peut de savourer le moment présent. Mais je n'y arrive pas. Ma curiosité est énorme. 

- Où est le chanteur ?

Le brun grogne avant de soupirer lourdement.

- Personne ne le sait, chuchote-t-il tout bas. Chaque année la mystérieuse voix apparait le premier jour du Festival pour chanter cette hymne. 

- Wow, c'est incroyable.

Bernad sourit et il semble enfin plus enclin à me parler.

- Certains récits racontent que cette voix a déjà été entendue dès l'antiquité. C'est incroyable ! C'est chanté dans une langue que personne ne comprend. Du coup on ne sait pas du tout de quoi parle la chanson. Ca fait parti de la magie de l'île. C'est l'une des 7 merveilles d'Achlys. 

Lorsque le chant prend fin, un sentiment de manque me prend à la gorge. Mais il est vite remplacé par de l'émerveillement. En effet, la lyre ne cesse d'être jouée en l'absence de la belle voix. Elle monte dans des tons de plus en plus intenses. S'ajoute alors à elle un orchestre de violons, de flutes, de harpes et de tambours. La musique devient franche et amusante.

Une silhouette s'élance au centre de la place, enveloppée dans un ravissant sari qui vole au gré de sa danse. Ses pieds sont nus, et des bracelets accrochés à ses chevilles scintillent à chacun de ses pas. Ses cheveux châtains sont coiffés en une couronne de tresses décorées de petites fleurs. La jeune femme semble plus libre que la brise. Elle ouvre la danse et la foule la rejoint, dansante et joyeuse au cœur de la plus vivante des Agora. Bernad me traine par le bras et nous rejoignons le mouvement. A notre suite, les enfants Albinos se joignent au décor et l'air s'empli vite d'une pluie de pétales.

* * *

Lorsque le soleil se couche, je sais que la fête ne touche pas encore à son terme. Mais l'équipage ne semble pas avoir l'intention de rester à l'Agora toute la nuit. Après les rires et les larmes, les matelots commencent à se disperser après s'être donné rendez-vous au port dans quelques jours pour retourner en mer. 

On me dit de me joindre à ceux qui vont se rafraîchir dans un bar. Lorsque nous arrivons à destination, c'est une foule monstrueuse qui se réunie devant l'établissement. Inutile de préciser qu'on appartient vite à cette foule. Les gens crient et encouragent un individu qui se dandine sur une table, tandis que le propriétaire appelle un participant à se joindre au spectacle.

- Quelqu'un se sentirait-il prêt à détrôner notre champion ? Allez ! C'est qu'un concours de buveurs.

- J'ai soif, fait Adal avant de s'assoir sur la table en face de son adversaire. Lancez les paris.

- Je mets 50 balles sur Adal !, lance Bernad. Il en a pas l'air mais il tient l'alcool comme personne. 

L'équipage hurle des encouragements pour Adal tandis que la majorité de la foule reste du côté de son adversaire. Le propriétaire sert un énorme verre à chacun des buveurs. Adal prend une grande inspiration mais son adversaire rejette son verre du dos de la main. Il vient lisser sa moustache du bout des doigts, ses sourcils froncés.  

- Tes verres sont si petits, mon cochon. Ca va pas me suffire. 

- Le but c'est de finir le plus vite possible pas de-

- Je veux m'éclater le bide !, le coupe-t-il. Ramène-moi ton plus gros tonneau !

- Un... Un tonneau ?

- Un tonneau, lui lance-t-il tout sourire.

Le propriétaire part donc récupérer un tonneau dans sa réserve. Il le présente à l'inconnu qui rit comme un enfant en s'affalant sur son tonneau.

- Oh ma douce et tendre, susurre-t-il en caressant le tonneau du bout du doigts. Mon raisin. 

Il porte un baiser sur la surface en bois avant de craquer ses doigts pour mieux foutre un coup de poings qui détruit le dessus du tonneau. Il abandonne ainsi le petit robinet pour boire à même le tonneau. La foule hurle d'excitation. L'alcool coule sur son torse nu et vient salir son blazer tandis qu'il ingurgite une quantité phénoménale d'alcool. Je me demande si ça ne devient pas dangereux de boire aussi vite en une seule gorgée. En face de lui, Adal déglutit. Il devrait finir son verre avant l'autre type, mais c'est l'inverse qui se produit. 

Le buveur finit son tonneau en si peu de temps que tout le monde se demande s'il n'a pas triché. Le gérant l'examine et puis il secoue la tête avant de lui décerner la médaille du plus gros buveur d'Achlys de l'année. La foule criarde lui saute dessus, l'affublant de félicitations. 

