- Adam, du calme.

Je tente de le calmer derrière la baie vitrée qui nous sépare. Pourtant cela n'a aucun effet. Adam grogne de toute ses dents. C'est insupportable de le voir ainsi, surtout en sachant que ce n'est pas lui qui a commis le crime mais quelqu'un qui partage son corps. Le pire dans l'histoire c'est que tous le monde le croit coupable.

- Pourquoi il a fait ça? Pourquoi les avoir tués ? Je les aimais moi... Putain!

Il s'effondre échappant ainsi à mon champs de vision. Je ne le vois plus mais entend toujours ses grognements incessants. Il gémit, frappe sur le sol puis soudain plus rien. Je panique et monte sur la table pour l'apercevoir affalé sur le sol comme un cadavre. J'essaye de le réveiller malgré l'incapacité à le toucher, mais aucun changement. Il reste couché ainsi.

Le choque l'a vraiment assommé, je peux comprendre. Je m'apprête alors à appeller de l'aide quand le son d'une chaise qui glisse et se renverse retenti. Je me retourne aussitôt pour constater qu'Adam se relève lentement. Je me rue alors vers lui.

- ça va aller Adam ? calme-toi et respire.

Il remonte lentement le visage pour me regarder, son expression vidée reprend petit à petit des couleurs. Il décoiffe ses cheveux qui retombent sur son front puis me fixe un moment avant de souffler:

- T'inquiète, là où il est il ne fera que ça.

Il fait aussitôt craquer sa nuque et se dégourdit les muscles. Il fini par s'étirer comme s'il sortait d'un long sommeil.

- Je ne pensais pas te revoir un jour. Tu en as des trippes, Gaby.

Je fronce les sourcils devant l'évidence de la situation. Lui, se contente de sourire comme il le fait si bien. Sauf que son sourire n'a plus rien à voir avec celui d'Adam, le sourire de Lane est satisfait.

- Ça fait combien de temps qu'il a le contrôle? me demande Lane en s'asseyant sur son côté de la table.

il attend vraiment ma réponse ? Il papote comme si de rien n'était alors que j'ai passé plusieurs jours à l'hôpital par sa faute. Pas d'excuses, même pas un regard désolé. Il se pourrait qu'il ne se sente coupable de rien, ou bien il n'est pas du genre à lâcher des excuses aussi facilement.
Je fais la moue, les bras croisés en le fixant à la manière d'une mère qui gronde son gosse.

- Quoi? Tu boudes? Parce que ton cou te fait un peu mal?

- Pardon? Tu as failli me tuer!

- Je me permet de te rappeler que tu es la seule fautive. Je t'avais prévenue. Alors oui tu l'as bien mérité. Mais crois-moi, je ne t'aurais pas envoyé a la morgue pour si peu.

- Et qu'est-ce-qui aurait suffit à m'y envoyer?

- Si tu veux vraiment savoir tu n'as qu'à demander à mes vieux.

- C'est toi qui a...?

- Qui d'autre?

- Lane... Qu'est-ce que tu ressens au fond? Ça ne te fais vraiment ni chaud ni froid?

- Ça devrait?

- Adam en souffre beaucoup...

- Oh vraiment? Il n'y a rien qui pourrait me rendre plus heureux.

- Quoi?

- J'ai bien fait, de les buter.

Minute papillon, il serait en train de me dire que tuer ses parents n'était pas une si mauvaise idée, puisqu' Adam en souffre ?

- Gaby?

- Oui?

- Tu as... un truc sur le cou...

Je baisse le regard pour examiner de quoi il est question et la seule chose qui se présente face à moi est le pansement cachant la cicatrice qui commence doucement à guérir que m'a laissé Lane.
La voix de se dernier retenti à nouveau:

- Oh! C'était de la douleur!

Il se met à ricaner de plus belle. Moi je me contente de froncer les sourcil. Oui, ce que j'ai sur le cou c'est une douloureuse blessure causée par mon manque de vigilance.

En ce moment, on peut dire que mon regard est plus noir que sa blague. D'abord il se fout de ma gueule, ensuite il me prend pour une balle anti-stress, et maintenant il rigole de mon état ? Ce gars a un air particulièrement hautain et affirmé. Et moi je m'impressionne de ne pas lui avoir encore sauter dessus.

