[79] Face à la mer.
Mes yeux s'ouvrent sous la lueur persistante du soleil. La première chose sur laquelle se pose mon regard est cette étendue d'azur qui s'étend à l'infini. Je me sens réellement vivant lorsque mon corps frissonne sous la brise marine. Mes doigts glissent doucement sur le tissu trempé de ma combinaison rouge, avant de décoller une algue collée sur mon front.
Puis je lève le poing, victorieux. J'ai survécu. J'aperçois au loin une mouette disparaitre derrière ma poigne, avant de réapparaitre quelques secondes plus tard. Elle poursuit sa route dans le ciel, ses cris sont presque étouffés par le bruit d'un moteur en marche.
- Cap' ! Les gars ! (Un visage plein de vitalité apparait alors dans mon champ de vision.) Venez vite, je crois qu'il s'est réveillé !
Je reconnais cette langue étrangère et soupire intérieurement. Bon Levi, il est temps de passer en mode baguette. Je remarque que la paire d'yeux s'est rapidement multipliée. Trois, six, on atteint vite la dizaine de regards qui suivent chacun de mes gestes. Je réalise alors que je me trouve sur le pont d'un bateau. Je me racle la gorge, espérant que ma voix ne craque pas.
- Yo les gars, ça baigne ?
Elle a craquée ! Oh la honte !
- Ca coule pas en tout cas ! éclate de rire l'un des matelots. T'es marrant toi.
Les inconnus rient tous ensemble de mon jeu de mot, et j'avoue que ça me donne la pêche. Ils sont vêtus légèrement, avec leurs larges épaules dénudées et leurs poitrines velues sous un fin débardeur. Leur odeur mêle le parfum salé de la mer à celui de la sueur. Des matelots. Un grand brun me tend la main pour m'aider à me relever. Ses cheveux bouclés ondulent au gré du vent et son sourire est si gros qu'il me met de bonne humeur à mon tour. Il ne parait pas bien plus âgé que moi, comparé à ses compagnons.
- Bon retour parmi les vivants, souffle-t-il.
Je prends sa main mais mon regard diverge derrière lui. Mon cœur se serre à la vue de la falaise qui s'éloigne. Elle me parait déjà si lointaine, emportant avec elle tout ce que j'ai. Mais ce n'est pas elle qui s'en va, c'est moi.
Mes pensées sont tout de suite interrompues par le brouhaha ambiant. Un vieil homme s'avance dans notre direction sous un air nonchalant et l'équipage ne peut que s'écarter de son chemin. Je perds patience tellement la marche de l'énergumène est lente. Il s'avance à petits pas, sa posture penchée en avant, et les mains bien serrées autour de sa canne. A mon grand soulagement, le papy s'arrête enfin pour mieux m'examiner du regard. Il me dévisage tout en mastiquant un épi de blé. Je lui souris pour toute réponse et le vieil homme finit par cracher son épi au sol pour mieux grommeler :
- Amenez-le dans ma cabine !
Je n'ai pas le temps de demander ce que me réserve ce sort que le vieillard a déjà fait demi-tour.
- Il a l'air grincheux, le papy.
- N'y fais pas attention. Le cap' a toujours été comme ça.
- Ce vieil homme est le capitaine de ce navire ?, m'étouffé-je.
Vu sa canne et sa lenteur, je m'étonne qu'ils ne l'aient pas encore passé par dessus bord. Mais un matelot de peau tannée ne semble pas d'accord avec moi. Il s'appuie contre la rambarde pour mieux me fusiller du regard.
- Hey le nouveau, crache-t-il, parle mieux de notre capitaine. Tu lui dois la vie.
J'arque un sourcil inquisiteur. Alors le grand brun m'explique :
- Eh ben... Je dois avouer qu'on te croyait déjà mort quand on t'a vu flotter à la surface de l'eau. On était même d'avis de te laisser aux poissons. Mais le cap' était contre, il a voulu te repêcher. Tu devrais le remercier.
- Attendez, quoi ? Vous alliez me laisser en pâture à de la poiscaille ?!
Il hausse les épaules, et cette fois-ci je ne me laisse pas berner par son sourire. Je le fusille du regard. J'attrape néanmoins la main qu'il me tend encore, mais je me relève difficilement.
- Ça va, l'ami ?
