Chapitre 4 (9) : And it all came crashing down
NB : Cette fois, les remerciements vont à scoubisalami, Thal-ent , et Tanu et Anonymie dont je n'ai pas (ou plus) le compte Wattpad pour les dessins des tenues!
À la fin du Chapitre je récapitulerai les dessins des artistes en vous donnant leur réseau social le cas échéant vous en faites pas-
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À vrai dire, le seul avantage de cette tenue étrangère, c'est le regard qu'on porte sur moi.
Enfin, je ne parle pas de celui de Shizuka, inquisiteur, que j'ai croisé.e en sortant de ma chambre alors qu'iel se rendait à la sienne. Celui-ci, il me fait plutôt flipper, pour être honnête. Même si je sais qu'iel ne s'en prendra pas à moi de quelque manière que ce soit, en tout cas pas de manière à être trahi.e par son regard, ça reste une expérience peu agréable de se sentir scrutée par l'Ultime Généticien.ne.
Non, ce sont plutôt des regards comme ceux de Soma qui quelque part, me mettent du baume au cœur. Soma qui m'attendait en dehors de ma chambre avec Daisuke, sa tablette en main et l'air assez gêné, tandis que le Révolutionnaire lui me donne plus l'impression de monter la garde. Soma qui en me voyant approcher écarquille les yeux, avant de les plisser.
« Wow, Reina, tu.... Tu es magnifique. »
Sa voix est un peu amère. Je peux comprendre pourquoi. Mais j'ai tiré des leçons de Danganronpa, et de toute façon être honnête est le mieux que je puisse faire pour lui.
« Ce n'est pas une tenue de mon fait, je soupire. Monokuma m'oblige à porter cette robe. Et c'est Saki qui s'est occupée du reste...
— M'en doutais un peu, princesse, grommelle Daisuke. Tu te ressembles pas du tout. On dirait une princesse en cage. »
Je pince les lèvres. Je ne sais pas si j'aurais employé la même métaphore que Daisuke mais force est de constater qu'il n'a pas tout à fait tort. De toute façon, le Révolutionnaire ne semble pas vouloir appuyer là-dessus, vu qu'il se contente de hausser les épaules.
« Enfin bon. Si Monokuma veut jouer à la poupée avec toi, grand bien lui fasse. De toute façon, ce n'est pas le grand moment où tout le monde doit être beau.
— C'est sûr que toi, tu ne t'en préoccupes pas trop, je laisse échapper avec un léger sourire. Tu es très beau, mais niveau originalité, j'ai vu mieux dans des funérailles, Daisuke. »
Soma se crispe, avant de s'éloigner dudit Daisuke, sans doute dans la crainte d'un coup de colère. Mais loin de s'en offusquer, il se contente de grommeler, les yeux dans le vague.
« Pas ma faute si y'a pas de costumes à ma taille dans ce foutu donjon... »
Je ris. Après, il s'est quand même bien débrouillé. Sa chemise à imprimé camouflage me semble un poil trop petite pour lui, et son blazer vert trop serré, mais derrière, on voit bien qu'il a fait un effort. Mais je ne vais pas aller jusqu'à lui faire remarquer cet effort, surtout si derrière, il continue de me faire la tête là-dessus...
Soma, un peu surpris par le tour que prend la conversation, se rapproche un peu. Mais s'il voulait engager la conversation, c'est trop tard. Deux bruits de pas suivis d'une voix que je reconnais bien retentissent dans mon dos, et cette voix laisse échapper une exclamation d'émerveillement.
« Je... Wow ! Qui a fait descendre Aphrodite des cieux ? »
Daisuke lève les yeux au ciel, et Soma laisse échapper un petit pouffement. De mon côté, je me retourne, pour voir Michi et Shizuka toustes deux apprêté.es. Mais même si Shizuka est objectivement superbe dans sa tenue, celle qui retient toute mon attention, c'est Michi, un large sourire ébahi aux lèvres, qui se précipite vers moi avant de me prendre les mains.
« Quel dommage que je n'ai pas de bagues, car là ça vaut des épousailles directes ! Di-rectes, même ! On peut demander à Yuuki, pour un nouveau mariage ? »
Je grimace. Le souvenir du précédent est encore bien frais et plus encore maintenant que les deux concernés ne peuvent plus en plaisanter avec moi. Mais derrière, Michi me sourit, Michi me prend les mains et Michi est tellement belle dans son crop top de toutes les nuances de rose et de jaune jamais vues et son mini-short que ça ne dure pas bien longtemps.
Le sentiment restera pour l'éternité et je le sais. Mais ce soir, je peux bien l'ignorer. C'est tout ce qu'il me reste à faire.
Ma crispation n'a cependant pas échappé à Michi, qui grimace.
« ... Ouais, on va ptêtre pas parler de mariage de suite. Désolée, ma puce.
— Ce n'est rien... C'est la faute de la Tuerie si des choses aussi anodines sont teintées de traumatisme. »
Soma grimace, et Daisuke pousse un profond soupir. De son côté, Shizuka, toujours aux côtés de Michi, s'avance de quelques pas.
« En effet. Mariage, tout comme bibliothèque, concert, absinthe ou même un simple jeu vidéo, tout est une arme employée par les Monokuma pour nous plonger dans ce qu'ils appellent le Désespoir. Mais les ignorer, et rendre à ces mots leur signification, dit-iel en souriant, n'est peut-être pas plus la solution qu'une marque de déni. »
Daisuke se met à gronder. De mon côté, je me tourne vers iel. Iel est superbe, dans son costume dont l'arrière effleure le sol, mais son sourire de travers lui donne toujours une terrible impression de malsain.
« Dis-moi plutôt ce que tu faisais avec Michi, Shizuka, au lieu de me sortir de la psychologie de comptoir.
— Jalouse, Satou ? Ne t'en fais pas trop pour ça, je ne m'en prends pas aux dames en couple...
— Ne rends pas ça plus bizarre que ça ne l'est Shizuka, grommelle Michi. Nan, iel est juste venu.e me voir soi-disant pour m'aider à m'habiller. C'est pas l'aide que je prends d'habitude, hein, mais cette fois j'étais un peu raide dans les articulations, donc bon... »
Le sourire énigmatique de Shizuka s'élargit, mais iel n'élabore pas. Je me contente de faire la moue.
« Ce n'est pas vraiment ça qui me préoccupe... Pour ta gouverne, Shizuka, je n'ai jamais été spécialement une personne jalouse, fais ce que tu veux dans le consentement mutuel, ça m'est égal.
— Bon à savoir, sourit lae Généticien.ne. Donc si je demandais à ta charmante compagne un baiser là, maintenant, cela ne te gênerait pas ? »
... Alors j'avoue que sorti comme ça et par Shizuka, ça me met assez mal à l'aise, mais je ne pense pas que ce soit un problème de jalousie, plus un problème de Shizuka. Ou plutôt de profond malaise en sa présence. Dieu merci, je n'ai cependant pas à répondre quoi que ce soit. Michi vient de grimacer.
« Alors sans offense, Mizutani, mais quoi que Reina en dise pour moi c'est un énorme non ! »
Soma se planque derrière moi, tout tremblant, mais heureusement Shizuka ne semble pas en prendre ombrage. Iel se contente de hausser les épaules, avec un léger rire.
« On ne perd rien à essayer. »
Et iel s'éloigne, sans un mot de plus, après un clin d'œil à mon adresse. Brrrr. En voilà un.e dont je n'arriverai jamais à me faire à la compagnie.
« Foutu.e Mizutani, grommelle Daisuke. J'avais pas besoin qu'iel vienne être creepy juste devant moi.
— Toujours sans offense, mais t'es pas moins effrayant, Nakano. Bon, on y va ? Je m'impatiente, là, s'exclame Michi. J'ai envie de goûter à toutes les bonnes choses qu'on s'est préparées ! »
Et de toute façon, rester plantés là dans le couloir ne nous apportera rien. Autant se diriger vers la salle du banquet.
