[71] Une robe explosive en guise de bouquet.
Quand je lui ai demandé de venir se coucher, Levi a refusé en prétextant qu'il était tellement nerveux qu'il n'arrivait pas à fermer l'œil. Alors il a passé toute la nuit à dessiner. Je n'ai plus de doute, il n'a vraiment fait que ça.
Je soupire dans l'embrasure de la pièce du sous-sol qui lui sert d'atelier, mes yeux scrutant le tas de tableaux adossés au mur.
Le dessin est censé être sa façon de lâcher prise. Mais dans toute sa fatigue et son anxiété, tous ce que je vois c'est un homme qui se force à dessiner inlassablement. Encore et encore pour le simple fait de remplir des toiles. Je croirai voir une machine à dessiner, non plus un garçon talentueux. Aucun sourire, aucune passion. Seulement des courbes de peintures silencieuses sur une toile solitaire.
- Tu aimes dessiner tant que ça ?
Son apparence en est presque amusante. A le voir on croirait qu'il a pris ses vêtements pour une toile et ses cheveux pour un pinceau. Son visage coloré de tâches se tourne mollement vers moi. Je m'accroupie à ses côtés et essuie du bout du doigt la peinture qui colle à ses joues.
- Tu as l'air exténué.
Il secoue la tête, son pinceau glissant langoureusement sur le tissu.
- Non, j'aime vraiment ça.
Je détourne douloureusement la tête à la vue des cernes qui creuses ses yeux. C'est sur les toiles qu'il a réalisées toute la nuit que mon regard se pose à présent, une bonne dizaine de tableaux peints avec une attention particulière. Ses œuvres sont belles, mais elles n'ont pas d'âme.
- Tu as dormi au moins ?
- Un peu oui.
Je tourne la tête sur lui, les sourcils froncés. Cette forte odeur de peinture me monte vite à la tête.
- Tu dois te reposer, sérieusement. Tu as besoin d'être en forme pour-...
- Gaby !, me coupe-t-il. Laisse-moi. Je n'ai pas besoin de tes commentaires. Je sais ce que je fais.
- J'ai peur que tu passes plus de temps avec tes pinceaux qu'avec ta famille.
Ses doigts ne bougent plus et Levi tourne finalement le visage pour croiser mon regard. La fatigue peint ses iris d'une ombre.
- Je suis désolé, fait-il avant de se remettre au travail.
Je soupire en me levant. Il ne sert à rien de persister avec lui, mieux vaut le laisser faire les choses à son rythme.
- On t'attend pour le petit déjeuner.
- Mmh.
- N'oublie pas de manger.
Il ne me consacre déjà plus son attention, alors je décide de quitter les lieux pour remonter à la surface. En chemin je passe devant la pièce où est enfermée Daphné. On dirait vraiment un cachot avec sa grosse porte métallique et sa petite fenêtre qui laisse à peine la lumière pénétrer. Je tourne la tête sur le triste atelier de Levi et soupire lourdement. Sortir de prison pour s'enfermer dans une nouvelle cage... Quel gros malin.
- Il y a quelqu'un ?
La voix pleine d'espoir de Daphné me prend par surprise. Je vois des longs doigts glisser pour se tenir aux petites barres de la fenêtre avant que deux yeux bridés apparaissent dans l'encadrement de la fenêtre.
- Oh, crache-t-elle en me reconnaissant. Tu viens me libérer ?
Je lui répond négativement.
- Je veux rentrer chez moi. Qu'est-ce que vous allez me faire ?
- Rien, je te promet qu'on ne te fera pas de mal.
Ses yeux se transforment en un tourbillon de noirceur.
- Menteuse ! Tu n'es qu'une menteuse ! Vous allez me tuer c'est ça ? Aide-moi. Tu es inhumaine !
Gaby, il est temps de tourner des talents et de t'en aller avant qu'elle n'essaye de te retourner le cerveau. Je serre les poings pour ne pas entendre ses reproches.
- Attend s'il-te-plait ! Ne me laisse pas toute seule ! J'ai peur. J'ai tellement peur ! Je ne veux pas mourir !
Sa voix disparaît au loin tandis que j'arrive enfin à la surface. J'ai le cœur serré et la voix de Daphné résonne encore dans ma tête quand Aaliyah m'interpelle pour que je me joigne à leur table. Le petit déjeuné est servi par un Raoul impassible comme à son habitude.
- Alors Gaby ?, demande Erwin. Où est Levi, le roi de la journée ?
Je soupire.
- Il nous rejoindra plus tard.
- Il doit être hyper nerveux pour rater un tel festin !, souffle Chase entre une bouchée de pain au chocolat et une autre de gaufre chaude.
Ce dernier se sert et se ressert comme un enfant désespéré qui viendrait de couper son jeun. Chase n'a certainement jamais vu une table pareille aussi pleine de si bon matin, et je dois avouer que moi non plus. J'attrape un pain à l'ail et le croque à pleine dent tandis que mon regard suit le goinfre de Chase. Il vient de sortir une tartine du grille-pain, la recouverte d'une tranche de fromage pour l'offrir à Aaliyah.
- Merci Habibi, fait-elle en y déposant une tomate cerise.
Chase refait une tartine qui lui est cette fois-ci destinée. Aaliyah lui tend une tomate qu'il accepte volontiers en ouvrant grand la bouche. Je ne peux m'empêcher de glousser quand je vois Austin grimacer de dégoût. J'aurais aimé que Levi soit là pour se joindre aux moqueries.
- Gaby, me chuchote Abby, tu n'as pas l'air très joyeuse.
- Bien-sur que si.
Elle arque un sourcil.
- C'est Levi qui te néglige, c'est ça ?
Je caresse les cheveux de ma sœur et m'efforce de sourire. Je pensais être plus heureuse en ayant Levi à mes cotés, mais on ne peut pas contrôler. S'il est comme ça, c'est bien de ma faute. Je l'ai déçu. Abby fait une moue boudeuse et attrape ma main pour la garder dans la sienne.
- Vous vous êtes disputés ? Déjà ?
Je dégage ma main de la sienne pour me verser un jus d'orange. Je sens son regard persister sur moi pendant les secondes durant lesquelles je bois mon verre.
- Une toute petite dispute de rien du tout.
- Vous vous disputiez pour le prénom de mini Gane ?
Je secoue la tête et me sers de nouveau.
- Oh je sais ! Vous vous disputiez la destination ? Je croyais que c'était décidé pourtant. Tu ne veux pas du soleil de Mexico ?
Je finis mon verre et essuie ma bouche de mon poignet.
- Je reste ici.
Ma voix était à peine audible au milieu de toutes ces conversations et pourtant...
- Comment ça ?, surprend Austin. Tu pars pas avec lui ?
- Je ne peux pas abandonner Abby toute seule ici. C'était mon devoir de veiller sur elle.
- Mais il n'est pas question de moi !
- Abby, je sais que tu es heureuse ici. Tu as des amis et tu as Marvin. Mais tu n'as que 15 ans, tu es une enfant. Tu as encore besoin de moi.
- J'ai 15 ans et c'est déjà plus qu'assez ! C'est moi qui m'occupais de maman ! je faisais la cuisine, le ménage et les courses ! Je suis une grande fille, Gaby. Je saurais me débrouiller sans toi.
Je serre les lèvres et tend la main pour me servir de nouveau du jus d'orange. Mais une tape sur la main arrête tout de suite mon mouvement. Je détourne les yeux et rencontre le regard d'Erwin. C'est celui d'un parent qui comprend ma situation et qui me demande de ne pas fuir.
- Abby, je sais que tu as envie d'être une super tata pour mini Gane. Tu te rappelles comment tu as décorée ta chambre pour l'y accueillir ?
- Bien sûr que je veux être sa tata ! Mais tu ne dois pas la séparer de son père.
- Je ne la sépare pas de-...
- Tu ne peux pas garder mini Gane pour toi et espérer que Levi en soit tout heureux !
L'air autour de moi s'alourdit et j'ai du mal à lever la tête. Je veux faire les choses bien, mais alors pourquoi personne ne semble de mon avis ?
- Abby, lancé-je difficilement, tu ne vas pas être triste si ta sœur et ta nièce partent loin ?
- Tu viendras me rendre visite, sourit-elle. Je ne m'inquiète pas.
Je secoue la tête.
- Je sais que tu es courageuse, mais tu as déjà perdu papa et maman. Et tu veux que je m'en ailles moi à mon tour ? Je refuse de t'abandonner, tu es ma famille.
- Tu dramatises pour rien. Je suis une grande fille, m'assure-t-elle en montrant ses biceps. Et puis regarde, toute ma famille se trouve ici.
Elle nous montre tous. Aaliyah, Chase, Austin, Erwin et moi.
- Abby pourra habiter avec moi, fait Aaliyah.
- Vous ne comprenez pas, soupiré-je. Je ne veux pas être séparée d'Abby, mais je ne peux pas non plus l'amener avec moi.
Aaliyah attrape le panier de fruits et en sors un joli kiwi.
- Gaby, lance-t-elle en me tendant le fruit, tu ne peux pas tout avoir.
Je contemple le fruit et le fais tourner sous tous les angles dans la paume de ma main.
C'est là que Juvia vient nous rejoindre et sa présence suffit à éclater la bulle de silence. Elle est tellement mignonne avec ses cheveux maladroitement bouclés et ses vêtements tout neufs aux vives couleurs. Quand je vois sur qui ses yeux restent rivés, je comprend son subterfuge. Elle nous menace de son sourire et nous nous décalons tous pour qu'elle ait la place à côté d'Austin.
- Alors ?, fait-elle d'une voix élevée. Vous parliez de quoi ? J'espère que vous parliez pas sur mon dos ! Mais... (elle tourne un visage malicieux vers Austin.) mon mari, toi tu peux parler de moi et sur moi et à côté de moi !
Austin grimace de dégout et détourne les yeux pour l'ignorer. Il fait mine de se servir une tasse de café mais il tend toujours l'oreille.
- Oh mon mari ! Sois pas gêné ! On se verra tous les jours maintenant ! Je vais te présenter à papá, mais il faudrait pas qu'il découvre notre relation ! T'as qu'à dire que t'es un ami de Levi en attendant. Et puis un jour je volerai l'argent d'épargne de papá et on pourra partir loin nous aussi ! Et-...
Juvia se tait dès qu'elle voit l'ombre de Raoul. Ce dernier vient silencieusement déposer un plateau de smoothie sur la table. Il prend calmement place pour manger avec nous sous le regard décontenancé de Juvia. La jeune fille déglutit avant de le pointer furieusement du doigt.
- Je veux pas de smoothie !
Sans broncher, il lui dit de se servir un verre d'eau à la place.
- Je veux un milk-shake. Steuplait.
Raoul se relève sans un mot ni soupir et il retourne en cuisine.
- Pfiou, souffle-t-elle lorsqu'il disparaît, on a eu chaud. J'ai bien cru qu'il allait jamais partir. Alors mon mari, dis-moi comment avancent les préparatifs ?
- Quels préparatifs ?
- Bah ! T'as quand même pas oublié ? Notre mariage ! Mouahaha !
Austin et Chase s'étouffent dans leur boisson. Abby écarquille les yeux tandis qu'Aaliyah éclate de rire. Oui, c'est bien du sérieux.
- T'as trouvé un joli costard ? Moi, je me suis dénichée une splendide robe ! Elle est toute blanche avec un peu de rose et de jaune et de bleu. Je l'adore ! Tu vas l'adorer aussi. Mais si tu l'adores pas, alors je serai triste. Mais c'est pas grave, j'en achèterai une autre. Une robe avec du orange et du violet et du rouge, ça te conviendrait ? Mais tu sais, ça serait vraiment formidable que tu l'aimes même un peu quand même. Je veux dire, elle me va superbement bien ! C'est pas la robe qui doit te plaire, mais moi dedans. Et j'ai assez confiance. Je pourrais te montrer plus tard. Tu vas en rougir. Ouuh le sale bougre, ton épouse est magnifique ! Mouahahaha !
Eberlués, nous gardons tous le silence et faisons semblant de nous mêler de nos affaires. Bien-sur, personne ne perd une miette de la conversation.
- Ecoute, tente Austin, il faut que tu comprennes quelque chose.
- Oh grrr ! Mon mari veut m'apprendre des choses. Je t'écoute, professeur.
- T'es pas mon genre.
Juvia arque un sourcil.
- Je comprend pas.