- Je crois que... j'ai dû me tailler la jambe contre un rocher ?
Son regard se pose sur ma jambe et il arque vite un sourcil. Difficile de voir le sang dans tout ce rouge. Le brun déchire sans prévenir le tissu de la combinaison et je me couvre la poitrine dans un cri de sainte nitouche. On peut alors tous voir que ma jambe est ouverte, saignante à point. Je détourne le regard, la nausée à la gorge.
- Il faut te soigner avant que ça ne s'infecte. (le brun fait signe au gars adossé contre la rambarde.) Adal, ramène la trousse de premiers secours.
Adal soupire dans sa barbe, mais revient quelques instants plus tard avec une grosse trousse rouge. De celle-ci, le brun sort des bandages, des boules de coton et du désinfectant.
- Le soleil commence à se coucher, fait remarquer Adal, et t'es trempé jusqu'aux os.
- Il a raison, tu vas mourir de froid.
- Je vais chercher des vêtements, grommèle Adal.
L'autre se met aussitôt à soigner l'écorche que j'ai à la jambe. Je grimace de dégout et de douleur. C'est pas joli à voir.
- Moi c'est Bernad, fait-il. Et toi, l'ami ?
- Levi.
- T'inquiète pas Levi, ça va aller. J'en vois quotidiennement des blessures de ce genre. C'est pas la mort.
Bernad nettoie calmement la plaie sous mes jurons persistants. Je l'observe y appliquer du désinfectant pour la stériliser. Et mon cœur manque un battement quand il sort une aiguille et un fil. Je détourne aussitôt les yeux pour ne pas avoir à regarder cette monstruosité. Oh. Mon. Dieu. Il approche l'aiguille de ma peau !
- Vous êtes pêcheurs ?, je demande pour retarder l'inévitable.
Il secoue la tête.
- Pas tout à fait. On pêche de temps en temps c'est vrai, mais on est avant tout des aventuriers.
J'arque un sourcil avant qu'il ne m'arrache un cri de douleur. Ca y est Levi, tu vas te faire coudre comme une vieille poupée. Le temps passe si lentement et les matelots ne me quittent pas du regard un seul instant. Je ne suis pas une bête de foire ! Mais je ne peux rien dire quand la douleur est aussi vive. Je serre les dents, n'osant même plus respirer. Je demande à Bernad quand il a fini de réaliser mes douloureux points de sutures :
- Des aventuriers ? Comme dans les films ?
Il éclate de rire.
- Vous avez entendu ça les gars ?
L'équipage s'échange un sourire narquois et amusé, et c'est là que je vois Adal revenir les mains pleines. Il dépose des fringues que j'espère être propre pour moi.
- Allez, grogne-t-il pour tout le monde, on a assez ri. Faut retourner au boulot mes gaillards.
Dans les râles, la petite foule se dissipe et chacun retourne à sa besogne. Je reste seul avec un Bernad occupé à soigner mes autres blessures. Je devine à ses sourcils froncés qu'il a deviné que cette journée a été bien chargée pour moi. Mais il ne me pose aucune question indiscrète.
- Du coup, vous n'êtes pas des aventuriers ?, relancé-je le sujet.
- Bien-sûr que si, mais on ne foule pas la terre nous. On s'aventure partout sur la mer.
- Et qu'est-ce que vous cherchez ?
Un sourire courbe ses lèvres et le regard que Bernad pose sur moi est plein de détermination.
- L'Atlantide.
Je pouffe de rire tellement je ne m'attendais pas à celle-là.
- L'Atlantide, l'empire perdu des mythes ? Tu veux dire qu'elle existe pour de vrai ?
- Et bien oui, l'ami ! Ne te moque pas, on prend ce sujet très à cœur nous. C'est tellement fascinant.
- Je pensais que j'étais un enfant dans l'âme, mais vous êtes pire ! Je croyais qu'au 21eme siècle, les gens avaient appris à distinguer le mythe du réel.
- Arrête de rire, pouffe-t-il, c'est pas gentil. Je rêve de découvrir les secrets de l'Atlantide depuis tout petit. C'est la chose qui me tient le plus à cœur.
- Tu n'as pas peur de courir après un mirage ? Je veux dire... Si on n'a toujours pas retrouvé les vestiges de l'Atlantide, c'est qu'il s'agit certainement d'un mythe.
