Chapitre 5 (14) : Omniscient dream
Le silence est la seule chose que Junko laisse derrière elle.
Monokuma, qui a observé sa fuite avec un large sourire, finit par se tourner vers nous cinq, immobiles, figés dans le choc et la surprise.
Les cinq Ultimes restants, incapables de ne serait-ce qu'appréhender ce qu'il vient de se passer.
Et ce n'est pas le regard satisfait de Monokuma qui va me convaincre du contraire.
Elle a eu ce qu'elle voulait. Elle a repris l'ascendant, nous a montés les uns contre les autres, a peint une cible sur le dos de Daisuke, de Junko, qui à n'en pas douter seront les prochaines victimes. L'un des deux, voire les deux, va mourir dans très peu de temps.
Et je ne serai pas capable de l'empêcher.
Est-ce que j'en aurai seulement envie ?
Tout le monde semble sous le choc. Normal. Ce n'est pas rien. On vient quand même d'apprendre que Junko... Est celle qui a forcé notre capture. Qui a éliminé notre impression de fausse sécurité, à avoir pu franchir une nouvelle fois, ou une première fois, les murs d'Hope's peak.
Évidemment que ça ficherait le bourdon à tout le monde.
Soma, finalement, est le premier à parler. Sa voix est complètement vide d'émotions. N'y règne que le choc.
« Junko.... Junko a vraiment fait tout ça ?
— Oh, pas tout toute seule, quand même, Ultime Espionne ou pas, ricane Monokuma. Elle a été supervisée par ses parents, de loyaux sujets d'une certaine manière... Qui étaient eux-mêmes trop contents de pouvoir nuire à des Ultimes. Mais elle n'a pas beaucoup rechigné à suivre les ordres, ça, c'est sûr, même alors qu'elle a dû se laisser capturer... Pauvre petite, tant de grands airs et même pas capable de se trouver une colonne vertébrale...
— Tais-toi. »
La petite voix de Yuuki claque dans les airs.
Cette dernière ne fixe même pas Monokuma. Elle se contente de regarder le sol.
Je vois les larmes perler dans ses yeux.
« ... Juste.... Tais-toi. »
Monokuma a un petit rire. Elle hausse les épaules, avant de tourner les talons vers la sortie. Sous le silence général, et le poids des paroles de Yuuki.
« A ta guise. De toute façon, je crois que j'en ai bien assez dit, pas vrai ? Je vous laisse digérer ça, mes chers Prodiges Condamnés, moi, je dois attraper une petite souris camouflage très agaçante... »
Elle rigole de nouveau, avant de se précipiter dehors, chantonnant une vieille comptine qui me semble bien française. Après, je n'y connais pas grand-chose, je parle très peu le français et c'est uniquement grâce au latin. Quelque chose à propos d'une souris verte qui court dans l'herbe...
La porte se referme derrière elle, ne laissant que notre groupe de cinq.
Immobiles à leur place.
La digue qui retenait les larmes de Yuuki se rompt au moment même ou l'écho des battants s'évanouit dans l'air.
Elle est immobile, debout, les deux pieds plantés dans le sol. En train de renifler doucement, sous le regard de Saki qui semble désorientée. Personne, pas même Michi et Soma, n'osent s'approcher d'elle.
Michi qui d'ailleurs est en train de me couper la circulation.
« Junko.... Junko nous a vraiment balancés à la mort comme ça. Après tous ses discours sur la méfiance, sur le fait qu'on ne savait pas tout les uns des autres... Elle, elle savait, elle voulait juste pas qu'on s'en rende compte... »
Elle est blanche de rage, les jointures contractées. Je vois une veine palpiter sur son front crispé, mais son visage lui-même est figé. Figé dans un masque d'horreur et de désolation.
Je suis sûre qu'elle ne se rend même pas compte qu'elle me fait mal.
