Chapitre 7
C'était une belle journée en ce vendredi dix-huit février. Elle avait été ensoleillée, réchauffée par l'astre solaire, mais tout de même froide par le vent hivernal. Une journée exclusive par cette saison, des températures plus chaudes que la moyenne saisonnière.
Elle était l'exact même de celle qu'avait passé Hansol.
Sauf qu'il préférait qu'on l'appelle Vernon.
Sa journée avait été parfaite, magique, sans aucune imperfection, sans aucun accroc. Quoi de mieux pour un anniversaire ?
C'était un événement à marquer d'une pierre blanche. Cela était si rare voire même peut-être impossible de penser que ça pouvait être possible dans la vie du jeune coréo-américain tant elle était semée d'embûches et de problèmes en tout genre. Tous les deux, ils avançaient en rigolant de tout et de rien, même le silence demeurait apaisant et agréable entre eux, main dans la main. Le soleil allait bientôt se coucher, bien que la journée n'ait pas duré une éternité comme Vernon le désirait.
Il ne voulait pas le quitter, lui, sa magnifique voix et son caractère unique. À ses yeux, son ami était un trésor à chérir, une œuvre d'art, l'être le plus somptueux qui puisse exister. Il se sentait chanceux de l'avoir à ses côtés, mais d'un autre côté, il le plaignait pour cette même raison. Vernon ne pouvait espérer mieux que Seungkwan. Il lui avait tout donné, tout ce dont il avait toujours rêvé, le sauvait chaque jour d'un cauchemar sans nom. Seungkwan était son ange gardien, sa bonne étoile.
Cependant, cette rêverie allait désormais se finir en mauvais rêve, comme à chaque fois. Vernon baissa les yeux, les détachant du sublime visage de son ami qui lui parlait. Rien que de penser à l'idée de rentrer chez-lui le triturait de l'intérieur, son estomac s'enroula et sa gorge se serra, les idées noires l'angoissant. Rapidement, Seungkwan remarqua le changement de comportement de l'américain, il n'était pas du genre à déprimer, au contraire.
- Quelque chose ne va pas Nonie ? Demanda-t-il d'une douce voix, légèrement inquiet. Ce surnom fit battre le cœur dudit Nonie.
Jamais il n'aimera ce surnom, à moins que cela sorte de la bouche de son ami.
- Oui, ne t'inquiète pas, tout va bien. Je suis juste un peu fatigué. Lui répondit-il, lui offrant un sourire faux mais vrai à la fois. Tout allait mieux en un clin d'œil, Seungkwan était bien la seule chose qui le faisait réellement sourire aujourd'hui.
- C'est vrai qu'on a fait beaucoup de choses aujourd'hui. Sourit le bleuet en regardant le sol, encore ravi que Vernon ait accepté de passer une journée avec lui, bien qu'il ne lui refusait jamais rien. Je suis content que tu aies choisi de passer ta journée d'anniversaire avec moi, j'espère avoir été à la hauteur pour tes vingt ans.
À la hauteur ? Seungkwan avait fait bien plus qu'être à la hauteur, cette journée qu'il pensait maudite était l'une des meilleures qu'il avait vécu.
Vernon se sentait béni d'être avec Seungkwan, c'était sa dose de bonheur quotidien, son exception à la règle et c'est ce qui lui plaisait. Et jamais il n'avait osé briser ce bonheur avec ses problèmes personnels. Mais aussi, il ne voulait pas inquiéter Seungkwan, ni lui apprendre qu'il était constamment en danger. Il serait bien trop angoissé pour lui, il était d'une nature un peu impulsive et émotive alors Vernon savait pertinemment que Seungkwan serait prêt à chercher les coupables et leur faire payer ce qu'ils avaient fait. Mais cela était impensable, jamais il n'aurait mis Seungkwan en danger, surtout pour lui.
De plus, Vernon n'était pas un enfant, c'était un adulte, il devait régler ses problèmes seul.
