6. Tu me dois toujours un resto
Après le film, qui s'est passé sans effusions, l'habitude veut que Noah ramène Aida chez elle.
Pour ma part, c'est un Thomas qui semble s'être décidé à me parler à nouveau que je retrouve à la maison, désemparé entre les armoires de la cuisine.
– Où étais-tu ? m'accueille-t-il froidement.
Sympa...
– Bonsoir, Thomas. Comment vas-tu ? Moi ça va, merci de demander !
– Ne commence pas, Chan !
– J'étais au cinéma, avec Aida et Noah.
Il accuse le coup.
– Tu vas au cinéma avec Noah, maintenant ?
– C'est Aida qui va au ciné avec Noah. Je n'ai fait que tenir la chandelle. On était censées y aller toutes les deux, mais elle a sauté sur l'occasion pour lui proposer de nous accompagner.
Thomas semble sceptique, mais honnêtement, je n'en ai rien à faire et je monte me coucher. C'est alors que je sens mon portable vibrer. Je lis le message dans la salle de bain.
[Bien rentrée ? ]
Noah.
Je souris comme une cruche. Merde ! Je ne peux même pas m'en empêcher.
[Oui, merci, et vous ? ]
[ Je viens de déposer Aida saine et sauve, je prends la route ]
Il n'est même pas encore rentré chez lui qu'il m'envoie un texto, c'est trop mignon.
[Très bien, tu me rassures, j'avais peur qu'elle ne finisse égorgée ou violée...]
[Tu prends beaucoup de risques, pour une femme qui a peur pour son amie]
[Qu'est-ce que tu veux, à croire qu'elle préfère rentrer assise sur du cuir rouge que dans ma petite voiture étriquée]
J'espère qu'il percevra l'humour dans mon message, et qu'il ne prendra pas mon amie pour une fille vénale.
[... Tu me dois toujours un restau]
Je me fige. Un restau... Est-ce bien sage pour mon petit cœur de manger seule avec Noah ? Après tout, il faut combattre le mal par le mal. Si je veux établir une relation amicale avec lui, il vaudrait mieux que je puisse gérer un tête-à-tête au restaurant en sa compagnie.
[Personne ne t'a demandé de payer pour moi, la dernière fois...] le taquiné-je.
[Tu me semblais bien plus préoccupée que ça, au club]
Je souris.
[Demain, midi. Je t'envoie l'adresse du rendez-vous]
[Marché conclu]
Je ne peux m'empêcher de cogiter pendant des heures, le cœur en fête, avant de parvenir à m'endormir.
Le lendemain, mon humeur est au top. Tout le monde me complimente sur ma tenue. J'ai enfilé une petite robe tailleur crème à manches longues avec des escarpins beiges et un long manteau en poil doux de la même couleur. Mes cheveux sont relevés en une queue de cheval et mon maquillage est toujours aussi sobre et naturel.
– Qu'est-ce qui t'arrive aujourd'hui ? Tu participes au concours de miss monde ? me lance Marjo, ma collègue préférée.
– Pas du tout. Je suis de bonne humeur, c'est tout.
– En quel honneur ?
Je lève le sourcil et, d'un signe de tête, lui ordonne avec humour de retourner à ses dossiers.
À midi pile, je range mes affaires en vitesse, me dirige vers l'entrée de nos bureaux, à l'étage même, et je manque de m'étrangler. Noah est là, appuyé contre l'encadrement de la porte, les jambes croisées, telle une gravure de mode. Un ouragan de phéromones...
Déconcertée, je me fige et ma mâchoire me lâche. Il est à tomber, avec sa chemise noire col mao, son jean de la même couleur, et ses baskets immaculées. Il porte son caban noir au bras et m'adresse un sourire à se damner.
– Noah... qu'est-ce que tu fais là ?
Je sens les regards se braquer sur lui.
– Tu m'as demandé de venir, non ?
– Mais, euh, en bas...
– Eh bien ça te fera de la compagnie dans l'ascenseur.
Sa phrase pourrait être pleine de sous-entendus, si j'avais l'esprit mal tourné. On sait ce qu'il se passe lorsqu'on se retrouve avec un canon dans un ascenseur ! Suffit de demander à Anastasia Steele.
