𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝟷𝟹
Le lendemain, ce fut aux aurores qu'Helio sortit du palais par les grandes portes menant aux jardins. Son chevalier sur les talons, tous deux vêtus de chemises légères en dessous de leurs manteaux, ils avançaient d'un pas presque échauffé en direction des bâtiments du fond. Ils avaient utilisé le terrain, une fois pendant une soirée, mais n'avaient depuis pas trouvé le temps d'y retourner.
Au matin, Helio s'était réveillé avec l'irrésistible envie de frapper quelque chose, et Théo avait surpris ses tremblements tandis qu'il avalait son petit déjeuner en silence.
À présent, profitant de l'air frais et de la brume, le prince avait du mal à refréner son sourire excité, à chaque pas qui le rapprochait du terrain en terre dure. Ses doigts s'ouvraient et se fermaient sans cesse, et finalement ils se retrouvèrent non loin en un rien de temps.
Le camp d'entraînement pour les gardes et les soldats était presque vide, mais quelques hommes s'y trouvaient tout de même. Aucun ne s'entraînait encore, certains sortaient les armes en bois et les figures immobiles : quand Helio posa les pieds sur le terrain et parcourut les personnes du regard, le silence s'imposa presque de lui-même.
Il ignora les airs étonnés et s'avança jusqu'à la réserve. L'intérieur était poussiéreux, avec une odeur latente de transpiration, et il plissa le nez avant de rentrer. Un présentoir était rempli d'épées en bois, assez abîmées, alors il en prit deux avant de ressortir.
Déposant son manteau sur une chaise à côté de l'entrée, il s'approcha de son chevalier, qui fit de même, pour lui tendre une épée.
— J'espère que t'es en forme.
— Ne soyez pas trop dur. Vous paraissez...
Il plissa les yeux et pencha la tête. Helio reconnut cette expression : Théo savait à quoi s'attendre. Il avait reniflé son humeur noire depuis un moment.
Derrière eux, trois soldats s'approchèrent. Le prince entendit leurs pas avant même qu'ils commencent à parler.
— Le prisonnier, hein ?
Il se retourna à demi. Celui qui avait parlé était le plus grand. Un regard noir et des cheveux sombres, il paraissait plus jeune que lui. Il affichait cette expression irritée qu'avaient tous les habitants de ce palais en croisant sa route.
De la frustration. De la colère. De l'irritation. Et une dernière chose, un peu plus discrète mais presque plus importante : de l'intimidation face à une personne autrefois si importante, qui les regardait encore aujourd'hui avec une supériorité évidente.
Helio haussa un sourcil. Il ne répondit pas. Le soldat serra les dents, mais essaya tout de même d'adopter une posture désinvolte.
— Je pensais bien vous avoir reconnu. On parle beaucoup de vous, en ce moment. Le prince déchu qui n'a rien d'autre à faire que de boire du thé dans les jardins.
Ses camarades ricanèrent, et Théo avança d'un pas, la mine sévère. Helio le retint d'une main sur la poitrine.
— Moi, je ne sais pas qui tu es, en revanche, se contenta-t-il de répondre.
Et comme si l'homme avait attendu cette question, un sourire étira ses lèvres.
— J'ai participé à l'attaque de votre capitale. Je ne sais pas ce que vous venez faire ici, mais vous feriez bien de reposer ces épées,vous risqueriez de vous blesser. Les aristo' dans votre genre ne sont juste pas fait pour ça. Je veux dire, même vos soldats avaient pas l'air de savoir s'en servir, alors...
C'était si puéril que sous les rires des autres, Helio ne put rien faire d'autre que soupirer gravement. Il sentit Théo se tendre encore plus, et fit un pas devant lui pour couper sa trajectoire.
— Vous nous interdisez l'accès au terrain, donc ?
— Oh, non pas du tout. Mais ça va, cette épée n'est pas trop lourde pour vous ?
Son rictus était un peu fatiguant. Helio la leva, tenant le manche assez vulgairement, et afficha un air ennuyé.
— Je suis pas très doué, c'est certain. Je débute.
Son regard le transperça presque, et le soldat se figea.
— Seriez-vous partant pour m'apprendre un peu ? Ces commentaires signifient bien que vous vous portez volontaire, n'est-ce pas ?
Cette fois, ce fut Helio qui lui offrit un rictus amusé, et l'homme ne trouva rien à répondre. Il n'hésita pas, mais sembla surpris. La poitrine gonflée, il siffla :
— En un contre un ? Ça me va. Mais m'en voulez pas pour la casse, Votre Altesse.
Théo haussa un sourcil et son regard croisa celui d'Helio. Le prince haussa les épaules, discrètement, et lui renvoya son expression la plus satisfaite. Son chevalier hocha la tête et se recula jusqu'à la chaise, remettant son manteau pour leur laisser le champ libre.
Helio se plaça face à son adversaire qui réclama à son tour une épée d'entraînement. Il ne leur fallut que quelques secondes pour se tenir prêts, en position pour un duel.
— Vous savez comment faire, au moins ?
Helio soupira.
— Moins de blabla. Attaquez.
L'ordre passa mal apparemment, mais cela n'empêcha pas l'homme de lui obéir. Il leva l'arme, poussa sur ses jambes, et s'élança vers le prince. Sa position ouverte et son expression confiante donnèrent à Helio l'envie de s'amuser un peu.
Il se décala sur le côté, d'un pas rapide, et esquiva. Le soldat manqua de tomber, déséquilibré par son attaque qui ne toucha personne. Le corps lâche et les pas légers, Helio se remit en position.
Il ignora les inspirations étonnés des autres, et l'énervement de son opposant. À présent ses mains tremblaient à nouveau, et ce n'était pas ce jeune imbécile qu'il avait envie d'affronter, mais son chevalier qui tenait au moins plusieurs longues minutes contre lui.
— Enfoiré, siffla le soldat, juste avant de se jeter sur lui.
Cette fois, Helio para avec son épée : les pieds ancrés dans le sol, les yeux perçants, il manqua de briser le bois avec une position ferme et fit glisser leurs lames rugueuses pour pouvoir se retourner. Son coup de coude partit tout seul, rapidement suivi par un coup de pied qui arriva en plein sur son menton. La tête de l'homme partit en arrière, et il s'étala sur le sol froid.
Le silence les enveloppa quelques instants, jusqu'à ce qu'Helio se rapproche rapidement, profitant de son adversaire sonné. Un coup du plat de l'épée dans la joue, histoire de lui remettre les idées en place.
Le prince pointa son arme sur la gorge de son adversaire et articula :
— Vous n'êtes pas très malin, c'est certain. Vous ne connaissez pas les capacités de votre adversaire, pourtant vous le défiez avec arrogance ? C'est un peu ridicule. Vous êtes stupide et faible, j'ai un peu de mal avec le manque de respect de la part de gens que je considère inférieur. À l'avenir, faites attention à qui vous offensez. Un accident est vite arrivé. Et vous n'êtes qu'un soldat, qu'un pion parmi d'autres.
Il se recula, et l'homme avait complètement perdu son air arrogant : à présent, il tremblait tout entier. Son visage commençait déjà à enfler aux endroits un peu rouges. Même libéré de la menace de l'épée, il ne bougea pas.
— Bien, maintenant si vous m'excusez...
Il fit un signe de tête à Théo, qui attrapa son épée et le manteau du prince avant de venir le rejoindre. Il paraissait avoir du mal à ravaler la fierté qui illuminait discrètement ses traits. Quand ils furent côte à côte, Helio se retourna une dernière fois vers les quelques gardes présents, qui aidaient leur camarade à se relever.
— Je ne vous propose pas un combat contre mon chevalier, je pense que vous avez été suffisamment humiliés pour la journée.
Il s'était attendu à au moins quelques expressions irritées, mais il n'obtint en retour que des regards intimidés. Helio se détourna finalement, en haussant les épaules, presque déçues.
S'il voulait se défouler encore un peu, il allait devoir le faire un peu plus loin.
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