Bernad secoue vivement la tête, son sourire est si sincère que j'ai aussi envie d'y croire.
- Tu sais, à Achlys le mythe et le réel sont étroitement liés.
- Achlys ?
Bernad lève enfin les yeux sur moi. Je crois voir de la nostalgie noyée dans le regard du matelot.
- La belle Achlys, le pays de tous les mythes. Notre destination, me confie-t-il chaudement, et notre île natale.
- Oh, vous rentrez au bercail ?
- Oui, mais pas pour trop longtemps.
Un éclair de lucidité traverse Bernad, et il se prend la bouche dans la réalisation :
- Ne me dis pas qu'on est en train de te kidnapper ? Par toutes les mers ! Il faut qu'on fasse demi-tour pour te ramener chez toi !
C'est une vague de tristesse qui m'envahit, me rappelant que j'ai laissé tant de choses derrière moi. Je me relève, la jambe encore vive de couleur, pour faire face à la mer. Au loin, je peux voir la falaise où j'ai laissé Gaby et notre fille. Mais je secoue la tête. Ce n'est qu'un au revoir.
- Ça me va très bien, fais-je dans un soupire mélancolique. Emmenez-moi loin, très loin. Quelque part où je pourrais vivre.
Bernad me prend le bras et me conduit dans une cabine où je peux me doucher et me vêtir des vêtements frais d'Adal. Ensuite, nous nous dirigeons dans la cabine du capitaine.
- Qu'est-ce qui lui a pris autant de temps ?, crache le vieux monsieur. Pourquoi tu t'es fait joli ?
- Je suis toujours joli-...
- Si tu n'avais pas remarqué, me coupe Bernad, il est blessé à la jambe.
- J'ai vu ça à la façon dont tu le portais. Il a vite fait de te prendre pour son larbin !
- Allez cap' soit pas jaloux. Je te le laisse, fais en de la bouillie.
C'est ainsi que je me retrouve seul à seul avec le vieux grincheux. Il se gratte la barbe en me lançant des regards durs.
- Euh..., fais-je la jambe douloureuse. Je peux m'assoir ?
Il soupire et son odeur me monte rapidement au nez. Il pue la poiscaille.
- Fais-toi plaisir. (il me laisse à peine le temps de me mettre à l'aise qu'il poursuit.) Alors, d'où tu viens ?
- De Los Angeles. C'est là que vous m'avez repêché.
Il farfouille dans un tiroir jusqu'à tomber sur une pipe. Il l'allume et se met à fumer dans la pièce close. Je n'ose pas lui demander de l'éteindre, il risque de me réduire en bouillie. Je viens d'échapper à la mort, je ne tiens pas à repasser par là.
- Justement, fait-il. J'veux savoir pourquoi on t'a retrouvé à flotter sur l'eau ? T'es tombé d'un bateau ?
- Non.
Il me regarde du coin de l'œil.
- T'as essayé de te suicider ?
Je le regarde, incrédule. S'il savait. Si je lui disais que j'ai sauté pour vivre, me croirait-il ? Pourtant mon silence semble avoir persuadé le vieillard du contraire.
- Par tous les deus ! P'tit con !, grogne-t-il en frappant la table de son poing. Tu ne sais pas à quel point la vie est précieuse ? Thanatos a beau être une belle promesse, tu ne dois pas te laisser enticher !
Je secoue la tête.
- Non, je n'ai pas essayé de me suicider ! En fait, j'ai besoin de partir loin d'ici.
Il croise les bras, en me dévisageant du regard.
- Tu voulais fuir le pays à la nage, c'est ça ? C'est un énorme pari risqué. Où tu comptais aller comme ça ?
- Ailleurs.
Curieux, il ne me lâche pas du regard. Le vieil homme se redresse soudain. Il s'avance lentement dans ma direction, contournant son bureau pour s'élever devant moi. Son regard est figé, faible derrière toutes ces rides. Mais le bonhomme est grand avec une allure digne. Sa canne en bois n'échappe tout de même pas à mon attention. Ses doigts tremblent en la serrant fermement.
- On a passé trois longues années en mer. C'était merveilleux, mais il est temps de retourner au pays. L'équipage a une famille qui leur manque.
- Je vois.
- Non tu vois pas ! crache-t-il. Si c'était le cas, tu serais pas là à me parler de ton mal du pays.
- Ce n'est pas du tout un mal du pays !
Je ne tente même pas de soutenir son regard. Le vieil homme me semble très têtu dans son genre. Il approche son visage du mien et respire sa pipe avant d'expirer lourdement. La fumée mange mon visage dans un énorme nuage. Je toussote bruyamment en essayant de la dissiper.
- J'te comprend. Le pays, la terre... C'est pas mon délire non plus. J'préfère la Mer. C'est mon plus grand Amour, mon âme sœur.
- Je ne pensais pas qu'on pouvait autant aimer de l'eau salée.
Il me lance un regard noir et je regrette aussitôt mon culot.
- De l'eau salée ? (il se pose sur le bord du bureau et souffle un nouveau nuage de tabac dans ma direction.) Ce sont les larmes de Poséidon.
J'arque un sourcil en repensant à Bernad. Ils ont tous fumés dans la même pipe, je crois.
- Vous êtes une sacré bande d'obsédés.
- Bienvenue à Achlys, s'exclame le capitaine en levant les bras, le pays des obsédés de mythologie et autres folies. Alors mon gaillard, c'est quoi ton p'tit nom ?
Je lui présente mes pièces d'identité récupérée tout à l'heure de la poche de ma combinaison. Elles sont en bonne état et je m'étonne qu'elles n'aient pas coulées dans la mer.
- Je m'appelle Levi Clarke.
- Et tu veux rester sur mon bateau, pour qu'on te ramène à Achlys ?
- Yup ! S'il vous plait, m'sieur.
- T'es prêt à devenir un obsédé à ton tour ?, pouffe-t-il bien fort. Alors écoute Levi, j'accepte pas les parasites. Si tu veux rester, va falloir te rendre utile.
- Je... Je ne pense pas être très utile.
Il mord fort dans sa pipe et son regard me donne des frissons.
- Oui m'sieur ! Je peux faire la cuisine et le ménage !
Bien-sûr, je ne sais faire ni l'un ni l'autre. Mon mensonge me perdra dans les profondeurs de l'océan si le cap' le découvre.
- On arrivera dans environ trois semaines, pile au moment du Festival.
- T-trois... Trois semaines ?!
- Qu'est-ce que tu crois ? On va traverser l'Océan Atlantique.
Je me tiens déjà le ventre, l'envie de gerber.
- Comment vous faites pour ne pas avoir le mal de mer ?
Quelque chose dans ses yeux scintille, et je devine que c'est son âme.
- Le mal de mer ? Jamais. Moi j'me demande comment tu fais pour rester sur terre en permanence.
Le vieux cap' respire sa pipe dans un fin sourire, avant de finalement grogner :
- Allez barres-toi maintenant. Demande à Bernad de te donner du travail. Et viens plus m'emmerder.
Dehors, l'odeur salée de l'océan me pince les narines tandis que je cherche Bernad du regard.
Après ça, les jours ne cessèrent de filer à un rythme lent et tortueux. Ma tâche principale est de cirer le parquet, mais avant ça je m'occupais d'éplucher les légumes et de nettoyer la vaisselle. Bernad a eu la mauvaise idée de surestimer mes capacités en me confiant au cuisinier de bord. En une journée, je me suis retrouvé à la porte. Seulement parce que j'avais salé les fruits, cramé les calamars et autres crustacés, et brûlé la quasi totalité des poêles. J'ai aussi tellement épluché les légumes qu'il n'en restait plus que les pépins. Il parait même que j'ai vidé nos stocks de nourriture. J'ai d'ailleurs appris en écoutant aux portes que le cuisinier me déteste. Après ce raffut, Bernad a eu l'ingénieuse idée de me confier un chiffon pour me faire cirer tout le bateau.
- Levi, viens m'aider à porter ça.
Bernad lève le bras pour me montrer la grosse caisse à déplacer.
- Ah non, moi c'est l'astiquage de sol pas le-
- Très bien, me coupe-t-il, je vais en informer le cap'.
- Oh mais bien-sûr que je vais t'aider, l'ami ! Je disais ça parce que je n'ai pas de forces dans les bras, c'est tout.
A deux, c'est beaucoup plus facile de transporter la cargaison. Seulement, je suis déjà assez fatigué comme ça, et Bernad a le culot de me présenter une rangée de six autres caisses. Je me donne à la tâche sans grande joie. Lorsque toutes les caisses ont été déplacées, nous nous rendons tous les deux en tête de navire.