Il déglutit. Et même s'il ne veut pas la blesser, il doit mettre les choses au clair.
- T'es pas assez... sexy. Voilà, t'es pas mon genre alors lâche-moi maintenant.
- Je comprend ! Fallait le dire ! J'ai acheté un kit de maquillage rien que pour toi ! Mon sexy sex-appeal va te faire fondre. Tu vas adorer ! Les couleurs sont super vives et elles s'accordent parfaitement avec ma robe de mariée blanche avec du rose et du jaune et du bleu. Mais si tu préfère un look féline et mystérieuse, il faudrait peut-être un kit plus sombre ? Oh non ! Il faudra acheter une robe noire ! Ca ne sera plus un mariage mais un enterrement ! Je suis désolée mon mari, mais il faudra opter pour la première option. Après, un look sexy ça pourrait-
- Non tu ne comprend pas !, grogne-t-il. T'es trop petite et trop plate. J'aime les bombasses.
- Pas de soucis ! Avec l'avancée de la science, il parait que je peux me faire pousser des boobies en me faisant planter des pépins de melon sur le corps ! Et si ça te suffit pas, pas d'inquiétudes ! Papá a pleiiiin de dynamite ! Je sais ! Je pourrai coudre plein d'explosifs dans ma robe de mariée. Je serai une vraie bombasse pour toi ! Oh mon dieu ! J'ai une idée de génie ! (elle attrape le jeune homme par le col pour se coller à lui.) Pourquoi jeter un bouquet de fleurs si je peux jeter ma robe explosive ? La cérémonie sera sensationnelle, y aura plein de feux d'artifices ! Ca va faire bim, bam, boum ! Et ça va faire pshht et ça va faire vroum. Ça va faire bim, bam, boum !
Austin grogne en se dégageant d'elle comme il peut.
- Austin tu devrais lui laisser une chance, se moque Aaliyah. Je crois qu'elle est parfaite pour toi.
- Oui je suis parfaite pour mon mari ! (elle attrape les mains du brun avec une force qui me surprend) Allons nous promener en amoureux sous le coucher du soleil ! On fera un pique-nique et on se racontera plein d'histoires de notre enfance. Oh comme c'est romantique ! Et quand il commencera à faire froid, tu devras me prêter ta veste. Je vais rougir comme une tomate si tu fais ça, c'est sûr ! Et comme dans les romans, tu auras froid vêtu d'un fin t-shirt. Alors ouuuuh ! (elle gigote dans tous les sens en secouant Austin de droite à gauche) Alors on s'enlacera dans ta veste pour se tenir au chaud ! Kyaaaa ! Et on s'endormira comme ça en comptant les étoiles.
Austin dégage ses mains avec vigueur et la pointe du doigts pour la maintenir à distance.
- Arrête ! Tu dois arrêter tes fantasmes okay ? Réveille-toi ! Allo ici la réalité ! Et la réalité c'est que je ne veux pas de toi ! Qu'est-ce qu'il faut pour que tu le comprennes ? Tu me soûles ! Tu es extra collante et ton caractère est insupportable. Ta voix me casses les oreilles ! T'entendre piailler me donne mal à la tête ! Arrête !
Le regard de Juvia est bouleversé et les pépites qui y brillaient disparaissent brutalement. La voila de retour du monde des rêves. Et la réalisation est douloureuse et mal comprise. Les doigts de la brune se lèvent en tremblotant sur sa mèche rose.
- Je... je peux changer ça... Je ne parlerai plus ! Voilà, comme ça tu n'auras plus mal à la tête. Je serai muette comme une taupe. Non... Comme une cape... une euh... C'est quoi le mot déjà ? Je sais que c'est un poisson. Mais j'aime pas les poissons ! Je préfère la viande quand même. Et toi mon mari, t'aimes le poisson ? Si tu aimes le poisson alors moi aussi j'a-
- Arrête, lui fait-il simplement et durement.
Juvia est confuse et impuissante quand Austin se lève de table.
- Non... Ne pars pas. Mon mari attends...
- Je suis sûr que tu ne te rappelles même pas de mon prénom. Je ne m'appelle pas 'mon mari'. N'efface pas mon identité pour ton petit plaisir.