« Michi, je soupire. Tu me coupes la circulation, là. »
Les dents de mon aimée se serrent. Pourtant, elle finit par me lâcher le bras, et l'afflux de sang soudain dans mes extrémités me fait échapper un petit cri de douleur. Que je couvre assez vite, cependant. Pas besoin d'en rajouter.
Ça n'empêche pas Soma de me lâcher immédiatement. Presque trop brusquement pour être honnête. Et il se dirige vers Yuuki toujours en train de pleurer, avant de passer son bras autour de ses épaules. La gamine se colle presque immédiatement à lui dans un énorme reniflement.
« ... j'arrive pas à croire... J'arrive pas à croire qu'elle nous a fait ça. C'était quoi... Le but, de nous antagoniser après, de nous faire construire ce plan ? Est-ce... Est-ce que même sauver les gens qu'on aime, bafouille Soma toujours choqué, c'était son plan ? »
Je ne sais pas et je n'ai aucune envie de me poser la question. Comme vous, je suis sous le choc.
J'avais appris à lui faire confiance. A me dire qu'elle avait des raisons à son comportement, à sa méfiance.
Jamais je n'aurais pu m'imaginer que telles étaient les raisons.
Michi, à côté de moi, serre les poings.
« ... Quelle salope. Quelle putain de salope.
— Ne t'avance pas, lance Saki avec l'aide de sa tablette. Monokuma nous a dit elle-même que ses parents la surveillaient. Peut-être qu'elle a été forcée.
— Mais je m'en fous, putain ! »
Le hurlement de Michi me transperce les oreilles. Et son expression enragée, les larmes qui lui coulent des yeux, me transpercent le cœur.
« Je m'en fous, Saki, bordel ! Quelle que soit la faute, c'est elle qui nous a mis là, c'est elle qui est responsable de la mort de mes frères, de mes amis, des autres ! Et ça encore qu'elle y soit forcée c'est une chose, mais mademoiselle a eu le CULOT de faire comme si NOUS étions les personnes dont il fallait se méfier ! Et j'en ai ma CLAQUE de ce genre d'excuses, okay, ma claque ! Je voudrais juste que juste une fois, on puisse se comporter honnêtement les uns avec les autres, et avouer ses fautes, et... »
Elle se fige. Cligne des yeux une fois. Deux fois. Et son visage prend une affreuse expression de vide, alors que ses poings retombent le long de son corps.
Yuuki, sidérée, la contemple se redresser comme un robot, et tend la main vers elle depuis les bras de Soma. Ce dernier déglutit.
« Michi, à ce propos, il faudrait peut-être que je te dise quelque chose... »
Mais Michi ne l'écoute pas. Elle tourne les talons, et sort de la pièce d'un pas robotique. Sans même nous adresser un regard.
La porte, de nouveau, claque dans le silence. Et Saki pousse un profond soupir.
« ... J'imagine que je ne peux pas lui en vouloir d'être blessée.
— Non, pas vraiment. »
C'est la première fois que j'interviens dans ce fiasco. Pourtant, tout le monde se tourne vers moi comme si je leur avait apporté la bonne parole.
« Et toi, tu en penses quoi, Reina ? Junko... Junko, grommelle Soma, prononçant son nom comme s'il parlait d'un criminel, a peut-être menti en disant ne rien savoir sur toi. Et te pousser à révéler ton secret devant tout le monde... »
Yuuki renifle, et me jette un regard suppliant. Je me contente de hausser les épaules.
« Peut-être. »
C'est là que l'Ultime Gamer se dégage des bras de Soma.
« Je vais... Je vais lui parler.
— A Junko ? grimace Soma. Mais tu veux lui dire quoi ?
— Je veux juste... Je veux juste comprendre, marmonne Yuuki, d'une toute petite voix. Pourquoi elle a fait ça. Pourquoi elle pouvait pas... Juste nous en parler, alors qu'on a traversé tant de trucs ensemble... Pourquoi c'est Monokuma qui doit le dire maintenant... »
Ses poings se serrent. Pourtant, elle évite résolument notre regard.