Bernad soupire en regardant par dessus mon épaule. Je tourne la tête et surprend le capitaine à orienter le navire. Ses mains sont bien agrippées à la barre de gouvernail et ses yeux accrochés à l'horizon. Je ne l'avais jamais vu l'expression aussi naturelle et vide de crispations. Il a l'air plus léger qu'il ne l'est réellement.
- Je lui avais dit de se reposer, soupire Bernad.
- Il a l'air en forme pourtant.
Bernad secoue la tête dans un autre soupire.
- Tu as vu sa jambe, non ? Il ne peut même plus marcher convenablement sans sa canne.
Le regard de Bernad aussi reste agrafé à l'étendu de bleu qui nous entoure. La couleur est à perte de vue. Un bleu foncé et agité pour la mer, un bleu doux et silencieux pour le ciel. Je m'adosse contre la rambarde, silencieux. J'aime observer Bernad pendant qu'il admire le paysage. Ces marins, ils ont une façon émouvante de regarder la Mer. Encore une fois, je me laisse bercer par cette odeur salée qui dirige mes journées. Bernad passe sa main par dessus bord pour sentir les gouttelettes d'eau contre sa peau.
- Tu vois Levi, Luis Mare c'est son nom. Mais il déteste qu'on l'appelle comme ça. Il se qualifie de capitaine et puis c'est tout. Toute son identité, c'est la Mer.
- C'est admirable d'être aussi vieux et toujours aussi passionné.
- Justement, il persiste tellement que ça en devient maladif.
Je tourne mon visage et rencontre son regard sérieux.
- Pourquoi tu dis ça ? Il a l'air heureux de vivre de cette façon.(Je glousse ensuite, avant de murmurer à Bernad ma découverte la plus récente) Je crois même qu'il est amoureux de Poséidon.
Bernad se relâche et rit à gorge déployée.
- Ca t'étonne tant que ça ? J'ai envie de te dire que c'est naturel pour nous les marins d'Achlys. Comme les forgerons admireront Héphaïstos et les artistes feront la louange d'Apollon.
- Je crois que vous êtes tous obsédés, c'est tout.
Ses lèvres forment une demi lune et il me donne un coup de coude.
- Attends de croiser la route d'un historien d'Achlys. Ce sont les pires spécimen. Même moi, ils me font peur.
- J'imagine que les avoir comme professeur a sacrément détraqué le cerveau de leurs élèves. Je comprends mieux l'obsession.
Bernad me prend par l'épaule et rit tellement fort que je peine à garder mon sérieux. Il essuie une larme hilare avant de me confier :
- C'est dans nos gênes d'Achlysiens mais c'est une maladie très contagieuse, je peux te l'assurer. Tu vas vite sombrer à ton tour, Levi.
Je m'imagine tellement obsédé par le beau Apollon que je lui dédierai chacun de mes dessins.
- Mais c'est d'un ennuie !, me plains-je. L'eau c'est de l'eau, tu peux très bien te contenter de ta baignoire. Je peux comprendre les aventuriers, chaque pays et chaque terre est différente. Mais la mer, sérieusement ? Ca reste de l'eau, où que tu ailles.
- Je suppose que tu n'as pas ça dans l'âme.
- Je suppose que le cap' a trop ça dans l'âme.
- Parfois, il en fait trop. (Bernad se pince les lèvres.) Je crois qu'il aurait préféré être une sirène.
Je glousse de rire. C'est carrément nian-nian !
- Regarde-le maintenant, forcé de retourner sur la terre. Il en est dégouté.
- C'est à cause de la canne ?
Bernad serre fort les poings, le visage crispé.
- La mer, le feu, la femme : les trois sont des maux. C'est une expression qui appelle les hommes à se méfier de ces 3 choses pour une vie sereine. Nous les marins connaissons particulièrement bien la mer. Mais on ne peut pas la contrôler. On sera toujours à sa merci.
Bernad s'adosse contre la Rambarde, le regard perdu par terre.
- C'était pendant une tempête. Le cap' est passé par dessus bord et quand on l'a retrouvé, sa jambe était dans un état désastreux. Tu as de la chance Levi, tu aurais pu finir comme lui. Enfin bon, on a tout tenté. On a même été visiter un médecin pour l'opérer, à Los Angeles justement. Mais il nous a dit que c'était peine perdue, et que le cap' ne récupèrera jamais l'usage de sa jambe.
