𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝟷𝟽
Quand il se réveilla à nouveau, Helio se sentait un peu engourdi. L'esprit embrumé et les jambes fourmillantes, il se tourna sur le côté. De ses yeux plissés, à moitié endormis, il vit une silhouette face à son lit. S'il se fiait à la légère lumière encore discrète, il était encore tôt.
Un grognement lui échappa. Il dit d'une voix rauque :
— Laisse tomber ce que j'ai dit tout à l'heure, tu veux ? Laisse-moi dormir.
Face à lui, Théo parut hésiter quelques secondes. Finalement, il fit un pas en avant et s'agenouilla à hauteur du lit. Il murmura :
— Le garde royal habituel est devant la porte, Votre Altesse. Des servantes sont là pour vous préparer.
L'information mit quelques secondes à le percuter. Presque aussitôt, Helio ferma les yeux et soupira. Il répondit sur le même ton discret :
— Laisse-moi deviner : encore le roi ?
Théo hocha la tête, mais en voyant que le prince ne le regardait pas, décida de répondre :
— J'en ai peur.
Helio jura intérieurement. Il leva sa main droite pour ébouriffer ses cheveux, dont les racines lui faisaient mal, puis se redressa en sentant sa robe de chambre glisser sur son épaule. Se retournant sagement, abandonnant son oreiller, il fit face aux trois femmes alignées en silence devant la cheminée.
Évidemment, toujours les mêmes : deux espionnes et une troisième en devenir. Il leva les yeux au ciel.
— Pourrais-je savoir ce que vous faites dans ma chambre, mes demoiselles ? Je ne vous ai pas appelé.
L'une d'elles s'avança. La plus âgée.
— Le roi nous demande de vous préparer, dit-elle. Il vous invite pour le petit-déjeuner, dans la grande salle. Le repas sera bientôt prêt.
— Nous devons faire vite, confirma sa voisine.
Elles le jaugeaient toutes les deux, et il pencha la tête sur le côté en souriant. Ses épaules se haussèrent.
— Mais bien sûr. Tout ce que le roi veut, n'est-ce pas ?
Il lança un coup d'œil à Théo, mais ce dernier n'avait pas bougé. Il paraissait plus habillé qu'avant l'aube, mais pas tellement plus reposé : lui aussi devait avoir passé une nuit assez courte. Terminant de se réveiller complètement en passant sa main sur ses yeux, Helio se dégagea les jambes et s'extirpa de son lit pour la troisième fois. Il passa à côté de son chevalier, et marcha dans la pièce pour aller boire un peu d'eau.
Avec une lenteur presque puérile, il porta le verre à ses lèvres. Prit le temps d'avaler quelques gorgées. Puis le reposa. Quand Helio fit de nouveau face à ces charmantes petites femmes, elles possédaient presque la même expression irritée.
Il haussa un sourcil, et elles firent un effort pour le cacher.
— Vous n'allez pas faire chauffer l'eau ? À moins que vous ne vouliez que je me montre ainsi devant votre roi ? Une petite toilette ne me ferait pas de mal, je pense.
La troisième se dirigea presque immédiatement vers la salle de bain en parlant d'une voix un peu basse :
— L'eau est prête, elle n'a pas dû beaucoup refroidir.
Il lui emboîta le pas, presque déçu de ce temps gagné : Amerys n'avait apparemment pas retenu la leçon. Convoqué ainsi, il lui faisait l'effet d'un majordome que l'on appelle avec une clochette.
— Nous préparons vos habits, annonça la femme plus âgée lorsque la porte se referma sur elle.
Helio ne mit pas plus de quelques minutes à se rendre présentable : il se rinça correctement, se nettoya le visage, brossa ses dents, et se laissa même peigner sans broncher. Habituellement, il détestait qu'on le fasse pour lui mais pour cette fois il décida de faire une exception.
Un bâillement fit craquer sa mâchoire.
— Vous faites ça bien, dit-il une fois que la jeune servante eut terminé.
Il observa ses cheveux, tandis que les joues de cette pauvre petite se coloraient. Décidément, les domestiques de ce palais étaient bien facilement gênés. Ou alors très peu complimentés.
Peut-être serait-il plus agréable avec elles désormais ; des servantes désireuses de se faire apprécier faisaient de bons pions.
Quand il sortit à nouveau de la pièce, le visage frais et uniquement en culotte haute, une tenue était accrochée sur le baldaquin de son lit parfaitement fait. Théo l'attendait sagement, en dévisageant les servantes tour à tour.
Helio observa la tenue avec une moue.
— Je vous ai déjà dit que ces habits sérieux ne me convenaient pas.
— Tous les autres ont été descendus à la laverie. Il ne vous reste plus que ceux-là.
Du bout des doigts, le prince toucha la belle veste bleu nuit, brodée d'or. Les boutons de la manche brillaient. Il sourit en lui lançant un petit regard en coin.
— Petite rusée, dit-il.
— Nous allons être en retard.
Et elle répéta cette phrase au moins trois fois, alors que celle qui n'avait pour l'instant encore rien fait l'aida à enfiler chaque couche de tissu. Quand il ferma lui-même le dernier bouton, en remettant ses cheveux légèrement sur le côté, elles sourirent toutes les trois avec satisfaction.
— Cela vous convient-il, mesdames ?
— Cela conviendra au roi, sans aucun doute.
Il hocha distraitement la tête. Dehors, la brume envahissait tous les jardins.
— Mettons-nous en route. J'ose espérer que les plats du petit déjeuner n'ont pas encore été servis.
— Est-ce vous qui m'accompagnez ? demanda-t-il en haussant un sourcil.
Théo s'avança.
— Le chevalier royal attend devant la porte. C'est lui qui vous conduira, Votre Altesse.
Au vu de ses sourcils froncés et de son air mécontent, ce fameux chevalier avait dû lui dire de rester dans la chambre en attendant. Helio en fut amusé. Il se retourna vers les trois femmes.
— Vous pouvez me laisser, à présent.
— Mais nous devons...
Il soupira, faussement boudeur.
— Dois-je également demander l'autorisation du roi pour utiliser mon pot de chambre, ou bien ai-je tout de même la chance de disposer de quelques libertés ?
Seule la plus jeune laissa échapper un petit « oh » avant de se taire devant le regard de sa compagne. En s'inclina légèrement, comme elles l'avaient toutes fait ces derniers jours.
— Ne prenez pas trop de temps.
— Bien sûr.
La porte se referma, et Helio se retourna vers son chevalier.
— Ces femmes auront ma mort, souffla-t-il en déboutonnant son col. Quelle plaie.
Il but encore un peu d'eau, jusqu'à finir la carafe entière. Sa gorge lui paraissait sèche comme une véritable toile de verre. Il s'essuya le coin de la lèvre.
Le prince se retourna vers Théo. Il se décoiffa sous son regard étonné, et ouvrit encore davantage sa chemise.
— De quoi ai-je l'air ?
— Je... vous avez....
— Dis-le, bon sang.
— Vous avez l'air négligé, Votre Altesse.
— Bien. Parfait. Tu ne prenais pas autant de gants pour me dire que j'avais une tête à faire peur, l'autre jour.
Le visage du chevalier se froissa.
— Je suis certain de ne pas avoir dit ça ainsi.
Helio sourit, et se détourna. Il alla jusqu'à la porte, et posa son oreille dessus. Attentif, il fut silencieux pendant plusieurs secondes.
— Très bien, dit-il en se reculant. Elles sont parties.
Il s'inspecta encore une fois. Quand il releva la tête, son chevalier ne put retenir son haussement de sourcil.
— Un petit aspect négligé pour faire comprendre au roi que je ne suis pas à sa disposition. Simple, n'est-ce pas ?
Théo ne répondit pas, mais sa bouche se tordit un peu.
— Je suis assez capricieux, expliqua Helio en posant sa main sur la poignée. Je déteste qu'on me donne des ordres, et malheureusement je ne suis pas assez bête pour organiser ma petite révolution dans le château. Les choses simples sont les meilleures, parfois.
Il ouvrit la porte, sa phrase à peine terminée, et sortit dans le couloir. Théo Katsaros se retrouva seul, et s'autorisa un seul et unique soupir. Son épée, lourde à sa taille, fut son réconfort. Il tourna les talons, et se dirigea vers sa propre chambre — son déjeuner refroidi l'attendait sagement sur un plateau.
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