Ils arrivèrent à l'entrée du parc, là où ils se retrouvaient le matin et où ils se séparaient à chaque fin de journée. L'Américain ne voulait pas lâcher la main de son ami, il savait qu'au moment où il la lâcherait, sa journée virerait au cauchemar. Ils se regardèrent face à face, le visage souriant et les yeux pleins d'artifices. Par habitude, Seungkwan s'avança pour embrasser la joue du brun qui sentit son rythme cardiaque accélérer et ses joues chauffer. Le bleuté ne le faisait pas souvent, trop timide pour le faire mais parfois, il combattait sa peur pour donner du courage à son ami, vu que Vernon semblait encore plus enjoué après l'un de ses bisous.
- À demain Nonie. Émana-t-il avec une voix légère et sereine.
- À demain Seungkwanie... Non. Il ne voulait pas que ça s'arrête.
- Prends soin de toi s'il te plaît.
- Prends soin de toi aussi.. Passe le bonjour à ta famille pour moi.
Seungkwan sourit d'un sourire sincère, tenant en main son gobelet maintenant vidé de son contenu. Ayant du mal à quitter son ami, Seungkwan recula de quelques pas, sans quitter Vernon des yeux, avant de finalement combattre son envie et de prendre le chemin vers chez-lui. Le brun regardait tristement la plastique de Seungkwan se fondre parmi la masse de gens marchant dans la ville. Leur au revoir lui laissait toujours un goût amer en bouche, il n'était plus le même quand Seungkwan n'était pas là. Ainsi, il commença à prendre le chemin pour revenir chez-lui aussi, son estomac se nouant au fil des mètres qui diminuaient entre lui et sa maison.
Il pensait déjà à ce que son père allait lui poser comme question une fois rentré. C'était toujours des questions très gênantes et personnelles sur sa vie intime, chose qu'il n'aimait partager avec quiconque. Seungkwan était son échappatoire à sa maison qui ressemblait de plus en plus à une copie de l'enfer. C'est pour cela qu'il préférait traîner dans les rues et avec Seungkwan et les quelques amitiés qu'il avait tissées avec ses anciens amis de lycée. Mais malheureusement, il arriva rapidement devant sa maison. Elle avait l'air simple et normale en apparence, mais si l'on creusait plus profondément dans l'histoire de sa famille, ils verraient l'horrible vérité que son père et lui cachaient.
Arrivé devant la porte blanche, il en fixa la poignée. À peine après avoir passé la porte, il savait que le reste de la journée allait être un terrible calvaire pour lui. Sa gorge le serra, ses yeux se noyèrent de larmes qu'il se dépêcha d'essuyer d'un revers de main. Que dirait son père s'il le voyait pleurer ? Sûrement rien de très bon, Vernon n'avait osé pleurer qu'une seule et unique fois devant son géniteur, plus jamais il n'avait recommencé depuis. Son cœur le suppliait de partir, de s'enfuir, de trouver n'importe quel endroit qui pourrait remplacer son toit. Rien ne pouvait être pire qu'ici.
Pourtant, il fit taire ses sentiments pour laisser sa raison décider ; rentrer à la maison.
Son père vivait seul dans cette grande maison avec son fils. Ses journées étaient les mêmes, travail, travail et encore travail. Il n'y avait jamais autre chose qui comptait plus que le travail pour lui, il était obsédé par ça. Pour noyer son ennui et la triste tournure qu'avait pris sa vie, il engloutissait ses problèmes sous les bouteilles d'alcool.
Vernon retira ses chaussures à l'entrée et mit ses chaussons à la place, la maison avait une ambiance glauque et morose, malsaine. Il n'y avait presque aucune lumière d'allumée, pas un seul bruit hormis celui régulier de l'horloge du salon. Le jeune homme n'osait pas rompre le silence. Il avait peur que son père ne soit encore endormi et qu'il ne le réveille à cause de sa voix. Mais s'il ne le prévenait pas de son retour, il allait tout de même être corrigé. Peu importe ce qu'il faisait, ça se terminait de la même manière. Alors, il ouvrit son sac à dos qu'il avait pris ce matin et sortit les bouteilles d'alcool que son père lui avait dit de ramener avant de partir au travail.
D'une voix hésitante, il prit un ton assez fort.
- J-Je suis rentré, père.
Aucune réponse ne suivit ses paroles. Les trois bouteilles d'alcool en main, Vernon traversa le couloir en faisant le moins de bruit possible et pénétra dans la cuisine, voyant son père assis à table, un verre de whisky en main. Il avait toujours cet air fermé et méprisant, peu abordable et toujours agacé par ce qui l'entourait. Le brun essaya de ne pas trembler et d'empêcher ses larmes de couler sur ses joues tandis que son père prit enfin connaissance de sa présence. Le jeune homme déposa les bouteilles sur la table par automatisme mais aussi pour créer une sorte de barrière entre lui et l'homme qui le toisait du regard.
- Tu rentres plus tard que prévu. Commença l'homme en finissant son verre.
Vernon avait maintenant l'habitude de déchiffrer et analyser les phrases et les expressions faciales de son père pour éviter une potentielle crise de nerfs. Ce n'était pas une question, il était sûr de lui, ce qui veut dire que Vernon n'avait pas son mot à dire, ni même à s'expliquer. Pour le paternel, il avait raison sur tous les points. Il était l'adulte et Vernon était l'enfant. Il parlait et lui se contentait d'écouter sans broncher, sous peine de conséquences. Telle était la règle maîtresse de cette famille.
Son père ne lui dit rien d'autre, prenant la première bouteille venue et s'en servant un verre qui déborda de quelques gouttes.
- Nettoie. Et vite. Ordonna l'homme en commençant à boire son verre maintenant rempli à rebord.
Vernon ne perdit pas de temps et prit un torchon propre dans l'étagère du haut. Il n'avait pas le temps de réagir ou même de penser à comment il allait devoir nettoyer la table sans contrarier son père.
- Tu es lent, Hansol. Dois-je te le faire comprendre d'une autre manière ? La voix de son père dans son dos le fit frissonner d'effroi, elle était glaciale, sans aucune source d'humanité. Elle était stricte, aussi tranchante qu'une lame de rasoir. Vernon s'empressa de secouer la tête pour montrer son opinion, sans pour autant se retourner vers lui. Bien. Alors dépêche toi, vite.
Le jeune homme se dépêcha de s'atteler à la tâche. Il commença par le coin vide de la table, pour essayer de gagner du temps afin de choisir comment il allait nettoyer l'autre côté, à quelques centimètres de son géniteur. S'il le faisait d'une manière qui ne lui plaisait pas, qui sait ce qu'il lui aurait fait. Tandis que Vernon nettoyait, son père le regardait fixement, ce qui le rendait particulièrement mal à l'aise et surtout, il savait que son père le jugeait, comme à chacun de ses gestes.
- Pourquoi es-tu rentré si tard ? Qu'est-ce que tu as encore fait ? Vernon ne répondit pas. Ah.. Je sais. Tu étais sûrement encore avec ce garçon étrange, celui à l'air efféminé... Quel est son nom déjà ?
Le brun bouillonnait à présent. Ce n'était pas la première fois que son père faisait allusion à Seungkwan devant lui, ni qu'il l'insultait même s'il ne le connaissait même pas. Il devait se contenir, tout virerait au cauchemar s'il laissait sa colère le guider. Jamais il n'allait accepter le fait que Seungkwan soit insulté ou discriminé dans son dos, il était bien trop aimable et parfait à ses yeux pour être traité avec tant de méchanceté.
- Je sais ne plus, et puis je m'en fiche. Finit le noiraud qui buvait une gorgée de sa boisson. Je me fiche de ce qu'une pédale comme lui pourrait avoir comme nom.
Un mot de plus et Vernon sentait qu'il allait faire une action qu'il allait sévèrement regretter. Comment osait-il qualifier Seungkwan par un mot si péjoratif ? Sa raison lui hurlait de se taire, de le laisser parler et d'obéir. Mais malheureusement, son cœur lui fit changer d'avis, et peu importe ce qui allait se passer par la suite, il ne tolérait aucun affront. Il prit violemment le verre de son père et le souleva pour nettoyer les gouttes d'alcool qui étaient sur la surface de la table.
- Seungkwan. L'Américain reposa le verre en le faisant claquer violemment sur la table, il pensait qu'il l'aurait brisé s'il ne s'était pas contenu. Son nom, c'est Seungkwan. Et je ne te laisserai pas l'insulter de la sorte.
Néanmoins, dans un coin de son esprit, il savait qu'il allait amèrement regretter son acte. Son père n'avait rien dit, à l'exception de son expression surprise et ses yeux renfermant une rage incontestée. Il rangea le torchon qu'il venait d'utiliser, son angoisse grandissait et ses mains tremblaient de plus en plus, se rendant compte de l'erreur qu'il venait de faire. Ses yeux furent inondés de larmes prêtes à couler à n'importe quel instant, il ne pouvait que penser à une chose désormais ; la correction qu'il allait recevoir.
Il sentait le regard de son père transcender son dos, qui était à présent debout. Sans prévenir, son géniteur posa sa main sur son épaule, la serrant durement, jusqu'à enfoncer ses ongles aussi fort qu'il le pouvait. Vernon se retint de hurler de douleur, il voulait le repousser, l'exterminer, juste le faire disparaître de sa vie.
- Hansol. Tu es mon fils. Je t'ai donné la vie. Informa le noiraud, prenant plaisir à voir l'expression de son fils se déformer par la souffrance et l'angoisse. Mais je peux toujours te la reprendre.
Vernon sursauta brusquement en entendant le verre se briser à quelques centimètres de ses pieds. Il entendit trois autres verres s'écraser sur le carrelage blanc, il sursautait à chaque fois que le verre se brisait dans un vacarme terrifiant. Son géniteur lâcha finalement son épaule mais prit brutalement sa mâchoire en main et le tourna vers lui. Ce fut de trop pour le jeune homme qui ne put retenir ses larmes de dévaler à toute vitesse le long de ses joues. Voir la vision de cet homme rongé par la colère, assoiffé de vengeance, les yeux imbibés d'un alcool rouge. Ce n'était pas les yeux de son père, il ne le reconnaissait même plus.
L'alcool lui avait volé celui qu'il appelait "papa", à l'époque.
- Un vrai homme ne pleure pas, Hansol. Je me demande si tu es bien mon fils, je ne t'ai jamais élevé ainsi. C'est ta mère qui t'a donné des idées si dégoûtantes. Elle a toujours été idiote, donner de telles idées à mon fils... Vernon priait intérieurement pour que cette scène accélère, pour qu'il puisse enfin être libre et s'enfermer dans sa chambre à l'écart de ce malade. Si tu oses encore me répondre comme tu l'as fait, je te garantis que tu ne reverras plus jamais ta sœur et encore moins ta salope de mère. Est-ce que je me fais comprendre Hansol ?
Ces mots ne faisaient qu'accroître la haine et le désespoir que ressentait Vernon dès qu'il croisait ne serait-ce que l'ombre de son géniteur. Lui qui avait toujours clamé son innocence et accusé sa mère et sa sœur de tous ses maux, il était un lâche, un sans-cœur, un égoïste. Il n'était pas quelqu'un de bien comme il aimait le montrer aux gens de dehors, pas quelqu'un d'attentionné et d'amical. Il était un tyran, un gourou. Il avait détruit sa vie avant même qu'elle ne commence. Pourtant, Vernon ne pouvait que comprendre ses menaces, il ne pouvait faire que ça.
- O-Oui, père... Répondit-il avec du mal, sa gorge lacérée par la panique.
- Bien. Au lieu de le lâcher, l'homme resserra sa prise autour de la mâchoire de son fils puis, il fut pris par une envie soudaine.
Il le projeta crûment au sol, le faisant hurler de douleur à cause de nombreux morceaux de verre s'étant planté dans la peau de ses avants bras. Vernon n'osait plus bouger, ses bouts de verre brisé enfoncés dans sa peau combinés au fond d'alcool fort les recouvrant venait agresser les tissus de sa chair. En ouvrant les yeux, il vit que son père le regardait, en ne disant rien, juste en le toisant de haut.
- Tout est de ta faute. Si tu avais obéi comme je l'avais dit, tu n'aurais pas fini ainsi. Dit-il sans plus d'émotions dans sa voix ni sur son visage. Je n'arrive même pas à croire l'idée que tu es ma progéniture.
Un blanc s'installa, le cœur du brun se serrait douloureusement dans sa poitrine et les larmes coulaient d'elles-mêmes, il n'avait plus la force mentale pour s'en empêcher. La culpabilité lui montait à la tête, tout était de sa faute et seulement de la sienne. S'il avait été silencieux et obéissant, il ne serait pas là, allongé dans une flaque de verres brisés.
- Tu ne me servira définitivement jamais à rien. À part pleurer, que sais-tu faire d'autre ? Tu es si faible et inutile... Il prit une petite pause silencieuse dans son monologue solitaire, coupé par les reniflements très légers de son fils qui faisaient de son mieux pour se taire. Un jour, tu te réveilleras et je ne serais plus là, je serais parti. Tu es déjà bien assez inutile quand je suis avec toi, alors, que deviendrais-tu si je n'étais pas là pour te loger et te nourrir ?
Vernon ne dit rien, bien trop affecté par les mots de son père.
- Nettoie. Ordonna-t-il en montrant le verre au sol sur lequel le brun était allongé. Quand je rentre, je veux que tout soit propre.
Il enjamba le corps de Vernon pour passer dans la cuisine et quelques minutes plus tard, la porte d'entrée claqua brusquement, puis se ferma à clef.
Vernon était désormais rassuré, son père venait de partir on ne sait où. Il était enfin seul, enfin tranquille. Mais son cœur était toujours autant détruit par les paroles qu'il avait eu à son égard. Elles le tourmentaient et tournaient dans son crâne, il ne pensait plus qu'à ça, à vouloir rendre son père heureux et fier de lui, chose qu'il n'avait jamais réussi. C'était un désir bien trop grand pour espérer avoir ne serait-ce qu'un regard bienveillant de sa part. Son père le voyait déjà mort, de toute façon. Pourtant, il eut assez de courage pour se redresser et se mit à geindre de la douleur intense que lui procurait ses blessures. Rien que pour se lever du sol, tout son corps lui faisait mal, il devait se tenir à un meuble pour éviter de s'effondrer sous la douleur.
Mais il ne pouvait pas aller se soigner, pas tout de suite. Il devait d'abord faire ce que son père lui avait dit, avant qu'il ne revienne. Ça avait toujours été ainsi depuis un certain jour d'il y a longtemps. Ses besoins vitaux passaient après ce que lui avait ordonné son père, plus par obligation et peur que par envie. Parfois, son père lui demandait quelque chose en disant qu'il partait, mais il revenait juste après, une ou deux minutes après son départ, juste pour se défouler sur son fils en prétextant sa désobéissance.
Il était malade, manipulateur. C'était un monstre qui aimait faire du mal aux autres.
Rapidement, Vernon dû combattre la douleur et trouver un balais pour nettoyer le carnage dans la cuisine. Ses bras lui faisaient atrocement mal, chaque mouvement lui causait une souffrance indescriptible qui le faisait gémir de douleur à chaque instant. Il respirait mal, essayant de calmer sa douleur en respirant entre ses dents, pour canaliser sa douleur le plus possible. La maison était d'un calme olympien, Vernon tentait de souffrir en silence, au cas où son père lui referait le coup de revenir dix minutes après être sorti. Il le blâmerait encore plus s'il l'entendait pleurer pour si peu. Il n'osait même pas essuyer ses larmes avec son bras, au risque de se crever un œil ou de se blesser encore plus.
Cependant, il ramassa le verre brisé avec une rapidité déconcertante, avec une perfection absolue. Il avait été habitué ainsi, à faire rapidement et parfaitement. C'était une règle d'or. Une règle qui avait toujours été respectée.
Après avoir nettoyé le sol dans ses moindres recoins, Vernon rangea ce dont il s'était servi et monta directement à l'étage pour enfin retirer ces bouts de verre dans sa chair. Plus le temps passait, plus la douleur était forte et aiguë, ça le brûlait, le piquait, comme si l'on lui enfonçait des milliers de petits couteaux. Il n'en pouvait plus de souffrir comme ça, tous les jours, sans aucune exception. Ça faisait trop longtemps qu'il s'était attaché à l'idée d'en finir, peu importe avec qui ou quoi, il voulait juste que ça se finisse. Pourquoi n'avait-il pas une famille heureuse et épanouie comme ses amis ? Pourquoi ça lui retombait dessus ? Qu'avait-il fait pour mériter cela ?
Néanmoins, peu importe combien il souffrait chaque jour, il le cachait toujours aussi bien. Personne ne se doutait des violences qu'il se passait. Mais si c'était pour le bonheur des autres, alors Vernon ne se plaignait pas. Il y existait bien pire que lui, de toute manière. Et qui sait ce que Seungkwan ferait s'il apprenait la vérité... Vernon ne le connaissait que trop bien pour savoir qu'il ne l'aurait pas laissé passer. Qu'il aurait sans doute prévenu les autorités voire même peut-être plus que ça. Mais qui allait croire à ça ? Un jeune homme d'à peine une vingtaine d'années se faisant battre et abusé psychologiquement par son père, c'était idiot. Pourquoi ne s'enfuyait-il pas ? Il n'était plus mineur, il était libre.
Oui mais, Vernon avait honte. Horriblement honte de ce qu'il était.
Depuis son adolescence, il avait honte de ce qu'il faisait, de ce qu'il disait, même de ce qu'il pensait. Sa vie n'était que honte. C'était un homme pourtant, il devrait savoir se défendre, travailler dans un métier masculin, être fort et viril, être violent et strict comme il le fallait. Mais non, ce n'était pas lui. Il ne voulait pas être ce type d'homme. Alors, son père l'avait renié depuis, et, catégorisait son existence en tant qu'erreur, comme la honte de la famille, l'anomalie de leur lignée. Pourtant, sa mère et sa sœur lui répétaient chaque jour qu'il était l'un de leur trésor les plus précieux, qu'il était bien plus fort que n'importe qui, bien plus courageux que les hommes de maintenant.
C'était seulement dans ces moments-là que Vernon se sentait à sa place, qu'il sentait qu'il comptait pour quelqu'un.
Jusqu'à ce qu'elles partent toutes les deux. Mais il ne leur en voulait pas, elles lui avait écrit une lettre, expliquant que pour leur propre sécurité, il fallait qu'elles partent après le divorce. Depuis ce jour, le brun avait voulu être appelé uniquement par son nom américain, Vernon, celui qu'avait choisi sa mère, pour garder un dernier souvenir d'elle.
Il comprenait que c'était à cause de son père qu'elles avaient dû partir, elles en avaient assez de souffrir. Et Vernon n'était pas contre souffrir à leur place si ça leur permettait de vivre heureuses.
Finalement, il n'avait pas d'autre moyen de décompresser, hormis Seungkwan et la musique, il n'y avait rien d'autre à part ça. Même s'il avait voulu raconter à son ami de toujours son histoire, ce qu'il se passait réellement chez-lui, Vernon ne voulait pas le mettre en danger, ni qu'il se mêle de quelque chose d'aussi dangereux. La police n'avait pas cru sa mère lorsqu'elle avait porté plainte plusieurs fois, alors maintenant, croire son fils des mêmes accusations était peine perdue.
Après plus d'une demi-heure de bataille avec une pince à épiler, Vernon su retirer le dernier bout de verre de son avant-bras. Ses deux avant-bras étaient ensanglantés, retirer le verre des plaies était une torture obligatoire, ce qui coupait la coagulation autour des petits trous, le faisant saigner. Le lavabo de la salle de bain était recouvert de sang qui coulait à petites gouttes le long de ses bras et de ses mains. Cette sensation le dégoûtait, ça lui donnait envie de vomir, l'odeur aussi le répugnait, mais il ne pouvait rien faire. Il aurait dû aller à l'hôpital mais non, il n'avait pas le droit, il allait devoir se débrouiller seul.
Rapidement, il lava ses avant-bras à l'eau froide, souffla entre ses dents sous l'horrible douleur que cela lui procurait. Il n'y allait pas en douceur, il devait se dépêcher, se dépêcher de regagner sa chambre, son seul havre de paix. Après avoir désinfecté ses plaies, il saisit le premier rouleau de bandage qu'il trouva et enroula ses avant-bras avec, tant pis s'il restait des bouts à l'intérieur, il devait aller vite, pour espérer avoir au moins une dizaine de minutes pour extirper toute cette douleur, pour pleurer un bon coup pour se libérer. Il finit le tout en mettant du sparadrap pour maintenir ses bandages qui s'imbibaient de sang petit à petit.
Il ramassa le verre qu'il avait extirpé de sa chair pour le jeter à la poubelle, nettoya le lavabo et les traces de sang qu'il avait laissé dans la salle de bain et dans le reste de la maison avant de ranger ce qu'il venait de sortir.
Comme il l'avait prévu, sa journée qui avait superbement démarrée avec Seungkwan venant le chercher dès le matin avait tourné au cauchemar.
•••
Il était maintenant passé vingt-heures. La nuit était tombée, laissant la pleine lune se lever, au gré du vent de l'orage qui venait de se déclencher. Cela ne faisait que quelques minutes que la pluie claquait violemment contre les vitres et les toitures des maisons, pourtant, la moitié de la ville était déjà inondée. Le tonnerre grondait à chaque instant, laissant son horrible bruit remplacer le calme de la ville. Sortir par un tel temps était synonyme de suicide.
Vernon et son père étaient en train de dîner dans le calme le plus grand. Ils ne parlaient pas, ils n'avaient rien à se dire et ils n'avaient pas envie de se parler. Vernon avait à peine touché à son dîner, trop mal à l'aise de se retrouver en face de celui qui l'avait balancé sans aucun remords sur des bouts de verre quelques heures auparavant.
Bien-sûr, l'alcool était au rendez-vous.
Le jeune brun n'avait pas touché à son verre de vin non plus. En réalité, il détestait la plupart des alcools, forts ou pas. Pendant que son père en était déjà à son cinquième verre d'affilée.
Étrangement, Vernon ressentait un profond malaise, encore plus accentué que d'ordinaire. Il avait un pressentiment, une intuition, il ne saurait dire si elle était bonne ou mauvaise. Elle était juste là, présente dans son esprit à le tourmenter et à accentuer son angoisse. Soudain, un coup de tonnerre le fit sursauter et sortir de ses pensées. Son père avait les yeux rivés sur lui, mâchant mollement son repas.
- Hansol, je t'ai posé une question. déclara-t-il d'une voix énervée, pour changer...
- D-Désolé, j'étais ailleurs... Tu disais ?
Le noiraud souffla d'agacement, toisant le jeune homme qui lui servait de fils.
- Tu n'es décidément bon à rien, tu ne sais même pas écouter, ne t'étonnes pas que tu sois dans cet état. Cracha-t-il en mentionnant les bandages en dessous des manches de Vernon. Ce dernier tira sur ses manches pour les cacher, honteux. Ce n'était qu'un accident, tu ne vas pas pleurer pour si peu, n'est-ce pas ? Il prit son verre à moitié plein et le but d'une traite, se servant un verre à nouveau.
L'alcool commençait à lui monter à la tête, de plus en plus.
Vernon ne dit rien et baissa la tête, culpabilisant d'avoir réagi comme il l'avait fait.
- Dis-moi, pourquoi t'attaches-tu tant à ce garçon ? Ce "Seungkwan". Demanda le père, la voix entre impatience et irritation.
Cette question soudaine surprit Vernon qui ne sut pas quoi répondre. D'habitude, son père ne voulait même pas le voir le matin quand Seungkwan venait le chercher pour qu'ils passent du temps ensemble. Rien que d'entendre son prénom l'énervait. Et puis, c'était la toute première fois qu'ils parlaient de lui. Vernon ne savait pas quoi faire, il ne pouvait pas réfléchir à quoi répondre pour éviter la fureur de son géniteur. Peu sûr de lui, il finit par répondre d'une petite voix embarrassée.
- Ce n'est qu'un ami, rien de plus.
Sa réponse était hâtive, pressé de passer à autre chose. Mais elle était parfaite aux yeux de son père, un peu trop parfaite pour être vraie.
- Ne me mens pas, tu sais ce qu'il se passe quand tu me mens.
Sous le mécontentement, il prit la première chose venue et la lança contre le mur, qui explosa contre ce dernier. Vernon était terrifié, il n'osait pas relever la tête. Il entendit d'autres choses heurter le mur derrière lui, et l'un des coups fut si violent et rempli de colère qu'il eût le réflexe de quitter sa chaise et tomber au sol par pure panique. Le cauchemar continua, le noiraud essayait de viser la tête de son fils. Il aurait réussi à lui coller une assiette en pleine tête s'il n'avait pas bougé. En se rapprochant de lui, il le vit se protéger comme il le pouvait, en vain. Le noiraud l'agrippa sans douceur par les cheveux et le tira pour qu'ils se retrouvent les yeux dans les yeux.
- Je te jure Chwe Hansol si j'apprends que tu es une sale pédale, je te tire une balle en pleine tête. Il renforça la poignée sur la touffe de cheveux qu'il tenait entre ses doigts. Est-ce que c'est clair ?!
- T-Très clair!...
Le géniteur le lança sans pitié contre le mur, regardant le corps avachi de son fils glisser contre la paroi pour finir au sol. En voyant des larmes s'échapper de ses yeux, la colère monta davantage et prit d'une pulsion meurtrière, il saisit une bouteille qu'il avait entamé et s'avança du corps de son fils. Il n'allait pas le rater cette fois.
Heureusement, le brun leva les yeux. Son corps entier lui faisait mal, il n'avait plus le courage de se lever, il voulait se laisser mourir. Cependant, son instinct de survie fut plus fort et avant que son père ne flanqua la bouteille contre son corps, il se leva et commença à courir à toute vitesse hors de la maison.
- Chwe Hansol!! Revient ici!!
Avant d'ouvrir la porte, il avait entendu son père hurler cette phrase et ses pas qui s'approchaient de lui. En sortant de la maison, il n'avait pas fait attention à quel point la nuit était froide et dangereuse. La pluie tombait à flots et l'orage ne semblait pas vouloir s'arrêter. Vernon ne savait pas où il allait, il courait, il courait là où il aurait pu se cacher. Sa raison lui hurlait de ne pas se retourner, de fuir tant qu'il le pouvait encore, de fuir le plus loin possible. Son corps lui faisait mal mais il s'en foutait, l'adrénaline avait canalisé la douleur pour en faire une arme pour qu'il puisse courir le plus rapidement et longtemps possible.
Il n'y avait pas beaucoup de gens dehors, la ville était presque déserte et ça se comprenait, en à peine quelques minutes Vernon était trempé jusqu'aux os. Le vent s'était mis à souffler encore plus, envoyant des poubelles et autre valser dans les airs et le jeune homme commençait à ressentir un profond désespoir, une envie de s'arrêter et de laisser son père mettre fin à sa vie. Car, oui, il le suivait. À travers la nuit, son père avait prit la voiture et s'était mit à le courser comme il le pouvait, c'est-à-dire en essayant de voir à travers la pluie et le noir de la nuit et avec un bon taux d'alcool dans le sang.
Vernon ne s'était pas retourné et continuait à courir, il se demandait comment il pouvait encore courir à une telle vitesse sans s'être arrêté, il n'avait jamais été un grand sportif ni un bon coureur. Tout de suite, il pensa à aller se réfugier chez Seungkwan. Il renonça immédiatement à cette idée, ayant peur des représailles si son père était assez intelligent pour le retrouver là-bas. Et il n'avait pas envie de mettre la famille de Seungkwan ni celui-ci en danger à cause de lui, il lui avait déjà bien gâché la vie.
Il n'avait que peu de temps pour réfléchir et il pensa à un endroit en particulier ; la forêt. Elle n'était pas si loin et elle était assez dense pour que son père ne vienne pas le chercher avec sa voiture. Même si bon... La forêt la nuit c'est très peu accueillant, mais c'était la seule solution qu'il avait à disposition. En plus, vu tous les témoignages de faits étranges et mystérieux qui se passent la nuit dans cette ville, ce n'était pas conseillé d'y aller, mais peu importe, c'était ça ou la mort.
Ainsi, il prit le chemin qui menait à la forêt, toujours en courant sous la pluie et l'orage qui grondait à chaque secondes. Néanmoins, il ressentait toujours cet étrange sentiment de désespoir et de vide, un sentiment qui lui glaçait le sang. Il ne savait pas d'où ça venait, ni pourquoi il ressentait ça mais il n'avait pas le temps de s'y intéresser, il devait fuir là où personne n'ira le chercher.
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