- Je suis désolée !, lâche-t-elle au bord des larmes. Je suis vraiment désolée. Mais tu ne peux pas partir sans moi ! Attends-moi, je viens avec toi.
Elle contourne la table et le rejoint précipitamment. Elle tente de lui prendre la main mais il la rejette une fois de plus.
- Je vais le dire une fois pour toute. Je ne t'aime pas Juvia.
- Mais... Tu... Tu ne veux pas m'épouser ?
- Jamais, et ce même si t'étais la dernière femme sur terre. Mets-toi bien ça dans le crâne.
Il s'en va sans se retourner, ou du moins il essaye.
- Pourquoi ?, lui hurle-t-elle.
Il l'ignore. Et dans le silence, la jeune fille réagit si brusquement que je manque d'avaler ma boisson de travers. Sans hésiter, elle part à sa poursuite et ses pas sont si rapide qu'Austin n'a pas le temps de comprendre ce qu'il se passe qu'il se retrouve propulsé contre le mur.
- T'avais promis !
Le brun se tient l'épaule douloureusement en jetant un regard de feu derrière lui.
- J'ai jamais rien promis !
- T'avais dit que tu me kidnapperais et qu'on irait vivre ensemble un amour interdit et secret loin de tous !
- Mais j'ai jamais dit ça !
- Menteur !
Austin passe une main agitée dans ses cheveux.
- Ecoute, c'est Levi qui t'as fait toute ces promesses. J'ai jamais rien accepté.
- Il a dit que t'étais d'accord !
- Eh bah non, je le suis pas !
- Menteur !
- Comment je peux mentir ? On parle de mes sentiments !
- T'as pas besoin de refouler tes émotions, mon mari ! Ils sont réciproques !
Austin se frappe le front en soupirant et je le vois grimacer de douleur. Il se tient l'épaule quand Juvia arrive devant lui toute inquiète.
- Tu as mal ? Je suis désolée je ne voulais pas te blesser.
Elle le prend maladroitement dans ses bras. Pendant de longues secondes, les deux se calment. Austin lève la tête au plafond en soupirant un bon coup. Il pose une main hésitante sur la tête de Juvia. Cette dernière se détache de lui et le regarde d'un air sérieux.
- Mais si tu as mal, c'est que tu es vraiment faible. Je vais devoir t'endurcir, mon mari.
Elle lui sert son énorme sourire mais Austin secoue la tête.
- Pour la dernière fois, je ne suis pas ton mari !
- Bientôt tu le seras ! Quand tu diras oui devant l'autel.
- On n'ira pas devant l'autel !
- Tu diras certainement oui devant l'hôtel alors, fait-elle dans un clin d'œil.
Austin se tape violemment le visage. Le pauvre, il n'en peut plus.
- Tu avais dit que tu arrêterais de parler ? Alors mets la en sourdine.
- Seulement quand tu diras oui. Tu peux le dire maintenant et on-...
- Ughhh arrête ! Tu auras beau essayer, ça ne sert à rien !
- Pourquoi ça ?
- Je...
Austin semble réfléchir à la façon ultime de lui faire abandonner. Et au bout d'un long moment de réflexion, il trouve une solution. Cela n'a pas l'air de lui plaire. Il se masse la tempe avant que ses lèvres ne prononcent pour lui les quelques mots délivreurs :
- Parce que j'aime les hommes.
Juvia écarquille des yeux. J'écarquille des yeux. Tous le monde écarquille des yeux. Même Austin écarquille des yeux, mais ceux-ci brillent d'un éclat nouveau. L'expression décomposée de la jeune brune amène un sourire de soulagement sur le visage d'Austin. Juvia avale sa fierté en attrapant la main d'Austin. Elle le regarde tendrement dans un triste sourire.
- Pour toi mon mari, je rejetterai la femme que je suis.
- Pardon ?
Austin veut pleurer dans la détermination de la brunette, c'est évident. Cette dernière lâche son gros sourire carnassier et tape des mains fièrement :
- A partir de maintenant je suis un homme ! Appelle-moi Juv le bolosse.
- Non c'est pas...
- Je vais revendre ma robe de mariée et acheter un beau costard ! Deux costards pour les nouveaux mariés ! Deux mâles alphas en escapade ! Juv et son mari ! Oh oui j'adore ! Maintenant, tu diras oui !