Je le fixe blasée et il efface son sourire, déçu.

- C'est pas drôle.

- Tu n'as pas d'humour.

- C'est de l'humour noir ça, c'est vraiment pas sympa.

- Qu'est-ce-qui est moins sympa? Promulguer les différentes races d'humour ou être un raciste fermé d'esprit?

- Lane?

- Oui ma douce?

- Tu as quelque chose sur-....

- Ah non, me coupe-t-il. On me la fait pas à moi.

J'hausse les épaules et me relève en récupérant mes cliques et mes claques. Il arque un sourcil et me demande:

- C'est déjà fini?

- je ne suis pas une grande fan des moustiques.

- C'est moi que tu traite de moustique?

Je souris. Ah non, je ne fais pas ce genre de blagues moi. Je ne veux que le bien de tous, alors s'ils ne m'écoutent pas, et bien tant pis pour eux. Un moustique risquerait de les piquer.

- À demain Lane.

Je m'éloigne et il ne faut pas très longtemps pour que ses grognements retentissent.

- Putain! Saleté de vampire!

Je glousse et laisse la porte se fermer derrière, laissant ainsi Lane en très bonne compagnie.

Rémus, le premier collègue avec qui j'ai sympathisé, verrouille la porte en me demandant ce qu'a Lane.

- Pensez à acheter de l'insecticide, me contentais-je de lui répondre. On est nul part à l'abris.

***

Je jette un coup d'oeil à ma montre, il est 17h passées et le professeur Von Zerting n'a pas encore réussi à se libérer pour me voir. Je sens déjà que je serais trop crevée pour cuisiner quoi que ce soit ce soir, du coup c'est qui qui va encore commander une pizza?

Je soupire. Ma vie devient de plus en plus merdique on dirait : j'avais enfin réussi à échapper à maman et sa ribambelle de copains que Lane apparait pour me torturer à son tour. Heureusement qu'Adam est sympa.

Enfin mon bon vieux professeur libère ses élèves et vient me retrouver. Il a toujours cette manière de faire zigzager ses lunettes avant de les poser sur son nez. Ses cheveux blancs descendent jusqu'à ses petites épaules qui ne tiennent plus droit.

- Gaby, quel plaisir de te revoir,(ses mots sortent avant même que ses lèvres ne les forment, il me prend par l'avant bras pour que je le suive)Allons à la bibliothèque pour parler, si tu veux bien.

On s'y dirige donc. Et il me demande en chemin comment je vais, ce que je fais depuis l'obtention de mon diplôme. C'est une fois arrivés dans l'immense bibliothèque que j'entame le sujet principal de ma venue: le cas de Lane et Adam.

Il écoute attentivement chacun de mes mots, tantôt il hoche la tête pour montrer sa surprise tantôt il reste impassible, signifiant qu'il est en pleine méditation.
Il s'assied finalement devant une table et je le suis.

- Gaby, te rappelle-tu du livre que je t'avais fait lire durant ta deuxième année ?

- Lequel en particulier ? J'ai du en lire une pile cette année-là.

- Une fiction du nom du "mystérieux cas du docteur Jekyl-..."

- "le mystérieux cas du docteur jekyll et mister Hyde.", le coupais-je. Oui, je m'en souviens.

- Alors te rappelle-tu du trouble dont souffrait Jekyll ?

- Eh bien... C'était du trouble de la personnalité multiple si je ne me trompe pas.

- Exactement, une dissociation de l'identité.

- Ce serait... Adam Lane souffrirais du TDI ?

- C'est fort probable. Tu dois approfondir tes recherches pour en être certaine mais c'est la seule explication plausible qui s'offre.

- Mais le TDI n'est pas inscrit parmis les troubles de l'identité. Ce n'est peut-être même pas une vraie maladie, juste une source d'inspiration pour des récits.

- Gaby, tout récit a un fond de vérité. Et cette vérité-ci n'arrive pas à se faire accepter par le reste du monde.

- Parce que ça nous dépasse.

C'est exactement pour ça que je n'arrive pas à croire au TDI.

- Vous avez raison, après diagnostique on pourra le traiter et il récupérera  une vie un peu plus digne.