- Je connais plein de pirates avec une jambe en bois. Le cap' pourrait même être super badass armé de sa canne.
- Il est vieux, Levi, trop vieux. Sur un bateau, il devient un poids.
- Mais vous ne pouvez pas l'abandonner quand même. Ce n'est quand même pas dans ce but que vous retournez à Achlys ?
Bernad se tourne vers moi, la mine déconfite.
- Tu crois que c'est ce que je veux ? Je lui ai proposé de continuer à voyager avec nous, figure-toi. Mais ça ne lui a pas suffit ! Il est têtu et a besoin de tout contrôler ! Un vieil homme comme lui ne peut plus être notre capitaine. Mais il ne veut laisser personne prendre son flambeau.
Je tourne la tête sur le cap' et un poids s'abat aussitôt sur moi. Le vieillard nous regarde, les sourcils froncés. Adal essaie de le ramener dans sa cabine, mais il ne se laisse pas faire. Rapidement, une dispute éclate. Mon cœur se serre quand le vieil homme tombe à terre dès que sa canne lui glisse des mains. Il pointe cependant Bernad du doigt et s'écrit :
- Ce bateau ne naviguera pas sans moi !
Deux matelots se précipitent pour soulever le capitaine et l'aider à se relever. Le vieil homme crache à terre en refusant leur aide. J'ai de la peine quand je le vois ramper sur le sol pour récupérer sa canne. Il se redresse avec difficulté, bousculant et poussant son propre équipage, avant de s'en aller en râlant. Bernad attend que le capitaine soit hors de vue pour soupirer lourdement. Je le dévisage quand il prend alors le gouvernail à sa suite.
- J'aimerai devenir capitaine après lui, avoue le jeune homme. Il a les nerfs solides, mais son corps ne suit plus. Le cap', il... il est comme un père pour moi.
Bernad soupire et son regard s'émeut.
- Le pauvre, il doit se sentir inutile et pitoyable. La Mer est sa seule maison, mais elle continue de le rejeter. Il va en devenir fou. Et je ne veux pas le perdre lui aussi.
Mon cœur se serre quand je réalise leurs intentions. Mais je me dois de demander :
- Qu'est-ce que vous allez faire ?
- Le ramener chez lui, à Achlys. Elle continue de le ruiner, alors je veux l'éloigner de la Mer. Même s'il refuse, c'est pour son bien. Levi, tu pourrais me promettre une chose ?
- Je t'écoute.
- Je sais que tu n'as nulle part d'autre où aller. Alors reste avec lui à Achlys, prend soin de lui. Reste à ses côtés, jusqu'à ce qu'il accepte son sort. Tu es le seul qui peut l'aider.
Je ferme les yeux, la gorge lourde. Bien-sûr, je ne peux pas refuser.
○○○
Hello mes gaillards !
Je suis tellement heureuse que vous rencontriez enfin le vieux cap' ! C'est un personnage que j'aime beaucoup, même si c un connard parfois. Il me fait bcp de peine qd mm. Qu'est-ce que vous pensez de lui ? Son aesthetic est déjà postée dans le chapitre 0 si vous voulez aller voir.
Bernad est trop choupi. Jsuis contente que levi se soit fait un bon pote dans tout ça.
Et le plus important ! Bordel je peux enfin parler d'Achlys !!! Youhouuuuuh ! Leur obsession de la mythologie se nourrit de la mienne mdr. Je peux enfin ouvrir la voie pour Memento Mori. Ca me rend tellement heureuse. Aghh j'ai hâte ! Pour les curieux qui se poseraient la question, oui Achlys c le nom d'une déesse. Elle apparait aussi dans MM et l'île porte bien son nom.
Alors l'obsession des marins pour l'Atlantide est adorable 😭 ils auraient tous voulu être des sirènes, c'est sûr.
En tt cas ce sont les sauveurs de Levi. Merci a eux. Il va aller avec eux à Achlys, recommencer une nouvelle vie et puis essayer de veiller sur le cap'. Dure affaire, étant donné son caractère grognant.
Voili voila, j'espère que ce chapitre vous a plu
❤ Kissou kissou ❤
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