Juvia saute de joie et atterrie dans les bras d'Austin. Le garçon la laisse tomber à terre et brousse chemin dans une colère palpable. Lorsqu'il est de dos, le sourire de Juvia s'efface. Elle ne peut que le regarder s'éloigner. Raoul débarque en dévisageant Austin. Puis il tend sa boisson à la brune. Mais elle l'ignore, ou le voit à peine.
* * *
Plus tard dans la journée, je retrouve Aaliyah dans l'une des chambres qu'on nous a laissé emprunter. Lorsqu'elle me voit à l'embrasure de la porte, elle pose son téléphone sur le lit et me fait signe de venir m'assoir.
- Toujours pas de nouvelles de ton Levi ?
Je secoue la tête en regardant la masse de boucles rebelles qu'elle a relevées en une queue de cheval.
- J'imaginais qu'il serait un peu plus présent, souffle-t-elle. Il n'est même pas venu pour le petit-déjeuner. Qu'est-ce qu'il fait ?
- Il s'est enfermé dans un "atelier", mimé-je des guillemets. Il passe son temps à peindre.
- Drôle de façon de passer ses quelques dernières heures à Los Angeles. Je pensais qu'il ne te quitterait pas une seconde.
Aaliyah attrape un coussin et le serre contre ses bras.
- Pourquoi il continue de s'isoler comme ça ? Il a fait une bêtise ?
- Je lui ai dit que je ne pourrais pas le rejoindre et il l'a mal pris.
Elle attrape une mèche de mes cheveux avec laquelle elle joue du bout de ses doigts. Ses yeux bruns se posent sur mon ventre.
- Il est drôlement immature, à vouloir toute ton attention.
- Il ne faut pas lui en vouloir. Je lui avais promis de toujours rester à ses côtés. C'est moi la méchante dans cette histoire.
Aaliyah secoue la tête vigoureusement.
- Il y a encore quelques heures tu étais totalement effondrée. Tu me faisais peur, j'avais l'impression que tu ne te ressaisirai pas. Que tu finirai peut-être comme ta mère. Puis tu as débarqué dans le salon, avec cette drôle de peluche. Tu avais l'air revigorée. Je ne sais pas vraiment comment tu as fait pour te reprendre en main, mais j'étais soulagée.
Aaliyah se redresse et prend mes joues en coupe.
- Et j'étais fière de toi à ce moment là. Je me suis dit : en voilà une femme forte !
- Je me suis ressaisie quand j'ai mis de l'ordre dans mes idées. Je me suis rappelée ma promesse envers Abby, que j'allais la protéger jusqu'au bout. J'ai alors pensé à mini Gane et je me suis donné un nouveau but : rester à leurs côtés.
Aaliyah pouffe dans un air ironique.
- Et le voilà qui te demande l'inverse.
Je me blotti contre elle et elle ferme les bras derrière ma nuque.
- Aaliyah, je sais ce que tu vas me dire : 'Gaby, tu dois penser au bébé avant tout. Elle ne mérite pas de passer toute sa vie dans la peur.'
- C'est exact, et je préfère être réaliste qu'idéaliste. Ton Levi est libre, tu n'as plus à être brisée comme ça. Il ne doit pas te précipiter dans sa chute. Je suis sûre que ce n'est pas ce qu'il veut au fond.
Je ferme les yeux et me love contre l'odeur d'Aaliyah.
- J'aimerai partager sa peine. Je ne veux pas le laisser souffrir seul.
- Gaby...
- Je sais que je dois aussi penser à mini Gane et Abby. Mais j'ai l'impression que quoi que je choisisse, je finirai par blesser quelqu'un. Quelqu'un que j'étais censée protéger.
Je sens des larmes frayer leur chemin sur mes joues. Au fond, je sais. Je sais qui en aura le cœur brisé. Mais quand ses mots se glissent dans mes oreilles, je ne peux m'empêcher de me détester.
"Et je n'aurais plus qu'à mourir."
- Je ne veux pas l'abandonner et je ne veux pas qu'il s'en aille sans moi. Je voudrais le cacher dans ma poche et l'y garder bien au chaud.