Salle du banquet qui n'est pas le réfectoire. En effet, Michi avait émis, pendant les préparations de l'évènement, la possibilité de le faire dans l'espèce de restaurant proche de la salle de concert, que personne n'avait utilisé depuis le début de la Tuerie. Il a fallu le nettoyer et le préparer, sans compter s'assurer que personne n'a mis de couteau sous les tables ou surchargé l'alimentation de la climatisation, évidemment, mais à partir de là...
Le restaurant est superbement décoré. Je n'ai pas pu non plus aider à la décoration, de toute façon, cela n'a jamais été mon activité favorite. Mais ne pas y avoir participé ne m'empêche pas de reconnaître la patte de Yuuki. Qui d'autre aurait pu être autant perfectionniste sur le placement des bougies au point de les bouger encore, au dernier moment, au moindre coup que Junko leur donne en amenant les plats ?
J'aime beaucoup cette ambiance formelle, mais je suis surprise que ce soit là où Yuuki at choisi d'emmener sa décoration au vu de sa tenue. Sa robe, plus que probablement cousue de ses mains au vu des patchs de couleur et de l'asymétrie de la jupe, détonne au milieu de cette atmosphère. Et voyons, Tetris, Pokémon, Super Mario, quoi d'autre... Je suis physiquement incapable de compter toutes les références au jeu vidéo sur sa tenue.
Junko est à côté d'elle. L'espionne est beaucoup plus élégante, dans sa robe pourpre bouffante et ses bas en dentelle. Un moment, je me sens rougir, puis elle me jette un regard et aussitôt tout ersatz de gay panic est anéanti. Visiblement, elle est allée voir les proches hier. Et si je devais deviner, elle n'a pas trop, trop apprécié mes fouilles.
Les deux ne tardent pas cependant à repérer notre petit groupe. Je vois Daisuke se tendre en fixant la cuisse de l'Espionne, mais je n'ai pas le temps de me demander pourquoi. Yuuki vient de se jeter à mon cou avec un large sourire.
« Reina ! T'es toute belle dis-donc ! J'aime tellement ta robe ! »
... Pas le cœur de lui dire que c'est Monokuma qui me l'a fournie. De toute façon, elle s'en désintéresse vite pour se jeter dans les bras de Michi, qui la fait tournoyer avec un large sourire.
« Eh bah alors, Yuuki, c'est quoi tout cet enthousiasme, ma grande ?
— Je suis trop contente qu'on puisse faire ça, c'est tout ! Et puis j'ai gagné la bagarre, c'est moi qui ai eu le plus de points de vie, na ! »
Michi éclate de rire, avant de la jeter en l'air. Je vois une grimace de douleur sur le visage de la Judoka alors que ses bras se tendent, mais elle n'éprouve aucune difficulté à rattraper Yuuki qui pépie encore plus qu'un merle.
Yuuki qui est la seule à être encore sincèrement enthousiaste.
Des verres de boisson qui me semblent être sans alcool sont posés sur la table. J'en attrape un au hasard et le renifle, cherchant à deviner ce qu'il y a dedans, mais une main gantée coupe mon champ de vision au moment où j'allais le porter à mes lèvres. C'est le visage toujours bien hostile de Junko.
Trop tard, je me rends compte que Daisuke et Soma se sont éloignés à une autre table.
Je suis seule avec l'Ultime Espionne.
« Attends un peu avant de boire, elle me dit, avec un calme glaçant. Ceux-là, c'est Shizuka qui les a faits, et je n'ai pas eu le temps de les tester. »
La simple mention de Shizuka me fait aussitôt reposer mon verre, et Junko se détend. À peine.
Je pince les lèvres.
« Si tu m'en veux pour quelque chose...
— Ce n'est pas spécialement à toi que j'en veux, Satou. Mais oui, tu es effectivement responsable d'une bonne partie de ma mauvaise humeur. »
Gé-nial. Pour changer. Moi qui pensais que Junko s'était calmée à mon égard après le troisième meurtre, nous revoilà revenus exactement aux mêmes bases qu'avant.
Je grimace.
« Si j'ai fait quelque chose...