Je le fusille du regard et suis extrêmement mal à l'aise. Même Thomas n'est jamais venu me chercher au boulot, mes employés vont se poser des questions. Dans l'ascenseur, nous sommes face à face, appuyés contre les parois de la cabine. Lorsque je remarque qu'il me détaille des pieds à la tête, ma respiration s'emballe, et je tente tant bien que mal de me calmer.
– Tu es très belle, aujourd'hui.
Je fonds ! Je fonds ! Je fonds ! Merde, j'espère que je n'en ai pas trop fait.
– Je suis moche d'habitude ? tenté-je de plaisanter.
Il s'esclaffe.
Humour, toujours là pour me sauver !
– Toujours le mot pour rire, hein. Tu ne sais pas juste dire merci, lorsqu'on te complimente ? Tu es toujours au top, de toute façon. Mais là...
Son regard lèche mes jambes et je suis incroyablement gênée. L'ascenseur s'arrête en même temps que mes muscles se détendent, et nous nous rendons à l'extérieur, sans incident. Je respire !
– Quelque chose ne va pas, Chan ?
Je soupire.
– C'est juste que... ça va jaser dans mon dos, au bureau. Même Thomas n'est jamais venu jusqu'en haut. C'est la raison pour laquelle je t'avais demandé de m'attendre en bas.
– Désolé. Je ne voulais pas te créer de problème, répond-il de sa voix grave.
Je me retourne, un petit sourire contrit en coin.
– J'espère bien que ça ne faisait pas partie de ta revanche pour avoir payé ma part, la dernière fois.
Il ricane et me prend le bras sans crier gare, me troublant au plus haut point.
– Allez, viens, je t'emmène dans un endroit sympa. Tu as droit à combien de temps ?
– C'est moi la boss, donc je décide du temps que j'ai devant moi.
Il m'emmène avec son bijou de voiture dans un petit restaurant français.
– Tu vas aimer la déco.
Nous entrons et je vois un tas de posters en noir et blanc, principalement de vieilles affiches de films datant de l'après-guerre, des vinyles, des photos d'acteurs. Ambiance totalement vintage !
– C'est génial, Noah !
– N'est-ce pas ? Et la nourriture est succulente.
– J'ai hâte de goûter.
Ravie par le cadre du restaurant, je suis tout de suite plus détendue. De la vieille musique française résonne autour de nous et l'atmosphère est plutôt calme.
Je craque pour un burger façon gastronomie, ne m'étant pas inquiétée une seconde du manque d'élégance inévitable lorsqu'on déguste ce genre de plat.
– Alors moi je t'emmène au restaurant, et c'est tout ce que tu trouves à commander ? Il fallait me le dire, la prochaine fois, je t'emmène au Macdo !
Je n'ai pas le temps de répondre, qu'il me pétrifie en coinçant mes jambes entre les siennes sous la table. Les lèvres entrouvertes, je le dévisage et laisse échapper un rire gêné en même temps qu'il resserre son étreinte, alors que son visage ne se dépeint pas de ce sourire ravageur. Impossible de dire s'il le fait exprès, ou si je me monte le chou toute seule. Mon souffle, lui, s'est fait la malle sans se poser autant de questions.
Si dans un premier temps, je regrette mon choix gastronomique, parce que Noah me dévisage avec une moue amusée en savourant ses pâtes au saumon, je suis rapidement chamboulée lorsque ses sourcils se froncent et lorgnent ma bouche refermée.
– J'ai de la sauce ? tenté-je, mi-amusée, mi-dépitée par le spectacle que je dois certainement donner.
Mais il reste muet, comme si ça lui était douloureux de répondre. Comme la situation commence à devenir embarrassante, je m'empare de ma serviette, mais avant que je ne la porte à ma bouche, il m'attrape le poignet et ancre ses yeux aux miens.
– Qu'est-ce... qu'il y a ? balbutié-je, à présent inquiète.
Cette fois, un petit sourire étire ses commissures.
– Ne bouge pas...