Les matelots doivent porter Adal au risque qu'il ne s'écroule complètement alcoolisé au sol. 

- Bravo Adal, tu t'es bien battu. Tu seras gagnant l'an prochain. 

- Ah non !, hoquette le vainqueur. J'vais pas... te laisser m-me voler la vedette, p'tit raisin. 

Ses pas sont flous et le moustachu s'avance comme un ivrogne avant de trébucher complétement hilare au sol. 

- Dio ! s'écrit un jeune homme au crâne rasé qui s'élance pour le rattraper. 

Il passe devant moi et je ne peux m'empêcher d'observer ses nombreux piercings. C'est un regard fin et clairement fatigué qui se pose sur son ami. Lorsqu'il ouvre la bouche, un piercing brille sur sa langue. 

- Oh mon joli Hermès !, glousse Dio. Regarde mon cochon ! J'ai encore gagné ! 

- Ca suffit, tu en as assez fait.

- Jamais ! Je reprendrai bien un autre tonneau, tiens. Ca sera mon dernier, promis. 

- Tu es le plus mauvais des menteurs.

- In vino veritas ! (La vérité est dans le vin !) 

Hermès n'hésite pas à balancer Dio sur son dos pour le transporter. Il nous salue d'un bref mouvement de tête avant de s'enfoncer dans une rue sinueuse. Dio nous fait bye bye de la main, riant à gorge déployée, avant de disparaitre. 

Après cette scène, je m'attable avec les autres matelots quand Bernad m'arrache mon verre de la main. Je me retrouve obligé de le suivre dehors. 

- Le cap' est en train de partir, m'informe-t-il. On doit le suivre.

Je soupire bien fort à la vue du vieillard. 

- Je sais qu'il va ruiner cette si belle journée, murmuré-je à Bernad. On peut pas faire ça demain plutôt ?

- Cap' ! J'ai quelque chose à te demander, me trahit-il. Eh bien, Levi m'a dit qu'il n'avait nulle part où passer la nuit. Tu pourrais peut-être l'héberger ?

Luis me lance son regard mauvais et jugeur.

- Trouve-toi une auberge crétin, on n'est pas chez Hestia ici.

- J'ai pas un sous. (Il lève les yeux au ciel avant de nous tourner le dos pour reprendre sa route. Nous nous lançons à sa suite.) Vu l'état de ta jambe ça te sera probablement difficile de faire les taches ménagères. Je m'en chargerai !

- C'est vrai, ment Bernad. Levi s'est montré talentueux et motivé. Il te sera d'une grande aide.

- Je l'ai vu à la tâche, crache-t-il avant de se tourner vers moi. T'étais insupportable, bruyant, flemmard et absolument désastreux. Je t'ai vu t'éclipser en douce quand personne regardait. Et un matelot devait toujours repasser derrière toi. T'es une merde et moi j'en ai pas besoin.

- Je peux m'améliorer !

- Fiche-moi la paix, okay ?

Il fait volte-face et prend une petite ruelle. Nous le suivons discrètement mais je pense qu'il doit remarquer notre présence. Au bout de dix minutes, le cap' décide qu'il en a marre de nous. Malheureusement pour lui, il ne peut ni fuir, ni accélérer la cadence.

- N'abandonne jamais, me lance Bernad. Même s'il te rejette encore et encore, tu ne dois pas l'abandonner.

- Dit celui qui l'abandonnera dans quelques jours.

Bernad lève les yeux au ciel dans une grimace. Ses yeux restent fixés sur le dos du capitaine.

- Je veux vivre mon rêve, moi aussi. Tu sais que je ne peux pas rester.

- C'est bien beau de me refiler le vieux grincheux pendant que tu vas t'éclater avec des sirènes.

Après une bonne heure de marche à un rythme carrément lent, nous prenons le train et nous régalons des regards dédaigneux du vieux. Enfin, nous quittons la station de train pour arriver dans un coin paumé. Des champs à perte de vue remplacent le paysage océanique dont je me suis habitué ces dernières semaines. Je comprends l'agacement du cap'. La brise fraîche est remplacée par une odeur de foin.  

Nous arrivons finalement dans une parcelle complétement négligée. Je vois qu'il n'avait et n'a aucune intention de se tourner dans le labourage. Une vieille baraque en bois se présente au loin. Quand je tourne la tête sur la gauche, Je peux toujours déceler la silhouette bleue de l'océan s'étendre au loin. C'est une vue fantastique qui expliquerait bien pourquoi le vieux grognon habiterait dans un coin aussi moche.

Ce dernier rentre chez lui en nous claquant la porte au nez.

- Dégagez !, hurle-t-il lorsqu'on a le culot de toquer. Personne vous a invité.

- Allez cap', il est déjà si tard. Tu dois avoir faim, non ?

Il ne répond pas.

- On a rapporté les restes de légumes du bateau. Ca te dirait un bon potage ?

Toujours rien. Alors on décide de se donner en spectacle. 

- Miam, j'en ai déjà l'eau à la bouche ! Bernad, tu as bien apporté les piments hein ?

- Bien-sur ! C'est dommage pour le cap', lui qui adore s'enflammer la bouche.

- Bernad, je te propose de cuisiner au plus vite, car mon estomac est très grincheux en ce moment !

- Mais malheureusement mon cher Levi, nous ne disposons ni d'une cuisine ni de vaisselle.

- Oh Bernad ! Tu me brises le cœur par cette nouvelle. Une âme charitable serait-elle dans les parages ? Accepterait-elle de manger à nos dépends ?

Nous nous sourions quand des bruits de pas s'approchent.

- Enlevez vos chaussures, grogne le vieux capitaine. Et mettez vous tout de suite au travail.

Ainsi, il se laisse glisser dans son canapé pour faire une sieste. Il nous lance des petits coups d'œil de temps en temps alors qu'on se hâte à la tâche. Bien entendu, on se réparti le travail équitablement. Bernad cuisine et moi je le regarde faire.

Le lendemain matin, le capitaine ne nous salut même pas. Il se contente de vêtir sa veste pour prendre la porte sans un mot. Je me tourne vers Bernad, d'un air grincheux.

- Quand il crèvera, je pourrai récupérer son héritage ?

- Levi !

Je regarde mon verre vide sur la table en soupirant.

- On n'est pas ses boniches non plus.

- Techniquement, toi tu l'es.

Je lui lance un regard révolver. Bernad sourit en coin avant de retourner à sa vaisselle.

- Il est parti où comme ça sans prévenir ?

- Je crois qu'il est parti visiter sa famille.

- Ce grincheux a une famille ? Les pauvres. 

- Il avait un fils et une épouse extraordinaires.

Je me pince les lèvres.

- Comment il les a perdu ?

La silhouette de Bernad flanche un instant.

- C'était un accident.

- Un accident ? Oh ! Tu veux dire... que c'est pour ça qu'il cherche la Mer à tout prix ? Pour s'éloigner de cette ville et de ses souvenirs ?

Bernad soupire lourdement. Il se décide enfin à se retourner pour me faire face.

- Non Levi, c'est la Mer qui a dévoré sa famille. Cette même Mer qu'il idolâtre.

Je suis chacun de ses gestes et il comprend que je veux en savoir plus. Alors Bernad s'essuie les mains et laisse sa vaisselle de coté.

- Il avait un fils, Don, qui était un membre de notre équipage. C'était mon meilleur ami, on était inséparable lui et moi. Mais on était aussi rivaux. J'adorais notre dualité autant que notre rivalité. On avait le même rêve : devenir capitaine. On s'était promis que l'un de nous le deviendrait.

Quand il parle, Bernad a les yeux pétillants de nostalgie.

- Mais je savais que je n'avais aucune chance. Tout était à l'avantage de Don. Le cap' lui-même voulait faire de son fils le prochain capitaine de son navire. Et je te l'assure, ce n'était pas par favoritisme. C'est parce que Don tenait du talent et de l'obsession de son père.

- Tu étais jaloux ?

Il souffle dans un sourire.

- Il était mon meilleur ami et mon rival, alors je l'admirais et le jalousais à la fois. Et puis un jour, c'est devenu clair dans ma tête. J'ai compris que je serais toujours numéro 2. Je pense aujourd'hui encore que je l'ai davantage fait briller lui. Et c'est quand je l'ai accepté comme futur capitaine que j'ai perdu mon meilleur ami.

Il lève le visage en arrière, surement pour que je ne vois pas ses yeux humides.

- La mer nous a surpris, elle était agitée ce soir là. Elle remuait le bateau sous de violentes vagues. Poséidon était surement en colère. Ou bien la Mer était affamée, qui sait ? Il n'en restait pas moins que la situation était si désastreuse que personne n'osait s'aventurer près du gouvernail. Seul Don était près à sauver le bateau. Il voulait prouver a son père une bonne fois pour toutes qu'il était digne. Et moi je...

Bernad passe une main sous ses yeux pour essuyer ses larmes.

- Et moi je l'ai laissé faire. "Le voilà, votre futur capitaine !" avait-t-il crié si fièrement une fois les mains sur le gouvernail. Je l'ai admiré une dernière fois avant qu'une vague ne le dévore.

La peine se dessine sur ses traits tandis qu'il cherche le courage de prononcer ses prochaines paroles.

- Elle l'a emporté, juste comme ça. Sans le recracher nulle part. On l'a cherché partout, encore et encore. D'abord, on le voulait vivant. Ensuite, on ne priait plus que pour son corps. La Mer-...

Sa voix se brise au même rythme que des larmes coulent sur ses joues.

- La Mer devait vraiment beaucoup l'adorer, pour le garder si égoïstement pour elle.

- Je suis désolé. Ca a dû être difficile.

J'ai beau chercher mes mots, je ne trouve rien de mieux à dire.

- Pour rendre hommage à sa mémoire, m'avoue-t-il doucement, je vais devenir capitaine et tenir notre engagement. Comme ça, je pourrais le regarder fièrement quand on se retrouvera.

Les minutes passent dans un silence bercé de ses sanglots. Je comprends sa peine. j'ai moi même fait subir toutes sortes de folies à mes proches. Ils doivent en être ressortis traumatisés, et dire qu'Erwin n'y a pas survécu. Je serre les poings en repensant à ces cauchemars ensanglantés qui ont bercé mes récentes nuits. La plaie est encore ouverte, et j'ai du mal à réaliser ce que ça implique. Je sais que je ne reverrai plus jamais Erwin. Mais en même temps, j'ai l'impression que tous ça n'était qu'un mauvais rêve. Je n'arrive pas à différencier un adieu d'un au revoir.

Nous broyons tout deux du noir et l'ambiance devient vite pesante. Bernad se lève alors et me tend la main.

- Et si on allait se faire disputer par le cap' ?

Quand nous arrivons au cimetière, nous retrouvons le capitaine assis sur une tombe. Il nous lance un regard moqueur dès qu'il nous repère.

- Tiens, regardez qui voilà. J'disais justement à Don que t'allais pas venir à ce stade.

Bernad se pince les lèvres avant de s'accroupir devant la pierre tombale de Don. 

- Hey Don, ça fait longtemps mon vieux. 

Luis glisse un regard curieux sur moi, avant de me faire signe de le suivre. Le capitaine se pose sur un banc lorsque nous sommes assez loin pour laisser un peu d'intimité à Bernad. Je m'assieds à une bonne distance de lui. De cette façon, mes oreilles subiront un moindre calvaire s'il décide de m'engueuler.

- Qu'est-ce que tu cherches ?

- Pas l'Atlantide en tout cas. C'est pas trop mon délire.

- Pourquoi tu te forces à rester ?, grince-t-il des dents.

Ses yeux ne me regardent pas, ils observent la conversation de Bernad et du fantôme de son fils plus loin.

- C'est parce que je n'ai nulle part où aller.

- T'as pas de famille ?

- J'en ai une. Mais je risque de les mettre en danger si j'y retourne. Je suis mieux loin d'eux, pour le moment.

- Toi t'as fait une connerie, c'est évident.

Je bascule la tête en arrière, mon visage se laissant bercer par les douces caresses du soleil. Je soupire, ignorant les pincement de mon cœur. 

- Je t'en parlerai un jour, lui adressé-je, si tu veux.

- Comme si j'en avais quelque chose à foutre. 

Son regard habituellement dure se pose sur moi. Et quand il voit ma mine, je crois qu'il comprend. 

- Va les retrouver quand tu te sentiras prêt. La famille c'est précieux.

Le capitaine se met à tracer des lignes du bout de sa canne. Ses traits soulèvent la terre et un dessin commence alors à prendre forme. 

- Est-ce que Bernad t'a dit à qui sont ces tombes ?

- A ta femme et ton fils.

- Il a pas perdu de temps le bougre !

- Je suis désolé pour ce qui est arrivé à Don.

Luis soupire sans lâcher son dessin des yeux.

- Ce gamin, c'était un vrai don de la Mer. Tu savais que Don était un surnom ? 

- Ah bon ? 

- Devine comment je l'ai appelé.

Je ne réfléchis même pas un instant. C'est évident. 

- Il s'appelait Poséidon ?

Le cap' rit si fort qu'il doit se prendre le dos de douleur.

- Mon p'tit Poséidon à moi, fait-il songeur. Je sais pas ce que t'a raconté Bernad, mais dire que t' es désolé est un blasphème pour moi.

Je le dévisage, perdu.

- Don était comme moi, obsédé par la Mer. C'est là qu'est sa place, là qu'il devait retourner. J'suis heureux que le roi des mers lui-même l'ait compris.

Je me pince les lèvres, l'expression peu convaincue. Ces gens, c'est du grand n'importe quoi. Pour moi, Don a eu une mort horrible. Il s'est noyé sans pouvoir toucher la surface. Mais son père... Il en est heureux ?

- J'sais ce que tu penses, souffle-t-il. Mais je m'en fiche de ton avis. (Une brise légère accompagne alors ses mots :) L'océan est le plus beau des tombeaux.

Quand je vois cette béatitude qui étire ses traits dans de longues rides, je ne peux m'empêcher de respecter ses idéaux.

- Et ta femme, comment elle est ... ?

- Tu prends ton pied, dis donc !

Je détourne le regard de ses yeux brouillés de colère sur le dessin à ses pieds. Les lignes sont molles et les traits imparfaits mais je distingue clairement le trident qu'il a dessiné. 

- Elle s'est jetée de la falaise pour rejoindre notre fils.

- Elle s'est suicidée ?

Luis attrape vigoureusement mon oreille.

- Non ! grogne-t-il. Elle est partie rejoindre notre fils.

Cet homme a une façon pessimiste d'observer le monde. Mais quand il parle de la Mer, ce sont des mensonges utopiques qui sortent de sa bouche.

- Après leurs morts, j'ai repris la mer. Elle aura beau me dépouiller, je ne pourrai jamais m'en détacher.

- A ta place, je prendrai mes jambes à mon coup. Si ça c'est pas un red flag massif, alors je sais pas ce que c'est. On m'a même dit que t'avais frôlé la mort une fois.

- C'est Bernad qui t'a raconté ça ? Ce p'tit merdeux j'vais le-...

- Elle t'a arraché une jambe, soufflé-je. Comment tu fais pour ne pas la détester ?

- C'est plus facile d'haïr les Hommes, les imbéciles comme toi. 

Je soupire. Bah oui, ce vieux crouton déteste tous ce qui respire. 

- Pendant la tempête, avoue-t-il enfin, j'pensais que mon tour été venu. L'équipage avait beau me hurler de partir me réfugier, j'ai préféré écouter l'appel de la Mer. J'ai attendu dans le froid qu'une vague m'emporte à mon tour, et me ramène auprès de ma famille. J'ai supplié Poséidon de m'accepter moi aussi. Et il m'a enlacé et dérobé à la surface. C'était effrayant et incroyable à la fois. J'pensais enfin rejoindre les miens, mais la Mer m'a recraché. Elle ne voulait de moi qu'une seule jambe.

- Et tu penses pas que c'est une mauvaise chose ? Qu'elle te rejette et te laisse la vie sauve ?

Luis secoue la tête, l'expression rêveuse. 

- Un jour, elle m'acceptera. J'le sais.

* * *

Le capitaine s'est disputé avec Bernad la veille du départ de l'équipage. Il a entièrement vidé son sac par terre, et Bernad l'a regardé faire sans un mot. Il a préféré garder le silence quand Luis a commencé à l'assommer à coup de reproches. Bernad s'est noyé dans sa peine, je l'ai vu à la façon dont il se mordait les lèvres. Le brun a rejeté mon aide quand j'ai essayé d'intervenir. Il ne voulait pas que Luis ait une raison supplémentaire de me mettre à la porte. Je me suis alors contenté de remettre ses affaires dans son sac. 

- T'iras nulle part sans moi !, grinche le vieil homme. J'suis ton capitaine !

Bernad serre les poings en l'ignorant tant qu'il peut. Mais quand Luis commence à remuer sa canne contre le front du brun, ce dernier décide enfin de se relever. Le dos droit et le regard déterminé, il s'esclame finalement :

- Tu es vieux et malade. Un invalide. Et tu sais très bien qu'on ne peut pas nourrir une bouche de plus, tant qu'elle est inutile.

Une avalanche de douleur traverse son visage et le cap' blêmit, avant de devenir rouge de colère.

- Dehors ! Tu dégages ! Tu seras pas capitaine ! Ce bateau m'appartient et cet équipage est le mien ! Pour qui tu te prends ? Dehors !

- On en a déjà discuté entre nous, Luis. L'équipage s'est mis d'accord.

- Ne m'appelle pas Luis ! Ne m'appelle pas... (Il doit se tenir fermement à sa canne pour ne pas basculer.) Va-t'en. J'veux plus te voir...

J'ai pris pour habitude de le voir trembler sur sa canne, mais cette fois-ci c'est différent. Ses mouvements sont tellement confus et incontrôlés que le capitaine ne peut même plus tenir debout. Le vieil homme s'effondre et je me précipite pour le prendre dans mes bras.

- Levi s'occupera bien de toi. Sois gentil avec lui.

- Haha ! La bonne blague, crache-t-il en se tournant furieusement sur moi. Toi aussi tu dégages !

- Mais... je me suis amélioré ! Je peux astiquer le sol et-

- Dehors !, hurle-t-il en se dégageant maladroitement de moi.

- Je peux même éplucher les légumes, forcé-je. Gardez-moi ! 

Le vieil homme se met à me frapper du bout de sa canne, mais il manque vite de forces. Ses doigts tremblent frénétiquement contre le parquet. Quand je le regarde dans toute cette faiblesse, j'ai mal pour lui. Il n'est plus qu'une épave qui rêve d'océan. Et il en a conscience. L'invalide qui se disait autrefois aventurier ne peut plus retourner en mer. Luis craque en sanglots au rythme des brindilles sous le feu de la cheminée. Son visage et ses cheveux se peignent d'une palette de couleurs qui dansent au rythme des flammes. L'ombre dévore son visage lorsqu'il se met enfin à l'évidence. Il est envoûté par la Mer, mais il ne peut plus répondre à son appel.

- Je serai un formidable capitaine, je le promets. Alors s'il te plait, laisse-moi réaliser mon rêve.

- C'était le rêve de Don !

- Et je veux réaliser ce rêve pour lui.

- Peu importe ! Je ne te nommerai pas capitaine !

Bernad se pince les lèvres en détournant le regard. Quand le capitaine y voit de la honte, j'y vois un gouffre de tristesse.

- Je vais y aller, soupire le jeune homme. Je ne voulais pas que ça se finisse comme ça entre nous.

- C'est ça oui ! Pars ! Vole ce qui m'appartiens ! Prends mon équipage ! Emporte les tous ! (Le vieil homme se prend la tête et les larmes coulent à flot) Que la Mer ait raison de ton âme. 

- Que la Mer ait raison de la tienne aussi, Luis.

Et je sais que ces mots ne sonnent pas comme une menace de la bouche de Bernad, mais comme un adieu marin plein d'espoir. Le brun balance le sac sur son dos et nous lance un dernier regard. Celui que nous échangeons me dit tout ce que je sais déjà. Prends soin de lui. Après quoi, le capitaine se traine par terre en tendant sa main pour retenir Bernad. Ce dernier le regarde comme un enfant regarde un parent pour la dernière fois. Puis il se retourne, étouffe un adieu et claque la porte derrière lui.

* * *

Le vieil homme refuse de se nourrir pendant les jours qui suivent. Quand enfin il ne peut plus se contenter de la faim, il décide de tester ma cuisine en secret. Je le sais parce que je l'ai retrouvée dans la poubelle.

- Occupe-toi de faire de l'argent, crache-t-il. T'es une grosse merde pour les tâches ménagères.

Je récupère son assiette à moitié pleine et soupire en la vidant dans la poubelle. Je me suis amélioré, c'est certain. Je l'ai senti au goût peu carbonisé de la viande.

- J'ai pas de diplôme. Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?

- A quoi tu sers ?, soupire-t-il lourdement en se levant de table.

Je lui tend sa canne, et l'accompagne au salon.

- Je fais la cuisine et les tâches ménagères, tu pourrais être un peu plus reconnaissant ?

- Et j'repasse après toi ! Y a pas de quoi être fier. T'as intérêt à rapporter de l'argent, si tu veux pas mourir intoxiqué.

- Parce qu'il y a des restaurants dans ce coin paumé ?

- J'prendrais tout ce qui m'évitera ta nourriture.

Je lève les yeux au ciel. Ma cuisine ne peut pas être si mauvaise.

- En plus, j'en ai assez de voir ta sale tronche. Va t'occuper ailleurs ! J'sais pas moi, y a pas quelque chose que tu sais faire ?

-  J'aime bien dessiner !

- Je t'ai demandé un truc où t'étais bon, grogne-t-il peu convaincu.

Je gonfle les poumons.

- C'est pas pour me vanter mais je suis plutôt bon. 

- Dessiner ?, crache-t-il jugeur. Tu crois te faire de l'argent avec ça ?

- J'ai déjà vendu certains de mes dessins.

- Des gens dépensent pour des conneries pareils ? (il se gratte la barbe et lève un sourcil.) Vas-y, tant que tu me ramènes de l'argent.