Mon cœur se serre si fort que j'en étouffe. Ma vue est à peine claire derrière mes larmes. Je ferme les yeux et me blotti davantage contre Aaliyah.
- C'est normal que tu te sentes perdue. Mais soyons objectives. Tu as deux possibilités. Ta première option est de choisir Levi. De partir avec lui, un bébé dans ton ventre. Si c'est ça que tu choisis, je te promets de veiller sur Abby. Tu n'auras pas à t'inquiéter pour elle. Par contre, tu vas devoir vivre avec deux choses en tête.
Elle caresse mes cheveux au rythme de ses paroles.
- Tu vas beaucoup beaucoup voyager, mais ça n'aura rien de chouette. Mini Gane n'aura probablement pas la chance d'aller à une école fixe et de se faire des amis pour longtemps. Le risque étant qu'on découvre l'identité de son père. Et il faudra bien que vous lui expliquiez la situation quand elle sera plus grande. Subvenir aux besoins de trois personnes sera difficile dans ces circonstances. Mais tu ne dois pas te tourner dans l'illégalité, ça ne ferait qu'aggraver votre situation. Dans tous les cas, vous vivrez dans la peur et l'angoisse. La paranoïa aussi peut-être. Je ne te souhaite pas ça.
Je soupire. Ça fait déjà beaucoup.
- La deuxième chose... tu vas me détester de te dire ça Gaby, mais tu dois en prendre conscience. Si jamais vous vous faîtes prendre, tu iras aussi en prison Gaby parce que tu es son complice. Tu as menti aux autorités, tu l'as caché et tu as porté son enfant. On vous ôteras la garde de Mini Gane, c'est sur.
Je la regarde les yeux globuleux.
- Aucun de vous ne sera heureux. Mini Gane perdra ses deux parents. Elle en souffrira beaucoup. Je sais, c'est horrible. En plus, une si jeune enfant mérite de la stabilité. Et c'est ta seconde option. Alors si c'est elle que tu choisis, elle grandira bien. Elle aura un toit sous sa tête, sa tata et sa maman pour veiller sur elle. Qu'est-ce que je dis, elle nous aura tous. On est sa famille aussi. Mais... (elle dégage une mèche de mes cheveux pour la glisser derrière mon oreille.) Elle ne connaîtra pas son père, en tout cas pas avant un moment. Ça sera difficile pour elle, mais pas le pire.
Aaliyah essuie mes larmes du bout de ses doigts et m'offre un petit sourire.
- Dans ce cas, Levi devra supporter ses mauvaises décisions tout seul. Il souffrira seul. Mais au moins, il vous aura protégées vous. Même s'il fait le difficile maintenant, j'aime à croire qu'il pensera à votre confort avant le sien.
Je lâche un long soupir. Ici pas d'avenir. C'est seulement la vérité, mais elle est si douloureuse. Ici pas d'avenir pour nous. Il ne sera jamais libre. Tant qu'il vivra, il sera traqué. Comme du bétail. Et je ne pourrais jamais le libérer.
- Je suis horrible Aaliyah. Je suis une menteuse. Il est revenu pour moi. Pour moi et je...
Aaliyah embrasse mon front.
- Il comprendra. Même s'il t'en veut maintenant, Levi te remerciera plus tard. Il doit apprendre à ne pas enchaîner les gens à lui.
Je serre les lèvres dans la réalisation.
Je ne te choisis pas, Levi.
Je ne te choisis pas.
Je ne peux pas.
°°°
Bonjour, j'espère que vous vous portez bien ?
C'est enfin les vacances et on ne peut que s'en réjouir ! Mais en attendant, la météo est dégueulasse on est d'accord ? 🤨
Bref, je vous retrouve avec un nouveau chapitre du point de vue de Gaby cette fois-ci. Et elle a fait son choix. Levi va pas s'en remettre * insert surprise pikachu face *
💔 On voit la folie de Juvia, le désespoir d'Austin. Ou bien c'est elle qui est désespérée... Jusqu'où est est prête à aller pour le choper je- 😫😩
💔 Aaliyah est douce pour une fois, j'ai adoré écrire son interaction avec Gaby. C'est trop mims 🙊🥺
Voilà pour moi, dites-moi ce que vous avez pensé du chapitre !
A bientôt !
💔 kissou kissou 💔
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