- Tu ne penses quand même pas qu'il parviendra à être acquitté, gaby? Dans le meilleur des cas, si les juges acceptent d'admettre qu'Adam Lane souffre de personnalités multiples, il sera envoyé dans un hôpital psychiatrique spécialisé. Mais n'oublie pas qu'un criminel vit en lui, on ne peut pas lui rendre sa liberté.

Je baisse le regard, déçue. Le professeur passe sa main sur mon dos pour me consoler.

- Mais tu sais que le plus dure sera de les convaincre ? Tu l'as dit toi-même la personnalité multiple n'est même pas acceptée parmi les troubles de la personnalité.

- C'est parce que certains criminels inventent leur maladie pour voir leur peine allégée...

- C'est peut-être le cas de ton patient?

- Non, je ne pense pas qu'il mente. Sa souffrance est trop réaliste pour être fausse et son jeu d'acteur serait méritant d'un oscar.

- Ne te fais pas duper, Gaby d'accord?

- Je ne suis pas dupe. Mais n'oubliez pas que toute relation doit se construire sur la confiance, c'est indispensable!

- Je te l'ai crié tellement de fois pendant ton cursus que tu en fais ton arme contre moi maintenant?

Il sourit puis s'éloigne vers les larges étagères de livres pour revenir avec une pile dans les mains.

- Je t'ai trouvé des livres sur le sujet. Et voici Jekyl et Hyde, (il pose le gros bouquin devant moi) pourquoi ne pas t'en inspirer?

- Si j'avais su que vous me donneriez des devoirs je ne serai pas venue.

Il ricane pendant que je récupère tous les livres.

J'arrive chez moi assez tard. J'ai du prendre les transports en commun vu que je n'ai pas de voiture. Je ne dépasse même pas le seuil de ma porte que je me débarrasse de mes escarpins et me jette sur mon canapé. Je ferme les yeux et attends l'arrivée de la pizza que j'ai commandée dans le bus. J'ai le temps de faire une micro sieste que ma pizza arrive déjà. Je lis un paragraphe d'un des bouquins du professeur à chaque bouchée de pizza pépéronie. Plus j'avance dans ma lecture et plus je suis subjugué par cette mystérieuse maladie. Elle est d'une complexité aberrante.

Déjà remarquée au moyen-âge ce n'est que bien plus tard qu'on s'intéresse réellement au trouble dissossiatif de l'identité (TDI), ou de la personnalité multiple.

Le récit fictif de Jekyll et Hyde avait particulièrement éveillé l'intérêt du public sur cette mystérieuse maladie mais c'est Billy Milligan qui lui donna une toute autre ampleur. Les médecins l'étudièrent de plus près et les camps commencèrent à se former: d'un côté on a les défenseurs du TDI et d'un autre ceux qui prônent que cette maladie mentale n'est qu'une invention du patient.

J'essaie de mettre en commun toute ces données et le cas d'Adam Lane. On sait que la maladie est causée par un traumatisme qui fait que le cerveau n'a d'autre issue pour se protéger que de créer un nouvel individu, l'égo, pour surmonter les souffrances à la place de l'original. Mais le cerveau est-il capable d'un tel miracle ? voilà pourquoi beaucoup doutent.

Quant à moi, le doute ne règne plus. Le cerveau humain est d'une incroyable complexité mais ses besoins primaires pourraient lui permettre de tels prodiges.
L'homme ne pense qu'à survivre et bouffer après tout, pensais-je en m'empiffrant de pizza.

Mais du coup qui est l'original? qui est l'égo crée pour le protéger ? Adam ou Lane? J'écris ma propre théorie et elle me semble trop probable pour n'être qu'une théorie. Bien-sûr, je tenterai de mettre en relation le passé que me raconteront les deux garçons pour renforcer ma thèse.

Je balance le carton d'emballage de la pizza vers la poubelle. Et en plein dans le mille! Je me glisse dans mon lit avec mes dernières forces et plonge dans un profond sommeil.