— Non, tu n'as rien fait, Reina, » crache-t-elle avec tout le fiel dont elle est capable –ce qui entre nous a plus tendance à me faire douter de mon innocence. « Le coupable, c'est ce foutu imbécile de Kiëran qui n'a rien de mieux à faire que raconter n'importe quoi à n'importe qui. Le fait que tu sois ce n'importe qui n'y change rien. »
... Mais tu me grognes quand même dessus. Je veux pas dire, Junko, mais j'ai bouffé assez de culpabilité comme ça, et ça commence à me soûler un peu, les gens qui veulent me rendre responsable. Surtout que je ressors à peine d'une première séance d'excuses.
« Donc c'est sur moi que tu lâches tes nerfs. Je dois... Le prendre comment ? »
Junko pousse un profond soupir.
« Crois bien que je n'ai pas manqué de l'engueuler aussi. Mais je sature. Trop de choses à vérifier, Monokuma qui me nargue avec ses stupides dossiers informatiques qui disparaissent alors que je réussis enfin à les hacker, ces activités de groupe qui me tendent plus qu'autre chose... »
Elle laisse échapper un grognement avant de desserrer les poings, que je n'avais même pas vus contractés.
« Enfin bref. Pour information, vu que je crois de toute façon t'en avoir parlé à toi, le titre de l'Impératrice Ultime a ressurgi dans les données. Rien dessus. Il y a aussi celui de l'Ultime Assassin, et quelques autres, assez anodins mais inquiétants dans le fait où personne à Hope's Peak ne les porte à ma connaissance. Comme l'Ultime Prince. Ou l'Ultime Scénariste.
— L'Ultime Scénariste, ce n'est pas le titre de Wen Xiang ?
— Elle l'a me semble-t-il plus ou moins abandonné, mais tu as raison, soupire Junko. J'aimerais juste savoir pourquoi c'était dans un dossier de Monokuma. Qu'a fait Wen Xiang pour mériter une mention dans des dossiers top secrets que Monokuma m'agite comme une carotte sous le nez ?
— Allez savoir, je grimace. Ça a peut-être quelque chose à voir avec le fameux projet dont Kagari parlait dans Danganronpa. Le Gotoland. »
Junko prend son menton entre ses mains.
« C'est peut-être une explication. Goto est effectivement très du genre à lutter contre les Monokuma. Que Wen Xiang l'ait joint dans une action autre que préventive ne m'étonnerait même pas. »
Elle ferme les yeux, avant de pousser un profond soupir.
« Maintenant, si tu veux bien m'excuser, je vais aller passer mes nerfs ailleurs et préparer mes tests antipoison. De toute façon, Akihito ramène encore de la bouffe. »
Effectivement. Ce dernier vient d'ailleurs de prendre la place de Junko, un énorme chariot recouvert de nourriture devant lui. Il est en costume tout simple, bleu nuit et vert, et me sourit en me voyant.
« Bonsoir Reina. Ne te gêne pas, prends quelque chose. Tout a été testé, et de toute façon on va commencer.
— Junko voulait tester les poisons de ces cocktails, là, » je lui signale en montrant du doigt lesdites boissons.
Il hausse les épaules.
« Elle peut, je pense que ce n'est pas nécessaire. J'ai regardé Shizuka les faire, à moins qu'iel y ait mis un ingrédient hautement allergène, aucun risque qu'ils ne soient empoisonnés. Ou alors, cela nous toucherait tous.
— Après, quelqu'un peut toujours les empoisonner maintenant...
— Certes, mais ce ne sera aucunement la faute de Shizuka, du moins pas à coup sûr. Et de toute façon, j'avoue que même si je préfèrerais avoir confiance, je n'ai pas oublié le meurtre de Ryo. C'est mon tour d'aller voir les proches, ce soir. Mais mis à part ça, je tiens à ce que tout le monde reste dans la même pièce au moins pour le restant de la soirée. Et Saki pourra se charger de tester la nourriture. »
Il soupire avant de s'éloigner un peu.
« Empoisonner quelqu'un semble si facile. Mais essaye de l'oublier, Reina. Profite de la fête tant qu'on le peut encore, à neuf. »
Merci pour ce merveilleux présage, Akihito. Mais de toute façon, il a raison. Je ne peux pas me méfier de toute ce qui bouge.
Et si je veux qu'on tienne, en tant que groupe, il va falloir que j'essaye de faire confiance, au moins pour ce soir.
La fête n'en est pas vraiment une. Cela me fait plus penser à une réception qu'autre chose. Les plats, certes délicieux, sont à peine touchés, même si Daisuke semble s'assurer que tout le monde en mange et devant lui. Il n'a pas quitté le côté de Soma, qui n'a vraiment pas l'air rassuré. Même si moi, je le suis. Si Daisuke avait voulu s'en prendre à lui, depuis le temps, il l'aurait fait. Ses intentions envers l'Ultime Illustrateur ne doivent pas être si sombres que ça...
Les autres discutent, dans tous les coins que je peux voir. J'essaye de ne pas trop m'en mêler, personnellement. J'observe, et réponds. Mais je veux voir comment se forment et s'affrontent les groupes.
Nous ne formerons jamais un bloc uni d'un seul front contre Monokuma, mais personne n'est en mesure d'affronter ça seul.
Par exemple, Daisuke et Soma forment un front de leur côté. Je me doute bien qu'il est plus ou moins volontaire, mais ce sont les personnes les plus isolées de la Tuerie, donc grand bien leur fasse, après tout. Michi se joint de temps à autre à ce groupe, même si dans ces cas-là elle ne parle qu'à Soma, et vient plus souvent me voir qu'autre chose. Derrière, en train de la suivre comme son ombre, Shizuka. Qui s'éloigne cependant pour aller voir Junko et Yuuki à chaque fois que la Judoka se rapproche de moi.
Junko et Yuuki qui forment un peu bande à part, elles aussi. C'est le cas depuis le début, et plus encore depuis la mort de Shô, donc je ne peux pas dire que c'est vraiment nouveau, et formé sur la nécessité. Elles sont probablement les plus proches de tous les duos constitués. Mais Yuuki reste quand même très extravertie, et parle avec tout le monde qui rentre dans son champ de vision comme si nous étions des personnages non joueurs de la plus haute importance.
Tout ce petit monde gravite autour de Saki et d'Akihito, mais plus particulièrement Akihito, qui met un point d'honneur à parler avec chacun d'entre nous même pour quelques instants, et sur des sujets plus ou moins graves. Je crois qu'il essaie de récupérer des opinions sur ce qu'il peut, de se faire une idée de chacun. Pour lui aussi, cette réception est une stratégie.
Pourtant, même si trop d'entre nous ont des desseins tout autres que la simple unité de groupe, à commencer par moi-même, je pouvais presque espérer voir le groupe se ressouder.
L'absence de Monokuma en était un indicateur d'autant plus grand.
Enfin.
Jusqu'à ce que j'entende, au beau milieu d'une conversation avec Michi, un verre se briser.
Et si seulement c'était un accident, ou quelqu'un de malade.
À la place, quand je me retourne, je vois un affrontement.
Daisuke a une bouteille en main. Bouteille brisée en plusieurs endroits, mais encore bien assez efficace pour servir d'arme surtout entre les mains de l'Ultime Révolutionnaire. Face à lui, Junko, main sur sa cuisse. Sur leurs visages, exactement le même air furieux.
Akihito, qui a lui aussi remarqué la rixe, s'empare d'un tréteau de bois avant de se diriger vers les deux combattants, les lèvres pincées. Mais il n'attaque pas. Bien lui en prend. Daisuke est tendu comme un fil de guitare, et quelque chose me dit que le Chroniqueur se prendrait très probablement le tesson de bouteille dans le torse s'il tentait quoi que ce soit d'irréfléchi.
Son attention, ainsi que la nôtre reste cependant dirigée sur Junko. Qui parle, avec une douceur qui je le sens ne fait que cacher sa colère rentrée.
« Répète-moi ça plus lentement, Nakano.
— J'ai dit, gronde Daisuke avec exactement le même calme dangereux, que si jamais nous voulions nous entendre au mieux entre survivants, la solution restait de jouer cartes sur table. Certains ont été suffisamment sympa pour vous révéler leurs traumatismes, je vois pas en quoi toi, ou la gamine, seraient différentes.
— Ne mêle pas Yuuki à ça, ce qui lui arrive ne sont pas tes affaires, crache Junko. Et j'ai d'excellentes raisons de garder le foutu silence. »
Michi fait la moue, avant de se tourner vers moi, me chuchotant à l'oreille :
« Ses raisons, elles ont intérêt à être bonnes, parce que je veux pas dire, mais toi t'as littéralement sorti ton pire trauma... »
Oui, et c'est ce qui me fait comprendre que ça ne doit pas être si facile que ça. Je ne peux pas non plus m'énerver sur Junko pour encore nous cacher des choses alors que j'ai maintenu une façade durant plus de deux mois. Mais la situation est compliquée. Daisuke a raison, lui aussi. Pour Yuuki, je ne sais pas, mais il est vrai que Junko, comme Shizuka d'ailleurs, ont un rapport avec ce qu'il se passe...
Et iels ne nous en parlent qu'à peine.
Ou a mots couverts.
« Je parle pas de ce qui arrive à la gamine, grommelle Daisuke, je parle de ses petits secrets. Et de son lien avec le Projet Renaissance. Ouais, j'ai discuté avec l'assassin, moi aussi, il crache, devant notre surprise. Il m'a dit des trucs sur vous. Et même si je peux deviner ce qu'il se passe avec la plupart d'entre vous, elle, pas moyen.
— Pour ça j'aimerais bien comprendre, intervient Yuuki d'une toute petite voix, de quoi vous parlez... »
Elle est coupée net par Junko, qui s'étrangle de rage.
« Yuuki avait douze ans à la fin du projet ! Tu lui veux quoi, Nakano ? Douze ans, c'est déjà très jeune pour y avoir participé, même pour une génie naturelle !
— Ce n'est pas spécialement un argument, intervient un.e Shizuka amusé.e. Qui sait quels âges avaient les têtes de file du projet au tout début...
— Ferme la, Mizutani. Parce qu'en termes de secrets, tu n'as absolument rien à me dire ! »
Junko écume de rage, et de toute évidence son intervention n'a fait qu'agacer encore davantage Daisuke. Ce dernier se crispe, avant de lever le poing qui ne contient pas le tesson de bouteille.
« Merde, Matsuoka, je te demande pas la lune ! Je veux juste que tu causes de ce que tu sais sur cette foutue Tuerie !
— Et moi je te dis que tout ce que je sais qui a un rapport, je vous l'ai dit, elle grogne, de plus en plus écumante. Le reste, ce sont ce qui s'appelle des secrets d'État, Nakano. Exactement comme la manière dont tu as fait ton foutu coup d'État, espèce de pourriture !
— Tu dis ne rien savoir, pourtant, quand on mentionne ce truc, là, l'Omnisciente, et vas-y que ça tremble de peur, siffle Daisuke, plein de mépris. Pourtant, vu la quantité de trucs que Kita a retrouvés dessus, ça a une foutue importance ! Mais peut-être que tu ne veux pas t'exprimer là-dessus, parce que c'est toi, l'organisatrice ?!? »
Tout se passe en un éclair.
J'ai à peine le temps de voir Junko porter la main à sa cuisse. Un éclair d'argent brille dans sa main, et cinq secondes plus tard, je vois le menton de Daisuke se relever, avec appuyé dessous une lame dont la garde est serrée par l'Ultime Espionne. Cette dernière lui maintient le col de l'autre main, et sur son visage, je ne vois que haine.
« Insinue encore une fois que je suis l'ordure qui a décidé de mettre seize ados dans un univers encore plus fou qu'un jeu d'horreur pour les laisser s'entretuer et je n'hésiterai pas à te prouver le contraire, Nakano, siffle-t-elle, son couteau s'appuyant encore davantage dans les chairs de Daisuke. Quitte à devoir mourir pour ça, au moins j'aurais entraîné un autre salopard dans la tombe...
— Si ça t'amuse, réplique Daisuke sur le même ton. Bien de proférer des menaces en l'air alors que tu sais très bien que tu n'as pas la conscience tranquille ? Tu me traites de salopard mais toi, t'es quoi, exactement ?!? »
Akihito grimace, et se rapproche des deux combattants en levant son tréteau. Mais il n'a pas le temps de l'abattre. Un horrible cri le coupe en plein dans son élan, attirant l'attention de Junko comme Daisuke qui finissent par relâcher leur prise l'un sur l'autre.
Yuuki porte immédiatement ses mains à ses oreilles. Et Michi, jusque là serrée contre moi, bondit, poings brandis. Shizuka, de son côté, tourne la tête. Et Soma comme Akihito se figent net.
Pourtant, au sol, pas de cadavres.
Juste Saki qui hurle de toute la puissance de sa voix.
Des larmes dégoulinent sur son visage, ruinant son maquillage, accrochant ses joues. Et derrière son hurlement, ses mains s'agitent, à toute allure, signant frénétiquement quelque chose que je ne comprends pas.
Pas même Akihito ne semble parvenir à la suivre.
Et je ne sais pas si c'est se rendre compte que personne ne la comprend. Ou simplement sa gorge qui s'éraille à la fin. Mais elle finit par cesser de hurler.
Avant de se précipiter dehors, toujours en larmes.
Nous sommes figés comme des statues. Daisuke a lâché son tesson de bouteille. Junko rengainé son couteau. Yuuki retire ses mains de ses oreilles avec une lenteur craintive.
Finalement, le premier à réagir est Akihito.
Il lâche son tréteau dans un immense fracas avant de se précipiter dehors sans un mot de plus.
Le regardant passer, Shizuka soupire.
« Je suppose que c'est là la fin de la fête.
— Ca vaut mieux, intervient Soma, d'une toute petite voix. Si c'est pour qu'on finisse par s'écharper... »
Yuuki hoche doucement la tête. DE leur côté, Junko et Daisuke échangent un regard encore plein de colère, avant de finalement, s'éloigner l'un de l'autre. Le premier quittant la fête d'un pas lourd, la deuxième se dirigeant vers Yuuki avant de la prendre dans ses bras et, d'à son tour, franchir la porte.
Shizuka les suit après un petit rire. Ne reste dans la pièce que Soma, Michi et moi. Le premier se dirige vers moi après quelques secondes de silence, les yeux baissés.
« Je m'attendais pas à ce que ça finisse comme ça...
— Moi non plus, Soma, mais ça donne de bonnes pistes de recherche, je crois, je grimace. Par exemple, on sait que Daisuke et Junko ne s'entendront jamais tant qu'on en saura pas davantage sur l'Espionne.
— Quand j'y pense, on s'entendra avec personne si personne ne veut révéler des trucs précieux, réplique Soma, la voix blanche. Je veux dire, Yuuki et Shizuka étaient sous le feu aussi. Et avec la menace de l'organisateur, ceux qui semblent cacher quelque chose sont d'autant plus suspects. »
Oui, et c'est hélas tout le problème.
On ne pourra jamais s'entendre sans que les gens ne partagent leurs secrets les plus gros.
Toutes les activités que veut proposer Saki n'y changeront rien.
Au moins, ce banquet aura eu la bonne idée de le prouver.
Soma m'adresse un regard d'excuse, avant de se diriger vers la sortie à son tour. Michi est la seule restante dans la salle de restaurant. Avec moi.
Elle pousse un profond soupir, avant de me prendre la main. Sur son visage, plus la moindre trace du sourire qu'elle adressait tout à l'heure.
« Quel fiasco, hein. »
Incapable de dire quoi que ce soit de plus, je hoche la tête. Elle reprend, d'une voix blanche.
« Je me demande si... Si Monokuma s'attendait à ça. Si ça faisait partie de son plan. Merde, est-ce que ça faisait partie du plan de Saki en organisant cette merde...
— Tu crois qu'elle aurait réagi comme ça à la dispute si c'était le cas ? »
Michi grimace.
« Non, je... Ouais, t'as raison. Mais quand même, quel fiasco. J'ai passé toute ma journée à faire de la bouffe de chez moi, à essayer de mettre les gens de bonne humeur, tout ça pour qu'on en arrive là... ça m'énerve...
— Nous pouvons toujours en profiter toutes les deux, je souris, passant mon bras autour de ses épaules. Inutile de laisser ça se gâcher. Tes efforts ne devraient pas rester vains... »
Je vois sa mâchoire se crisper. Et à ma grande surprise, de ses paupières tremblantes, s'échappe une larme.
« Reina, t'as... Pas idée d'à quel point ça compte pour moi... »
Une autre larme suit la précédente. Puis une autre. Puis encore une autre. Jusqu'à ce qu'un sanglot brise le silence qui s'installait, petit à petit. Et que Michi s'agrippe à ma taille comme si sa vie en dépendait.
« Depuis... Depuis le début, elle bafouille entre deux sanglots, j'ai tout essayé pour que les gens s'entendent bien... J'ai essayé d'appliquer des règles de groupe, de... De m'impliquer dans les activités, de parler à tout le monde, d'essayer... D'essayer au moins de mettre de la bonne humeur dans ce foutu donjon, tout ça pour perdre mon petit frère, puis son mec qui était devenu un vrai ami, et me prendre le rappel, encore, et encore, et encore, que mes efforts servent à rien... Alors... Alors... Je...
— ça va aller, Michi, je soupire, la plus rassurante possible, en lui caressant les cheveux. Je suis toujours vivante. Et c'est aussi mon rôle de t'aider à aller mieux...
— Mais pour combien de temps, Reina ? Combien de temps, avant que l'une de nous... L'une de nous ne meure ou ne tue ? Ou pire... Ou bien pire, sanglote Michi, la tête dans le creux de mon épaule. Et je ne veux pas imaginer le pire...
— Personne ne veut imaginer le pire. »
Personne ne veut envisager que dans les rangs de personnes qui avons survécu se cache la pire des ordures. Personne ne veut vraiment voir un visage aimé se tordre sous le coup de la faux de la Mort, ou celle du Désespoir. Et je crois qu'au fond, chacun essaye de supporter ce fait comme il le peut. En rejetant sa méfiance sur les autres, ou en s'enfermant dans une utopie d'activités de groupe pour éviter que ce ne soit la paranoïa. Mais la mort est inéluctable, dans ce donjon. Elle nous prendra qu'on le veuille ou non.
Le but est de s'en sortir le plus vite possible. Tant que chacun de nous est encore en vie.
Michi passe de longues minutes à pleurer sur mon épaule. Jusqu'à ce que finalement, j'entende ses sanglots se calmer, et ses épaules cessent de se secouer.
Elle finit par soupirer.
« Merci, Reina. D'être... Là, et encore en vie. »
Je souris.
« Je ne compte pas m'en aller de sitôt.
— Promis ? »
Est-ce une promesse que je peux faire ? Est-ce que je la fais seulement à la bonne personne.
Ma terreur de voir ce bonheur brisé d'un coup de Désespoir est toujours bien réelle, et le devient encore plus à chacun de nous qui tombe.
Mais au point où j'en suis, je pense que je ne pourrai pas l'éviter.
Parce que je ne veux voir aucun de ces gens disparaître.
Et elle encore moi.
Je lui relève le menton. Ses joues sont encore striées de larmes, et c'est tout juste si se mettre sur la pointe des pieds lui permet d'atteindre ma hauteur.
« Promis. »
A travers les larmes, elle me sourit.
Et moi, je me penche en avant.
Nos lèvres se joignent sous la pâle lueur des bougies, le silence d'une salle laissée à l'abandon et l'odeur encore omniprésente des restes de notre banquet.
Il y a encore des traces de larmes sous mes doigts, et elle s'accroche à moi comme si nos vies en dépendaient. Derrière ce moment, il y a la menace d'être prise sous le charme d'un serpent à sonnettes et de ne m'en rendre compte que trop tard, mais de toute façon, je crois que j'ai laissé ça disparaitre au second plan.
Après tout, je n'aurai pas de meilleur moment.
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