Je fronce les sourcils en croisant les bras.

- Tu vis gratuitement à mes dépends ! Tu pensais quand même pas que ça allait durer ?

Je lui offre mon sourire le plus faux et lui tends ma main.

- J'ai besoin d'acheter du matériel.

- Un crayon et une feuille suffiront.

C'est vrai que le matériel ne fait pas l'artiste. Mais le matériel qu'il me prête est incroyablement décevant.

- Je dessine quoi ?

- J'en sais rien, marmonne-t-il. Tu dessines quoi d'habitude ?

- Des choses peu intéressantes.

Puis je repense au portrait de Gaby et mini Gane, le dessin qui m'a le plus inspiré. Mon cœur se pince quand je réalise quelque chose. Les plus belles œuvres sont celles qui nous rappellent les gens qu'on aime.

- Tu aurais une photo de Don ?

- Pour quoi faire ?

- Pour te rendre moins grincheux, je suppose. Et te faire sourire.

Il se paye ma tête au début, mais il finit quand même par me rapporter une photo de son fils. Don était un beau jeune homme, plein d'énergie et au sourire aussi gros que la mer. Tout l'opposé de son père. 

Le cap' observe attentivement mes premiers traits et quand il réalise que je m'amuse de ses réactions, il grommelle avant de s'en aller sur le sofa pour lire un journal. Je reste dans le silence à dessiner puis ombrer l'œuvre pendant des heures. Quand mon travail est terminé, je décide d'accrocher le résultat au mur.

Finalement, je décide de passer à l'acte et me vêtis de la vieille veste de Luis. 

- Qu'est-ce que tu fiches ?, ronchonne-t-il en se réveillant. Enlève ça tous de suite !

- Je vais en ville commencer mon business. Des portraits de qui le désire, c'est une bonne idée non ?

- Personne ne va rien t'acheter.

- On verra ça. 

Quand je le vois poser les yeux sur le dessin au mur, je décide de m'éclipser au plus vite. 

* * *

Lorsque je rentre à la maison, mon dos est douloureux mais mes poches quant à elles sont pleines. 5 euros le portrait, un prix de rêve pour les acheteurs. Quand j'ai vu que les gens se bousculaient pour être dessinés, j'ai compris qu'il était temps d'augmenter le prix. Au final, j'ai gagné 210 euros en une après-midi. Je ne pensais pas pouvoir me faire de l'argent aussi propre un jour. Gaby serait si fière.

Le vieil homme observe chacun de mes gestes. Je retire sa veste, la pose tranquillement sur le porte-manteau, puis m'avance gaiement dans sa direction. Quand je dépose l'argent durement gagnée sur la table, ses yeux se font globuleux.

- Tu les as volés ?

- Oh arrête ! Tu as vu le portrait de Don, non ? Avoue que je suis doué.

- Mouais, marmonne-t-il.

Je me pose à côté de lui, tout sourire.

- Alors, t'en as pensé quoi ?

Il lève les yeux au ciel avant de récupérer les billets et les pièces de monnaie pour les compter.

- Combien le dessin ?, demande-t-il intrigué.

- 5 euros, puis je suis monté à 10.

- Pff !, fait-il dans un fin sourire. Ces idiots dépensent vraiment autant pour du papier gribouillé ?

Je tire la gueule en croisant les bras. Il sait qu'au fond c'est bien plus qu'un gribouillage.

- T'y retourneras demain au p'tit matin, m'ordonne-t-il. J'veux le triple de ce que t'as gagné aujourd'hui.

- Oui bien-sur maître !, fais-je grincheux avant de me relever.

Il attrape alors ma main et y fourre un billet de dix euros.

- Quoi ?

- C'est pour le portrait de mon p'tit Poséidon.

Sa mine gênée me met le sourire aux lèvres.

- Merci monsieur le grognon! Je vais utiliser cet argent pour acheter de la peinture. Je peux faire de belles choses avec.

- Des couleurs ?, remarque-t-il. Augmente le prix des dessins alors !

Je ricane en pliant le billet avant de le mettre dans ma poche. Quand je relève les yeux, le vieux est déjà retourné dans sa chambre. Mais quand je réalise que le dessin de Don n'est plus accroché au mur, l'excitation me fait glousser. 

Je traverse la cuisine à toute allure pour rattraper Luis. Je le retrouve assis sur son lit, à baigner son regard dans le portrait de crayon de son fils. Son sourire est honnête, vidé de crispation. Lorsqu'il remarque ma présence, ses joues rougissent et il m'ordonne de dégager.

- Je t'avais bien dit que je te ferai sourire !

