3. Action ou vérité
Noah en média*
Le début de semaine est toujours difficile, au bureau. Si moi, je travaille parfois le dimanche, c'est le jour de congé de mes employés, et ils ont toujours du mal à refaire tourner les moteurs, le lendemain. Malgré tout, on reste au top parce qu'ils sont tous géniaux, et c'est là le principal.
Comme à l'habitude, j'ai rendez-vous à la salle de sport avec Thomas. J'avoue avoir un petit pincement lorsque je m'y rends, à présent. Cela dit, je préfère éviter les thermes, aujourd'hui, pas de risque de voir Beau-gosse-qui-met-ma-durée-de-vie-en-péril !
Thomas fait son petit footing sur le tapis, comme à son habitude.
Non, les altères, il ne connaît pas... pourtant, c'est juste là, à côté... mais non...
Alors que quelques filles sont déjà attroupées devant la porte de mon cours d'aérobic, je vois Amélie, notre coach, en pleine discussion avec... Noah ! Je ne peux lutter contre les forces mystiques de l'univers qui contraignent chaque partie de mon corps à se figer.
Il porte un tee-shirt blanc moulant son torse musclé par ses entraînements, et un petit short de la même couleur. Il a un peu plus de barbe que la dernière fois et ses cheveux en bataille sur le côté le rendent incroyablement sexy. D'ailleurs, je note que ne suis pas la seule à le dévisager de la sorte.
Lorsqu'il me voit, sa surprise est telle que je remarque un léger haussement de sourcil. Il m'adresse un petit sourire et une bonne dizaine de filles se retournent dans ma direction, le regard mauvais. Chouette ! Je me sens alors obligée de lui répondre un maladroit signe de la main et reste figée sur place, comme la cruche que je dois sans doute être. C'est lui qui fait le premier pas et me fait la bise pour me saluer.
– Salut, Chan. Tu vas bien ?
Mon cœur bat à tout rompre, mais je tente de garder contenance.
– Super, et toi ?
– Pareil. Tu fais de l'aérobic, toi ?
– Quand j'ai le temps...
Je sens des regards meurtriers nous dévisager et ne suis pas franchement à l'aise.
– Je te voyais dans une discipline plus agressive.
– La boxe ? demandé-je, un sourire en coin.
Il me rend mon sourire.
– Pourquoi pas... ?
Haha, mais bien sûr ! Je glousse. Étonnant qu'une personne qui ne m'a vue que deux fois... ou trois, ne me prenne pas pour une petite bourge coincée. Surtout après m'avoir vue avec Thomas.
– Pourquoi pas, effectivement ? Je ne voudrais pas d'ores et déjà le froisser.
Il y a un petit silence gêné entre nous, mais il ne cesse pas de sourire. Qu'il est craquant !
– Au fait, je voulais te remercier pour mardi... d'avoir réglé la note... C'était très généreux à toi. Il ne fallait pas !
Ses yeux me sourient également, à présent.
– Je voulais inviter Dorian, pour m'avoir proposé de me joindre à vous, mais ça ne le faisait pas de n'inviter que lui, alors je me suis senti obligé de payer pour tout le monde, me confie-t-il, pince-sans-rire.
Je demeure quelques secondes bouche bée, puis réagis par des éclats de rire, comprenant enfin la dimension comique de sa blague.
... Et en plus, il est drôle !
– Bon, eh bien je retourne à mon poste de gardien de piscine. Bon aérobic !
Je lui fais mon plus beau sourire et tente ensuite de me l'enlever de la tête... en vain.
Je raconte cette petite anecdote à Chris par message vocal, mais évidemment, il ne daigne pas me répondre. Il a été clair sur le sujet ; tant que je ne me mettrai pas en tête de flirter avec Noah, il ne veut soi-disant rien savoir de ma part le concernant. Mais je connais mon ami, je sais qu'il savoure la moindre information comme s'il était l'héroïne de mon histoire, bien que sa vie semble passionnante pour le moment ; ça serait la folie bergère avec Marco. Sachant que les relations sexuelles entre Thomas et moi n'ont rien de fougueux, Chris se garde généralement de me raconter les détails de ses frasques amoureuses. J'imagine que vu mon inexpérience, je ne dois pas être d'une bonne oreille.
Je décide de retourner à la salle de sport jeudi soir. Seule. Après une petite heure de vélo, un bon hammam ne me ferait pas de mal. Autant rentabiliser cet abonnement, au prix où je le paye... N'est-ce pas ?
Surprise ! Noah est à l'accueil. Je remets inconsciemment une mèche derrière mon oreille et remarque ensuite qu'il est en passionnante conversation avec une jolie demoiselle qui ne semble pas insensible à ses charmes. Presque en apnée, je me poste à côté d'elle, attendant sagement qu'il me demande mon numéro de membre, mais lorsqu'il me voit, son regard s'illumine et il m'offre l'entièreté de sa dentition, rayonnant.
Plutôt inhabituel de sa part, mais pas du tout déplaisant.
– Bonsoir, Chanelle. Comment vas-tu ?
– Super, et toi ?
– Heureux de te voir. Tu m'as l'air d'avoir bien besoin d'un moment de détente.
Heureux de me voir ?Oh, je fonds. En même temps, il le dit avec une telle désinvolture que ça ne doit rien sous-entendre d'inapproprié. Puisqu'il semblait particulièrement souriant avec la demoiselle à côté de moi, ça doit être son humeur du jour.
– J'ai pédalé comme si je venais de parcourir le mont Ventoux.
– La boxe ne te parle toujours pas ?
– Pourquoi, tu essayes de m'enrôler dans ta secte ?
Il ricane et lance un clin d'œil à la midinette à mes côtés. Je ne comprends pas. Elle non plus, visiblement, elle ne partage pas du tout son enthousiasme... à mon avis, je lui ai cassé son petit moment avec le beau réceptionniste des thermes d'Ifitness.
– Serait-ce ton « fiancé » qui n'apprécierait pas que tu aies des passe-temps "agressifs" ?
Là, je ne rigole plus. Pourquoi met-il l'accent sur le mot fiancé, d'abord ? Et pour qui se prend-il pour me faire ce genre de réflexion ? On ne se connaît même pas.
– Que mon « fiancé » apprécie ou non, ne te regarde pas.
Je ne trouve rien de plus cinglant à lui rétorquer et note que son expression a changé. Ses lèvres s'incurvent, mais ses yeux ne rient plus. Il sort un petit carton de sa poche et le tend vers moi.
– Au cas où tu changerais d'avis.
Je m'empare de sa carte, surprise, et la lis devant ses yeux. Les informations nécessaires y figurent. L'adresse de son club, ainsi que... son numéro de téléphone ! Il m'a filé son numéro, j'en reviens pas ! Je lève la tête vers lui, sceptique, et il semble me narguer. Suis-je trop expressive ? J'espère qu'il n'a pas remarqué qu'il me met dans tous mes états.
Sans que j'aie besoin de lui donner mon numéro de membre, il m'enregistre dans l'ordinateur de la réception et me fait un signe de la tête.
– Appelle-moi si tu veux voir à quoi ressemble un entraînement de boxe. Je te donnerai l'heure des séances. Bon hammam, Chanelle.
Décontenancée, je ne parviens même pas à lui demander de m'appeler Chan. Sans dire un mot, je fonce vers les vestiaires, l'esprit en fête. Bon, je me calme, je ne dois absolument pas me faire de films. Il me propose des cours dans son club. Je devrais payer, alors c'est après l'argent qu'il en a. Voilà déjà qui est plus rassurant. Respire, Chan, respire ! Je me déshabille en vitesse et me rue vers le bain turc, où je pourrai penser plus calmement à tout ceci.
Aussi alléchante que puisse être sa proposition de le revoir, je ne me vois vraiment pas l'appeler pour accepter. De cogner dans un sac au milieu d'une horde de mâles puant la transpiration. De plus, il a raison, Thomas se mettrait dans tous ses états, si je lui faisais part de ce projet.
Je ne suis toutefois pas obligée de le lui dire. Serait-ce de la tromperie ? Étant donné mes intentions... Argh ! Je ne sais pas ! Je ne sais plus quoi penser. Un petit coup de pouce de la part d'un ami sincère me ferait peut-être du bien.
Lorsque je sors du complexe, Noah me salue en me demandant des nouvelles de Dorian. Nous discutons cinq minutes, puis je me hâte de rejoindre Thomas. S'il attend trop longtemps le ventre creux, il y a des chances pour que je passe une mauvaise soirée.
– Espèce d'idiote, c'est clair qu'il s'intéresse à toi ! Depuis quand propose-t-on à une jolie jeune femme des entraînements sportifs ? Réfléchis, bon sang : proximité corporelle ! me sermonne Chris, tout excité.
– Euh, jolie, jolie... N'exagérons rien. Les femmes avec lesquelles je l'ai vu discuter avaient plus le profil de bombasses que moi. Et Aida doit certainement lui plaire, il tente peut-être de s'en approcher par mon biais. Ça ne serait pas la première fois que ça arrive.
Un silence se fait au bout de la ligne, et j'entends un soupir exaspéré à l'autre bout du fil.
– Tu réfléchis trop, Chan. Et je ne vais pas te répéter que tu es effectivement une jolie fille, parce que tu le sais très bien, tu aimes juste qu'on te le répète tout le temps pour te rassurer.
– Arrête, je n'ai pas dit que je n'étais pas jolie, j'ai juste supposé que je n'étais pas dotée du genre de physique qui lui plaît sûrement. Je suis petite, pas...
– Hop hop hop ! Je t'arrête tout de suite, tu ne vas pas m'énumérer ce que tu appelles tes défauts, tu me gaves avec ça. Pour un mec comme lui, tu es tout à fait baisable !
Seigneur ! Encore ce mot ! Mais qu'est-ce qu'ils ont tous ?! Il n'y a vraiment que ça qui leur vient à l'esprit ?
–... Chris. C'est aussi un problème... Peut-être que je ne veux pas... baiser !
–... Mais ça, tu n'en as rien à faire. Laisse-le espérer, joue-toi de lui, prends du bon temps, flirte un peu, Chan !
Je n'ai vraiment pas envie de jouer avec le feu... Je me prends déjà bien assez la tête comme ça.
C'est décidé, je n'appellerai pas pour prendre des cours de boxe... Mais je peux toujours appeler pour décliner son offre ! Petit diablotin au-dessus de mon épaule gauche doit jubiler, en ce moment. Faisons cependant durer le plaisir, ne l'appelons pas avant quelques jours !
Je ne m'attendais évidemment pas à ce que, lorsque nous rejoignîmes la bande, samedi, chez Dorian et Nathalie, il soit de la partie. Aida ne m'en avait pas reparlé de la semaine, je pensais que ce n'était qu'une lubie qui lui était passée. Que nenni ! Elle est avachie sur le canapé, à côté de lui, je dirais même, presque sur lui, battant des cils en feignant boire ses paroles. J'espère que ma meilleure amie trouve un homme qui la mérite, mais je ne suis pas convaincue que ce bonhomme soit cette personne, et qui plus est, il y a cette horrible pointe de jalousie que je me maudis de ressentir.
Vince et Nate sont également présents. Chacun, une conquête autour du bras. Ils ne chôment jamais ces deux-là ! Lorsque je me penche pour faire la bise à Noah, c'est à peine s'il me calcule. Évidemment, à côté d'Aida, il ne fallait pas rêver... J'évite de m'installer près de Chris et choisis d'aider Nathalie à la cuisine.
Quelques heures plus tard, nous jouons à des jeux débiles, tels qu'action ou vérité. Le jeu favori de Nate. Nous faisons tourner la bouteille et le premier à se faire questionner est Dorian. Il choisit l'action, bon joueur qu'il est, et se retrouve à boire un mélange douteux de ketchup, jus d'orange, lait, sel, limonade et basilic. Le pauvre en a la gerbe, ce que je comprends totalement, mais il faut assumer ses choix !
Il fait tourner la bouteille et elle tombe sur Thomas, qui évidemment choisit une vérité.
– Quand est-ce que tu te décides à passer le cap avec Chan, bon sang ! s'esclaffe mon ami, taquin jusqu'au bout.
Thomas a un rictus nerveux.
– Lorsqu'elle se décidera à réellement vouloir s'engager à mes côtés. Je ne veux pas la brusquer, tu me connais, je n'ai pas envie qu'elle se sente obligée de se marier avec moi.
Oh, l'ambiance... J'ai les boules... Pourquoi est-ce que Dorian a mis ce sujet sur le tapis ?
– Arrête de te faire désirer Chan, lance-toi ! s'exclame-t-il. Des mecs comme lui, aussi attentionnés et amoureux, t'en trouves pas si facilement, de nos jours.
Je t'adore mais mêle-toi de tes affaires, par pitié ! Tu ne sais rien de notre relation.
Ah, ils m'exaspérèrent...! Si seulement mes yeux pouvaient parler...
Thomas s'empare de la bouteille et la fait tourner vers Nathalie.
– Action ! s'exclame-t-elle, en riant déjà.
Elle sait que venant de Thomas, elle n'a pas grand-chose à craindre. Le jeu continue ainsi, parsemé de gages plutôt sages et de questions plus ou moins personnelles, lorsque Nate fait tourner la bouteille vers Noah. Celui-ci semble hésiter un moment avant de demander une action. Je vois le sourire de Nate se déformer lorsqu'il lui demande d'embrasser Aida.
– Ooooh ! bien ça, comme action ! Le jeu commence enfin ! s'exclame Vince, tout excité.
Qu'ils sont débiles lorsqu'ils sont saouls ! Dorian et Nathalie semblent cependant tout à fait d'accord avec eux. Mon cœur a un raté lorsqu'il accepte sans ciller. Aida semble d'abord surprise, mais ne lui émet aucune résistance. Évidemment...
– Tu as de la chance que je sois célibataire ! minaude-t-elle, en lui tendant les lèvres.
Hey, cocotte, le gage est pour lui. Tu n'es pas censée te jeter sur sa bouche avant qu'il ne te l'ait prise ! Je sens Chris me lancer des regards en biais, mais je ne peux détacher mes yeux de ce surprenant spectacle. Noah se penche vers Aida, et lorsque je pense, et espère, qu'il ne lui octroie qu'un petit smack règlementaire, il lui roule une pelle d'enfer.
Mes yeux enregistrent cette langue que l'on voit pénétrer dans la bouche de mon amie, pour lui faire des tas de choses que mon propre fiancé ne m'a jamais faites de toute ma vie.
Mon estomac se tord et ma poitrine est lourde.
Alors qu'ils arrêtent enfin leur ballet de langues infernal, la salle les acclame comme s'ils avaient effectué la performance du siècle. C'est insoutenable ! Et lui semble si... impassible, alors qu'Aida est au bord de l'apoplexie. Elle a indéniablement kiffé !
Le jeu reprend de plus belle, avec des gages de plus en plus indécents, et des vérités croustillantes. Alors que Chris fait tourner la bouteille vers moi, je retiens ma respiration un moment. Je vois son sourire narquois me défier et je le foudroie en plissant des yeux. Il rêve s'il pense que je vais lui demander une vérité.
– Action.
Il semble ravi. Merde !
– Tu te lèves, et tu roules la même pelle que Noah à Aida.
– Quoiii ?! m'étranglé-je.
Dorian explose de rire, et Nate et Vince applaudissent, sous le regard médusé de leurs copines.
– Tu n'es pas sérieux ? demandé-je à Chris.
– Euh, mon gars... Tu pourrais quand même me demander mon avis, non ? s'indigne mon fiancé.
Ah ! Quand même, il sert à quelque chose, celui-là. Pour une fois, je suis de tout cœur avec lui ! Allez, Thomas, affirme ton autorité sur moi !
– Ta copine est lesbienne ? pose Chris, comme simple question rhétorique. Non, alors techniquement, elle ne te trompe pas. Dans ce cas, je ne vois pas pourquoi elle ferait exception en refusant un gage qui lui a été donné, alors que d'autres l'ont fait.
Le bec cloué, Thomas se renfonce dans son coin de canapé. Quelle détermination ! Lorsqu'on n'est que tous les deux, il met beaucoup plus de vigueur à me faire chier pour m'exprimer son désaccord.
Tous les regards sont posés sur moi. Je suis morte de trouille. Chris va me le payer ! Et cher ! Je me lève et m'avance lentement vers Aida, entourée d'un silence religieux. Je la fixe, apeurée. De plus, Noah est pratiquement collé à elle. Elle me fait un clin d'œil et m'adresse un petit sourire rassurant. Dieu merci, elle sait ce qui m'inquiète le plus, dans cette histoire. Chris veut du roulage de pelle, or Aida sait que Thomas n'aime pas le contact de nos langues et que les baisers qu'il me donne sont loin d'être passionnés. Elle mènera la danse. Je m'avance vers elle et pose ma bouche sur la sienne, l'embrasse, sous le regard intense de Noah, qui ne se gêne pas pour nous dévisager avidement. Je sens enfin la langue d'Aida se glisser lentement entre mes dents pour venir caresser la mienne, et je frissonne. Je la suis dans sa danse lente et langoureuse, et malgré l'appréhension, apprécie cet échange. Ce n'était pas si terrible, en fin de compte. Bien au contraire. Je ne peux empêcher mon regard de bifurquer quelques secondes vers Noah, dont les joues me semblent gagnées par quelques rougeurs. Il a été émoustillé par notre petite prestation ? Si ça se trouve, c'était l'effet prévu par Aida, je ne suis que le petit pion naïf coincé au milieu de leur jeu de séduction...
Voilà, moi aussi, j'ai droit à mon moment « applause ». Cool.
Lorsque je retourne à ma place, je jette un œil à mon fiancé et le vois me sourire comme un idiot. Pfff, lui aussi a été émoustillé. C'est bien ma veine. Je suis sûre d'être rouge comme une tomate et ce n'est plus très glamour, du coup. Chris pouffe sous cape et je lui assène un coup sur l'épaule.
Quelques gages plus tard, je me lève et m'isole dans le couloir, en quête d'un peu de calme afin de lire les mails professionnels que Marjo m'a envoyés. Je sens tout d'un coup une respiration profonde derrière mon dos. Surprise, je me retourne, et me trouve face à une montagne de muscles presque collée à moi. Bon, il doit faire un peu plus d'un mètre quatre-vingts, mais quand on fait un mètre soixante, ça semble directement immense. Noah est tout proche et il plonge son regard limpide dans le mien. Nous restons quelques secondes à nous fixer, sans rien dire, jusqu'à ce qu'il brise ce lourd silence.
– Où sont les toilettes ?
– Deuxième porte à gauche, je réponds, nerveuse.
– Merci. Je n'ai pas reçu ton appel.
– Pardon ?
– Ton appel. Pour les cours de boxe.
Oh ! Évidemment, quelle empotée je suis ! Cet individu me fait perdre la tête. Mais il ose me parler de ça alors qu'il vient de rouler une pelle phénoménale à Aida ? Il n'est pas vite gêné !
– Effectivement. Je me laissais quelques jours pour t'appeler et décliner ton offre, lui lancé-je, cassante.
Il lève un sourcil.
– Tu n'as même pas envie d'essayer ?
– Non. Plus vraiment. À cause de toi, j'ai été obligée d'embrasser mon amie, je t'en veux énormément !
Surpris, il se met à glousser.
– Ce n'est pas de ma faute si ton ami essaye de te faire virer de bord.
– Il essayait surtout de me faire reproduire le spectacle que vous nous avez donné juste avant.
Noah lève les sourcils, contrit, il est craquant quand il fait ça, et hausse les épaules.
– Je n'ai fait qu'exécuter le gage qu'on m'a donné. Apparemment ça vous a plu, j'ai même eu droit à des applaudissements. Terrible, non ?
Je ne peux m'empêcher de sourire. Il m'énerve !
– Je pense bien qu'Aida aussi t'a applaudi.
Il rit à nouveau et passe devant moi.
– Bon, j'y vais avant qu'un malheureux accident ne gâche la bonne humeur de la soirée.
Et il s'enferme dans les toilettes.
... Je crois que je l'apprécie vraiment. Il semble si... simple, naturel. J'ai encore envie de lui parler, d'échanger avec lui, de l'entendre rire...
Lorsque je retourne au salon, un petit Trivial est sur le point de débuter. Très bien, pourquoi pas. Du moment que je ne retrouve pas ma langue dans la bouche d'un de mes amis. Lorsque Noah revient, nous tirons les équipes au sort. Et évidemment, je n'en reviens pas de me trouver dans celle de Mister Beau gosse. Au moins, si nous tombons sur des questions sur le sport, nous sommes assurés avec Noah ! Je m'installe à ses côtés, prenant la place d'Aida, qui doit se taper la compagnie de mon très cher Thomas, convaincu de sa supériorité dès qu'il s'agit de culture. Je la sens trépigner de joie... « humour !».
Alors que nous avançons dans le jeu, je suis surprise par le puits de connaissances de Noah. Lorsque c'est au tour des autres de se faire interroger, il semble distrait et les charrie un peu sous cape, me faisant remarquer les mimiques étranges qui déforment leur visage lorsqu'ils réfléchissent. Nous nous moquons gentiment, c'est idiot et immature, mais on se marre bien, nous !
Alors qu'on arrive à la fin du jeu, je sens qu'une complicité s'est créée entre nous. C'est lorsque, sans m'en rendre vraiment compte, nous gagnons, que mon visage s'illumine. Je me mets à narguer mon fiancé qui semble profondément irrité par sa défaite. Quel mauvais perdant ! Je frappe dans la main de mon coéquipier et chambre gentiment mes amis.
– Ne jamais sous-estimer un étranger, les gars ! crâne gentiment Noah.
Les vannes fusent et la bonne ambiance anime la pièce. Alors, Dorian part chercher des bouteilles d'alcool.
– Les gars, un dernier verre, pour la route ? propose-t-il, ironiquement.
– Danger, danger ! s'écrie Chris. Il a sorti ses armes de guerre !
Dorian lui tend un verre et Chris se retourne vers moi.
– C'est bon. Vas-y, tu peux te saouler, je ne bois pas. Je te ramènerai, le rassuré-je.
Dorian se tourne vers moi, surpris.
– C'est Thomas qui conduit, non ? Tu peux bien boire un petit verre ? me dit-il de sa voix toute mignonne.
– Elle ne boit pas, tu le sais, Dorian, l'interrompt sèchement mon fiancé.
– Pourtant, elle était bien beurrée, samedi passé, en boîte ! s'exclame Nate, moqueur.
Je me raidis. Merde ! Quel connard, il sait très bien que mon homme est super chiant à ce niveau. Pourquoi est-ce qu'il cherche toujours à provoquer les ennuis ?
Thomas me jette un regard mi-interrogatif, mi-furieux.
– Oh, tu exagères ! s'exclame Aida. Elle était à peine pompette.
Moi, je vois rouge, mais avant que je ne lui balance une remarque bien sentie, le provocateur se lève, un sourire goguenard aux lèvres, et s'empare de sa veste.
– J'y vais, Dorian. Ils sont bien gentils, vos jeux, mais pour nous, la vraie soirée commence maintenant.
Une fois la pièce débarrassée des deux amis d'enfance, les langues se délient.
–... J'ai parfois du mal avec ce garçon, avoue Nathalie, en s'excusant presque auprès de Dorian.
– Je sais, je sais, c'est un véritable enfoiré, quand il en a envie.
Toute cette agitation me fait oublier le regard presque méprisant que m'adresse mon fiancé depuis qu'il a découvert le pot aux roses. Il va me saouler avec ça pendant des semaines, voire des mois ! Super.
Dorian propose un verre à Noah, qui refuse poliment.
– Je ne bois pas, merci.
– Sport oblige ?
– Sport, santé... contrôle...
Je le regarde et ressens alors une intensité captivante dans ses yeux.
– Rabat-joie, rétorque Dorian, sur le ton de la plaisanterie.
– Noah, l'interpelle Aida. Tu pourrais me raccompagner, si tu ne bois pas ? Je suis tentée par une vodka red bull, mais je ne sais pas si je pourrai m'arrêter après un verre.
– Bien sûr.
– Tu habites où ? J'espère que ça ne te fait pas faire un trop grand détour ? minaude-t-elle.
Il semble hésiter à répondre. Ah, le mystérieux Noah refait surface.
– Uccle...
– Olala, j'habite Etterbeek, ça n'est pas vraiment sur ta route.
– Pas de souci, je te ramène. Ça ne me dérange pas.
Je ne peux m'empêcher d'angoisser. Vu comment c'est parti, c'est le VRAI roulage de pelle assuré. Elle, grisée par l'alcool qu'elle s'apprête à ingurgiter pour se donner du courage, lui, séduit par le physique avantageux de mon amie...
Je secoue la tête et reprends mes esprits. Tant mieux pour elle, si elle parvient à conclure avec Noah. Ce ne sont pas mes affaires ! Si elle se casse à nouveau la gueule, je m'en lave les mains !
La soirée se termine et je rentre, penaude, pour me glisser immédiatement sous la couette. Comme prévu, Thomas me fait une scène à propos de samedi passé. Je l'aurais « trahi », « trompé ». Ce qui me semble étrange, c'est qu'il me demande si Noah était également de la partie. Je lui réponds que non et je perçois alors un soulagement dans son regard.
Le lendemain, je déjeune avec Aida et Chris avant de me rendre au bureau.
– Pfff, je te plains ma fille, de travailler le dimanche... soupire Chris, avant de mordre dans son sandwich.
– Pas de repos pour moi ! Mais ça ne me dérange pas.
– Alors, Aida, raconte-nous, s'enquiert mon ami. Vous avez fait combien de bébés, hier soir, avec Noah ?
Je manque de m'étouffer alors qu'Aida se met à glousser. Mais ça ne va pas, de me faire des coups comme ça pendant que je mange ?! Il veut avoir mon décès sur la conscience ou quoi ? Elle triture sa mèche et affiche un sourire radieux. Zut zut zut, il va bien falloir que je me fasse à l'idée...
– Il est vraiment gentil... commence-t-elle.
Bon, ok, c'est pas ce qu'on veut savoir... accouche !!
– Et teeeellement beau.
– Oui, ça on sait, s'impatiente Chris. Mais il s'est passé quelque chose ou non ?
– C'est un vrai gentleman. Il m'a ramenée chez moi, m'a ouvert la portière et tout le tralala. Pour ensuite m'accompagner devant la porte d'entrée. Je pensais que c'était pour m'embrasser, vous savez comme dans les films hollywoodiens. J'étais vraiment nerveuse et intimidée. Mais en fait non, il s'assurait juste de ma sécurité. Il m'a fait la bise et est retourné dans sa voiture.
Soulagée, mon estomac se dénoue.
– Et... c'est tout ? s'étonne Chris.
– Ouais, c'est tout. J'aurais pensé qu'après ce gage, durant la soirée, il aurait eu envie d'aller plus loin, mais finalement, il n'a rien tenté. Je ne vous raconte pas la frustration ! Ce mec embrasse comme un dieu !
– Ah oui, il s'est donné à fond commente Chris, la bouche pleine.
– Grave ! J'ai aussi été surprise. Si nous n'étions pas entourés, je crois que je lui aurais fait l'amour sur place !
Stoooooop !!!!
En y repensant, à ces gages et à mon humiliation, je dirige mon regard le plus mauvais vers Chris.
– Toi... toi, tu ne perds rien pour attendre !
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