Et sans prévenir, il pose la pulpe de son pouce sur ma lèvre, provoquant en moi un torrent de sensations, et sans quitter ma bouche des yeux, il l'essuie avec une douceur qui m'électrise à tel point que je dois être cramoisie. Quelques secondes de trop, quelques secondes qui font de ce geste anodin une caresse sensuelle. Mais le pire reste à venir. Il porte son doigt à la bouche, sans me quitter des yeux, et s'en délecte comme s'il était bordé de miel. Bordel, c'est quoi ça ?!
Mon cœur tremble, j'ai du mal à reprendre ma respiration, abasourdie par son geste déplacé. Lui semble satisfait, et reprend notre discussion comme si de rien n'était. Comme s'il ne venait pas de me retourner de l'intérieur. Comme si je devais faire de même en passant à autre chose avec cette désinvolture qui me déconcerte...
Il me ramène au boulot deux heures plus tard, et j'ai droit à un véritable interrogatoire de la part de Marjo.
– Qui est ce canon, Chan ? T'as intérêt à tout me dire ! Qu'est-ce que tu faisais avec lui ?
Et voilà, c'est parti.
– Un pote, rien de plus.
– J'espère bien ! Je te signale que tu es fiancée, ma chère, glousse-t-elle.
– Pour couper court à toute tes élucubrations, je le résumerais comme étant le futur petit-copain d'Aida. Ça te va ?
Le futur petit-copain d'Aida qui me caresse les lèvres...
Ma collègue semble tomber des nues.
– Quelle chance elle a, cette petite ! Dire que j'allais te demander de me le présenter. Ce monde est vraiment injuste.
***
Samedi soir, j'en profite pour l'inviter chez Dorian et Nathalie. Par contre, je n'ai parlé de mon déjeuner avec Noah à personne et intime à ma collègue de faire de même, lui prétextant que c'est en secret que j'essaye bourrer le crâne de ce bel apollon pour qu'il tombe éperdument amoureux de ma meilleure amie. Que de mensonges, je sais bien, mais je n'ai pas envie que Chris interprète mal les choses et je ne sais pas comment Aida le prendrait.
– Noah, tu n'aurais pas un ami à présenter à Marjo, ma collègue ?
Il la détaille de bas en haut, sans gêne aucune, ce qui la fait rougir, et fronce un sourcil.
– Une femme comme toi n'arrive pas à trouver de mec ?
– Non, je crois que j'ai quelques kilos en trop pour correspondre aux dictats de la mode.
– Je crois que c'est une grosse connerie, ça ! s'exclame Dorian. Marjo, t'es charmante, tu sais. Ils doivent sans doute avoir peur de ta forte personnalité, mais tu es toootalement... baisable !
Nous manquons toutes les deux de nous étouffer alors que les autres s'esclaffent. Nathalie, amusée, lui donne un petit coup sur l'épaule.
– Ben quoi, c'est vrai. Il y a des femmes dont on ne voudrait pas. Mais Marjo, je suis prêt à parier que pas mal de mecs aimeraient se la faire. Hein, les gars ? dit-il, en se retournant vers la gent masculine.
Chris ricane et Thomas lève les yeux au ciel, semblant trouver cela totalement déplacé.
– Je confirme, commente Noah en souriant à Marjo, ce qui décompose le visage d'Aida.
Ma collègue pouffe, rassérénée et lui fait un gros clin d'œil.
– Quand tu veux, beau brun.
Je ris de bon cœur, tout en espérant qu'il ne soit pas sérieux. Cependant, j'avoue au fond de moi que je préférerais qu'il couche avec Marjo, plutôt qu'il ne sorte avec mon amie.
Plus tard dans la soirée, Aida me chuchote naïvement à l'oreille ;
– Dis, tu crois qu'il aime les grosses ?
Je ne peux m'empêcher de rire.
– Je n'en sais rien, Aida. Mais arrête de penser à ça. Si ta personnalité lui plaît, ce n'est sûrement pas ton physique qui va l'arrêter.
Elle fait la moue.
– Et la personnalité de Marjo, elle lui plaît ?
Je la dévisage, incrédule.
– Tu n'es quand même pas jalouse ?
Elle semble hésiter avant de m'avouer.
– Ça fait des jours que je le travaille, et rien. Il ne m'a pas encore embrassée.
– Il prend peut-être son temps ? Tu devrais le voir d'un œil positif.
J'ai beau parler, je suis soulagée d'apprendre qu'ils n'en sont nulle part, ces deux-là. Horrible moi !!
– Je ne sais pas si je lui plais ou s'il est juste très gentil avec moi. Il m'envoie tous les soirs mon petit bonne nuit, m'envoie des bisous, mais lorsqu'on se voit, rien.
– Il est peut-être timide, pour ce genre de chose. Il y a des hommes comme ça...
– Tu crois ? Dis, tu sembles bien t'entendre avec lui, tu ne pourrais pas lui poser des questions sur sa vie sentimentale ? Je sais qu'il est célibataire, mais il ne veut pas m'en dire plus.
– Parce que tu crois qu'il se confierait à moi ? Il est très secret, comme garçon, je ne pense pas avoir de meilleurs résultats que toi.
– Sinon, tu lui dis cash qu'il te plaît, et attends de voir sa réponse, intervient Dorian, qui s'est immiscé dans la conversation.
Mon amie s'est figée et ne semble pas enthousiaste du tout à cette idée.
– Je... je n'ai pas envie de tout brusquer. Je veux faire les choses bien, avec lui. Si je lui plais, il fera lui-même un pas vers moi. Je n'ai pas envie de compromettre mes chances.
Ça alors, elle est sérieusement mordue...
Nous sommes à présent tous posés sur les canapés et les poufs à ressasser les aventures délirantes de notre jeunesse.
Noah est juste à côté de moi, et mon épiderme se met à vibrer lorsque je sens sa main se balader nonchalamment sur mon avant-bras, alors que son attention est toute à mes amis. Mince ! J'espère que personne ne le voit. Elle est grande et puissante. Une main de boxeur, rendue calleuse par les frottements, mais délicate dans ses caresses. Ses doigts me renvoient au moment où ils se sont posés sur ma lèvre, au restaurant, et alors, ma conscience m'intime de changer de place pour éviter toute situation compromettante, mais mon corps l'envoie royalement chier.
Soudain, Thomas se lève et s'avance vers nous, fusillant le beau garçon du regard. Le cœur en vrac, je le vois qui tente de prendre un ton posé, mais sens la tension dans sa voix.
– Noah, j'aimerais m'asseoir à côté de ma femme. Tu peux aller ailleurs, s'il te plaît ?
Noah le dévisage de longues secondes, impavide, alors que je sens ses muscles se contracter. L'angoisse s'éprend de moi, comme si je venais de me faire prendre en flagrant délit.
– Bien sûr, lui répond-il tout aussi froidement.
Thomas s'installe à mes côtés, passe son bras derrière mes épaules et me serre contre lui, m'embrassant sur le front.
Quelle mouche l'a piqué ?
– Mais qu'ils sont mignons ces tourtereaux ! s'exclame Marjo. Je veux le même Chan !
Je te le prête quand tu veux, collègue. Et garde le aussi longtemps que possible.
Mais c'est vrai que ce n'est pas désagréable de se blottir contre le corps de son homme. Nathalie a de la chance, elle qui doit le vivre au quotidien, elle n'a pas besoin de public pour ça.
Soudain, Noah reçoit un coup de fil. Lorsqu'il voit l'appelant, son visage blêmit et il part s'isoler dans le couloir. Nous nous demandons ce qui peut bien le mettre dans cet état, mais Dorian nous incite à changer de sujet.
Lorsque notre boxeur revient, il semble nerveux.
– Je vais y aller, les amis. Dorian, merci pour l'invit'. Aida, tu as quelqu'un pour te déposer, n'est-ce pas ?
Troublée, elle hoche la tête.
– C'est bon, je la raccompagne, levé-je la main.
Évidemment, comment croit-il qu'elle faisait, avant qu'il ne fasse partie de notre petite troupe ?
Je me lève pour aller lui ouvrir, Dorian étant occupé à la vaisselle, et lorsqu'il franchit la porte, je ne peux m'empêcher de demander ;
– Noah, ça va ?