- Du vent !, grogne-t-il à coup de canne.

- Il est chouette mon dessin hein ? Plus que tu ne l'avoues.

Ses doigts n'osent même pas toucher les traits de peur que le crayon ne bave.

- Il est chouette ouais, râle-t-il. Juste un peu.

J'éclate de joie en me posant à ses côtés. Il sursaute et me foudroie du regard, prêt à m'engueuler. Jusqu'à ce que je ne le coupe :

- Est-ce que tu avais compris la signification du dauphin qui danse autour de Don ?

- C'est l'esprit de la mer j'imagine. C'est Poséidon, c'est ça ?

- Oui ! Poséidon qui nage autour de ton petit Poséidon à toi ! Coup de génie de ma part, n'est-ce-pas ? Et t'as vu comment j'ai représenté la mer et la surface sans les mettre en collision ? Je voulais garder beaucoup de douceur. Avec de la couleur je pense que j'opterai pour un dégradé de bleu. Mais c'est cool en nuance de gris, hein ?

Ses yeux suivent la silhouette de son fils dans un fin sourire. Don est accueillit à bras ouverts dans les fonds marins. Il y sommeille en paix, ses yeux clos dans une expression solennelle. Les flots tournoient autour de lui dans une danse funèbre. 

Je me doute que cette scène n'a pas été les derniers instants de Don. Mais pour Luis, je préfère représenter la beauté de la mer plutôt que ses dangers. Cela laisse tellement plus de place à l'imagination. Alors dans ce portrait, Don se laissera éternellement bercer dans le tombeau de Poséidon, le sourire aussi gros que la mer. 

○○○

Hello mes bichons ! 

On se retrouve dans le chapitre 80 oui ça fait déjà 80 chapitres omg !

Nous voilà enfin à Achlys ! Le premier jour du Festival en plus. Alors, qu'est-ce que vous en avez pensé ? C'est un pays de taré, y a pas à dire.
Mais leurs traditions sont si mignonnes ! Déjà, Achlys c'est l'île obsédée par les deus mais elle rend surtout hommage à Thanatos, comme la Manésie rend hommage au mythe d'Icare et Apollon.
Les albinos sont très bien perçu là-bas, parce qu'ils ressemblent à Thanatos. Et vous imaginez bien que la fleur nationale est la jacinthe violette mdr. 

Bref, dans ce chapitre je fais pas mal de foreshadowing à Memento Mori et à ses mystères. Alors j'espère que ça vous plait déjà et vous donnera envie de lire MM. 

TATATAH !!! QQUE DEUS SE CACHENT DEJA DANS CE CHAPITRE ! Les avez vous repérés ? 

🍏 Le gars qui a volé le bassin de poissons ! Qui est-ce ? C'est Poséidon ! ptdrr et dire que l'équipage l'a même pas cala

🍏 La femme qui a vendu ses capes à l'équipage ! C'était.... Héra ! Elle adore la mode, les chapeaux excentriques et les révérences. Elle est tellement choupi je- hjgjkdljdhl

🍏 Le gros buveur de tonneau ! Celui la est tellement évident ! C'est Dionysos l'alcoolo ! aka Dio. Je l'adore il me tue de rire. 

🍏 Son ami aux piercings ? Son nom a été donné y a pas de débat ahaha. C'était Hermès ! 

🍏 La danseuse aux pieds nus qui portait un sari ? Sa couronne de tresses avec des fleurs devrait vous mettre la puce à l'oreille. C'était... Perséphone ! Aghhh mommy je l'aime

Voilà, les autres deus étaient présent ofc mais j'ai essayé de pas trop en faire. Dans le futur, on verra encore Vénus. 😏

 Passons à la deuxième partie moins drôle du chapitre. 💔

💔 Le cap' a vraiment eu une vie de merde. Perdre son fils en mer, puis sa femme c'est horrible. Pas étonnant qu'il soit si grognon.

💔 J'aurais adoré écrire Don avant sa mort, il aurait été une chouette compagnie pour Levi c'est sûr.

💔 Le cap' qui appelle son fils Poséidon m'extermine. Ofc qu'il allait le faire. 

💔 La dispute Bernad (BERNAD PAS BERNARD S'IL VOUS PLAIT) et Luis me brise. Coup dure pour l'ex cap'. 

💔 Levi va mettre ses talents artistiques à bon usage ! On verra comment il se débrouillera, tant qu'il reste loin des fourneaux.

Voili voilou. On se retrouve dans le prochain chapitre pour un pdv Gaby ! 

❤ Kissou kissou ❤

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro