[18] cauchemar cauchemardesque.
Je crois bien que c'est la première fois que je dois gérer quelqu'un qui vient de faire un sacré cauchemar. Et franchement je ne sais pas quoi faire.
Je suis juste en mesure d'apporter un verre d'eau pour que Lane se rafraîchisse. Il le boit avec difficulté. Il est surtout assez assommé, comme si son rêve lui avait laissé un goût amer.
- Ça va, me réconforte-t-il. Je vais bien. Tu peux retourner dormir.
- Tu es sûr?
- C'est juste un cauchemar.
Je le toise deux secondes. Cauchemar ou souvenirs, il n'en reste pas moins que le voir s'allonger dans cet étroit canapé ne me convient pas.
Ça me fait du mal de voir ses pieds dépasser. Je devrais au moins, juste pour cette nuit et vu son état, lui proposer mon lit.
- Tu veux dormir dans ma chambre?
Il me dévisage, la mine toute aussi fatiguée. Mais tentant de récupérer toute sa bonne humeur.
- Genre... dans ton lit? Tu me demandes de dormir dans ton lit?
- Oui, je te le propose dans une vague de générosité.
- Et le lit, il sera vide ou pas?
Il est assez joueur pour oser me le demander. Mais franchement je lui ai proposé sans vraiment y réfléchir. Ça reste néanmoins mon lit et n'importe quelle vague de générosité quelque soit son ampleur ne suffira jamais à me faire abandonner ce lit pour quelqu'un. Mais je vais bien devoir faire exception car même si Lane ne semble pas avoir la tête pour une quelconque attaque nocturne, je préfère prévenir que guérir.
Alors je le conduits jusqu'à ma chambre. Là il trouve son chemin jusqu'à mon lit et y plonge. Je ne l'entend même plus, il est sûrement trop fatigué pour me demander de lui porter compagnie. Il s'est endormi, déjà.
Je hausse les épaules et vais retrouver mon bon vieux canapé. C'est vrai que la différence avec mon lit est flagrante, mais je ne vais pas me plaindre.
Un grésillement me soustrait au sommeil que j'ai eu du mal à trouver. C'est dégoutée que je me met sur mes fesses, le corps encore un peu engourdi et me gratte les yeux.
Je frissonne de froid. Est-ce que j'aurai oublié de fermer la porte du balcon? Je me force à me lever et me dirige vers le dit balcon qui n'est qu'à une dizaine de mètres de moi. La porte est en effet ouverte et une faible lumière extérieure me parvient.
Je retrouve Lane assied sur mon balcon, il fixe le paysage. Celui de la ville qui dort. Ce n'est que quand je parviens à ses côtés et m'assied qu'il remarque ma présence. Mais il ne dit rien. Il continu d'admirer les lumières des immeubles ou celles des farres de voitures lointaines circulant. Mais la plus belle source de lumière reste celle des étoiles qui décorent le ciel sombre.
Il fait froid, assez pour déranger mon confort. Mais je ne veux pas retourner chercher un sommeil qui semble aussi lointain que les étoiles dans le ciel. Je veux respirer encore de cet air frais au côté d'un Lane plutôt calme. Et je veux le soutenir surtout.
Alors je me lève et retourne dans ma chambre chercher une couverture. Je revient aussitôt avec et m'en recouvre. Lane me fixe mais ne dit rien. Et j'ai d'un coup la subite envie de le recouvrir aussi de ma couverture. Alors je ne m'en prive pas. La couverture nous recouvre entièrement, de la tête aux pieds, seul nos visages restent visibles. On doit se coller l'un contre l'autre pour ne pas perdre du tissu. Même la chaleur humaine de Lane me semble plus efficace que la couverture.
- Une couverture Dora l'exploratrice? Remarque-Lane assez amusé. Tu as quel âge ?
Je le toise silencieusement. Il a des poches noires sous les yeux et la fatigue est clairement dessinée sur son visage. Cette fatigue qui t'empêche de dormir, celle qui gâche le sommeil pour te garder pour elle toute seule. Je ne sais pas quoi en conclure alors je lui demande directement:
- Qu'est-ce que tu as?
- Je viens d'apprendre la mort d'un putain de personnage de "The Walking Dead" que je kiffe.
- C'est ça qui te déprimes ?
- Tu penses que c'est rien? C'était un personnage grave charismatique et il est mort sans charisme. Je suis déçu.
- Arrêtes Lane.
Il me regarde un instant, puis un sourire amer se dessine sur ses lèvres. Il détourne son attention vers les étoiles.
- Arrêtes de faire comme si tu allais bien. Comme si la mort d'un personnage pouvait avoir autant d'effets sur toi. Arrêtes de me mentir.
- Les étoiles sont belles tu ne trouves pas?
- Ne changes pas de sujet.
- Tu savais que les étoiles qu'on observe aujourd'hui sont en réalité mortes depuis longtemps déjà ?
- Lane...
- Je me suis toujours demandé comment une étoile, aussi lointaine, grande, belle, brillante pouvait mourir.
Je ne dis rien, je l'observe juste se perdre dans sa contemplation.
- Est-ce que les étoiles vieillissent? Est-ce qu'on peut les tuer? C'est ce que je me demandais étant enfant. Et pendant que les parents disaient à leurs gosses de viser la lune, mon père me disait de viser les étoiles. Tu veux savoir pourquoi?
- Dis-moi.
- Parce qu'à chaque fois que je me sentirai fort, elles me rappelleront que je ne peux pas les éliminer.
- Comment ça ?
- Les hommes, les animaux, les insectes. Ce sont des choses que je peux tuer, j'en ai la capacité. Mais les étoiles... Elles me montrent mon imperfection.
- Pourquoi tu voudrais tuer une étoile ?
- J'en sais rien.
Il reste silencieux un moment avant d'avouer :
- Tu as raison, je cherche juste à changer de sujet. Je suis juste... dévoré par ces souvenirs.
- Ton cauchemar?
- Oui, c'était des extraits de mon enfance, ce genre de chose.
- Je vois. Tu... Tu appellais ta mère dans ton sommeil.
Il me dévisage.
- J'ai fait ça ?
- Oui.
- C'est peut-être parce qu'elle était dans mon rêve.
- Est-ce que vous aviez une bonne relation?
- Mieux que celle que tu entretenais avec la tienne, se moque-t-il.
- Et ton père ?
Il soupire et me tourne la tête.
- On peut parler d'autre chose?
Il semblerait que je ferai mieux de ne pas trop creuser. Je vais devoir à mon tour changer de sujet de discussion.
- Tu t'es caché chez Chase et Austin, hier ?
- Oui, je savais que je serais en sécurité là-bas.
- Tu les connais depuis longtemps?
- Depuis le collège.
- Ah quand-même !
- Et ouais. Ils étaient les seuls au courant pour Adam et moi. Mais bon, maintenant le monde entier l'est. Grâce à Erwin.
- C'est toi qui a bien voulu de cet interview, ne lui en veux pas.
- Si seulement j'avais su dans quel galère ça me mettrait.
Pour tout vous dire, je n'ai pas revu Erwin depuis l'interview. Il n'est plus revenu à la prison. Mais j'ai toujours sa carte de visite. Je pourrai évidemment reprendre contact avec lui mais le risque pour Lane est trop gros, parce que je ne sais pas comment Erwin réagirait s'il découvrait que Lane est chez moi.
Je réajuste ma couverture pour qu'elle me recouvre entièrement. Je me tourne encore une fois vers Lane qui a encore et toujours cette mine désenchantée. C'est étrange de le voir ainsi. Aussi longtemps que je m'en souvienne il a toujours été quelqu'un d'enjoué, toujours avec quelques vannes en réserve. Il est celui qui crée la bonne ambiance. Or en ce moment c'est tout l'inverse qui se produit et je ne peux plus le supporter.
- Souris.
- Quoi?
- Arrêtes de déprimer. Je ne sais pas si c'est ton rêve qui te met dans cet état mais je n'en peux plus. Je veux revoir le Lane farceur.
Cette fois-ci il ne force plus son sourire. C'est un petit sourire, un tout petit. Mais qui me suffit largement. Il n'est pas malsain comme les nombreux sourires que Lane m'a présenté assez souvent. Il n'est pas non plus magnifiquement gros comme ceux qui lui permettent d'exprimer de la vraie joie, me faisant perdre mes moyens. Non, ce sourire là est entre les deux, mais il reste bien réel.
- Le revoilà enfin, je continu. Le Lane que j'aime.
Oups. Les mots sont sortis sans même que j'y réfléchisse, comme un réflexe instantané. Le sourire de Lane est encore plus gros que ce que j'aurai pu imaginer. Il est tellement grand qu'il ne lui faut plus longtemps pour glousser.
- Doucement Gaby, me taquine-t-il. On vient à peine de se rencontrer. Ça fait quoi? Même pas un mois. Je suis si séducteur que ça ?
- Apprécier, me corrigeais-je. Je me suis gourée de verbe.
- Comme si j'allais te croire.
- Enfin bon, ce que j'essayais de rire c'est que tu es mieux avec un sourire aux lèvres. Franchement, je pensais que rien ne pouvait te déprimer.
- C'est vrai, c'est ce rêve qui me rappelle trop de mauvais souvenirs. Des souvenirs que je préférerai oublier.
- Je comprends.
- Et puis il y a autre chose... Adam.
- Adam?
- Il va bientôt réapparaître.
- Vraiment ?
Le sourire me monte aux lèvres. Ça fait longtemps que je n'avais plus vu Adam. La dernière fois, je n'appreciais guère Lane. Mais les choses ont changées depuis.
Lane ne semble pas rassuré, il me dévisage pour la centième fois. Et dit d'une voix dure:
- Ce n'est pas une bonne chose du tout.
- Pourquoi ?
- Parce qu'il est trop sincère pour nous garder en liberté.
- Tu veux dire que...
- Ouais, il va essayer de se rendre à la police.
Je ne sais pas quoi dire.
- Gaby, promets-moi que tu l'en empêcheras. Par tous les moyens.
- Mais...
- Comme ça je pourrais te pardonner à 99,9 % de m'avoir traité de monstre.
- Et les 0,01 % restant?
- Même si par grand miracle j'arrivais à pardonner, je ne suis pas du genre à oublier.
- Je t'ai acheté un putain d'iPhone X quand même!
Il hausse les épaules sous la couverture. Je réfléchi un instant.
- Je le ferai si tu me promet que tu ne feras de mal à personne.
- À personne?..., il médite un instant puis me répond avec un rictus. C'est entendu, je ne tuerai personne.
Je soupire, soulagée.
- Bien, notre petite discussion m'a redonnée sommeil. (Lane, à nouveau plein de vie, s'abstrait de la couverture et s'étire)
- Je vais aussi aller me coucher dans ce cas.
- Gaby, m'interpelle-t-il.
Ça n'arrive qu'une fois tous les dix ans mais je vais quand même le faire: merci.
- Tu remercies les gens si rarement? Demandais-je amusée.
- Je ne remercie jamais les autres. Mais tu m'as libéré de cette peur de retourner en taule. Alors je fais exception, pour une fois.
- Merci bien.
- Tu dors où du coup? Puisque tu m'as laissé ton lit?
- À ta place.
- Alors?
- Je veux récupérer mon lit le plus vite possible.
- haha, je te l'avais dit. Mais si tu veux, j'accepte bien volontier de partager ton lit.
- Je vais me contenter du canapé.
- Je suis sérieux, petit coeur.
Enfin, il m'appelle à nouveau avec ce surnom. Je ne sais pas pourquoi ni comment, mais j'aime bien quand il le fait. Je me sens importante à ses yeux et, ça me rend heureuse.
Je rencontre son regard qui me supplierait presque d'accepter sa proposition. La pureté de son azur me fait faiblir.
- Tu ne tenteras rien?
- Je vais essayer.
Je lui montre ma tête blasée. Mais je suppose que ça ne fait que l'amuser encore plus.
Honnêtement, je ne vais quand même pas dormir avec un criminel?
Pourtant je comprend que c'est ce qui est en train de se passer lorsque je me retrouve une dizaine de minutes plus tard sur mon lit, la couverture me cachant entièrement la tête. Mais qu'est-ce que je fabrique?
- Qu'est-ce que tu fiches ?
La voix de Lane résonne dans ce silence. Je ne lui répond pas. Alors il continu:
- Tu deviens timide ou quoi?
Je me redresse et retire par la même occasion ma couverture de mon visage, geste qui devait cacher ma gêne.
- La ferme!
Je le retrouve à mes côtés sur le lit. Il s'amuse de mes réactions. Son rictus me force à me cacher à nouveau derrière la couverture. Mais cette fois Lane est assez rapide pour m'en empêcher. Je me débat pour lui arracher le bout de tissu de mon salut. Mais il plonge sur moi, bloquant ainsi toute mes attaques et créant par la même occasion un fou rire.
Je n'en peux plus, j'ai tellement rit que j'en ai mal à la mâchoire. Lane se redresse, son visage n'est qu'à quelques centimètres du mien. Tout son poids qui s'abbatait sur moi plus tôt se dégage enfin. Lane est maintenant en califourchon sur moi.
- Tu vas arrêter de te cacher sous les couvertures?
- Je suis gênée ! Comprends-moi.
- Pourquoi?
- parce que tu es torse nu et que tu t'apprête à enlever ton pantalon!
- J'arrive mieux à dormir comme ça.
- Menteur! Tu fais ça exprès pour m'emmerder.
- Peut-être.
- Je te jure que je me casse si tu ne remets pas ton t-shirt.
- Olala, soupire-il. C'est bon j'ai compris.
Il se recule et récupère son t-shirt blanc qu'il avait retiré quelques minutes plus tôt. Il se glisse sous les draps lorsqu'il fini de l'enfiler après avoir éteint la lumière.
Le silence s'empare de l'atmosphère un moment avant que Lane n'estime que la situation l'ennuie quelque peu.
- Je ne peux vraiment rien tenter?
- Essayes pour voir.
- Je peux essayer?
- Tu veux finir à la porte?
Je l'entend soupirer. Puis c'est le calme pendant quelques minutes avant qu'il ne glisse ses bras autour de ma taille. Je sursaute puis hurle:
- Lane!
Il sert son étreinte sans prendre garde à mes menaces. Je jure de l'étripper. Mais il n'en a strictement rien à faire. Il me dit d'une voix amusée :
- Bonne-nuit petit coeur.
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