Il se retourne, une lueur trouble dans ses magnifiques yeux vert d'eau.
– Petit souci familial. Rien de grave.
– Très bien... j'espère que ça s'arrangera. Bonne nuit.
Il prend un air reconnaissant.
– Merci, Chan. Salut.
Il me fait la bise et s'en va.
Je suis troublée. Le poids de son regard m'a remuée, me laissant quelques secondes immobile, avant que je ne referme la porte à clé pour retourner au salon. Aida, ayant remarqué que quelque chose me perturbait m'interroge du regard. Je l'ignore, avec culpabilité, mais je n'ai pas envie de parler pour le moment.
Thomas m'oblige presque à retourner dans ses bras et me cajole jusqu'à ce qu'on y aille tous. Je pensais qu'une fois seuls, il redeviendrait le glaçon qu'il était, mais non, il continue avec ses petites caresses et ses attentions. Et je n'ai pas besoin de préciser la manière dont s'est terminée la nuit...
Le lendemain, encore inquiète, je ne peux m'empêcher d'envoyer un message à Noah.
[Ça s'est arrangé, ton petit problème familial ?]
Je commence vite à regretter d'avoir été trop intrusive lorsqu'à midi, je n'ai toujours pas de réponse.
9. DÉLICATE PROPOSITION
Thomas et moi nous rendons chez mes parents. Il est toujours aussi attentionné que la veille. J'apprécie, en espérant qu'il ne me prépare pas un coup tordu, le connaissant.
Chloé me parle de son dur entraînement à la boxe et mon homme découvre alors qu'elle s'entraîne au club de Noah.
– Mais enfin, Chloé, ne me dis pas que tu traînes dans ce genre d'endroit ? lui reproche-t-il devant mes parents.
– Pourquoi pas ? Tu n'y es jamais allé, comment peux-tu me critiquer !
– Je ne te critique pas, Chloé, je m'inquiète pour toi.
Ce n'est pas un lieu pour une femme. Il n'y a que des cas sociaux dans ces clubs.
Je me retourne brusquement vers lui. Mais qu'est-ce qu'il raconte ? Je vois, au visage de ma mère, qui boit aveuglément ses paroles, qu'il commence à inquiéter mes parents.
– N'importe quoi ! Les gars sont très sympas là-bas, et il y a aussi d'autres filles. En plus, il y a votre ami Noah qui veille sur moi. Il n'arrête pas d'engueuler Nassim, quand il me crie trop fort dessus.
– Noah n'est pas « notre » ami. Cet homme ne m'inspire aucune confiance. Je ne suis pas tranquille à l'idée de savoir que tu le fréquentes, renchérit Thomas.
Là, je suis indignée.
– Mais qu'est-ce que tu racontes ? Toute la bande l'apprécie. Il n'y a que toi qui as un problème avec lui. Ce gars est très sympa et vraiment gentil !
– Vous êtes tous séduits par son physique, c'est un charlatan. On ne sait rien de lui et il refuse de répondre aux questions qu'on lui pose. Tu trouves ça normal ?
Le ton commence à monter, et mes parents sont stupéfaits de nous voir nous disputer pour la première fois. Il faut dire que j'essaye toujours d'éviter la bagarre et d'apaiser les cœurs, quitte à ignorer Thomas lorsqu'il s'emporte.
– Qui te dit qu'il n'a pas eu un passé difficile ? Il nous connaît depuis quelques semaines, il n'a peut-être pas envie de s'ouvrir à n'importe qui ! Tout le monde ne vante pas les mérites de sa vie à qui veut l'entendre. Tu as peut-être du mal à comprendre ce principe, mais oui, il y a des gens comme ça ! Et ça ne veut pas dire pour autant qu'ils sont mauvais ou suspects !
Oh ! Il m'a mise hors de moi !
Chloé, qui m'a dirigée vers les articles qui parlent du passé de Noah, comprend très bien ce que je veux dire et approuve totalement mon petit speech.
– Chérie... ne sois pas si dure avec Thomas, il s'inquiète simplement pour ta petite sœur, me sermonne mon père.
Bien sûr, depuis quand Thomas s'inquiète pour quelqu'un d'autre que lui-même ?
– D'ailleurs, puisque c'est un ami à vous et qu'il se porte garant pour veiller sur notre petite Chloé, j'aimerais bien le rencontrer, ce garçon, ajoute mon père avec détermination. Invitez-le donc à souper avec nous, prochainement.
J'en demeure bouche bée.
Mes parents veulent rencontrer Noah.
Elle est bien bonne celle-là. Et comment suis-je censée lui annoncer ça ?
Mon père s'adresse à moi, mais je supplie ma sœur du regard.
– Chloé, je pense que ça serait plus cohérent si tu l'invitais toi-même.
Elle me lance un sourire diabolique.
– Mais non, voyons, c'est ton ami, c'est à toi de le faire. Enfin, à Thomas et toi.
Thomas n'est pas du tout ravi par la situation qu'il a engendrée. Si elle ne me mettait pas dans une position aussi inconfortable, je jubilerais ! Je peux voir sa mâchoire se crisper et ses sourcils se froncer.
– Eduardo, je ne suis pas sûr que d'inviter ce genre d'individu chez vous soit une bonne idée. Après tout, nous le connaissons nous-mêmes très peu. Et si c'était un voleur, un pickpocket ?
Et voilà qu'il essaye de retourner la situation.
– Voyons Thomas, ce n'est pas comme si nous renfermions des trésors dans nos armoires.
– En plus, ajoute Chloé, il roule en Aston Martin, il est carrément plus blindé que nous.
Bien vu, sœurette ! De quoi clouer le bec à mon cher fiancé, lui qui est si regardant sur la situation sociale et financière des autres. Je le vois d'ailleurs qui semble choqué.
Bon, il ne me reste plus qu'à trouver comment inviter Noah chez mes parents...
***
C'est un peu nerveuse que j'arrive à l'Ifitness. Parce qu'en plus de trouver le moyen de lui parler de cette foutue invitation chez mes parents sans que ça ne lui paraisse saugrenu, je dois l'affronter alors qu'il n'a pas répondu à mon dernier message. Thomas se dirige vers la salle de muscu. Tiens donc. Il s'est enfin décidé à quitter son tapis de course pour se sculpter un peu la silhouette. Grand bien lui fasse !
Je descends vers la réception et je trouve le boxeur à sa place habituelle, derrière le comptoir, plongé dans son smartphone.
Il me voit enfin et me sourit.
– Salut, Chan.
– Salut. Toujours fidèle au poste.
– Comme tu vois.
Il semble plus laconique qu'à son habitude.
– Tu as besoin d'une serviette pour les thermes ?
– Non, j'ai ce qu'il faut... je... Mince alors, comment lui annoncer ça ?! Je vais peut-être faire un peu de sport tout compte fait !
Chan, tu te défiles !
Surpris et amusé, il lève son regard sur moi, un petit sourire narquois étirant ses lèvres.
– Tu as une soudaine révélation ?
– Excuse-moi, musclor, mais on ne peut pas tous avoir un corps aussi parfait que le tien en glandant derrière un comptoir !
Et voilà comment ma nervosité achève de m'embarrasser ! « Un corps aussi parfait que le tien », vraiment, Chan ?!
Pour toute réponse, il rit aux éclats et à mon grand étonnement, fait redescendre la tension de plusieurs crans.
– Pour ta gouverne, je passe le plus clair de mon temps à m'entraîner, pour avoir ce corps musclé, rétorque-t-il, sa bonne humeur retrouvée.
J'hésite quelques secondes avant de lui demander :
– Tu... tu as encore des combats ? Ici, je veux dire.
– C'est beaucoup plus rare qu'avant. Il y a d'autres choses dont je dois m'occuper, du coup, je demande à mon agent de me trouver des matchs en Europe quand je suis dispo. Mais j'ai mon petit nom, tu sais. Je ne suis pas mauvais, du coup, lorsque je suis en recherche, je n'ai pas de mal à en trouver.
Je veux bien croire que tu n'es pas mauvais, je sais que tu n'as jamais perdu un seul match et que tu as pas mal de K.O. à ton actif.
