𝚌𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚍𝚎𝚞𝚡
Bonne lecture !
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Oikawa fut bien mieux traité que ce à quoi il s'était attendu.
Dans la carriole en bois tiré par des chevaux puissants au milieu du cortège qui retournait vers l'est, il attendait sagement chaque halte. Paresseusement assis sur la banquette étroite près de la fente qui servait de fenêtre, il observait avec intérêt le paysage changer petit à petit, chaque jour depuis une semaine.
Derrière lui, toujours aussi tendu depuis leur départ, Iwaizumi se contentait d'observer tantôt la porte fermée à l'arrière de la carriole, tantôt la tête d'Oikawa qui restait à une distance raisonnable de l'extérieur. Son chevalier lui avait dit le premier jour de leur voyage qu'un soldat s'amuserait bien de passer avec son épée pour lui trancher la tête. Oikawa avait ri, et ils n'en avaient plus reparlé.
Au-delà, quelques hommes montaient à cheval. Certains passaient parfois devant la fenêtre pour observer le prince avec curiosité, et d'autres crachaient sur leur passage en se refusant de ne serait-ce lui lancer un regard. Oikawa Tooru paraissait s'en ficher comme de sa première épée : il observait, souriait distraitement parfois, et ses yeux finissaient par s'obscurcir quand il se perdait dans ses pensées.
À la fin de la septième journée, quand leur petite calèche de fortune finit enfin par s'arrêter, Iwaizumi se tendit en direction de la porte. Comme les autres jours elle ne s'ouvrit pas tout de suite, mais quand cela arriva, ce fut par un garde différent. Simple soldat, d'après ses habits et ses bottes pleines de boue : tout le monde n'avait pas la chance de pouvoir se procurer un cheval en forme.
Sa grimace amusa légèrement Oikawa qui descendit d'un pas gracieux avant de passer devant lui. Iwaizumi le suivit de près : on lui avait retiré son épée durant leur enlèvement, et même s'il s'était débattu comme un beau diable, un seul mot du prince l'avait convaincu de se rendre sans trop de dommages.
— Si Son Altesse veut bien se donner la peine, railla le garçon en le suivant.
Oikawa n'alla pas loin : il fit quelques pas pour se dégourdir les jambes, puis s'étira en profitant du temps humide. Il n'allait pas tarder à pleuvoir, et peut-être était-ce pour cela qu'ils s'étaient arrêtés bien plus tard aujourd'hui. L'armée était bien fournie, et la progression était longue et grande. Pour faciliter les choses, des groupes avaient été formés, avec des rôles spécifiques pour chacun. Installer les tentes, trouver du bois, de la nourriture, et un point d'eau. Cela prenait du temps, et faire cela avant la nuit et pour autant de personnes était difficile, surtout après une journée entière de voyage.
S'appuyant contre un arbre à distance de l'agitation, Oikawa observa tout ce beau monde avec un sourire discret. Les bras croisés sur sa poitrine, il profita de l'épaisseur de ses vêtements qui arrêtaient le léger vent frais qui parcourait la clairière dans laquelle ils s'étaient arrêtés. Le soldat le surveillait d'un œil, une moue sur les lèvres, et Iwaizumi restait non loin de lui pour s'assurer que personne n'approche Oikawa de trop près.
Un brouhaha s'était installé sur le campement qui commençait doucement à prendre forme, et presque personne ne faisait attention à eux. Le roi était en tête, dans un groupe composé en grande partie de nobles, et eux se trouvaient plutôt dans la queue : entre les esclaves de la fin, les prisonniers de guerre, et les bourgeois assez riches pour acheter une place confortable.
Le soldat s'avança de deux pas pour entrer dans son champ de vision. Oikawa tourna son regard vers lui avec ennui.
— Pourquoi t'essayes pas de t'enfuir ? dit-il.
Son ton impoli et son accent à couper au couteau forcèrent Oikawa à lever un sourcil. Il ne bougea pas, et ne répondit pas non plus. Iwaizumi commença à s'avancer.
— Est-ce que tu sais à qui tu t'adresses ?
Le garçon cracha au sol. Son nez se fronça.
— Il a pas un meilleur statut que les esclaves. Ici, c'est personne.
— Petit...
En quelques secondes, le soldat avait dégainé un poignard assez aiguisé pour le pointer sur lui.
— C'est pas à toi que je parle. Je vois pas pourquoi on vous traite aussi bien, vous êtes des prisonniers, des étrangers.
Comme il avait haussé la voix, quelques-uns se retournèrent vers eux. Un groupe se mit à ricaner, et d'autres arrêtèrent leur tâche pour observer la scène. Oikawa n'avait pas bougé : il soupira.
— C'est tout ce que tu as à dire ?
— Quoi ?
— Fais en sorte que ça vaille le coup.
Iwaizumi le regarda se détacher lentement du tronc sur lequel il était resté appuyé, et haussa les sourcils avant de reculer sagement. Le garçon gardait cet air irrité et perdu sur ses traits, même quand le prince s'approcha suffisamment.
— Rien d'autre ? insista Tooru. Fais un effort. Pour résumer : je suis plus important que tu ne le seras jamais, même dans ton propre pays. De la jalousie ? Tu risques ta vie pour quelque chose d'aussi futile ?
L'autre haussa les sourcils.
— Ma vie ?
Oikawa fut rapide et précis : il fondit sur lui et donna un coup dans son poignet. En quelques secondes le soldat se retrouva à la fois désarmé et menacé, son propre couteau sous la gorge. Autour d'eux, le silence s'était fait presque immédiatement.
Une goutte de sueur coula sur le front du soldat qui avait perdu toute couleur. Il bégaya :
— Qu- qu'est-ce que... tu-tu ne peux pas...
— Je n'ai rien à voir avec vous, sourit Oikawa.
La plaine fut parcourue d'un vent presque bruyant. Iwaizumi observa sans intervenir, les mains le long du corps. Son prince paraissait presque amusé : il appuya encore davantage sur la peau sale qui s'offrait à sa lame.
— Ton roi n'a pas dû te donner ses ordres directement : tu es bien trop insignifiant. En revanche, je suis certain que ton supérieur ne serait pas ravi d'apprendre que tu te moques ainsi de ses consignes. Crois-moi petit, je te surpasse en bien des domaines.
Il sourit davantage.
— Tu as maintenant le choix. Très simplement. Vois-tu, je n'ai rien. Comme tu l'as si bien dit : je n'ai certainement plus de famille, plus de terres, plus de royaume. Ma vie ne m'appartient plus, mon peuple n'est plus qu'esclaves. Alors oui, je n'ai rien. Rien à perdre. Pourquoi penses-tu qu'on me garde et qu'on me traite ainsi ? Tu n'en as aucune idée, n'est-ce pas ? Ce n'est pas grave, ce n'est pas ta faute. En revanche, je pense que tu as, comme beaucoup, été doté de la vue à ta naissance. Suis ce qui se passe, observe, apprend, comprend. Ta vie vaut moins que la mienne, je peux t'en assurer. Et même si ce n'était pas le cas, je n'en aurais pas grand-chose à faire.
Le garçon tremblait de la tête aux pieds. Oikawa le maintenait bien en place de sa main libre, tandis que l'autre appuyait encore davantage la lame contre sa veine la plus seyante. Derrière, personne n'intervint, ce qui ne fit qu'appuyer ses dires.
— Écoute bien à présent. Tu peux continuer à amuser la galerie si ça te chante. À te conduire comme un adulte parce que tu commences à avoir un peu de poils sur les joues, et à vouloir qu'on te remarque car aucune de tes qualités ne te vaut cette attention. Tu peux faire ça, et te faire trancher la gorge.
La nuit commençait à tomber. Le ciel devenait orange, parsemé de quelques nuages un peu sombres. Il leur fallait des tentes pour la nuit, dormir à la belle étoile comme des autres soirs n'était plus une solution valable. Mais personne ne semblait s'en soucier : tous étaient pendus aux lèvres du prince.
— Ou alors, tu peux continuer ton travail comme le bon garçon que tu es. Tu te tais, tu écoutes les ordres, tu ne m'adresses plus la parole, et peut-être alors tu auras la chance de retrouver ta campagne minable, ta mère, et tes sœurs.
Ses yeux s'écarquillèrent légèrement, et Oikawa sut qu'il avait visé juste.
— Alors ? Une réponse courte, je te prie.
Le garçon ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois. Quand des mots réussirent enfin à passer ses lèvres tremblantes, ce ne fut que pour prononcer :
— Je suis désolé. Ça se reproduira pas.
Satisfait, le prince le relâcha comme si rien ne s'était passé. Il lui ouvrit la main pour poser le couteau qu'il lui avait pris dans la paume, et lui tapota l'épaule.
— Bon garçon. Maintenant file.
Il ne se fit pas attendre et détala au loin en traversant la petite foule d'hommes qui s'étaient arrêtés. Cela fut comme un rappel à l'ordre car presque immédiatement tous se remirent au travail, sans même se soucier qu'Oikawa et son chevalier soient seuls sans surveillance. Aucun d'eux ne bougea jusqu'à ce que la tente du prince soit prête, et quand on vint enfin le chercher pour le conduire à cette dernière, aucun mot en trop ne fut prononcé.
Son repas, une soupe de viande fraîche, fut apporté sans retard et personne ne dérangea Iwaizumi durant sa garde.
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