[20] pas besoin d'un trône pour porter une couronne.
Aaliyah m'a dit être rentrée hier soir. Elle a à peine déposé ses valises chez elle que la première chose qu'elle voulu faire était de rendre visite à sa meilleure-amie.
En fait, elle était retournée dans son bled, histoire de faire un marché avec son très connu père.
Laissez-moi vous conter son histoire, celle d'une demoiselle courageuse :
étant la fille d'un très riche entrepreneur du Moyen-Orient limitant sa liberté à travailler dans la firme familiale, et étant en plus de ça tout simplement Aaliyah, on peut vite deviner que les discussions de familles étaient du genre à dégénérer.
Elle voulait juste être une femme complètement indépendante et elle pensait qu'elle avait le droit de choisir son avenir. Le seul moyen de faire de sa vie ce qu'elle voulait était d'user de la force, c'est-à-dire de fuir. Alors, elle prit l'avion et entreprit des études de psychologie (rien à voir avec l'économie, vous voyez). Et vous pouvez deviner la suite.
Elle était la fille populaire et riche que tout le monde aimait et moi celle qui restait discrètement dans son coin histoire d'avoir la paix. Et pourtant c'est durant un travail en duo que ces deux filles que tout oppose ont appris à se connaître. L'introvertie et l'extravertie ont fini par s'adorer et depuis on est inséparable.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Aaliyah a fini par comprendre que la psychologie n'était pas son truc. Et que malgré son désir de fuir la tradition familiale, c'était une femme d'affaires qu'elle voulait vraiment être. Alors elle étudia l'économie ici à Los Angeles pendant 2 années, avant de prendre son courage à deux mains et de retourner voir les siens. Il y a 8 mois elle parti aux Émirats arabes unis montrer à sa famille ce que leur fille était devenue, ce qu'elle osait entreprendre et à quelle point elle avait hérité de la volonté de sa famille.
Elle allait ériger sa propre boîte indépendamment de quiconque. Et après tant de discussions, le père d'Aaliyah fini par lui offrir la liberté dont elle avait toujours rêvé. Elle avait gagné cette bataille après qu'elle ait passé 8 mois à conjurer son paternel, ou plutôt après 26 ans d'existances dénuées de sens. Pour elle c'est la guerre qu'elle avait remportée.
- Comment vont tes frères ?
Je lui sers sa tasse de thé à la camomille. Puis viens verser le liquide dans ma tasse.
- Lequel en particulier ? Tu sais bien que j'en ai 8.
Adam recrache le thé qu'il venait d'ingurgiter. Il en a mis partout sur ma carpette.
- Huit?!
- Oui huit, confirme Aaliyah. Ça te poses problème?
- Oui... enfin non! Je veux dire par là que...
Aaliyah soupire puis me redonne son attention. Elle a l'air épuisée de la maladresse dont fait preuve Adam.
- Ils vont bien.
Je ne connais pas particulièrement ses frères mais je sais qu'ils sont vraiment protecteurs. Il la protègent même de leur propre père, elle a pour eux un avenir prometteur dans le domaine du business.
- Tu m'as dit qu'Amir s'était marié ?
- Oui, avec une amie que je lui avais présenté il y a très longtemps. Je suis un peu leur Cupidon. J'ai assisté au mariage, c'était il y a 2 mois. Tu aurais dû voir ça c'était grandiose !
Je n'en doute pas, ils peuvent se permettre des mariages royaux dans sa famille.
Je jette un coup d'oeil à Adam qui fixe ardemment sa tasse. Il est complètement délaissé par nos discussions et même s'il essayait une remarque, Aaliyah le nierait comme elle le fait si bien.
Elle ne l'aime pas.
Je crois que c'est parce qu'elle pense que quelque chose se passe entre moi et lui, et que je lui ment.
Soudain, Aaliyah tourne le visage en direction d'Adam et me dit:
- Assez parlé de moi, et si tu me parlais de lui?
- Hum... Disons que... il s'appelle Adam Lane et comme je te l'ai dit, il est mon patient.
- Qu'est-ce que ton patient fiche chez toi?
- C'est... euh...
Zut, je bégaie tellement que j'en perd ma crédibilité. Au point de faire hausser le sourcil d'Aaliyah un grain plus haut que d'habitude. Oh et puis tant pis.
- C'est mon copain.
Adam tousse tellement fort à ce moment qu'il récupère toute notre attention. Il est à la limite de s'étouffer avec son thé.
- Tu veux dire copain/ami ?
Il me toise avec de grands yeux d'incompréhension quand il lâche cette question. Aaliyah, amusée, guette ma réaction.
- Je veux dire copain/petit-ami.
Adam ouvre encore plus grand les yeux devant cette annonce.
- Il ne semble même pas au courant, fait remarquer ma meilleure-amie. Tu te foutrais pas de ma gueule, Gaby?