– Et puis, la vue est beaucoup plus agréable ici que sur un ring. Je ne pensais pas qu'il y avait autant de jolies filles dans le coin ! plaisante-t-il.
– Il y en a une qui est bien contente que tu aies du temps à lui consacrer.
Les mots m'ont échappés. Merde, pourquoi est-ce que j'ai dit ça ?!
Il lève les sourcils, laissant une lueur d'intérêt animer son regard.
– C'est de toi que tu parles ?
J'écarquille les yeux et me rends compte de la bourde que je viens de faire. Quel honneur dois-je sauver ? Le mien ou celui d'Aida ?
– Euh, non. Je parlais d'Aida.
Désolée, poulette !
– Oh. Oui, c'est une chouette fille.
Il semble beaucoup moins enthousiaste tout d'un coup.
– Oui, elle est géniale !
J'espère que je n'en fais pas des caisses, mais c'est le moins que je puisse faire après la boulette que j'ai commise.
– Dis... j'ai quelque chose de délicat à te demander, me lancé-je.
– Tout ce que tu veux...
– Je... Enfin, c'est assez bizarre comme requête, mais tu vois, ça concerne Chloé, et mes parents, et Thomas qui a...
– Crache le morceau, Chan ! me coupe-t-il.
– Mes... Mes parents aimeraient te rencontrer, lâché-je, telle une bombe.
Il me regarde, bouche bée.
Je commence à me sentir mal.
– En fait...Thomas leur a dit que tu étais un ami à nous et que tu gardais un œil sur Chloé, à la boxe...
Il semble totalement décontenancé.
– Et... Que me veulent-ils ?
– Euh... Savoir quel genre d'homme fréquente leur fille.
– Mais... Avec Thomas ?
– Je parle de Chloé.
– Ah, au temps pour moi. Mais ce n'est pas comme si nous nous fréquentions.
Je soupire, lasse, et j'en veux à mon homme de nous avoir mis dans une telle situation.
– Je sais... Mais quand Thomas a appris que Chloé faisait de la boxe, il s'est montré réticent de manière virulente, et a inquiété mes parents. Du coup, mon père nous a demandé de t'inviter à dîner, afin de voir quel genre de personne veillait sur notre petite Chloé.
Je suis mortifiée.
Et Noah semble loin d'être enchanté.
– Je suis vraiment désolée, si j'avais pu, j'aurais évité de te mettre dans cette situation.
– C'est rien, Chan.
Oui bon, s'il veut me convaincre que ça ne le dérange pas, ce n'est pas en arborant cette expression soucieuse qu'il y arrivera.
– Si tu ne veux pas, je comprendrai. Ne te sens pas obligé d'accepter.
Il semble tout de même peser le pour et le contre.
– Si je refuse, il y a des chances que tes parents empêchent Chloé de venir au club ?
Je fais une petite moue contrite.
– Oui, c'est probable.
– Très bien, j'accepte. Quand est-ce que tu veux faire ça ?
Quelle gentillesse. Il est prêt à se forcer à faire quelque chose qui est loin de l'enchanter pour que ma sœur puisse continuer à faire du sport. Il a certainement dû comprendre que c'était plus qu'un passe-temps pour elle.
– Que dis-tu de samedi ?
– Ça marche.
J'en informe Thomas et mes parents, et passe une soirée tranquille. Mon homme est bizarre avec moi. Je le surprends parfois à me fixer, comme s'il essayait de sonder mes pensées. Il a insisté pour qu'on passe la soirée à regarder un film, blottis dans les bras l'un de l'autre. Et le lendemain, il m'a ramené une de ces charlottes aux fraises que j'adore et pour lesquelles il déteste que je craque. Les démonstrations d'affection se sont enchaînées, et alors que ça n'arrive habituellement que quelques fois par mois, nous avons couché ensemble tous les soirs de la semaine. Ça n'était pas meilleur que d'habitude, mais je suis néanmoins surprise par sa montée soudaine de libido. J'en ai parlé à Chris, en omettant le fait que mes parents aient tenu à rencontrer Noah, et il est convaincu que mon homme est mué par la jalousie.
t-align: DJ
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