« Et si quelqu'un doit y aller autant que ce soit moi. Vous, vous avez tous envie de l'accuser, je le vois... Ses raisons, ça vous intéresse pas.
— Tu peux comprendre, avance Saki en croisant calmement les jambes sur sa chaise, qu'on soit sous le choc. On parle d'une sévère trahison, là.
— Et Haruko était l'Ultime Assassin, pourtant, vous lui avez vite pardonné son meurtre ! J'en vois pas beaucoup lui en vouloir même aujourd'hui alors qu'elle aussi avait des choses à cacher, crache Yuuki, les sanglots perlant dans sa voix. Pourquoi aujourd'hui ce serait différent ? »
Elle serre les dents, avant de s'essuyer les yeux.
« Moi, je veux comprendre. Je veux comprendre ce qu'il s'est passé pour qu'elle fasse ça. Alors je vais y aller, point.
— Ne t'embête pas. J'y vais. »
Yuuki sursaute. Avant de se tourner vers moi. Les larmes coulent franchement sur son visage.
« Je suis son amie ! Laisse-moi la voir !
— C'est justement pour ça, je soupire, désolée. Je ne doute pas que tu ne lui veux que du bien... Mais Junko vient de voir sa traîtrise, quelque chose de légitimement grave aux yeux de tout le monde ici, exposée au grand jour. Je ne suis pas sûre que ça fasse du bien de voir une amie lui demander des explications dans ces conditions. Tu pourras aller la voir plus tard, d'accord ? »
Yuuki ouvre la bouche. Avant de la refermer, et de porter un ongle à ses lèvres. Qu'elle mordille furieusement, les yeux baissés. Je vais prendre ça pour un oui.
« Je vais y aller, et je te promets ne pas la brusquer ou l'accuser inutilement, si ça peut te rassurer. Moi aussi, j'ai envie de savoir ses raisons. Et je ne veux pas que ce soit une manière efficace de nous déchirer. Un meurtre est la dernière chose dont on a besoin. »
Parce que certains le pensent, pas vrai ?
Si elle meurt, ça rendra les choses plus faciles.
Maintenant qu'on arrive au bout, qu'il reste au bas mot un risque de meurtre, autant éliminer la personne la moins aimée, la plus suspecte. Ça ouvrira la voie aux autres, puisque dans cinq restants il sera bien plus facile de trouver l'organisateur. Un raisonnement froid, ou passionné, qui peut savoir, mais un raisonnement que Monokuma guette comme le messie. Ou comme l'Apocalypse.
En face de moi, Yuuki renifle. Avant de lever la tête.
Son regard est plein de suppliques.
« ... Promis ? »
Je souris.
« Promis, Yuuki. Je te raconterai après. »
Elle a un sourire faible. Et aucun mot de plus alors qu'à mon tour, je franchis la porte du réfectoire.
Michi, dont j'avais espéré m'enquérir, n'est pas dans sa chambre. C'est un peu étrange, mais je crois que je vais lui laisser un peu d'air. J'irai la raisonner après. Dans un tel océan de colère, il est inutile de trop brusquer les gens.
La porte de Junko en revanche, est bloquée par un poids. J'ignore lequel. Mais j'imagine que ça prouve que l'Espionne est à l'intérieur.
Je soupire et cogne doucement à la porte.
« Junko ? C'est moi. Je peux te parler ? »
Une seconde.
Deux secondes.
Pas de réponse.
La porte s'entrouvre tout doucement alors que je m'apprêtais à cogner de nouveau. Impossible de voir ce qu'il y a derrière, cependant la voix qui émane de derrière les battants est très reconnaissable.