Le son de mon reveil m'extirpe de mon sommeil. Il est déjà 10h mais je me souviens ne pas devoir aller en prison avant 16h. Je me recouche donc mais la sonnette m'interrompt à nouveau. Et moi qui pensait qu'il s'agissait de mon réveil, j'ai de la visite? Bon dieu pas ça, je suis crevée à cause de la soirée d'hier. J'espère au moins qu'on ne me cherche pas d'embrouilles. Je me lève difficilement et me dirige vers la porte en traînant des pieds. C'est Abby, ma soeurette adorée que je trouve devant ma porte.

- Wassup gurl ?

Elle me balance ces deux mots dans un style rap anglais: l'index et l'auriculaire comme les rockeurs. Je pouffe de rire tellement elle est ridicule et m'écarte pour la laisser entrer.

- Ben alors sis'? Qu'est-ce qui t'amène de bonne heure?

Elle ne me répond pas directement, observant d'abord la porcherie qu'est devenu mon salon.

- Il y avait une soirée hier? Et tu ne m'as pas invitée?

- Ouais, une soirée entre moi, mes bouquin et de la pizza. Ma vie est palpitante tu vois, lui répondis-je ironiquement. Elle est au courant que tu es ici?

- Maman n'en a que faire d'où je peux bien être (elle hausse les épaules et sort une bouteille de lait de mon frigo) Elle m'a jetée à la porte.

- Elle a quoi?

- Elle a cru que j'avais des vues sur son mec... ew, comment peut-elle imaginer un truc pareil? (Je pète de rire) pourquoi tu rigole? C'est pas du tout drôle, je me retrouve maintenant SDF.

Je pouffe encore plus.
Non, notre mère va devoir récupérer Abby. Elle a besoin d'elle. Depuis mon départ, C'est la seule personne qu'il lui reste qui sache faire le ménage et la cuisine. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle m'a empêché de récupérer la garde d'Abby. Ma mère est très violente et obtient toujours ce qu'elle veut, mais ce qu'elle ne sait pas c'est que j'adore lui jouer des tours: je me suis arrangée pour qu'Abby emménage chez moi dès qu'elle sera majeur. J'attends ce jour avec impatience, on pourra enfin être ensemble et oublier l'existence de cette sorcière qui nous sert de mère.
Elle apprendra notre valeur dès qu'elle nous aura perdues, et là la sorcière apprendra à passer quelques coups de son balai magique par elle-même.

- Je peux rester ici en attendant que maman passe ses nerfs ailleurs?

- Évidemment.

Je suis vraiment contente d'avoir la matinée de libre pour ma soeur. On s'amuse et rigole entre filles comme on ne l'avait pas fait depuis un moment.

Finalement l'heure d'aller au boulot arrive. Je quitte mon appart que je confit à Abby et prend le bus jusqu'à la prison. Le reste devient une routine : Rémus, le gardien qui a pris pour habitude de m'accompagner vérifie que je ne porte aucune arme pour ensuite m'emmener jusqu'à ma salle d'entretien habituelle. Il déverrouille la porte pour me permettre d'entrer et la verrouille aussitôt derrière moi pour que je me retrouve ainsi seule avec Adam Lane.

Lui n'est pas encore arrivé mais il ne devrait tarder. Je prend place et commence à m'impatienter. Je sais déjà que j'aurais affaire au sournois mais retardataire Lane.

Enfin, la porte blanche derrière la barrière vitrée s'ouvre, laissant apparaître Lane les mains comme toujours menottées soutenu de chaque bras par des gardes. Ils le placent sur sa chaise et nous abandonnent.

Je constate qu'il adore porter ses cheveux en bataille. Et aussi se balancer sur sa chaise en me toisant.

- Comment va ma doctoresse préférée ? Je t'ai manqué?

Mon regard se pose sur une petite piqûre mal camouflée.

- Eh bien disons que je ne semble pas t'apprécier autant que le moustique d'hier.

- C'est parce que mon sang a bon goût vois-tu.

- Et c'est un moustique qui te le fait dire?

- C'est exactement ça.

○○○

Ole ola ole
Bonne année 2018 à tout le monde!
Avouez qu'on notera tous 2017 sur nos feuilles pdt un bon moment 😂

En tout cas j'espère que vous avez pris de bonnes résolutions et que vous vous y tiendrez parce que ca va pas être mon cas (comme chaque année lol)

Bref, j'espère que ce chapitre vous plaira et que la suite aussi d'ailleurs

《Chapitre corrigé avec amour mdr》

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