- Adam a une mémoire de poisson rouge, mais on est ensemble!
- Vraiment ?
- Je te l'assure.
- C'est à lui que je demandais, fait-elle remarquer en jettant son regard inquisiteur sur Adam.
Ce dernier est mis mal à l'aise par ces deux pairs de yeux qui le fixent. On a d'un côté le regard taquineur et fouineur d'Aaliyah qui veut lui tirer les vers du nez. Puis de l'autre côté le mien qui le supplie de répondre positivement.
Il annonce finalement en s'emparant d'un maximum de confiance.
- Oui c'est vrai! On est en couple. C'est juste que c'est tout nouveau et tellement irréaliste que mon cerveau n'arrive toujours pas à s'en convaincre.
- Et donc... c'est une nouvelle mode Pour les psy de se faire leurs patients?
Je ne dis rien, alors elle continu:
- Ou bien c'est un nouveau type de traitement?
- Arrêtes ça Aaliyah, c'est pas drôle.
- Et tu sais ce qui est encore moins drôle ? Que tu m'ai menti en me disant qu'il n'était qu'un patient.
- Je suis désolée, c'est juste que je préfère garder notre relation secrète.
- Je peux comprendre, mais le cacher à ta meilleure-amie ? Il est où l'intérêt ?
- Tu arrives au moment où je m'y attend le moins, et tu ne me laisses pas le temps de mettre mes idées en place. Je ne voulais pas te le cacher, promis.
Elle soupire.
- Ce qui est fait est fait.
- Aaliyah?!
Abby se trouve de l'autre côté de la pièce. Son sac à dos lui glisse des mains et elle arrive à grandes enjambées sur Aaliyah. Elle lui saute dessus et les deux filles finissent dans les bras de l'autre. Elles s'adorent.
Après ces petites retrouvailles Aaliyah sort une boîte pleine de produits cosmétiques. Elle nous fait avec plaisir une petite présentation des rouges à lèvres, fond de teints, eyeliner et de pleins d'autres.
- C'est mon futur business.
- Tu vas monter une firme de cosmétiques?
- Oui et ce sera ma marque à moi.
- Tu a déjà trouvé un nom?
- Oui, ce sera simplement Aaliyah's beautiful and awesome cosmetics.
- C'est un peu long comme nom, non? Conseille Adam. Quelque chose de plus court et facile à prononcer serait plus cool.
- Je ne t'ai pas demandé ton avis à ce que je sache, répond méchamment Aaliyah.
- Mais il a raison, fait remarquer Abby. Un nom de marque facile à prononcer est toujours avantageux.
- Puisque tu le dis Abby, je vais le raccourcir et me contenter de Aaliyah's comme nom.
- C'est assez narcissique tu ne trouves pas?
- Non, j'appelle ça m'auto créditer, se défend-t-elle. Ou même marquer ce qui m'appartient.
Je souris face à sa façon contradictoire de se défendre.
Puis elle sort une pochette pleine de vernis aux multiples couleurs. Elle en sort un flacon qu'elle me tend.
- Essayes-moi ça, me dit-elle pleine d'assurance.
- Et c'est quoi la particularité de ta marque?
- Eum... Elle est de bonne qualité ?
J'ouvre le flacon en admirant le joli logo de sa marque, il représente un diadème doré.
- Et tu as un slogan?
- Non pas encore.
- Et le logo c'est pour quoi?
- Ce logo pourrait signifier le luxe aux premiers abords, mais ce n'est pas un message que j'aimerai faire passer. Les filles ne sont pas à mes yeux des princesses, ce sont des reines ! On n'a pas besoin de s'appeller Elizabeth pour diriger le monde, on le fait chacune à sa façon.
- C'est du féminisme extrême, fait remarquer Adam.
Aaliyah se redresse et se place en face de lui, elle approche son visage pour l'intimider.
- Ce n'est pas du féminisme extrême. Le mot féminisme ne devrait même pas exister. On veut juste les mêmes droit que les hommes, est-ce qu'on a besoin de porter un nom pour ça ?
- Et c'est en voulant diriger le monde que tu marques cette égalité ?
- Je n'ai jamais dit que le monde devait être dirigé uniquement par les femmes. Au contraire on a besoin d'une harmonie des deux sexes, une harmonie qui n'a jamais existée! Excuses-moi de défendre la cause féminine!
- Je veux bien mais sauf que-...
- Tu as deux possibilités, le coupe-t-elle. Soit tu es sexiste, et je t'emmerde profondément. Soit tu ne l'es pas, et dans ce cas tu es féministe, parce que si tu n'es pas l'un tu es forcément l'autre. Il n'y a pas d'entre les deux! Parce que la société a toujours besoin de nous classer, elle a besoin de te foutre une étiquette sur le front!
- Aaliyah, la calmais-je. Adam propose son avis, tu n'as pas besoin de réagir ainsi.
- J'en ai ma claque qu'on me traite d'extrémiste alors que tout ce que je veux c'est promouvoir la femme et son indépendance.
- Je comprend, avoue Adam.
Aaliyah retourne à sa place plus calmement. Je remarque que sa sensibilité dans ce sujet et sa capacité à garder son calme sont très limite. Elle est la plus grande défenseure des droits des femmes que je connaisse.
- Je me suis un peu emportée pardon, s'excuse-t-elle. Mais que les choses soient claires, ma marque a pour but de sauver des jeunes filles, comme j'ai moi même été sauvée. J'ai dû me battre pour pouvoir être libre comme les femmes ont combattu pendant des siècles pour pouvoir donner leur avis.
Je souris et tend l'oreille à son discours qui ne semble pas encore terminé.
- Je veux pouvoir bâtir avec mes bénéfices des écoles dans lesquelles les petites filles, a qui on aurait interdit les études, pourront s'assoir côte à côte avec des garçons. Je veux que ma marque inspire la fierté d'être né fille même dans un monde d'hommes.
- Et donc je dois en retenir quoi, de ton monologue? Se demande Abby.
- Eh bien... qu'être une fille c'est fun?
- Avec un peu plus d'entrain tu veux?
- hum... je dirais que... que les filles... toutes les filles... non, tout le monde : les filles, les mecs, ou même les deux! Au final on est tous géniaux, quelque soit notre sexe. On a pas besoin d'un trône pour porter une couronne. C'est le message que je veux véhiculer.
- "On a pas besoin d'un trône pour porter une couronne", répète Abby. J'aime bien. Ça ferait une phrase publicitaire sympa.
- Pas mal! Se réjouit Aaliyah.
Je regarde le flacon de vernis entre mes mains. "Aaliyah's : You Don't Need A Throne To Wear A Crown", cela sonne bien je trouve.
Aaliyah m'arrache le flacon des doigts et le lance en direction d'Adam.
- Sois un petit-ami romantique et viens vernir les ongles de ta copine.
- Quoi?
- Les filles adorent ça, les petits-amis attentionnés.
- Mais je ne sais pas comment faire.
- Tu verras, c'est aussi simple que de tartiner ta tartine de Nuttela.
- Tu en es sûre ?
- Crois-moi.
Adam tenant le flacon de couleur rougeâtre s'avance sans trop discuter. Il arrive à ma hauteur et s'assied sur le sofa à mes côtés, me tendant sa main.
- Tu n'es pas obligé, m'exclammais-je amusée.
- Je veux juste vérifier si ce qu'elle a dit est vrai, concernant le Nuttela.
- Et aussi parce que ça te ferait plaisir d'agir tel un petit-ami attentionné, ajoute Aaliyah. N'est-ce-pas ?
- Oui, aussi. Si on veut.
Alors je ne perd pas plus de temps et lui tend ma main. Il la tient délicatement avec une douceur nouvelle pour moi. Après ces quelques jours passés avec Lane j'avais fini par oublier à quel point ces deux là pouvaient être différents.
Sa grande main est toute chaude. Et pendant que lui se met à la tâche moi je l'observe d'un oeil attentif. C'est encore plus reposant et agréable que je le pensais.
Doucement et comme si sa vie était en jeu, adam vernis mes ongles avec la plus grande concentration. Cette tâche l'absorbe tellement qu'il n'entend pas les gloussements des 3 filles qui l'entourent.
- Pas mal pour une première fois le jeunot, s'étonne Aaliyah.
- Il se débrouille mieux que Gaby, s'exclaffe Abby.
Soudain, Adam revient à lui et détache ses yeux du flacon de vernis. Il vient de finir mes ongles. J'admire le résultat avec satisfaction. Tandis que lui fixe Aaliyah:
- La seule chose qui m'apparaissait lorsque je vernissais les ongles de Gaby est ton logo, le diadème. Et ce mot n'arrêtait pas de se répéter dans ma tête : diadème , tiare... Tiara en anglais. Je pense que ça pourrait faire un nom de marque à potentiel.
Aaliyah plisse les yeux, l'air penseuse. Elle récupère le vernis et fixe son logo. Petit à petit, des paillettes plongent ses yeux dans un émerveillement. Elle doit être rongée par la satisfaction qui lui tire un sourire.
- Pas besoin d'un trône pour porter une couronne, couronne hein, s'exclamme-t-elle. Tiara: You Don't Need A Throne To Wear A Crown. Pas mal le jeunot.
Adam ne retient pas un sourire chaleureux. Aaliyah semble se faire à lui petit à petit.
- C'est sûr que c'est moins égocentrique que Aaliyah's beautiful and amazing cosmetics hein! Fait remarquer Abby dans un ton moqueur.
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