« ... Qu'est-ce que tu veux, Satou ? »
Elle est rauque. Lourde. Sans émotion, pourtant, il y a quelque chose qui s'en dégage. Le poids de la culpabilité, peut-être ?
Je serre les dents.
« Je veux juste discuter. En paix. Je peux faire ça ? »
De nouveau, le silence. Et puis, un profond soupir émane de derrière la porte.
« ... J'imagine. »
J'entends le bruit de quelque chose traîner au sol. Avant que la porte ne s'ouvre complètement, et que je sois face au visage défait de l'Ultime Espionne.
Junko a perdu toute sa superbe en l'espace de quelques minutes. Ses cheveux pendouillent lamentablement autour de ses yeux, et elle n'a plus son casque. Ses paupières sont rougies, et je vois trainer au sol quelques mouchoirs roulés en boule.
Je préfère ne pas faire trop de remarque là-dessus.
« Je peux entrer ?
— Fais toi plaisir, soupire Junko. De toute façon, si tu voulais me tuer, tu aurais choisi une autre méthode, pas vrai ? »
... sans doute. Mais je ne suis pas venue pour parler de meurtre.
Junko s'écarte légèrement de sa porte de chambre, et me voilà à l'intérieur, alors qu'elle referme l'entrée derrière moi.
La chambre de l'Ultime Espionne est assez impersonnelle. Quelques photos, à droite, à gauche, des murs bleus, un couvre-lit violet. Pas de posters, d'affiches, ou de décorations comme dans la mienne. La sobriété la plus totale. Mais quelque part, ce n'est pas une prison non plus. Elle semble confortable. Juste... C'est une chambre d'hôtel.
Une chambre qu'on pourrait s'attendre à quitter.
Je m'assieds sur le lit avec un soupir, et Junko prend sa place sur le fauteuil. Elle évite mon regard. Je vois ses mains serrées autour de son collier de perles.
« Alors, qu'est-ce que tu veux ?
— Que tu m'expliques, je soupire, calmement. Tout ce que tu veux m'expliquer. Je poserai mes questions s'il le faut. »
Junko serre les dents. Elle se recroqueville sur son siège.
« ... Déjà, je peux te jurer sur tout ce que tu veux que je ne savais pas travailler pour les Monokuma. »
Je me redresse. Celle-là, je m'y attendais pas.
« Comment ça ?
— Au point où j'en suis, soupire Junko, je peux bien te le dire. Depuis que je suis toute gamine, je travaille pour l'Omnisciente. La fameuse organisation dont les informations ne devaient absolument pas fuiter. »
Elle se resserre sur son fauteuil. Je la vois trembler.
« Mes parents sont des pontes de l'Omnisciente. Du coup, depuis toute petite, j'ai été entraînée là-dedans. L'organisation est récente, mais elle a très, très vite gagné du terrain sur le monde, corrompant plusieurs dirigeants, des financiers, tout ce beau monde. Nous, les espions, on se contentait de faire leur sale boulot, mais vu que mes parents sont haut placés, j'ai appris pas mal de choses. »
Je vois.
Je comprends mieux sa terreur lorsque Michi a prononcé ce nom.
Quelle Espionne ne craindrait pas la colère de ses patrons ?
« Et donc... C'est l'Omnisciente qui t'a demandé de faire tout ça ?
— En tout cas j'en étais persuadée, fait Junko en grinçant des dents. Dans ma tête, l'orga voulait contrôler les Ultimes, parce que bon, les génies sont une sacrée force de frappe. Et vu que le Projet Renaissance était déjà down et que j'étais moi-même une Ultime potentielle... C'est moi qui me suis payée le sale boulot. Effectivement, Reina, elle soupire, j'ai bien accumulé tout ça sur vous. Après, je doute être la seule sur ce coup. Je ne mentais pas, en disant que je ne savais rien sur toi.
— Pourtant, quelqu'un a bien dû trouver les infos. Et même chose pour Isami, qui m'avait dit être en fuite.
— Oui, mais ce n'est pas moi, okay ? ce n'est pas moi, crache Junko, les yeux plissés. S'il te plaît, crois-moi au moins sur ça. »
Je soupire.
Inutile de la brusquer à ce stade.
« Je te crois. Et donc, l'Omnisciente en guerre avec les Ultimes, selon toi. Est-ce que ça ne voudrait pas dire que les Monokuma, dont la grande majorité portent un titre, ont volé ces infos à ton orga ?
— peut-être, me répond Junko, l'air de réfléchir. J'en sais trop rien. J'ai suivi les ordres, c'est tout. Lorsque je vous ai drogués, à la fête, c'était un ordre direct de la Reine. Je croyais qu'elle voulait vous mettre en sûreté loin des Monokuma, mais visiblement... »
Elle grimace.
« Je me suis bien trompée. Et regardez où j'en suis...
— l'Omnisciente, je reprends, ayant moyen envie de m'attarder sur son auto-apitoiement. C'est quel genre d'organisation ? »
Junko semble se refermer encore sur son siège.
« Pas la meilleure. Récente, comme je te l'ai dit. Apatride. Un rêve mouillé pour les complotistes. Elle trempe dans toutes les combines possibles et inimaginables, et on a jamais vu la Reine, la fameuse grande chef. Mais ce n'est pas non plus... Une organisation criminelle. En tout cas, soupire Junko, pas au début. Au début, elle me faisait plus l'effet d'un conseil de supervision. Ses crimes ont commencé dans les années 2010. Et au moment où les Ultimes ont été créés, en 2016-2017, c'est devenu presque une guérilla. Contre eux, elle ajoute. Contre nous. »
Une guérilla contre les Ultimes... ça ne m'étonnerait pas, oui. Mais il y a quand même quelque chose qui me chiffonne. Pourquoi, entre autres, les Monokuma ont eu accès aux informations ? Et les informations c'est une chose. Mais nous ? Nos proches ? Si Monokuma a interrompu une tentative de kidnapping de l'Omnisciente...
Pourquoi elle fait comme si tout était prévu.
« Il y a plein de choses bizarres, je grommelle, réfléchissant à voix haute. Non, non, je ne pense pas que tu mentes, j'ajoute en voyant Junko se tendre. Juste que pour une organisation en guerre avec les Monokuma et les Ultimes, le niveau de collaboration exigée pour en arriver à notre Tuerie... Avec tant de pontes dedans... C'est louche. »
Junko grimace.
« Je n'en sais pas plus que toi, pour le coup. Je ne suis qu'une exécutante. Et Ultime, avec ça. Si on est vraiment en guerre contre les Monokuma, mes patrons ne vont pas apprécier.
— De toute façon, j'interviens, pince-sans-rire, personne n'apprécie. Au point où on en est, autant trouver un trou de souris dans le Gotoland, pas vrai ? »
Junko a un léger rire.
« Quelle bonne idée, allons-nous réfugier dans les roues de Kagari Goto, l'ennemi numéro un de l'organisation qui me traque. Effectivement, ça va bien me faire mener une vie tranquille, ça.
— Écoute, après une Tuerie pareille, je crois que tout serait plus tranquille, tu n'es pas d'accord ? »
Le rire de Junko se fait un peu plus franc, et je la vois se détendre un peu sur son fauteuil.
« Si tu veux bien de moi au Gotoland toutefois, madame la survivante.
— Pourquoi je ne voudrais pas ? traîtresse ou pas, je n'ai envie de voir mourir personne. Même pas l'instigateur. Et je ne vois pas en quoi j'ai de meilleures chances de survivre que les autres. »
Junko pousse un profond soupir.
« Tu ne vois pas à quel point les gens dépendent de toi, Reina. Nous faire tous survivre est une lourde tâche. Et je te fais entièrement confiance pour être celle qui la mènera à bien. »
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