Chapitre 22
Chapitre 22
Peter n'avait jamais ressenti une telle impuissance avant. Il lui semblait que l'eau glaciale s'était infiltrée directement dans ses os et avait détruit toutes ses capacités de mouvement. Il s'accrochait à Steve, même une fois qu'ils furent retournés dans le jet. Ses bras étaient enroulés si étroitement autour de lui que Steve dut le forcer à le lâcher.
- Allez, Pete, dit Cap, détachant ses bras. Il faut que je t'enlève tes vêtements mouillés – ça va t'aider –
Quoi ? Il allait devoir enlever ses vêtements pour qu'il puisse avoir encore plus froid ?
- N-n-n-non – essaya-t-il de protester.
Steve tendit la main vers la fermeture éclair de son sweat.
- N-n-n-non –
- Il le faut, Peter –
- C'est quoi ce bordel ?
Peter essaya de tourner la tête parce qu'il connaissait cette voix – mais sa tête ne voulut pas lui répondre.
- T-t-tony – gémit-il.
Tony traversa le jet en un instant.
- Laisse-le tranquille, Rogers. Qu'est-ce que tu lui as encore fait putain ?
Steve leva ses deux mains, toujours agenouillé à côté de Peter.
- Il est tombé dans la glace, alors je l'ai sorti de là. C'est la seule raison pour laquelle je suis intervenu –
- Tu te fous de ma gueule –
Tony écarta Steve de Peter et s'agenouilla.
- Dégage d'ici, Rogers. Sors.
Pourquoi Tony était-il aussi en colère ? Steve l'avait sauvé – Tony ne comprenait pas.
- T-t-t-Tony – il – il – i-i-l m'a a-aidé –
Tony se dépêcha de lui enlever ses vêtements mouillés. Peter faillit s'évanouir sous la douleur que lui procurait la glace brûlante. Il ne sut pas comment, mais des sanglots résonnèrent dans le jet en lui échappant, alors même qu'il essayait d'être fort. Ce n'était pas volontaire de sa part et pourtant.
- Shh, petit, ça va aller, le rassura Tony en passant une main dans ses cheveux.
Peter était désormais assis, tremblant et en boxer, se sentant au plus mal. Son corps tremblait si violemment qu'il se cognait. Tony enroula ses bras autour de lui.
- Pourquoi personne ne va me chercher une couverture ?! s'exclama-t-il d'une voix désespérée. Et ce putain de Cap a intérêt à être sorti de ce putain d'avion.
- Il est parti, répondit doucement Bruce, se baissant vers lui pour tendre une couverture à Tony.
Peter pleura presque de soulagement quand il sentit quelque chose de vraiment sec et chaud s'enrouler autour de ses épaules.
- Bien. Alors fais-nous sortir d'ici. Laisse les agents du SHIELD nettoyer toute cette merde.
- C'est bon, répondit Clint. Nat est restée avec eux.
Tony attira Peter contre sa poitrine et lui frotta les bras de bas en haut. Peter leva les yeux vers lui, comme pour le supplier de l'aider. Le visage de Tony avait l'air totalement dévasté.
Un choc comme un coup de poignard dans l'estomac de Peter le fit soudainement crier.
- Merde, haleta-t-il.
Une toux violente lui échappa, et un liquide rouge s'écoula de ses lèvres, des gouttes de sang s'éparpillant devant lui.
Tony essuya le sang qu'il avait sur le menton.
- Putain – Bruce !
Bruce s'affairait déjà autour d'eux.
- Prends-le et amène-le ici.
Tony s'exécuta, faisant crier Peter de douleur face au mouvement.
- Désolé, mon grand.
Ils placèrent Peter sur une table en métal qu'ils avaient sortie d'une des parois du jet. Peter avait l'impression d'être dans le brouillard, il ne savait pas vraiment qui était qui ni où –
- Tony – le supplia-t-il, tendant la main à l'aveugle.
Une main large et rugueuse emprisonna la sienne.
- Où – où è
- Je suis là, Pete –
La voix de Tony était douce, chaude. Peter tourna la tête pour le voir, mais quelqu'un la tenait droite.
- Bruce, intervint Tony d'une voix apeurée. Tu as quelque chose ?
Bruce semblait nerveux et fatigué.
- J'appelle l'hôpital le plus proche – ils seront prêts quand on arrivera –
- On peut pas l'amener dans un simple hôpital public, les médias vont –
- L'HIPPA(1), Tony, n'oublie pas l'HIPPA.
Du coin de l'œil, Peter vit Bruce taper quelque chose sur son téléphone.
- Ils ne diront rien – oui, allô ! J'ai un patient en état d'urgence absolu qui arrive dans quelques instants, j'ai juste besoin que vous soyez prêts –
- Tony –
Qu'est-ce qui était en train de se passer ? Où allaient-ils ? Etait-il en train de mourir ? Il en avait l'impression. Il allait probablement mourir ici dans cet avion. S'il allait mourir – il voulait au moins que Tony soit avec lui.
- Je suis là, mon grand, hey – Peter, je suis là –
Il y avait une main sur son visage.
- Je vais pas te quitter –
La voix de Bruce lui parvint de nouveau.
- Oui, j'ai un épanchement interne sévère avec un saignement rectal. Combien de temps ? A peu près deux heures. Oui, côtes brisées. Il a craché du sang aussi. Il a aussi certainement une commotion cérébrale, et se trouve en état d'hypothermie très avancée. Plusieurs fractures à la main –
- Mon Dieu, je peux pas écouter ça –
C'était Tony cette fois. Peter tourna la tête et put enfin le voir. Tony était agenouillé à côté de la table sur laquelle Peter était recroquevillé.
- Tu es là, murmura Peter.
Mais Tony n'avait-il pas toujours été là ? Il n'arrivait pas à se souvenir.
- Tony –
- Shh, ça va aller –
Le visage de Tony brillait à cause de quelque chose. De l'eau ? Est-ce qu'il pleurait ? Pourquoi Tony pleurait-il ?
Son estomac se tordit à nouveau d'agonie. Cette fois, Peter cria. Mon Dieu, il allait vraiment mourir. Il fallait – fallait qu'il dise à Tony –
- H-h-h-hey – essaya-t-il de dire. Je – je dois de dire – te dire –
- Qu'est-ce qu'il y a, mon grand ?
Il fallait qu'il sache. Tony avait essayé tellement fort, avait fait tellement de choses. Il allait probablement se sentir horriblement mal, mais ce n'était vraiment pas de sa faute. Il ne savait pas que Richard allait apparaitre dans la vie de Peter et qu'il serait ce genre de psychopathe. Tony avait tout fait pour Peter, s'était battu pour lui, l'avait pris avec lui, l'avait tellement aimé. Il fallait qu'il sache –
- Merci...
Il prit une inspiration tremblante.
- J-j-j'voulais juste dire merci –
- Non, non, Pete – reste réveillé. Me remercie pas, mais garde les yeux ouverts.
Il n'avait pas fini pourtant.
- Mais je veux te le dire –
- Peter – bredouilla Tony alors que d'autres larmes humidifiaient son visage.
Les lèvres de Peter tremblèrent. Du sang s'en écoula à nouveau. Il y eut encore plus de sang qui s'écrasa sur la tête.
- Tu es – tu es un bon père –
Tony laissa échapper un faible sanglot alors, posant son front contre la table.
- Mon Dieu – s'il-vous-plait – Bruce, fais quelque chose !
- Je travaille dessus, Tony. Continue à lui parler –
Tony passa une main dans les cheveux de Peter.
- J'ai aimé être ton père, tu m'entends, Peter ? Je t'aime tellement – je peux même pas te dire à que point –
Peter détestait voir Tony pleurer. Allait-il lui manquer à ce point-là quand il serait mort ?
- Dis pas ça – dis pas ça. Tu ne sais pas à quel point tu me manquerais. J'arrêterai jamais de – merde, reste réveillé, ok ? Me laisse pas – me laisse pas devenir comme ce foutu Alexander –
Alexander ?
Oh, oui. Peter aimait cette chanson.
- S-s-sois pas comme lui, dit Peter en regardant le plafond.
Les points noirs qui dansaient devant ses yeux grandirent soudainement. Sa respiration se coupa. La douleur se calma un peu. Au moins, mourir ne pourrait pas être plus douloureux.
En fait, c'était agréable, même.
Est-ce que tu es heureux, Peter ?
Bien qu'il se détestât pour ça – il l'avait presque été.
*
Il faisait froid. Mais c'était un froid agréable. Le genre de froid incroyablement statique qui s'infiltrait dans les poumons. Tony était prêt pour ça – il avait pris ce qu'il fallait. Des sacs de couchage chauffant, des vestes chauffantes, des bonnets, des gants, des thermos remplis de café. Tout ça pour Peter et lui, parce que sinon, comment le gamin pourrait-il profiter de cette nuit étoilée en Norvège s'il mourait de froid ?
Ils étaient tous les deux emmitouflés contre le flanc d'une falaise, à regarder la mer. Les vagues s'écrasaient sur les digues de façon mélodique et le ciel était d'encre, illuminé de milliers d'étoiles. Peter aimait les étoiles et il aimait l'océan. Tony lui avait fait manquer l'école pour le rendre un peu plus heureux.
- Encore une autre ! s'exclama Peter d'un ton surexcité, pointant le ciel du doigt.
Ils avaient dû voir au moins une dizaine d'étoiles filantes, maintenant, mais Peter s'attelait à toutes les faire remarquer. Il était si facile de lui faire plaisir.
Tony sourit.
- Incroyable. Tu vois cette étoile, juste là ?
Il montra une constellation à Peter, sur la carte. Le gamin acquiesça.
- Bien, maintenant trouve-la dans le ciel et montre-la-moi avec ton doigt.
Peter s'exécuta, et Tony prit son poignet, le guidant vers chaque étoile. Il traça la Grande Ourse avec la main du garçon, comme si chacune des étoiles était la sienne.
- Tu vois, dit Tony, c'est comme si tu créais les étoiles.
Les yeux de Peter brillèrent. Sa respiration s'échappait de ses lèvres en de petites volutes de brume qui se dissipait dans l'air.
- C'est comme de la magie.
Tony rit légèrement.
- Ou c'est juste que je connais très bien mes constellations.
- Comment ça se fait que tu en saches autant sur les étoiles ?
- Je les trouve cool. Un amas de boules de gaz dans l'espace ? C'est dingue.
- Et magique, souffla Peter.
Tony roula des yeux.
- Bien sûr, si tu veux.
Peter rit. Il resta silencieux pendant un instant, avant de dire :
- J'aime cet endroit.
Quelque chose se serra dans le cœur de Tony.
- Ouais ?
- Ouais.
Peter leva la tête vers le ciel.
- J'adore.
- Plus que la Californie ?
- Bah, là-bas je peux nager. En plus, c'est le premier voyage qu'on a fait, alors ça sera sûrement toujours mon préféré. Mais ça, c'est mon second préféré.
Tony regarda Peter d'un air attendri.
- Bien, dans ce cas ça me fait plaisir.
Il laissa échapper un soupir.
- T'es un super gamin, Peter.
Peter tourna la tête, regardant Tony.
- Pourquoi tu me dis toujours ça ?
- Sois poli, sale gosse. Dis merci d'abord.
Peter plissa les yeux dans sa direction.
- Merci.
- Mais de rien.
- Arrête de te moquer. Pourquoi, alors ?
Tony haussa les épaules.
- Parce que c'est vrai.
- Mais tu dis ça à des moments toujours inattendus. Pourquoi ?
- Bon sang, ces ados et leurs pourquoi, répliqua Tony en donnant un coup d'épaule à Peter. Je vais bannir ce mot.
Peter lança un regard à moitié exaspéré, à moitié rieur à Tony. Ce dernier secoua la tête avec un sourire et laissa échapper un souffle.
- C'est vraiment parce que je trouve que tu es génial. Et quand on fait des choses cool, qu'on s'éclate, j'aime te le rappeler. Parce que tu mérites qu'il t'arrive des choses cool.
Peter regarda ailleurs, baissant les yeux sur ses mains, et fronça les sourcils.
- Je – mérite des choses cool ?
Le gamin avait l'air un peu confus.
- Oh.
Tony fut pris de court.
- Juste « oh » ?
- Ouais, répondit faiblement Peter.
Il tourna de nouveau les yeux vers les étoiles.
- C'est la vérité, gamin, lui dit doucement Tony. Tu mérites d'être heureux.
*
Peter avait l'air mort. Peter devait être mort. Etait-il mort ? Sa peau était presque translucide, le sang recouvrait sa bouche et ses jambes, les cicatrices recouvraient son corps. C'était ce qui arrivait quand Tony s'attachait à un gamin. Il avait laissé son propre enfant se briser.
- Tony ! s'exclama Bruce, le faisant sortir de sa stupeur. Reprends-toi ! On va atterrir – aide-moi à le mettre sur la civière et à le faire sortir de l'avion. Une équipe médicale nous attend.
Tony humecta ses lèvres sèches.
- Est-ce qu'il – il – il est –
- Il le sera si tu le laisses tomber. N'abandonne pas.
Abandonner Peter ? Il ne ferait jamais ça. Tony secoua la tête, dans un effort pour éclaircir ses pensées, s'essuya le visage, et se leva aux côtés de Bruce. Le sang de Peter recouvrait ses vêtements.
- Je prendrai ses jambes quand on atterrira. Tu tiendras sa tête, lui ordonna Bruce.
Tony acquiesça frénétiquement et posa ses mains des deux côtés de la tête de Peter de façon à la maintenir. La peau du garçon était glacée. Ses pieds glissaient presque à cause du sang qui s'était répandu sur le sol. C'était une image effroyable.
L'atterrissage fut un peu mouvementé. Tony grimaça quand cela fit tressauter Peter, mais le gamin ne gémit pas de douleur. Il ne répondait plus du tout.
Les autres dégagèrent le chemin pour que Tony et Bruce fassent sortir Peter en courant. Tony avait l'impression de naviguer en plein brouillard, alors qu'il passait le brancard aux mains des gens qui l'attendaient. Etait-ce réellement en train d'arriver ?
Tony continuait à courir à côté, même si ce n'était plus lui qui portait Peter. Il entendait Bruce à côté qui s'époumonait.
- Quelque chose s'est rompu – c'est la source de l'hémorragie, dit Bruce.
Tony lança un regard au ventre de Peter, qui était désormais exposé à la vue de tous maintenant que la couverture en avait été arrachée. Son ventre était complètement creusé, les côtes ressortaient. La bile lui monta à la gorge, mais il la recracha.
- Sa température est anormalement basse – déclara un des docteurs. Combien de litres de sang a-t-il perdu, selon vous ?
- Je ne peux pas en être certain – il a un facteur de guérison rapide – si on peut le faire fonctionner à nouveau, les choses iraient déjà mieux –
- D'accord, alors il faut –
Tony avait du mal à suivre. Il avait l'impression de suffoquer. Chaque regard vers Peter rendait les choses pires, parce qu'il était impossible que le gamin allongé là soit encore en vie. Il allait le perdre – le gamin n'aurait plus jamais l'air vivant –
L'air chaud dans lequel il s'engouffra quand les portes de l'hôpital s'ouvrirent n'aidèrent pas Tony. Il avait l'impression qu'il aurait froid pour toujours. Ils emmenèrent Peter dans une salle de trauma et se mirent immédiatement à le brancher de partout, avec des fils et des tubes. Tout le monde criait par-dessus les autres.
Deux infirmières se tenant devant Tony se regardèrent. L'une se pencha vers l'oreille de l'autre et chuchota :
- Ce gamin va mourir.
Tony manqua de trébucher. Il n'arrivait pas à respirer – pas suffisamment. Quelqu'un l'appela.
- Tony !
La voix de Bruce. Tony ne l'avait jamais vu aussi chamboulé.
- T'as entendu ce que je t'ai dit ?
Les yeux écarquillés, Tony secoua la tête.
- Son groupe sanguin. Quel est le groupe sanguin de Peter ?
Tony cligna des yeux. Oh.
- O négatif.
L'un des docteurs soupira.
- Evidemment.
Quelqu'un arriva derrière Tony et posa une main sur son épaule. Quand il baissa les yeux, il vit que c'était Rhodey. Ils échangèrent un regard inquiet puis se retournèrent vers les docteurs qui s'occupaient de Peter.
- Il nous faut du sang maintenant, ordonna l'un d'eux. Son rythme cardiaque s'affaiblit !
- Est-ce qu'on a trouvé la source de l'hémorragie ?
- On n'a pas assez d'O négatif –
- Ramenez le chariot de réa –
Tony regarda, comme au ralenti, la respiration coupée, le moniteur qui mesurait le rythme cardiaque de Peter ralentir de plus en plus. Malgré les bruits autour de lui, ces bips étaient les plus forts de la pièce. C'était comme s'ils perçaient les tympans de Tony, le poignardaient.
S'il-te-plait, continue à battre, pensa Tony avec angoisse. S'il-te-plait, ne t'arrête pas. S'il-te-plait, continue à battre.
Il supplia et pria. Juste pour une once de chance.
Cependant, l'univers l'avait-il déjà aidé quand il lui avait demandé un peu de chance ?
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro